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Full text of "Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, archevêque de Tours (1056-1133): Sa vie.--Ses lettres"

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HARVARD COLLEGE 
LIBRARY 

non THE BEQUEST OF 

JAMES WALKER 

(CUm of 1814) 
Preaidenl of Harvard Collège 






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IJILLIEHKKT DE LAVAHDl 

ÉVÊQUE DU MANS, ARaitAÈQUE DK' 

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SA VIE. — SES LKTTRES 

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ÉVÈQUE DU MANS, ARCHEVÊQUE DE TOURS 



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HILDEBERT DE LAVARDIN 

ÉVÊQUE DU MANS, ARCHEVÊQUE DE TOURS 

(1056-H33) 
SA VIE. — SES LETTRES 

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ATTACHÉ AU DÉPAHTEMENT DBS MËDAir.LliS HT A-VriUTES 
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PARIS 
UmAIRIEA. PIC.4BD ET FILS 

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G. FLEURY ET A. DANGIN 

94, PLACE DBS GROUAS 



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A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE 



Cette thèse a été présentée à VEcole des Chartes 
en 1895^ mais nous l'avons depuis entièrement 
refondue et enrichie d'éléments nouveaux , puisés 
aux bibliothèques des départements et de l'étranger. 
A ce propos^ nous remercions vivement^ pour la 
complaisance extrême quHls ont mise à nous fournir 
tous les documents susceptibles de nous venir en 
aide: M. Gilson, du British Muséum; MM. Chava- 
non. Dolbet, de Grandmaison, Ixiurain et Brindeau, 
archivistes ; MM. les bibliothécaires d'Angers, de 
Douai, de Grenoble, de Tours et de V école de 
médecine de Montpellier; MM. les Conservateurs 
des manuscrits des bibliothèques de Berlin, Berne, 
Bruxelles et Vienne, de Cambridge, Munich et 
Venise; M. Paul Lecacheu^t, membre de l'école fran- 



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çaise de Rome. La Revue historique du Maine, qui 
nous a offert Fhospitalitéy a droit de notre part à 
une mention de reconnaissance et enfin nous n^ou- 
blierons pas que c'est M. Auguste Molinier, pro- 
fesseur à VÉcole des Chartes, qui nous a encouragé 
à reprendre et à poursuivre ce travail ; puisse le 
lecteur trouver à son tour que nous n^avons pas 
perdu nos peines I 



3i Décembre 1897. 



HILDEBERT DE LAVARDIN 

ÊVÊQUE DU MANS, ARCHEVÊQUE DE TOURS 
{l{fô6-1133) 



PREMIERE PARTIE 

SA VIE 



CHAPITRE PREMIER 
SOURCES DE L'HISTOIRE ET BIBLIOGRAPHIE 

Hildebert, cvêque du Mans, puis archevêque de Tours, b. 
la fin du XI^ siècle et au commencement du XII", est un 
prélat fameux dans l'histoire des lettres latines du Moyen- 
Age, Pour écrire sa biographie avec les développements 
qu'elle comporte, nous avons eu h consulter divers docu- 
munls dont l'examen, très important au point de vue 
critique, doit servir d'introduction ù notre récit. 



SOURCES DIPLOMATIQUES 

Nous parlerons d'abord des Sources diplomatiques. Un cer- 
tain nombre de charles portent le nom d'Ilildebert, soit 



— 2 — 

qu'elles aient été concédées par lui, soit qu'il y figure comme 
témoin. Mais ce n'était pas dans les dépôts du Mans et de 
Tours , que nous avions chance d'en trouver beaucoup : les 
archives départementales sont pauvres pour ces époques 
éloignées. 

DÉPARTEMENTS. — Au Maus, le fonds de l'évéché remonte 
à 1324 seulement, celui du Chapitre à 1334, et les premières 
Chartes originaleA de l'abbaye de la Couture (1), comme de 
celle de Saint-Vincent, portent le sceau de Guy d*Etampes , 
le successeur d'Hildebert. Seuls, le fonds de l'église collégiale 
de Saint-Pi erre-de-la-Cour et celui du prieuré des moines de 
Saint-Aubin d'Angers à Avezé(Sarthe) offrent quelques actes 
intéressants, recueillis par dom Piolin aux pièces justificati- 
ves de son Histoire de Véglise du Mans (t. III). 

A Tours, les registres de l'archevêché ont été brûlés 
presque en totalité à la Révolution ; quelques liasses de 
titres domaniaux, quelques documents relatifs à la juridic- 
tion archiépiscopale, ont seuls échappé à la destruction et 
permettent, tant bien que mal, d'apprécier la valeur des 
possessions temporelles des archevêques de Tours (2); mais, 
si vous voulez constituer un dossier sur l'administration 
d'Hildebert, les éléments vous feront totalement défaut. — 
Après l'archevêché, vient le Chapitre de l'église métropo- 
litaine. Des documents nombreux et anciens nous donnent 
une idée de la richesse et des prérogatives de ce Chapitre et 

(i) Sanctus Petrus de Cultura. — L*abbaye de la Coutu re est aujour- 
d'hui occupée par la préfecture et les services départementaux. Saint- 
Vincent est devenu le séminaire. Ces deux monastères étaient situés 
en dehors de la vieille ville, ainsi qu'un troisième, de l'autre côté de 
la Sarthe, Notre-Oame-du-Pré, abbaye de religieuses dés le temps 
d'Hildebert, qui a conservé son église et perdu ses bâtiments. Quant 
à ceux de Saint-Pierre-de-la-Gour, on a mis à la place un lycée de 
fllles, et le lycée de garçons a hérité du collège des Oratoricns (au 
moyen âge, prieuré de Saint-Ouen, qui appartenait aux moines de 
Saint-Aubin d'Angers). 

(2) Voyez la Notice qui sert de préface au CcUcUogtie des archives 
d'Indre-et' Loire, par M. de Grandmaison. 



N 



il en est de même de l'église collégiale de Soinl-Mai'Liii, 
dont on a conservé les inventaires (analyses des pièces avec 
citations), tandis que les oi-iginauic périssaient; mais 
l'abbaye de FonLiine-les-Blanclies est la seule dont un par- 
clieinio présente le nom d'Hildebert, archevêque (H27). — 
L'évoque du Mans est plus heureux, même à ïoui-s : il est 
mentionné h propos du prieuré fondé par les moines de 
Marmoutier {Indre-el-Loire), à Villiers-Charle magne, dans 
la Mayenne (1114), et de celui dépendant de Saint-Julien de 
Tours à BeaumoiiI-la-Chartre (109C). 

Nous espérions aussi rencontrer le seing d'Uildeberl dans 
les archives de la Mayenne, de l'Orne et de hoir-el-Cher, 
puisque le premier de ces départements, h l'exception des 
environs de ChâLeau-Gontier, le second pour la Ferlé-Macé 
et Domfront, le troisième pour Mouloire et Lavardin, dé- 
pendaient du diocèse du Mans. Or seules les archives de 
Loir-et-Cher nous ofTi-enl trois titres où est mentionné 
Hildebert. Il donne sa garantie à la promesse faite par 
I Gaimard, seigneur de Lavardin, qui avait été excommunié 
par les moines, d'abandonner tous ses droits sur les vins 
, et pressoirs du prieuré de Marmoutier à Lavardin ; — il 
l met l'abbaye de Saint-Georges-du-lîois, pour punir les 
' moines de leur indiscipline, sous la dépendance de Mar- 
L moutieri — et enfin son nom sert ù dater approxiraalïve- 
I menl l'acte par lequel Hugues, Ûls de Robert, et Eudes de 
I Fréterai aftrancbissent une colliberte. Ces trois chartes, 
I aujourd'hui éditées (1), avant de figurer au dépôt de Blois, 
\ se trouvaient à Tours dans les archives de Marmoutier. 

Des collections de chartes séparées, passons aux recueils 
C de copies qui eu furent faits par les intéressés pour les 
[' besoins de leur admiuisi ration et de leurs procès et qui 
I constituent comme des originaux du second degré ; c'est ce 
1 qu'on appelle les CaHulairen. 

Un volume du plus haut intérêt pour nous est, à ce titre, 

(t) Voy. plus liiiii : Cartiilaire l'U'gois Je Marifioutier. 



— 4 



le « Livre blanc » du Chapitre de Saint-Julien, église cathé- 
drale du Mans, conservé à la bibliothèque de cette ville 
sous le n« 259, et qui fut composé pour la plus grande part 
au XIII® siècle avec les pièces antérieures. L'abbé Lottin, 
qui en avait entrepris la publication, a donné les deux pre- 
niières parties, les seules qui nous concernent, en 1869 (1). 
Hoël, le prédécesseur d'Hildebert, notre évèque lui-même 
et Guy d'Etampes y figurent à plusieurs reprises. — A la 
bibliothèque du Mans aussi se trouve le cartulaire de l'abbaye 
de la Couture. Dom Piolin en avait imprimé des extraits, 
lorsqu'il fut publié intégralement par les Bénédictins de 
Solesmes (2). 

Quant aux monastères des pagus voisins, qui avaient des 
possessions dans le diocèse, mentionnons le cartulaire des 
moines de Marmoutier à Vivoin (Sarthe). Il contient (Bib. 
du Mans, f^ 136) une reconnaissance de propriété par 
l'évêque Hildebert, mais qui est datée de 1090, date certai- 
nement fautive (3). Le cartulaire de Savigny (aux archives 
de la Manche) relate le don fait aux moines par le seigneur 
de Mayenne et confirmé par Hildebert. On y voit aussi que 
l'évêque assistait en 1119 le roi Henri I«f d'Angleterre, 
quand il prononça en faveur de cette abbaye. 

Du cartulaire de l'archevêché de Tours, il existe aux 
archives d'Indre-et-Loire une excellente copie ancienne , 
exécutée au XVIIIo siècle pour l'archevêché par dom de 
Bétancourt ; c'est là qu'on peut le mieux étudier la nature 
et l'importance des prérogatives d'un archevêque de Tours 

(i) Charlularium imtiynis ecclesiœ Cenomannensis quod dicitur Liber 
albits CapituU. Le Mans, 1869, îii-4o. — Voy. sur cet ouvrage resté 
inachevé Ja Notice.... de M. Léopold Delisle [Bibliothèque de VKcole 
des chartes, t. XXXI). 

(2) Cart. des abb. de la Couture et de Solesmes. Le Mans, 1831, in-i^. 

(3) Carta de confirmaiiona domus Sancli Albini ab IldebertOj Ceno- 
mannensi episcopo. La date, ajoutée en marge, est d'une écriture mo- 
derne. I/abbé Denis, qui a publié cette charte, h la page 119 de son 
Cartulaire du prieuré de Sainl-Hxppohjle de Vivoin et de ses annexes 
(Paris, lK9i), Ja croit des environs de 1125. 



au moyen âge. Ce c;artul<iire a été publié dans los M^iioirei 
de tfi Société archéologique de Touraine, tomes XXXVII 
ol XXXVIII, 1893 et 1894, par M. Louis de Crandniaison. Il 
s'intitule: Liber bonarnm gentium vel bonorum acluum. li 
débute par une liste des archevêques depuis saint Gatieii, 
liste dans laquelle Hildeberl n'est même pas nommé, 
puisque de Gislebert, son prédécesseur, on passe à Hugues 
sans transition ! Mais on trouve en entier la bulle du pape 
Innocent, de juin 1)90, qui explique longuemeut les origi- 
nes et les péripéties du différend entre les évèques ou 
archevêques de Dol et les archevêques de Tours, dilTérend 
auquel prit part Hildeliert. — I^ cartulaire de t'abbaye do 
Comiery est h la biblitnhèque do Tours, mars il ne liut pas 
mention d'Hildebert. — t^^lui de Nayers, abbaye située 
vers le confluent de la Creuse et de la Vienne, a été édité 
au tome XXII des Mémoires de la Société archéologique de 
Touraine, d'après une copie manuscrite de la bibliothèque 
de Poitiers, par l'abbé G, Chevalier, en 1872; il donne le 
texte d'une cliarle citée par la Gallta chriatiaua h. l'article 
Hildebertui. 



Bibliothèque nationale. — Pour ce qui usi des autres 
abbayes des diocèses du Mans et de Tours, les originaux, 
chartes ou cartubiires, ont péri ; mais heureusement les 
grands érudits du XVII' siècle et du XVIII" nous viennent 
en aide. Ils connaissaient ces vastes recueils de titres qui 
ont été détruits à la Révolution et en avaient fait des copies, 
des extraits ou des mentions, qui, de Sainl-Germain-des- 
Prés, ont passé & la Bibliothèque nationale et qui servent 
puissamment i» reconstituer l'histoire. 

Ainsi, nous n'avons plus l'original du « Cartulaire de 
Saint-Vincent > pour les actes anciens ; mais une copie 
exécutée ;ui XVII" sièile par les soins de Gaignières forme 
la seconde partie du manuscrit 5444 du fonds latin de ta 
Bibliothèque nationale, et M. Bilard s'est servi de cette copie, 



— 6 — 

en 1850, pour compléter celle, fort incomplète, qui existait 
à la bibliothèque du Mans (1). 

Mabille, à force de recherches dans les collections de la 
Bibliothèque nationale, à réussi à reconstituer l'ordre et le 
sujet des chartes de la « Pancarte noire » de Saint-Martin 
de Tours ; mais Hildebert n'y est pas mis en cause. 

Marmoutier avait plusieurs cartulaires ou recueils de 
titres de propriétés correspondant aux divçrses régions où 
se trouvaient ses possessions. C'était, pour le diocèse du 
Mans, le Chartularium Cenomannense, aujourd'hui disparu, 
mais qui fut connu de Baluze et de dom Rousseau (2). 

Grandes étaient aussi les richesses des monastères 
angevins, comme Saint-Aubin (3) et Saint-Nicolas ; elles ont 
servi, avec le Chartularium Cenomannense de Marmoutier, 
les cartulaires des monastères tourangeaux de Beaulieu, 
Preuilly, Turpenay etc., à alimenter la collection des Docu- 
ments inédits pour V histoire de la Tour aine ^ de V Anjou et 
du Maine, collection réunie au XVIII° siècle par les Béné- 
dictins et notamment par dom Etienne Rousseau, dont 
elle porte le nom. Elle fut acquise parla Bibliothèque royale, 
en 1811, de dom Villevieille, et elle est reliée en 39 volumes 
cotés 1 - 30, avec un volume supplémentaire qui porte le 
n® 31 (4). Les actes concernant spécialement la Touraine 

(i) MM. l'abbé R. Charles et S. Menjot d'Elbenne ont entrepris la pu- 
blication (le ce cartulaire dont ils ont donné un premier volume. 
{Cariulalre de Vahbaye de Saint- Vincent. T^Mans, 1886, in-i».) 

(2) Le Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois et celui pour le 
Vendôinoia ont été publiés d'après dos manuscrits de la Bibliothèque 
nationale, mais Hildebert n'y figure pas. — Il n'est pas nommé davan- 
tage, si ce n'est à l'appendice et pour les chartes empruntées au 
Chartularium Cenomannense^ dans le Cartulaire blésois de Marmoutier 
et le Cartulaire de la Trinité de Vendôme^ recueils factices par l'abbé 
Métais. — Quant au Cartulaire tourangeau de dom Cbantelou, c'est 
moins un répertoire des chartes qu'une étude biographique sur les 
abbés de Marmoutier. 

(IJ) Le cartulaire de Saint-Aubin n'a pas péri, mais il est la propriété 
de M. (irille, ancien bibliothécaire. 

(4) Voyez Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXJUI. 



- 7 - 



ont été analysés par Mabille (Bibl. nalionale. Catalogue 
n''66)(l). Les lomes III et IV de la collection renferment 
copie des chartes pour la période qui nous occupe : le l", 
de 1075 à 1100 ; — le 2', de 1100 a 1139 (2). 

L'HUtoire de Bretagne (3) n'a pas été seulement préparée, 
mais écrite par le Bénédictin dom Lobineau et les • preuves » 
que dom Morice y a jointes (Probata) contiennent plusieurs 
chartes qui, tirées d'un ancien cartulaire de l'abbaye de 
Redon, ne figurent pas dans le manuscrit de ce cartulaire 
édité par M. Aurélien de Courson (4) ; or, comme Hildeberl, 
en sa qualité de métropolitain, a été mêlé aux événements 
de la Province, nous avons lii encore un groupe de docu- 
ments qui n'est pas à dédaigner. 



Tableau des Actes. — Telles sont les sources diploma- 
tiques (5) que nous fournissent les collections des départe- 
ments et celles de Paris, touchant l'histoire de notre héros. 
Indépendamment de l'usage que nous pourrons faire, au coûts 
de celte étude, de telle ou telle charte, nous allons énumérer 
par ordre chronologique tous les actes dates qui font mention 
d'Hildebert. Nous ne donnons pas seulement, comme dom 
Beaugendre (6), les diplômes qu'il a concédés ; empruntant 

(\) Société archéologique de Tùuraine, tome XtV. 

f3) On distingue dans c«tte collection plusieurs écrilures. Des laïques 
y ont contribué ; l'un d'eux, à propos du jugement prononcé sur 
î'atTaire Salomon (n' lil07), trouve que le clerc criminel s'en tira È bien 
bon compte, pur un simple serment, et il fait des rëtluxions amëres sur 
l'indulgence de la juridiction du clergé à l'égard des siens. 

(S) Analogue aux travaux érudits de la Bib. nat., l'flwt. de Mafmou- 
lier parD, Marténe, que nous n'avons pu citer avec les simples recueils 
de chartes, existe s Tours manuscrite. {Soc. de Touraine, t. XXV. 

(4) Paris, 18G3 (Docaineata iaédita de Vliiiloire de France). — Ce 
manuscrit appartient à M»' l'archevégue de Rennes. 

(5)11 faut y joindre les Oftiiuairei, ou calendriers mortuaires, dont 
M. Aug. Molinicr n drcssi- le catalogue dans l'étal actuel, (l^ris, 1)490.) 

tR) llildeberti upera. Dans Migiie, Palml. tnl ,t.C.\.%Xl, Diplomala 
(après les lettres), tieaugendrc ii'u d'ailleurs donne que six diplOmes ; 
les sept autres ont été ajoutés par l'éditeur de sou travail dans la 
collection Migne, le chanoine Bourassé. 



— 8 — 

le cadre beaucoup plus étendu de la Gallia christianUy nous 
ne négligeons aucun des documents diplomatiques suscepti- 
bles de nous renseigner sur les événements de sa vie et en 
particulier sur ses voyages. 

Comme archidiacre : 

1 et 2. — Du Chapitre de Saint- Pierre-de-la-Gour, au Mans. 
— Féviier 1096 (date établie par la présence d'Urbain II, 
qui vint entre le 15 et le 26 pour prêcher la croisade , 
d'après les Régenta de Jaffé). Hildebert signe l'acte 
par lequel un nommé Normand Riboule rend aux 
chanoines la prévôté que ses ancêtres avaient usurpée, 
et une autre charte qui leur restitue l'église de Cormes. 
(Imprimé dans D. Pioliriy 49 et 50. — Copie manuscrite du 
XVIIl® siècle aux Archives de la Sarihe^ G. 479.) 

3. — Du Mans. — 1096. Il confirme aux moines de 
Saint- Vincent la possession de l'église de Saint-Pierre-du- 
Lorouer (1). (D. Martène, Ampl. Coll. I, 562. — Cartulaire 
de Saint-Vincent : imp. n« 283, ms. p. 120.) 

4. — Du Mans. — 25 juillet 1096, l'évêque Hoël étant au 
lit de mort. Il est témoin de l'arrangement conclu sur le 
cens dû au Chapitre, pour la terre de Vauboan, par les 
moines du prieuré de Beaumont-la-Chartre, dépendant de 
Saint-Julien de Tours. (Liber albus^ 190. — Archives d'Indre- 
et-Loire, H. 479.) 

Comme èvêque du Mans : 

5. — Il signe « Cenomannensis episcopus » au con- 
cile de Saintes. — Mars 1097. On sait donc par là , 
malgré les assertions contraires, qu'Hildebert était déjà 

(I) De fxtboratorio. — Oratonum, dans rin(îre-ct-fx)ire, adonné, par 
déi'ivatiun de la forme altérée I^oratorium, Le Louroux et, par voie 
directe, Auzouer, deux noms qui participent, l'un pour ses premières 
syllabes, l'autre pour sa finale, de notre Le Lorouer. 



i sacré évèque du Mans à cette date ; autrement, il 
s'intitulerait « évoque élu ». On trouve le jour même de sa 
I consécration au cartulaire de Saint-Vincent (i). C'est le jour 
de Noël, et nous ajoutons : Noël 1096, date qui servira de 
base & notre récit pour la chronologie toute entière. (Mansi, 
Concil. t. XX et Mabilloii, Annales, t. V.) 

(i et 7. — Du Mans. — 20 juin 1097. Il confirme aux 
moines de Saint-Nicolas d'Angers leurs églises dans sou 
diocèse. [CoUectioti D. Housaeau, 1011 et 1017 bis.) 

8, — D'Angers, à la cour du comte Geoffroy. — 6 novem- 
bre 1098. Il juge avec ses pairs d'une contestation entre les 
abbés de Saint-Nicolas' et de Saint-Aubin au sujet de la forêt 
des Echast (2). (Coll. D. H. 1022.) 
0, — Du Mans. — La date porte xvii des kalendes de 
[ janvier, l'an rie l'Incarnation 10:)8, indiction vi, l'an II de 
I l'épiscQpat d'Hildebert. Le 17 des kalendes de janvier, c'esl 
j lo 16 décembre. Que le millésime s'arrêtât à Noël ou k 
Piques, l'année exprimée, le 16 décembre, concordait avec 
lu nôtre. Je date par conséquent : « 16 décembre 1008. i La 
I suconde année de l'épiscopat doit aller, nous présumons, du 
i 25 décembre 1097 au 25 décembre 1098, ce qui est vérifié, 
tjuont au chiffre de l'indiction, il concorde avec l'année 1098, 
l dès qu'on fait partir du t" janvier 313 la première période 
1 indietionnelle Çt). En un mot, cette charte, que n'a pas men- 
I tionnée la Gallia, confirme ses hypothèses sur la date de 
I consécration de l'évèque Hildebert ; elle est écrite en faveur 
des moines de Saint-Aubin d'Angers, pour leur église de 
' Saint-Ouen au Mans. (Deaugendre, I ; D. Piolin, 69 a. — 
Ms. dans tSaluze, 120; Gaignières, fouds latin 17036.) 



(I)« Oie i]ua idem lldaberlus a pr-edicto orchiepiscopo in sede 

[ «ua poHihiH est, qui scîlicet Nutalis Uamiiii eral.... i> (N° 350 de l'im- 
Iirimé -, page IW itii mniiiiscrit.) 

d) Caliarum. 

13) U formule M-31S/Î5 donne pour reste Ij. Ooiic MJH est la 
l> année d'une période iiLdiclioiiuelle. 



— 10 - 

iO. — D'Angers, à la cour du comte Geoffroy. — 1099. Il 
prononce avec ses pairs entre les moines de Saint-Aubin et 
de Saint-Nicolas qui se disputaient le bois de Pruniers (1), 
près d'Angers. {Coll, D. H. 1028.) 

a, — Du Mans. — Novembre 1100. Fondation du prieuré 
d'Avezé, dépendant de l'abbaye de Saint-Aubin. (D. Piolin, 
63. — Original aux Archives de la SaHhe^ H. 290.) 

12. — De la Flèche. — 1102. En faveur des moines du 
prieuré de Malicorne contre Gaudin, seigneur de ce lieu. 
(Imp. jD. Piolin, 69 b. — Ms. Collon D. H, 1216 et Gaignières,) 

i3. — D'Angers, à la cour de Tévêque. — 1104. Hildebert 
souscrit à un nouvel accord conclu» entre les moines de 
Saint-Aubin et de Saint-Nicolas au sujet de la forêt des 
Echast. 

i4. — De Nantes, à la cour de Tévêque. — 1105. Souscrit 
à un décret de l'évêque Benoit, instituant des chanoines 
dans l'église Saint-Médard de Doulon. (D. Moricey Prob. 
t. I, col. 509 et D, Martène, Thésaurus^ t. I, p. 316.) 

15, — Du Mans. — 1106. Confirme les possessions des 
moines de Saint- Vincent dans son diocèse. (Beaug, XI et 
D. Martène, Ampl Coll. I, 606.) 

i6, — De Tours, par-devant le pape Pascal II. — Mars 
1107. Est témoin du jugement rendu contre les moines de 
Noyers au sujet de l'église de Crouzilles. {Cartulaire de 
Noyers^ n^ 357.) 

i7. — Du concile de Troyes. — Mai 1107. Souscrit à un 
diplôme rédigé en faveur des moines de Gluny. (D'après une 
lettre de Pascal II à Hugues, abbé de Gluny, ap. Rer. GaUic. 
script, t. XV, p. 38.) 

i8. — Est au concile de Loudun. — 1109. (Labbe, Mansi, 
Concil.) Approuve l'accord conclu entre Marmoutier et 
les chanoines de Ghemillé au diocèse d'Angers. (Impé d'Ache- 

(1) Dom Housseau écrit Prunières, qui traduit mieux le Prunarias 
de la Galliay mais il n'y a pas de localité de ce nom au Dictionnaire 
des postes pour notre région. 



^ 



w^ 



- w - 

ry, Spicil. t. I, Rar. Gallic. script, t. XV et Maratu (1), n" 4. 
— Ms. Gmijiiièreu, t. I. 5441, II.) 

iif. — D'Etival-en-Charnie. — 1109. Fondation de l'abbaye. 
(Vîdimus de 1285 par Itaoul de Beaumoiit, impé par D. 
Pioliti, 53 et ms. dans Gaifj'iières, t. I. 17097.) 

20. — De Malicorne, — 1109. Va trouver Gandin de 
MaJicorne avec l'abbé de Sainl-Vincentot lo pousse à renon- 
cer aux droits qu'il revendiquait contre le prieuré de Saint- 
Guingaloisde Marmoutier. (CarttUaîre de Saitit-Vincent.l 

Si. — Du Mans. — 1109. Sanctionne le don d'une vigne 
fait par le chanoine Kngelbaud à l'abbé de Suint-Vincent. 
(Cartulaire de Saint-Vincent. j 

9S. — Du Mans. — 1111. Confirme les possessions des 
moines de Siiinl-Aubin dans son diocèse. (Liber albus, 110 
et D. PioHn, 59. — Vidimus du 13 novembre 1582 aux 
Archives de la Sarthe, H. 267.) 

55. — Du Mans.— 1112. Fait rendre aux moines de 
Saint-Aubin, trois églises par Raoul, vicomte du Lude. 
(CoUon B. H. 1316.) 

S4. — Du Mans. — 1112. Hildebert remet à l'abliaye de la 
Couture, moyennant (inances, des églises qu'il avait recou- 
vrées sur les laïques (2). {D. Pioiiii, 57 et CorlMiaire de la 
Couture, 0° 33.) 

35. — Du Chapitre de Marmoutier. — 1114 (3). Donne 
aux moines l'église de Villiers-Charlemagne. (Beaug. XII et 
Baluze, Miscellanea, t. III, p. 63. — Collo» D. H. l^fôl.) 

56. — D'Angers, dans la cour de l'évéque. — 1116, Est 
juge dans la cause du meurtrier Salomon. {CaU<"t D. il. 
1367.) 

(1) ALilHi Marutu. Girard, évèjue iC AnyoMième. Omis le BuUelin hulo- 
rjtfu« du la Charente (18(>t). 

(S) Parmi ces égltsesfl^re celle d'Jv«sia IWbise), qu'il ne faut pas 
Gonrondre avec Avenrmim (Aveïé), cité plus haut, 

(3) l.'iuventaiiv de MurmoiititT. oiix Arrhixies d'Indre-et-Loire, meii- 
tionni! cet ucle avec lu date iïiusse Jb 1121. 



I 



— 12 - 

27 et 28. — D'Angoulême(l). — 17 février 1117. Approuve 
l'accord entre Tabbé de TEcluse et celui de Tulle au sujet 
de Téglise Saint-Nicolas d*Aurioles. (Impé Baluze, Hiift. 
Tutel, append. col. 441) et, dans le même concile, la con- 
vention faite par l'abbé de Limoges et celui de Saint-Etienne- 
des-Vaux. (Ms. f. 1. 10124.) 

29, — De la Flèche. — 1117. Souscrit à une charte de 
Foulques, comte d'Anjou et du Maine, par laquelle le prieuré 
de la Fonlainc-Saint-Martin (Sarthe) est donné aux reli- 
gieuses de l'abbaye de Saint-Sulpice de Rennes. {Gaignièresj 
f. 1. 17048.) 

30, — Du Chapitre de Notre-Danae d'Evron. — 1118. 
Donne l'église de Louvigné (2), près Laval, à l'abbé de 
Marmoutier. (Beaug, IL — Ms. Baluze, 120 ; Gaignières, 
f. 1. 5441, L) 

31, — Du concile d'Angoulôme. — 1118. Souscrit au 
décret par lequel le lieu dit Tussonest adjugé au monastère 
lie Fontevrault. (Impé Maratu, n« 23 et Clypeus nasc, ord, 
Fonieb, t. L) 

32, — D'Argentan. — 25 décembre 1119 (3). Assiste le roi 

(1) M. Ilauréaii, dans la Galliaj dit que cette charte fut composée et 
HiKHÔo à Tulle (ri<<e/ie>. Mais, dans le texte donné par Baluze, on lit: 
« EngolismiD convenerunt ». — D'autre part, si labbé Maratu n'a pas 
coiiunis la même erreur, il a eu tort de donner comme quantième le 
il) avril (on lit XIII des kalondes de mars et non de mai). — Cela posé, 
noua rapprocherions volontiers cette charte de notre n® 31, en suppo- 
wuit que, l'année commençant à Pâques, février 1117 corresponde 
À notre 1118, mais l'indiction X, mentionnée dans les n<» 27 et 28, 
nous forco h les mettre à part (puisque l'année 1 117 peut seule con- 
corder avec l'indiction \\ et nous inclinons à l'hypothèse de l'abbé, 
qu'il y aura ou deux conciles d'Angouléme, en 1117 et 1118. Hildebert 
aura donc fait doux fois le voyage; mais comme nous l'avons dispensé 
d'aller A Tulle, le déplacement que nous lui imposons n'a rien 
d'exagéré, 

(2) Lupinicu^on. Louvigné (Mayenne), plutôt que Louvigny (Sarthe), 
d'upn>8 Lo Paigo, !)ictwu»aire du Maine, 

{s\) Lo (oxto \kmW : Antio quo rex Atiglorum dimicavit et d^'Vavit 
rtgem Francorum, ^Bataille de nrenneville ou Brémule, 1119.) Dans 
lo coriw de lacto, on lit : apud Argenteium (Argentan ?) et en suscrip- 
tiou : aptid Bc^ocas (à Bayeux). 



- 13 — 

Henri !«' d'Angleterre, quand il prononce entre l'abbaye de 
Saint-Etienne de Caen et celle de Savigny au sujet de l'au- 
mône de Mortain. (/fô6ert-jDwperron (1) et GaWta, XI, Ins- 
trum. — Ms. dans Cartulaire de Savigny.) 

33 et 34. — Du Mans. — 1120. Approuve les dons du 
seigneur de Mayenne et de Robert Pavon, clerc de l'église 
du Mans, propriétaire de Notre-Dame de Mayenne, à Mar- 
moutier. {BeauÇj III et VIII et D, Piolin j6i, — Ms. Baluze^ 
120.) 

35. — Du Chapitre de Notre-Dame de Josaphat au diocèse 
de Chartres. — 11 janvier 1121. Souscrit à une* charte de 
l'évêque Geoffroy, (Gallia^ VIII, Instrum. — Ms. Collo" d^ 
Chesncy vol. IV, p. 189.) 

36. — Du Mans. — 1125. Confirme leurs possessions aux 
moines d'Évron. (Beaug. IV.) 

Comme archevêque de Tours : 

37. — De Tours. — 1126. Hildebert confirme aux moines 
de Missy l'église de Sainte-Maure. (Ms. D. Etiennoty f. 1. 
12739.) 

38. — De Tours. — 7 août 1127. Il sanctionne la donation 
faite par le sire de Ghâteau-Regnault aux religieux de 
Fontaine-les-Blanches (Galliay XIV, Instrum. Transcription 
par l'ofQcial, aux Archives d'Indre-et-Loirej H. 112.) 

39 et 40. — De Redon, au monastère de Saint-Sauveur. 
— 23 et 24 octobre 1126 ou 1127. « Réconciliation » de 
l'église à la suite des violences qui y avaient été commi- 
ses et donation faite par Olivier de Pontchâteau {D. Morice^ 
Prob. col. 553 et 555. Cartulaire publié par Aurélien de 
Courson, n» 347 et Appendice, 70.) 

4i. — D'Angers. — 1128. Assiste à la translation des 
reliques de saint Aubin dans une châsse neuve. (Z). Morice^ 
Prob. t. I, col. 559.) 

4^. — De Tours. — 1128. Donne aux chanoines de 

(1) Deven. Hildeberti vita. Bayeux, 1855. Pièces justificatives. 



— 14 — 

Toussaints, à Angers, Téglise de Saint-Hilaire de Tours, 
restituée par Simon Machaud, chevalier. (Collon D, H. 1498.) 

43, — De Turpenay, en Touraine. - 1129. Fondation de 
l'abbaye. (D'après un fragment du cartulaire, déchiffré dang 
la Collon D, H. t. XV.) 

44. — De Sens. — 1132. Souscrit avec Geoffroy, évoque 
de Chartres, et Etienne, de Paris, à un diplôme concernant 
quelques églises données à l'abbé de Bonneval. (GaUia^ 
XII, Instrum.) 

45 et 46. — De Redon, au monastère de Saint-Sauveur. — 
Février 1133. Consacre la chapelle de l'infirmerie à sainte 
Marie-Madeleine, préside un concile ou synode d'évèques 
et souscrit à une donation de Guégon de Blain. (jD. Morice, 
Prob., t. I, col, b68y ^9 et blO ei Appendice au cartulaire 
publié, n« 74.) 



§ II. 

SOURCES NARRATIVES 

ŒUVHES D'HILDEBERT ET DE SES CORRESPONDANTS 

Parmi les Sources narratives, celles qui émanent d'Hilde- 
bert lui-même et de ceux qui furent en relation avec lui 
doivent naturellement être consultées en première ligne. 

Lettres. — Ses lettres nous fournissent quelques rensei- 
gnements ; mais nous ne croyons pas devoir aborder dès à 
présent l'examen critique des divers manuscrits qui les 
renferment : pareille étude trouvera plus loin sa place (1). 
Notons seulement, dans l'édition qu'a donnée dom Beau- 
gendre {Uïgne, Patrol, lat,j t. CLXXI, Hildeberti opéra), les 

(i) II» partie, chapitre I«'. 



1 



— i5 - 



leUres II, 8 ; — II. 17 et 18 ; — III, 7 et 21, h consulter pour 
l'histoire de l'évêque du .Vans. 

Dans la lettre II, 8, Hildebcrt s'excuse auprès des légats 
du Pape de ue pas s'èlre rendu au concile de Poitiers, et, 
en expliquant ses empêchements, fait l'historique des 
troubles causés par l'invasion de Guillaume le Roux, roi 
d'Angleterre et duc de Normandie, dans le Maine ; — dans 
les lettres II, 17 et 18, il raconte son arrestation et son em- 
prisonnement à Nogent-le-Rotrou par le ministre du comte 
du Perche, ennemi des Manceaux, et dans la lettre III, 7, 
les péripéties de son voyage au retour de Rome ; — dans la 
lettre lU, 2l,enfm, il est déjà archevêque, mais il envoie 
par écrit son témoignage dans un procès û l'abbé de Saint- 
Vincent du Mans, et, faisant un retour en arrière, il fixe des 
dates qui nous serviront de points de repaire pour sa 
biographie. 

Voilà tout ce que nous avons pour l'histoire de son 
épisoopat dans la correspondance d'Hildebert. Il faut y ajou- 
ter deux leltres qni lui furent adressées par Yves de 
Chartres (Migne, Palrol. lat.,t. CLXII, n" 74 et 277) et huit 
par Geoffi-oy de Vendôme (t. CLVII, I. 111). 

La lettre 277 fui écrite par Yves, évoque de Chartres, 
h Hildebert, k la suite d'une dénonciation que le parti des 
chanoines hostiles h son élection avait faite des désordres 
qu'ils lui reprochaient et qui le rendaient indigne, disaient- 
ils, des fonctions épiscopales. Yves de Chartres renvoya les 
accusations h l'intéressé en l'invitant à réfléchir. 

Certains auteurs, désireux d'épargner à l'illustre évêque 
du Mans cette mortification, ont soutenu que la lettre était 
apocryphe, les autres qu'elle n'était pas à l'adresse 
d'Hildebert. 

Juret, éditeur d'Yves de Chartres (I), prétend que la 
lettre était destinée à un Aldebert, qui ne serait point le 

(1) Dans Migne. 



— 16 -^ 

même que notre personnage : « Aldeherto Cenomanneiisia 
ecclesise elecio ». C'est en effet ce qu'on lit. Mais d'abord, 
celui dont il s'agit a été archidiacre de l'église du Mans et 
puis « évêque élu » au temps d'Yves de Chartres, et où le 
placer dans l'ordre des faits, sinon dans le cadre de cette 
biographie? Ensuite, nous avons des exemples de Aide- 
hertus et autres formes, tenant lieu de celle qui a prévalu ; 
telle est la suscription de la lettre III, 1, d'Hildebert dans 
Beaugendre (1), ou encore sa souscription h un diplôme de 
l'évêque de Nantes en 1105, mentionné le quatorzième de 
notre série. 

Il reste à soutenir, comme l'a fait Beaugendre (2), que la 
lettre n'est point d'Yves de Chartres et qu'elle fut supposée. 
Or, nous la lisons parmi les siennes dans les manuscrits 
2485 et 2487 de la Bibliothèque nationale. A la vérité, dans 
le 2485, elle est la dernière du recueil ; mais, dans l'autre 
manuscrit, elle se lit entre deux lettres copiées de la môme 
écriture et qui furent manifestement composées par Yves 
de Chartres. 

Quant aux lettres de Geoffroy, abbé de la Trinité de 
Vendôme, à Hildebert, elles sont pleines de récriminations 
au sujet des empiétements de la comtesse de Vendôme ou 
d'Hamelin de Montoire sur les biens que possédait l'abbaye 
dans le diocèse du Mans, ou bien elles concernent Tafliure 
du moine Jean, habile architecte, qui avait obtenu la per- 
mission de venir travailler à la cathédrale du Mans et qui 
resta dans cette ville malgré les ordres répétés de son 
supérieur ; d'autres enfin ont rapport à l'élection disputée 
de Rainaud de Martigné, évêque d'Angers. 

Les lettres où on trouve l'historique de la querelle 
d'Hildebert, archevêque de Tours, avec la cour de France, 
sous Louis le Gros, et des discordes intestines qui s'ensui- 
virent dans le diocèse, se lisent dans Beaugendre, au 

(i; Credidi me peccaturum. 

(2) Uildebcrti tifa, par Beaugendre, dans Mign«3. 



- 17 - 

livre IL Mais il ne faut pa> se tier U loriin- d:iii> le<]uel 
il les présente, et, quant aux manu>ont>, ils lï* liront ]<a>. 
au poinî de vue clirMnolc*giqiir, un nit- illour gi«.«iijvniont. 
Par bonheur, la suite îles lettres se iwnnstitue aisément 
d'après leur contenu. 

ï^ lettre II, 33, n'est adressée à personne en particulier ; 
supplique et remontrance au nji, reproches aux évèques 
qui se montrent indifférents. Plaintes sur le malheur des 
temps, on y fait allusion à ce qui vient de se passer sans 
donner aucun détail précis. La lettre IL «W, est plus nari'a- 
tive, plus explicite: l'archevêque y rappcll»' que, un an 
environ après son an-ivée à Tuurs, le rûi a disposé, sans le 
consulter, des charges de doyen et d'archidiacre ; il racoiilr 
ses vaines démarches fi la cour de France, la ounfiscalion 
qui s'ensuivit, et il demande au légat ses hons offices, pour 
le réconcilier avec Louis VI. 

Prenons les lettres qu'il adressa au pape Ilunorius. La 
lettre II, 38, est la première de celles où il lui parle de ses 
démêlés avec la cour de France. « Quantis.... sanctilatem. » 
Les rapports se détendirent sur ces entrefaites ; car, dans 
la lettre II, 40, Hildehert s'excuse auprès du Pape de n'avoir 
pjis terminé une affaire dont il l'avait chargé, par la nécessité 
où il fut de répondre aux avances du roi qui Finvitait à la 
cérémonie du couronnement de son fils Philippe à RtMUîs 
(Pâques H29). Mais la réconciliation n'était pas entière; elle 
le devint grâce à l'intervention du roi d'Angleterre, Henri I**", 
qu'Hildebcrt remercie par la lettre II, M). 

Les lettres II, 30, 37, 38, racontent h\ (pierelle ilu doyen 
Raoul, celui-là même que choisit Hildebcrl par opposition 
à la volonté royale, avec le chanoine Nicolas, \r guel-apt^ns 
dont Nicolas fut victime de la part du IVère du doyiMi, 
l'instruction judiciaire et la mort de Raoul. Seuleni»Mil, la 
lettre 38 est antérieure à la lettre 37 ; la lettre 38 sciilr parle 
de la seconde audience où intervint le légal Girard cl du 



— 18 — 

départ pour Rome de Raoul, qui fut assassiné en chemin. 
Hildebert en fut tellement irrité, qu'il écrivit une lettre de 
protestation contre Fabus des appels en cour de Rome, et 
c'est le n« II, 41 ; dans le II, 47, il se plaint encore que le 
Pape ait levé des excommunications prononcées par lui. 

Les lettres II, 30, II, 31 et II, 35, concernent les rapports 
du métropolitain, archevêque de Tours, avec la Bretagne, 
tant à propos de la succesîion de l'archevêque Baudry au 
siège de Dol que du concile convoqué à Nantes par le duc 
Conan III. Quant au n® II, 44, c'est une lettre adressée à 
Hildebert par saint Bernard* pour le prier de faire acte de 
soumission au Pape reconnu par Tépisôopat français , 
Innocent II, et de se détacher d'Anaclet, proclamé anti-pape. 

Sermons, i?oÉsiES, etc. — Parmi les sermons d'Hildebert, 
un seul a une valeur historique : c'est celui d'après lequel 
il aurait été présent au concile de Chartres, en 1124, et y 
aurait joué un rôle. On trouve ce sermon dans le manuscrit 
de la Bibliothèque nationale f. 1. 2487, ainsi que dans un 
manuscrit de la Bibliothèque ambrosienne (à Milan) , et 
dom Brial a édifié là-dessus une petite dissertation fort 
intéressante qui a paru dans les Mémoires de V Académie 
des inscriptions (1). 

Les poésies d'Hildebert nous donnent l'écho de ses sen- 
timents dans plusieurs occasions mémorables de sa vie ; 
citons les deux pièces relatives à son voyage à Rome (De 
Boma)^ le poème sur son exil en Angleterre {De Exsilio suo 
liber) et la réponse à une jeune fille, restée malheureuse- 
ment inconnue, qui lui avait envoyé des vers pour le con- 
soler. (Ad Virginem quamdam versu peritissimam.) 

Enfin, Hildebert a écrit un ouvrage historique, la « Vie de 
saint Hugues » (2), abbé de Gluny, où il a occasion de 

(l) Plus exactement : Mémoires de V Institut. CUisse d'histoire, t. IV, 

Ami. 

C2) Saint Hugues, né en 102i, sixième abbé de Quny (1049-1109), légat 



^» m'\ I 



— 19 — 

relater quelques souvenirs personnels. On doute au pre- 
mier abord qu'il en soit Fauteur incontesté, car il s'intitule 
simplement: « Hildebertus , professione sacerdos, vita 
peccator », et il y eut plus d'un Hildebert dans le clergé au 
XII*^ siècle ; mais, quand il raconte qu'il vint à Gluny, en 
qualité d'archidiacre, avec l'évéque Hoël, son prédécesseur 
{antecesisor noster Hoellus), le doute n'est plus permis. Dom 
L'Huillier, moine de l'abbaye de Solesmes, qui a écrit en 
1888 la Vie de saint Hugues^ avec une science digne en 
tout point des meilleurs ouvrages des Bénédictins de l'an- 
cien régime, dom L'Huillier atïlrme dans son introduction 
que notre prélat s'est contenté de mettre en plus beau lan- 
gage le récit des moines Gilon et Ezelon, au risque d'en 
effacer la précision et la valeur documentaire. Mais Hilde- 
bert lui-même, dans sa préface, ne se porte garant que des 
choses qu'il m vues de ses propres yeux, et les deux ou 
trois passages très courts visés par cette déclaration sont 
les seuls qui intéressent notre sujet. 



§111 

SOURCES NARRATIVES 

CHRONIQUEURS 

Les Gesta. — Si la correspondance d'Hildebert est bonne 
surtout pour éclairer son histoire comme archevêque de 
Tours, en revanche nous avons pour son épiscopat une 
précieuse chronique. C'est le récit qu'a donné un clerc de 
la cathédrale, dans les « Actes des évêques du Mans », 
recueil fait à l'imitation du Liber pontificalis (1). 

de Grégoire VII, mit les ressources de TOrdre au service de ses idées 
de réforme et de domination théocratique. On peut dire que (Uuny 
atteignit à Tépoque de saint Hugues son apogée. 
(1) Tours n*a point la pareille, et pourtant le plus ancien livre épisco- 



— 20 - 

Nous en possédons deux textes. L'un est le manuscrit de 
la bibliothèque du Mans n<* 224, reproduit par Mabillon dans 
ses Vrlera mialecta (p. 313); l'ouvrage y est intitulé Actus 
po7itificum Cenomannis in ui*he degenlium ; chaque « Vie » 
particulière a le titre de Gesta (1). L'autre texte est la copie 
faite par André Du Ghesne au XYII» siècle (Bibliothèque 
nationale. Baluze, XLV, p. 131) d'après un manuscrit au- 
jourd'hui perdu. Cette copie se trouvait dans la bibliothèque 
de Colbert et fut communiquée à Mabillon par Baluze ; mais, 
pour les « Vies » qu'il possédait complètes (et c'est le cas 
pour notre Hildebert), Mabillon ne s'en servit pas. M. JuUen 
Uuvet, Il qui nous devons ces détails, avait soigneusement 
comparé les deux exemplaires dans l'étude qu'il préparait 
sur les Gesta AJdrlci (2) ; son travail a paru dans la* jBibZto- 
thèqne de VÉcole des chartes, t. LIV, 1893. 

Le manuscrit d'où' André Du Ghesne a tiré sa copie devait 
être du XII" siècle, puisqu'il s'arrêtait au milieu de la vie 
de Guy, le successeur d'Hildebert. Ses possesseurs avaient 
ajouté de siècle en siècle , jusqu'au XVII^^ , le nom des 
évoques qui étaient venus ensuite. — Le manuscrit du 
Mans est du XIII® siècle, mais il semble qu'il en représen- 
tait un du XII^, parce qu'il offre une lacune après l'évêque 
Guillaume, le second successeur de Guy (1186). On l'aura 
recopié vers le temps de la mort de Geoffroy de Loudun 
(1255), dont la « Vie )> a été ajoutée. Nous supposons que 
les Vies mêmes des deux successeurs de Guy n'étaient pas 

pal fait ù rimitation des monographies des Papes qui nous soit par- 
venu est le chapitre De Episcopis Turonicis de Grégoire de Tours. Mais 
Tanivre n'a pas trouvé de continuateur. 

(1) Réédité par Beaugendre et par Migne, PatroL lai. t. CLXXL C'est 
h cette édition que nous renverrons le lecteur. 

(2) Aldric, évéïjue du Mans au IX* siècle, auteur présumé ou inspi- 
rateur des « Kausses Décrétnles » et de divers autres recueils de con- 
trefaçon. Avant les travaux de MM. Simpson et Julien Havet, Topinion 
dominante voulait que ces ouvrages eussent été fabriqués à Heims, au 
temps d'Ebbon. 



•21 — 



dans le premier original. En effet les Actu» sont pr^cédi^s 
d'un catalogue des rois de France et d'un catalogue des 
évoques, écrits à la même époque que le reste du manuscrit 
et coDliiiués par des additions de diverses mains. Or, la 
partie de première main s'arrête, dans le catalogue des 
rois, à l'avènement tle Louis VII (1 137) et, dans lo catalogue 
des évèques, à la vacance qui suivit la mort do Guy (HÏS). 

On peut doue se demander si nos deux manuscrits ne 
seraient pas deux copies d'un même original, exécuté ou 
achevé vere li37, lequel nous serait parvenu dans le ma- 
nuscrit Du Chesne un peu Ironqué, et augmenté dans 
l'autre posti^rieuremi'iit des vies di,> Hugues, Guillaume et 
Geoffroy, de Louduii. 

Telle est l'hypotlièsc de M. Julien Havet. Maintenant, à 
combien d'écrivains dilTérentB devons-nous attribuer ces 
biographies? Est-ce le même auteur ou des auteurs diffé- 
rents, qui^onl composé les Vies de Hoél, Hildehert et Guy'? 
ha première phrase de la Vie d'Hildebert, dans Mahillon et 
dans le ms. 2'i4, est obscure ; mais, dans la copie de Du 
Chesne, ^lle donne des renseignements. On y lit ; « Expletis 
D proiit potui duorum epiaco}torum, domni videlicet Amatdi 
» atque Homni lloelli, gestis, veiierabilia quoque Hildeberti, 

■ HOU imparis meriti, aclu» descrihere dUposiii.... — Après 
» avoir achevé comme j'ai pu les Vies de deux évéques, 
» Amauld et Hoel, j'ai entrepris d'écrire également l'hisloire 
> du vénérable Hildeberl, dont le mérite n'est pas moindre. » 

Ainsi, c'est le même clerc qui a écrit les Vies d'Arnauld, 
de Hoël et d'Hildebert. Il mentionne la mort d'Hildebert; 
• on peut donc encore, dit M. Havel, lui attribuer avec 
» vraisemblance la Vie de Guy, ou, tout au moins, la partie 

■ de cette Vie commune aux deux manuscrits s. Disons les 
Getta Guidnnia, sans restriction ; car, dans l'une comme 
dans l'autre leçon, l'auteur annonce, dès le début, qu'il 
racontera la mort du prélat (1). Sa composition s'arrètuil en 



(1)« 



.. Uesta et obiluin Guidonis CenomanaeDsis episctipi, qutbus- 



— 22 — 

1135 ; c'est dire qu'il vécut dans le second quart du XII® 
siècle, en un temps où le souvenir des actes d'Hildebert au 
Mans ne datait pas encore de bien loin. Aussi n'a-t-il pas 
mis en tête de cette biographie, comme pour celle des deux 
prédécesseurs, ce petit mot d'excuse : proiit potui^ « comme 
j'ai pu ». Il était trop bien renseigné pour ne pas conter 
hardiment. 

Ce clerc écrivait en assez bon latin ; il ne dédaignait pas 
de rythmer ses anathèmes à l'adresse des rois orgueilleux et 
des hérétiques par du Virgile, témoin cette fin de vers (1) : 

Hoc volvenda dies en attulit iiltro (2). 



Passons au récit des faits que « les jours en se déroulant 
amenèrent d'eux-mêmes ». Il ne constitue point une source 
indépendante de la correspondance : l'auteur a consulté les 
lettres d'Hildebert ; il en préfère le témoignage à ses souve- 
nirs ou aux renseignements qu'on a pu lui donner, et il y 
renvoie plusieurs fois ; mais on trouve dans les Gesta ce 
qui manque dans la correspondance, un récit suivi et dé- 
taillé, dont la chronologie est satisfaisante. 

Si Baronius et les auteurs de VHùtoire littéraire y avaient 
donné toute leur attention, ils se seraient épargné de vaines 
conjectures on ce qui touche les voyages d'Hildebert à Rome 
et en Italie. Baronius croit qu'il y alla en 1107 (3) et 

dam ibi competentor insertis, quse suo tempore noscuntur accidisse, 
strictim adnotare decrevimus. » 

(1) Dans Migne, 9i D. 

(2) Iris, déesse de l'are-eii-ciel, envoyée de l'Olympe par Junon au 
roi des Rutuies, lui dit (Enéide, IX, 5 et suiv.) : 

Turne, quod optauli divutn promittere nemo 
Auderet, volvenda dies en attulit ultro. 
jEneas, urbe et sociis et classe relxcta^ 

« Turnus, ce que pas un des dieux n'aurait osé promettre à tes 

vœux, voini que les jours, eu se déroulant, l'ont amené d'eux-mêmes. 
Kuée abandonne «i ville, ses compagnons, sa Hotte » 

(3) Uaronius. Annales ecclesiastici. Année 1107. 



dM 



i'Bialoire littàra're a adopté cette opinion. Consultons les 
Gesta. On y voit Hildebert partant pour Rome immédiate- 
ment après la rentrée d'Hélie au Mans (HOO), et le récit ne 
comporte pas entre ces deux faits un intervalle de sept 
années. Ainsi le voyage s'accomplit dans les toutes pre- 
mières années du XII^ siècle, et, si Hildebert en projeta un 
autre, ce fut quinze ans plus tard. 

Vers mi, dit notre clerc, parut dans le diocèse du Mans 
l'hérésiarque Henri, au moment où l'évèque venait de se 
mettre en route pour l'Italie. Il rebroussa chemin, semble- 
t-il , pour prêter main-forte à ses chanoines contre le 
terrible prêcheur. Ainsi fut entrepris et interrompu le 
second voyage d'Hildebert à Rome. Quant au troisième, 
celui du concile de Latran, la leltre III, 4, d'Hildebcrl nous 
apprend qu'il devait s'y rendre, mais l'auteur des Gevla 
n'en parle pas. 

Ordebic Vital. — Avec Orderic Vital, qui vécut dans le 
même temps (1), l'horizon politique s'élargit. On voit alors 
que l'expédition de Guillaume le Roux dans le Maine a fait 
partie d'un vaste plan de campagne dirigé contre la monar- 
chie française, qu'il s'agissait d'attaquer à la fois, de face 
par le Vexid, de flanc par le pays charlrain, et ainsi on 
comprend mieux par contre-coup les revirements de la 
pohtlque normande dans le pays qui nous occupe. De mômo, 
quand le comte d'Anjou, une fois devenu comte du Maine, 
entra en lutte avec le roi d'Angleterre, on voit qu'il était 
l'allié de Lquis VI le Gros et soutenait Guillaume Cliton, 
ÛIs de Robert Courtcheuse et prétendant au duché de 
Normandie que détenait son oncle Henri I". 

Orderic Vital raconte les choses d'un point de vue plus 
élevé que n'est celui des petits intérêts d'une église locale. 



(1) Né eiil075, niortenil4it, il élaii de vtiigtans plus jeune qu'llil- 
debert et mourut dix ans après lui. 



— 24 - 

Aurait-il un véritable esprit de patriotisme normand? Non. 
Il écrit de fort belles phrases sur le malheur de cet empire 
que la gloire du Conquérant avait élevé si haut et que l'in- 
dolence de Robert laissa momentanément s'abîmer dans 
Tanarchie (1), mais ce sont les intérêts de l'Église dans la 
province qui le passionnent. C'est pour les avoir laissés 
péricliter qu'il en veut au duc malheureux et incapable ; 
Guillaume le Roux, impie et débauché, est moins maltraité 
parce qu'il est plus ferme, et Henri I^^*", le maître hypocrite, 
ayant su administrer, a toutes les sympathies du chroni- 
queur (2). Orderic veut la paix, nécessaire à la prospérité 
des établissements religieux. Parce que les Manceaux , 
placés entre la domination normande et l'épée angevine, 
faisaient la guerre tantôt pour l'une tantôt pour l'autre, 
afin de mieux leur échapper, notre Normand natif d'Angle- 
terre, « Angligena », traite assez durement ce petit peuple, 
brave, dit-il, mais bien léger ! On le voit, ce n'est pas d'hier 
que les Français ou les ancêtres des Français se sont vu 

reprocher leur légèreté (3) 

L' « Histoire ecclésiastique », (car tel est le titre porté par 

(1) a Ecce quibiis <erurunis superba profligatur Normaimia, qua3 
nimis oliin victa gloriabatur Aiiglia et, iiaturalibus regni filiis trucida- 
lis sive fugatis, usur[)abat eoriim possessioncs et imperia Nunc, 

sicut Habylon, de codem bibit Iribulationum calice, unde neqiiiter alios 
solita est iiiebriare. » (VI II, 15.) 

(2) Guillauino de Malmesbury, autre chroniqu^^ur contemporain, pro- 
fesse la même sympathie pour Henri I*f Beau Clerc, Mais tel n'était 
pas l'avis do Henri de lluntindon. D'après lui, Henri I*"* se posa en 
défenseur de la morale tout en menant une vie dissolue, et il eut l'art 
de faire aimer son administration à l'Eglise en la pressurant. Certes, 
c'était un habile liomme 

(3) « Nam quidam Ctniomannensium, qui quasi naturali semper 
inipiietudine agitantur et mobilitate sua pacem turbant ipsique tur- 

bantur (VII, 10.) Us troublent la paix du monde et se troublent 

eux-m»*Mnes. » Cf. le chroniqueur angevin de Saint-Aubin : 

<• More suo sibi fraudantibus et a se deficienlibus « (année 1(K^.) 

L<; malheur ues Manceaux fut d'avoir leur histoire écrite par leurs 
voisins et ennemis. 



^ 



.•9 



■ 25 - 



lu chronique il'Orderic Vital,) constitue une source tout à 
fait inilépeiidaiite des Gesta, comme des Lettres, et il n'y 
a pas d'apparence ijue l'auteur ait reçu des renseignements 
directs de l'église du Mans ; il interrogeait les pèlerins, les 
chevaliers qui passaient par son couvent de Saint-Evroult 
et il faisait profit de ce qu'il entendait. Malheureusement, 
ses dates sont embrouillées, mais M. Léopuld Delisle, dans 
l'excellente édition qu'il a donnée comme complément et 
révision de celle de M. Aug. Leprévost pour la Société de 
l'histoire de France (1) a réussi ;i tirer de 1' < Histoire 
ecclésiastique * rt'Orderlc une chronologie qui se lit à la fin 
du dernier volume et renvoie aux diverses pages du récil. 

Orderic Vital est un écrivain agréable. Il compose volon- 
tiers des harangues à la mode aniique, mais ces discours 
sont appropriés au caractère du personnage fi qui il les 
prôte. Il a feit l'éloge d'Hildebert. 

Guillaume de Malmesbury (mort vers 1150) (2) a fait aussi 
l'éloge d'Hildebert ; les autres chroniqueurs anglais, Uoberl 
de Hunlindon (3), Florent de Worcester (i) et Siméon de 
Durham (5), n'ont pas parlé de lui. mais ils mentionnent 
l'expédition de Guillaume le Roux dans le Maine. Roliert de 
Torigny, alibé du Mont-Saint- Michel, nous apporte un (ail 
nouveau dans sa chronique (6), quand il dit que l'église de 
Savigny, abbaye fondée vers 1105, fut dédiée le 1"'' juin 
1134, et que l'évéque du Mans assistait à cette cérémonie. 



Chroniques fmançaises. — Quittons les Etals du roi 
d'»Vngleterre, duc de Normandie Les Gesta dominorum 

(t) Sa noLice est au cinquième volume, 

<S) De Gestii regum Atujlorum et De Gealis pontificiim Àjiyloiiim 
X.p. Ber. Aagtie. acript.^ ttX». 
(.l) autnriar'im libi-î octo. 

(4) Chnmieon ex rhiimieia. 

(5) D« Oett'is regum .-liitftnru»i, Muia, an lieu d'un ouvrage compose 
comme celui <li' Guilluiiiiiu, c'est une diroiii[|ue pur umiées, 

(G) Edition !.. Uelîsle. ISM. 



- 26 — 

Ambazeiimim ou c Gestes des seigneurs d'Amboise », édi- 
tés par MM. Salmon et Marchegay avec les Chroniques des 
comtes d'Anjou [Société de Vhistoire de France), nous ont 
fourni quelques détails sur Lavardin, pays natal d'Hildebert. 
Les « Chroniques des comtes d'Anjou » ou Gesta consulum 
Andegavensium ne peuvent être consultées sans précaution. 
M Mabille, dans sa préface à l'édition Salmon, a soigneuse- 
ment distingué les diverses rédactions qui se superposèrent. 
Ainsi, on lit que Foulques le Jeune prit la croix à Marmoutier 
en 1129 et fut alors témoin d'un miracle par lequel Dieu 
manifestait sa protection toute spéciale pour l'alliance des 
comtes d'Anjou avec le clergé régulier de Touraine ; mais 
cela est une addition du moine Jean (1), qui a voulu justifier 
l'ingratitude des moines envers la maison de Blois, leur 
bienfaitrice, spoliée du comté de Tours ; au contraire, Foul- 
ques le Jeune prit la croix au Mans, et l'abbé Eudes, le plus 
ancien rédacteur des Gesta consulunij était présent, comme 
le témoigne une charte citée par dom Martène (2). En un 
mot, ces chroniques ont besoin le plus souvent d'être 
confirmées ; les chroniques des églises d'Anjou (édition 
Salmon) sont plus véridiques. 

Les chroniques de Touraine ont été écrites par des 
moines : celle de Pierre fils de Béchin, qui remonte à Tan 
1140 environ, par un chanoine de Saint-Martin de Tours ; 
le Chronicon Turonense magnum et 1' « Histoire de Saint- 
Julien de Tours », par un moine de cette abbaye. Moine 
aussi (3) était l'auteur de la charmante Narratio de com- 
mendatione Turonicx provincix ou « Eloge de la province 
de Touraine ». Pour tous ces écrivains, le clergé séculier 
est quantité négligeable : il ne fait pas partie apparemment, 
comme les vignes et les monastères, de la parure de la 

(1) Cette légende est empruntée à un compilateur de miracles, Gautier 
de Compiègne. 

(2) Histoire de Marmoutier ^ page 72. 

(3) M. Salmon pense que ce fut Jean de Marmoutier. U aurait été 
bien vieux à cette époque ! En tout cas, ce fut un moine. 



- 27 — 



Loire (1)1 Jean de Marmoutier, ou l'auteur quel qu'il soit de la 
Narralio, donne seulement une liste très sèche des art;hevâ- 
ques jusqu'à son temps (y), ît peine de quoi reprendre haleine 
entre une peinture idyllique des prairies des bords du Cher 
et l'éloge bien senti desTouraogelles. Fontaine-les-Blanches 
est le seul monastère dont la chronique mentionne la parti- 
cipation à son histoire de l'archevêque Hildebert, comme ii 
est le seul, noua l'avons vu, dont les chartes le mettent en 
cause. 

Dans le domaine royal , la chronique de Saint-Pierre- 
le-Vif de Sens, écrite par le moine Clarius (3) , signale 
l'évèque du Mans au concile de Fleury en 1110 ; Suger, 
auteur de la c Vie de Louis VI it, ne parait pas soupçonner 
l'existence d'un conflit entre son maître et l'archevêque de 
Toui-s ; mais a-t-il parlé davantage des difficultés de Louis 
le Gros avec les autres prélats? Enfin la chronique de 
Morigny (i) dit qu'Hildebert fut convoqué au concile 
d'Etampes, en 1130, bien que nous n'ayons aucun docu- 
ment établissant sa participation & cette assemblée (5). 

(1) < Circumambiunt eam (LEfseriin, la Loire), sîtîB in eadeni, îiisuliB 
quampluree, monasteriis. pralis, vineis.... ilelectaliiles. > (Narratio.J 

&I H. l'abbé Ducbeane, s'inspirant d'un article de M. Léopold Delisle 
duna YBUtoire littéraire (t. XXIX; sur tes Tastes épiscopaux de l'au- 
clenne France, a composé en 1830 un travail intitulé ; Catalogue» épia- 
eopaiix de l'aneienae Pfouincù lie Toura. Il y aignale deux listes seu- 
lement qui vont jusqu'à l'époque d'Ilildebert : 1- celle de la Grande 
Chronique, qui donne sur la durée de son épiscopat des dates inexac- 
tea ;— ^ celle du Becfind recueil de Saint-Aubin d'Angers, qui lecite 
mais n'a pas de clironologîe. — Il nous semble qu'on doit ajouter le 
mtalogue du Liber bonaram genlium (Cartulaire de l'archevêché) 
édité iwr M. de Graiidmuison en 18^, et qui, on l'a vu plus haut, 
dépasse l'npoque d'Hildebert sans le mentionner. 

&) tl avait Blé d'ubord moine de Fleury ou Saint- Benoit-su r-!.o ire 
(XH* aiéclei Celle chronique est dans Duru, Bîb. hittar. de l' Yonne, 
I. Il, (18G3). 

|t) Hurigiiy, prés d'Elanipes. Ap. Fer. Galtic. tcript., l. Xtl. 

(5) Oui fait l'éloge il'Hililebert du pôle des l'~runçais : l'ierre de Dlois 
(llh du Mf siècle), Albèric de Trois-KonlaiLitï« I.X.1U* siédi') el lu chro- 
nique d'Auxerre. 



— 28 — 

Tels sont les renseignements fournis par les chroniqueurs 
de répoque. 



§1V 

BIBUOGRAPHIE MODERNE 

Au XVI® siècle, Baronius, cardinal de l'Eglise romaine, a 
mentionné plusieurs fois Hildebert dans ses Annales eccle- 
siastici (i), notamment à l'année 1088, où il est fort mal- 
traité à propos de la mort de Bérenger, l'hérésiarque repenti, 
dont il avait composé Tépitaphe, trop élogieuse au gré des 
orthodoxes plus papistes que le Saint Père lui-même. — 
Bayle, au XVII® siècle, a également insisté sur les reproches 
d'immoralité et d'insoumission à l'égard du Pape, mais 
Tauteur du Dictionnaire critique le faisait dans un tout autre 
esprit, avec l'ironie du scepticisme et même, semble-t-il, 
une sorte de joie maligne. 

La première Histoire des évêques du Mans a été écrite, 
dans les temps modernes, par Antoine Le Corvaisier de 
Courteilles, conseiller au siège présidial du Mans, lieute- 
nant criminel du roi Louis XIV. C'est un classique de 
l'histoire du Maine ; le style est bon et la valeur cri- 
tique laisse bien loin derrière elle les récits légendaires 
dont on se délectait jusqu'alors. L'ouvrage allait paraître, 
quand on apprit que l'auteur reportait l'apostolat de 
saint Julien dans le Maine du premier siècle de l'ère 
chrétienne à la fin du troisième. Il sembla aux Man- 
ceaux qu'on attaquait leurs traditions les plus chères en 
diminuant l'antiquité de leur église, et un moine bénédictin 
de Saint-Vincent, dom Jean Bondonnel, prit sa bonne plume 
pour réfuter l'ouvrage avant même qu'il fût imprimé. Le 

(1) Ouvrage revu et annoté par le P. Pagi au XVII» siècle. 



- fjorvaisier, pour conjurer l'efTel du volume cpii se préparait, 
SI" hrtta de rDclifier un grand nombre de dates et de petils 
faits où iJ prêtait le flanc îi la (Tîtique, noLimmenl. pour 
l'époque de la morl de l'évoque Hoël, et VHisloire des évé- 
qitea du Mans parut, munie d'une : Défense anticipée de 
celte Hintaire (1048). Bondonnet publia néanmoins son tra- 
vail, en Ifôl. Il est intitulé : tes Viet des àvêquet du Mans, 
restituées et corrigée», avec plttsieiirs bellns remarques sur 
la chronologie. Le rude polémiste prend à partie son adver- 
snire avec une ardeur furieuse dans les plus minces détails 
et, bien qu'il ait quelquefois raison, déplatt par son âpre 
té (1). — De son côl^, Jean Maan, chanoine de Tours au 
XVII* siècle, a traité d'Hildeberl archevêque dans son Uialo- 
ria eccleaiie metropoHtanx Turonensis. Les assertions de 
ces divers auteurs, ainsi que la Cenomannia de dom 
Oriant (2) et le récit parfois fantaisiste de dom Beaugendre 
dans sa Vita Hildeberti, jointe b. l'édition des œuvres 
(1708) (3), ont été soumis à la critique par les rédacteurs (4) 
de VHiitoire tilliraire de ta France, en 1759 (tome XI), et, 
prolîtant de ces observations, dom Piolin a écrit vers 1860 
son Histoire de l'église du Wana (5). 

Pour nous arrêter à celui qui occupait le siège épiscopal 
en l'année 1100, !x Hildebert. disons que M. Hauréau, le 
savant éminent que l'érudition vient de penlre, est l'Iiomme 
de France qui s'est le plus occupé d'Hildeberl. D'abord, 
c'est M. Hauréau qui a continué la Gallia christiana , cel 
imposant monument de l'érudition bénédictine interrompu 
par la Révolution ; il a écrit en entier le tome XIV concer- 

(1} Voyez: Lu Sicolière, Le Cartiaitier de Courleilteè [VèSSi) ; — abbé 
Denis, Dom Jehan Bortdonnet (IHHG). 

(3) Hiâtoire ilii Maine restée inédite. A la Dib. nat., f. l. 111037. 

{Sf Dans Migiie, Pairol, lai. I. CI.XXI. Avec la reproiJuction des GetUi 
et lea notes de Loyauté. 

14) C'étuent, ppur k tome XI: D. Maurice Poncet, D. Colomb, D. 
Charles ClËtnencet, I). François Clément. 

15) Le Hons, 183i-18fï), G vol, in-«". 



- 30 - 

nant la Province de Tours. Il a consacré à Hildebert des 
articles dans son Histoire littéraire du Maine (1) et dans la 
Nouvelle Biographie générale de Firmin-Didot. (1861). 
Puis , il le rencontra souvent dans les manuscrits et il 
eut occasion de lui retirer beaucoup d'ouvrages en prose 
ou en vers qu'on lui attribuait sans raison, quelques-uns 
au préjudice de sa renommée (2). On trouve le résultat de 
ces recherches dans les Notices et extraits de quelques ma- 
nuscrits de la Bibliothèque nationale (3). M. Hauréau a 
repris la question pour les petits poèmes dans son livre 
sur : Les Mélanges poétiques d^ Hildebert de Lavardin (4). 
Ces ouvrages ne nous ont pas été d'une utilité immédiate, 
puisque notre travail n'embrassait pas l'examen des œuvres 
d'Hildebert, cette étude n'étant plus à faire ; sans doute il y 
avait mieux à trouver dans ces écrits, que des indications 
littérales : il fallait (mais y avons-nous réussi le moins du 
monde I) il fallait imiter le ton humoristique qui y règne et 

qui vivifie par l'esprit une matière souvent ingrate 

M. Hauréau n'avait pas traité la partie historique ni ne 
s'était beaucoup occupé des Lettres : sans quoi notre sujet 
eût été épuisé. 

Plus en conformité avec celui-ci, fut soutenue en 1855, 
devant la Faculté des lettres de Caen, par Hébert-Duperron, 
principal du collège de Bayeux (5), une thèse latine bien 
présentée, mais courte et faite d'après les ouvrages de 

(i) Le Mans, 1843-1852 et Paris, 1870-1876. 

(2) Des sermons de Pierre le Mangeur (c'est-à-dire le dévorateur de 
livres), de Geoffroy Babion ou le Babouin et de Pierre le Lombard ; le 
Physinlogus de Thibaud ; le Mathematicus de Bernard Sylvcstris et la 
Pasbio aanctm Ag^ietis de Pierre Riga (publiés en 1895, par M. Hau- 
réau) ; le TractatuSy ouvrage théologique d'Hugues de Saint-Victor. 

^3) Edition in-8«». Ëpars dans l'édition in-4*» des Notices publiée par 
l'Académie. 

(4) Paris, 1882. 

^5) J)e ven. Hiideberti vita et 8cnptis thesim proponebat 

Faniltati litterarum Cadofnensi V. Hébert^Dupen^on, Bajocenaia 
gymnaaii rector. Bajocis, 1855, in-8». 



MlMHrti 



- 31 



seconde main (i). — Vingt ans plus tard, la Société archéo- 
logique du Vendômois, a publié dîna son bulteli», sous la 
signature P. de Déservillers : Un Évèque au XI' siècle, 
HilUebert de Lavardin et son temps (2). Mais c'est une 
apologie de l'épiscopat au moyen âge plutôt qu'une biogra- 
phie critique. En résumé, bien que notre sujet ne fût pas 
pri^cisémenl nouveau, nous pensons qu'd y avait intérêt à 
grouper et à critiquer des notions éparses, à les présenter 
dans un nouveau récit, sous le jour oii la science moderne 
veut que nous regardions l'histoire. 

Pour la connaissance des faits généraux de l'époque et 
l'appréciation du caractère des rois, reines ou premiers 
ministres à qui eut affaire notre prélat, nous ne pouvions 
mieux faire que de lire l'ouvrage de M. Luchaire sur le 
règne de Louis VI le Gros (3) (H08-1137) et l'aHistoire 
d'Angleterre » de Lingard (4), et, quant aux personn^es 
marquants qui vécurent dans son milieu ou qui participè- 
rent au môme mouvement politique, littéraire et intellectuel, 
il importait de consulter : 

Pour Yves de Chartres, mort en H15, l'abbé Foucault (5); 

Pour Marbode, né en 1035, écoiatre à Angers, évèque de 
Rennes à partir de 1096, mort en 1123, M. Léon Ernauit (fi) ; 

Pour Baudry, né en 1046 à Meung-surLoire , abbé de 



(1) Saar pour les documents empruntés à l'abbaye de Suvign;, et 
que nous n'aurions pas eu l'idée de recherclier sans les indications de 
H. Héberl'Duperran. 

(2) La fln a paru dans le Bulletin de ta Société archéologique de Toit- 
raine (tome III). Edité à Paria, 1876. 

&)Lo\ti» Vt le Gros. Annalet de sa vie et de son règne (,PaT\s, ifBO], 
table et analyse de documents précëdëfia d'une introduction métlio- 
dique et narrative. Cf., du même: Hîsl. dei inat, nutnarcli, de la France 
êoai let première Capétieui /"Paris, 1883). 

{tj 1833-1831. 

(5) Thèse de théologie, Chartres, tS83. 

(0) Ouvrage posthume, publié t>Br son frère Emile Ernanll et f iMix 
Robiou, professeurs. Rennes, 1M)0. 



f 



— :i2 — 

Bourgueil au diocèse de Tours (1089-H07), archevêque 
do Dol (1107-1130), rabbé H. Pasquier (1) ; 

Pour Geoffroy de Vendôme, né à Angers, abbé de la 
Trinité (1093-113-2), M. Luc Gompain (2) ; 

Pour Girard, évéque d'Angoulême et légat, mort la môme 
année 1132, Tabbé Maratu (3) ; 

Pour saint Bernard, né en 1090, abbé de Clairvaux en 
1115, Fabbé Vacandard (4). 

Enfin, nous avons recouru, pour les antiquités du Maine, 
aux ouvrages de M. Tabbé A. Voisin et de M. Hucher ; pour la 
géographie, aux dictionnaires topographiques de la province 
du Maine par Le Paige (5), de la Sarthe, par J.-R Pesche (6), 
de la Mayenne, par Léon Mailre (7), dlndre-et-Loire, par 
Carré de Busserolle (8) et à Tatlas de M. Longnon (9). 

(1) Un poète chrétien à la fin du XI* siècle. Baudri Angers, 1878 

(2) Bib. dii' VEcole des hautes études^ fasc. 86. 

(3) Daas le Bulletin historique de la Charente, 1864. 

(4) Paris, 1895, 2 vol. in-8«. 

(5) 1777, 2 vol. in-So. 

(6) 1842, 6 vol. in-8«. 

(7) 1878, in-4«. 

(8) Dans les Mémoires de la Société avchcolofjique de Touraine, 1878 
1883, 5 vol. 

(9) Atlas fiistonque de la France, 1885-1889. 



CHAPITRE II 

HILHEDEKT JUSQU'A LA MORT DU COMTE HÉI.IE 

§ I (i). 

Nous n'avons aucun document qui établisse, d'une Taçon i056-1070 
directe et précise, la date de la naissance d'Hildebort (2), 
On lit dans les Gesta (3) qu'il n'avait pas encore quarante 
smË accompli^!, quand il fut élu h Tépiscopat : « Notidj^n 
quadnigiiita anno» wtatis exceaaerat. > Ce chilTre de qua- 
rante n'est peut-être qu'approximatif; car l'auteur l'emploie 
pour expliquer que son héros ne laissait pas loin derrière 
lui la période orageuse de la jeunesse, et il ajouter : < ni 
fallor, — si je ne me trompe. » Néanmoins, c'est le seul 
témoignage que nous ayons pour Tixer la date de la nais- 
sance d'Hildebert, connaissant par d'autres celle de son 
élection. Or, comme cet événement arriva en juillet 1096 (4), 

i1>r'our oblenir r*Itinéraire > complet d'Hildebert, itsumt de com- 
biner le présent récit, notes comprises, avec les seules données du 
Tableau dea actes (au chap. I*')- 

(2) L'ancienne forme mérovingienne Childebert s'était ailoucie en 
Hildeberi, Ildebai-t, Mdebert, trois noms qui servaient indilTéreininent 
ù désigner notre évoque, et le dernier terme de la simplillcatiun du 
vocable est le nom propre Albert (qui était en usage dès le XI< siècle) 
ou Aubert. — PuranaloRîe, nous avons adopté, pour désigner l'ùviiquo 
d'Angers, la toriiie itai>ialii ou hainaud, qui est plus simplifiée que 
Hâyrnatd et moins contracte que Benaud. Aldcbert ou Audibert, 
Itaynal ou Itcynaud, ont d'ailleurs pu sutjsister comme noms de famille, 
â coté des prénoms Albert et Henaud. — Enlln, quand nous rencon- 
trons les (ormes Gittebert, OiUebert, nous les maintenons de préférence 
à Gilbert. 

13) Getta (dans Migne, J*a(i'ot. Int., I. CLXXI), col. 89, D. 

(i) 11 Tut consacré à la Noël, mais élu en juillet. (Hoël était mourant 
le 25. d'après ]a cliarte qui porte le n** 4 de notre Tab}eaa des acies.) 



t 



— 34 — 

nous concluons qu'il dut venir au monde dans la seconde 
moitié do Tan 1056 (1), h Lavardin près Montoire (2), dans 
un fort joli site du Vendômois (3), mais au diocèse du 
Mans (4). 

Gomme il est connu dans Thistoiro sous le nom d'Hilde- 
bert de Lavardin, on pourrait croire qu'il tira son origine de 
la maison qui poi'tait ce nom et qui était une branche 
cadette de celle d'Amboise (5). Ainsi le pensait La Croix du 
Maine (0) ; mais les termes employés dans les Ge$ta (7) 
pour désigner la parenté (rilildebcrt, « hic itaque ex Lavar- 
zinensl casiro , mediocvibus quidem sed honestis exortus 
parentibns » , ces tonnes paraissent s'appliquer à une 
modeste condition, et c'est en s'appuyant sur ce texte que 
divers auteurs, Ménage (8) et Du Boulay (9) par exemple, 

(1) Jean Maan (Ilistoria ecclesiie meUopoUtaime Turonefi9i8) parle de 
l()5i. L' Histoire littéraire (tome Xf) donne la date de 1035, sans autre 
explication. Beaiij^endre, éditeur d'Hiklebert (avec récit de sa vie en 
latin), et l'abbé Hourasst', (jui reproduisit l'édition dans Migne (Uilde^ 
berti opéra, t, CLXXI), disent formellement : 1057, et cela sous prétexte 
(|u'il aurait été sacré en 1097. Mais il fut sacré en 1006, comme nous 
Tavons dit. (Charte n<' 5 de notre Tableau des actes.) 

(2) Montoire. Montem aureiurij le mont d'or. 

(3) l^n tableau le n^présente au musée de Blois. 

(i) Vendôme était an diocèse de Cliartres, F^avardin dans celui du 
Mans. Aujourd'hui, tous deux sont compris dans le département de 
Loir-et-Cher et le diocèse de lUois, créé par Colbcrt. 

(5) Il ne faut pas confondre la seigneurie do Lavardinsiir-le-Loir 
avec celle de Lavardin-le-VieuiV^ prés Mézières (Sarthc), qui api>ar- 
tenait, peut-être dés le temps d llildebert, à la famille Uiboule. Quant 
au Nouveau-Lavardin ou Lavanlin-Tusscj il ne portait au XI« siècle 
que ce dernier nom, Tu(îeium. ( Voy. Notes sur les trois Lavardin de 
l'ancien diocrse du Mans, par Alexandre de Salies. Mamers, 1879.) 

(6) Bibliothèque française, article Jacques de Lavardin. La Croix du 
Maine, érudit et p<)ly*.'raphe manccau, vivait dans la seconde moitié 
du XVI* siècle. 

(7) Gesta, W), B. 

(8) Menatjiana, t. III, p. 170. 

(9) Ibstoria universilatis Parisiensisy lib. I. Du Boulay (1010-1678) 
était né à Saint-KIlier (Mayenne). 



;î5 - 



ont pu dire qu'flildobcrt n'avait pas du tout do naissance (1). 
La véritt^ est entre les deux. En effet, une chiirlc, mise au 
jour par Baluze dans ses « Mélanges » (2), nous apprend 
que sun père était l'homme de confiance du soigneur Salo- 
nion (3). < Un habitant du chAleim de Lavanlin, nommé 
» Hildebert, intendant de la seigneuri'-. (4), offrit h Dieu un 
» de ses fils (un frère de notre Hildebert) pour être consacre 
» il la vie régulière, U Marraoutier (5), et enrôlé dans la 

> sainte milice, afin <jue, dégagé de Ions les liens du monde 

> qui enlacent ses parents, il put plus lacilemeiil prier pour 
» leur salut. L'enfant, nommé Geoffroy, a été reyu pai' l'ablié 
» dom Albert et par les autres frères, bien plus par amour 
* de Dieu, pour son salut et par ainiliè pour son père, dont 

> les mœurs pieuses sont bien connues, qu'en considération 
» d'un avantiigo temporel. Cependunt, le dit Hildebert a 
it donné à saint Martin (0), dans rassemblée des frères, une 
» terre située dans la varenne (7) de Vondùrne, pouvant 

|1) Encore mediocria et linm'sius unt-ils un sens un pou plus rcJûvù 
que nos mots TruncAis correspond ni ils. 

12) Baluze, Uwellanea, 1. 111, ji. Ut. (Kdit. Maiisi. — Ancien t. Vil, p. 
20!t.) Tiré du Chartulariiim Ceitomanneiue. 

(3) Les noms du l'Ancien Testament étaifiiit frétiuents pjirmi les 
chrétiens au XI' siècle : lu haine contre les juifs nft les Ht [iroscrire 
<ju'à partir ilii X11I*. On verra que le e^mte du MntMc, an tein|is 
d'IIililcbei't, s'appelait Hêlie ou Êlîe eomnie le pniphèle, H cet llêlie 
avait un frère nommé Uénoch. 

(4) }a rébus agent, dit le texte. Du Caiigc diilinît Jffmir?^: > Sic 

> dicunturqiii rébus ageudts prujsuiit eta procerilius lis pr^xiliciunlur, ■ 

(5) On sait que Marmiintler uvait à T^iviirdin un pricuri! Tonde en 
1050. (Voy. notre Chapitre /•', p. :t.) 

(fi) Marmoulier tMajiis moiiasleriani] et la collégiale de Saint-Martin 
de Tours invoqnaiciit le même pitlron. Marmoutier avait été riiiidi' jinr 
le Bicnlieureux en personne, et le sanctuaire de Tours possédait son 



(7i f Les Varenne^ sont dos terres saLlonneuses, toujours* t<n vuk'iir. 
( qui produisent du seigle, de l'orge, ries lé(;umcs. du mil, de la garnie 
> pour les teinturiers et des caleUasscs ou gourdes, o ( Uirlionnaire au 
Maine de Le l'aige.) 






— :)0 — 

» suffire au travail d'une charrue et qui paie à la Saint 
» Marlin crété (1) deux sous de cens àSalomon de Lavardin; 
» et, afin que cette donation soit confînnée et assurée «'i 
» perpétuité, Salonion, de qui Hildebert tient la terre, et le 
» comte Thibaut (2), de qui Salomon la tient à son tour, y 
» consentirent volontiers. 11 ajouta un arpent de terre arable 
» à Melche, du fiel* et avec rasscntinienl du dit Salomon. Le 
» même Hildebert accorda encore aux frères de Marmoutier 
y> douze deniers de cens, sur un arpent de terre appartenant 
» à son frère Archembert, et qu'il paiera aux moines à la 
» Saint Martin d\Hé do la même manière et dans les mêmes 
» conditions que les hii versait le dit Archemberl. Her- 
» sent (3), épouse d'Hildeberl, et ses fils, Hildebert, Salomon 
» et Drogon, ont volontairement consenti toutes les clauses 
» de la présente donation. Et ceux qui sont intervenus 
» comme témoins, pour si besoin était, ont été inscrits ; ce 
» sont Guarnier l'ainé, Frotger (4), llildrin, Gislebert et 
» Rainaud. ^) 

Hildebert était sans doute un enfant (juand il souscrivit 
cette charte, mais ainsi le voulait Tusage (5) ; on voit encore 
par là ([u'il était soit l'ainé, soit le puîné de la famille. 



(l)La Saint Martin d'étù tombe lo 4 juillet, date de l'ordination et 
de la translation de saint Martin, s^i fête proprement dite étant le H 
novembre, anniversaire de sa mort. (Vov. Annuaire de la Sociêic de 
Vftistoire de France : listes des saints publiées aux années 1857, 185S, 
1860, d'après le Marli/rologe universel de Claude Cliastelain.) 

(2) Thibaut III, comte de IHois, i)remier du nom comme comte de 
Champa^rne. 

(3) Ilersindis. Hersent est le calque fidèle de la troisième déclinaison 
parisyllabique et existe encore aujourd'Inii connue nom de famille ; 
Hersende ou Ilersiude supposeraient la forme Jlersinda. 

(i) FrottjeriiiH, prolotyin? de Uo;x<^r. 

(5) Dans les idées (bi moyr'u A^'o, ici plutùt ^vrmaniques que romai- 
nes, lii fortune ]»atrim(»nialfî appartenait à la famille entière. Tous .ses 
memi)resdevai<.M]t figurer sur les actes <le vente et les titres de pro- 
priété; ils s'engageaient tous collectivement avec le pé»'e de famille. 
Quand l'enfant était très jeune, il arrivait qu'on lui donnât une forte 



'■ ■ ^ r I 



dha^toà^HHHBtariii 




■ ^7 - 



Le sire de Lavanlin était générolpinent en guerre avec 
ceux (ie Cliateaii-Bcnault el deVcmlôme; il soutenait les 
prétentions de ses cousins d'Aniboise. Cette maison avait 
profité de la rivnlilé des comtes d'Anjou et des comtes de 
Blois pour se tailler une silualion, au détriment de ces der- 
niers, sur les confins de la Touraine cl du Blatsois; mais 
Sulpice d'Amhoiae, ti-op confiant dans ses propres forces, 
ayant mécontenté son i)rolecIcur le comte d'Aîijou, fut 
dépouillé par lui de sa cnpitnic el réduit à se réfugier à 
Sainl-Martiii de Tours. C'est son cousin, Salomon de Lavar- 
din, qui vint l'on tirer el qui lui permit de reprendre lu lutte. 
Tels turent les événements qui se déroulèrent autour de 
l'enfance de noire Hildchert (1). 

On ignore absolument sous quel maître il étudia. Les | 
traditions qui veulent qu'il se soit insliuit dans les lettres 
profanes sous la direction de Bérenger et, dans les lettres 
-sacrées, sous TaWié de Cluny Hugues, ne reposent sur 
aucun fondement. 

Dom Beaugendre ('i) voudrait qu'Hildebert eût porté 
l'haliit monastique ii Cluny avant de devenir ai-chidiacre ; 
mais son argumentation osl faible et toute de parti pris : il 
s'en va recueillir ilans les lettres des expressions vagues et 
sans portée ; il chei-chc des indices dans les sermons qui, 
M, Hauréau l'a démontré, ne sont pas d'Hildebert ; il s'ai>- 
puie encore sur la « Vie de suint Hugues 9(;J),.. Or justement, 
l'auteur s'y intitule saeerdos, pi'étre, et ne fait la moindre 
ullusion à ces prétendus vœux monastiques, ni dans la prc- 

lapc sur ia joue ou dans le dos, ulli) qu'il se souvint et pât porinr 

témoignage dans lu suite. 
ll)Ce«lu ttoniiitoritiii Aiiiba:eiiaiii)H. p. 17(1. (.loîntaux Chroniques 

d'Anjou, édit. ijulmon.) 
(3) Ilitdtberti viia, Si, U et notes à diverses lettres. (Migne, t. Ct.Wt.) 
(:OMig.ie, Patrol. )n(., t, Cl.tX, œl. A".7 ; flu/faii<(., 2!1 Aprll. el Bit.. 

Ctuniai: de Du Chcsnc. — Sur saint Hugues, voy. notre Chap. /". 

p. lit, note 2. 



ï 



— 38 ~ 

faee, ni dans le récit de son entrevue avec l'abbé Hugues (1). 
Dans la lettre (2) où il dit qu'il aspire quelquefois à la paix 
du cloître et voudrait se reposer sous Thabit régulier d'une 
vie si agitée, n'était-ce pas le moment d'indiquer par uno 
phrase, une conjonction, un rien, qu'il retrouverait ainsi les 
joies de sa jeunesse? Mais non, il n'a jamais été moine, il 
n'a même jamais fait de séjour à Gluny, si je pèse bien les 
expressions où il a l'air de dire qu'il y venait avec son évê- 
que pour la première fois (3), et François de Rivo, le chro- 
niqueur du XV^ siècle (1485) qui a donné lieu à cette fausse 
tradition (4), paraît avoir confondu notre prélat avec un 
moine de Gluny qui s'était rendu célèbre par ses visions au 
XI« siècle (5). 

Il y a plus de vraisemblance pour qu'Hildebert ait connu 
lïérenger (6) et suivi quelque temps ses leçons. Telle était, 
du moins, l'opinion d'un historien contemporain d'outre- 
Manche, Ciuillaume de Malmesbury (7); mais l'auteur ne 

(I) L'abl»ô Hutruos, quoi qu'en dise son biographe, obtMSsait pcul-èlre 
moins à Tinspiration surnatun^lle (juVi la jwrspicacitc de son intclii- 
pMice et à ses devoirs de politesse, (piand il prédisait au jeune archi- 
diacre qu'il deviendrait évèque ! 

ri) I.ettre 111, 7(édit. Beauj;., dans Migne, t. CLXXl). Afaximum duco. 

«3)11 dit à p'îu près ceci: «.Te connaissais déjà, ï.iar la voie de la 
») renommée, les grandes vertus et le mérite de cet abbé ; mais je l'ai 
)» trouvé plus saint encore et plus i^rand (jue je ne croyais. x> Vila «<^*' 
Hnijonis, 111, 19.» 

li) ïiihliotheca (^hiniacensis, col. lOil. 

(ô) Haronius [Annalci ccrUsiastici, a. l(>2i, n® 2) appelle ce moine 
« Heldeb«'rt )>. — Hondonnet (Tit» des évoques du }fant) insiste sur ce 
fait, que la promotion à l'épiscopat d'un ancien moine était contraire 
aux canons Quant à suppost'rciu'llildebert se retira dans un monastère 
sur la lin de sa \'u\ ni les nécrologes ni aucune autorité ne le permet- 
tent. 

<<î) Rérenger dit de Tours, archidiacre et écolàtre d'Angers. Repre- 
nant une doctrine de Scot Krigéne sur l'Eucharistie, il avait nié la 
Présence Uéi'ile dans son enseignement. Condamné à plusieurs re- 
prises par les conciles, il se rétracta, rétracta sa rétnictation et finit 
par s«* souniftlre d»'s lèvres, sinon de coEur. Grégoire VII oitlunna 
alors ile le laissiM* en rt>])os, et il mourut au milieu des moines dans 
l'Ile de Saint-Côme, prés de sa ville natale, en 1088, à Tàge de 90 ans. 

i7) De Gestis regum Anglorum, lib. III, p. 113. — Cette opinion a été 



— :h* — 

parait, en cela, s'autoriser que de l'épitaphe écrite par l'êvè- 
que du Mans |»our Bérengei' (1 ), el , coiiime le lait remarquci' 
flnemenl le rédacteur «le VHialoire littéraire (2), « si Hilde- 

> bert avait été disciple d'un homme auquel il donne de si 
» grandes louanges, aurait-il manqué de faire connaître par 
» quelques traits qu'il avait eu l'avantage de l'avoir pour 
«maître? C'est néanmoins sur quoi il garde un pruroud 

> silence. > En réalité, on a vuulu réunir dans une même 
école, celle d'Angers, les trois grands hommes de leltres de . 
rette époque, Hildehert, Marbodc et Baudry de Bour- 
gueil(3) ; mais ce <fui est certain pour les deux autres ne 
l'est nullement pour llildeberl, qui n'a peul-étre jamais 
quitté l'école cathédrale du Mans, une des plus célèbres de 
l'époque (4), 

reprise pur clom Itangeanl, Jaiis son llhtoire de l'uiùrenilé dAmjers 
(publiée pour lu première fois par A. I.i;m;iriî|]iiiid, Aiikbl-s, 1K77j, Il dit 
avoir lu dans une cliaric le nom it'lltlileticirl, « cliuiioinf d'Angers ■ 
{1, 18| ; mais sans doule il s'agissidt d'un liomoiiyme ili! ré»Ti|iic', qui 
signe encore cumine |>rêt-ol on KKIT. {CuUei-.lion D. Ilmiisgaii. n" 1017.) 

(1) L't'pitaplic de Itérenger par llildeliert t^sl dans (Iiiiilaume de 
Malmcsbury, qui ujoulc: « Videua in liis vcrsibiisi|uo(i tandis CNCes- 

• aerit modum episcopus, sed sic se osleiUiil et(M|uenliu, tnli t;*'Stii 

> procedit an relis Icpos, eo modo 

a Fiiitdit puipiireos diva facuit'Jia pores. » 

Le morceau esi reproituil |iar BeaiiBundre (ftildeberii opéra, p. l'-t-iSj. 
dont iJ.Haaréatxl Le* Mélaifiespoêtiquet d'ilililelierl, p. 24) a n-leu' 
les fautes. 

(2) Hitt. litlèraire, t. XI, p. 2>1. 

(3f Geoffroy de Vendôme y étudia aussi ; !tIarLodo, après avoir élu 
■•lève, y devint professeur. Voy. sur ces divers personnages les livres 
cités à ta lin du Chap. 1". 

(t) Elle avuit ùti: illll^ilrên |>ar di>s maîtres tetâ cpio Holjert le Gram- 
mairien, et, au commencement ilu KII' siècle, le t lanpape niaiicean » 
était devenu synonyme de politesse et de perfection, comme le tèmoigno 
ce pasiuge de tiuillauino de Ualmesljury, relatif à Ituoul de Itoclicslei' : 

• cui accedit geniulis soli, id est Ciïnomaiinici, acciiratns ol quasi 

• dcpexus scrmo. > (Will. Halm., i)f C<»(t«poi;J(/". Aiigi., de flolfen- 
sibus.) 



— 40 — 

1085-91-90 Qu'il y ait fait ou non ses études, il est hors de doute que 
révéque Hoél, qui occupa le siège du Mans depuis le 21 
avril 1085, le choisit pour diriger son école (1) et puis le 
nomma archidiacre (2). Or, comme Hildebert nous raconte, 
dans une lettre à Guilhiume abbé de Saint-Vincent (3), qu'il 
le fut pendant cin(| années, nous somnies conduits à placer 
sa promotion à rarchidiaconat en 1091 : il avait alors 
IÎ5 ans. Peut-être était-il déjà écoUUrc (4) depuis quelque 
temps. 

L'arrivée d'Hildebert aux plus hautes fonctions ecclésias- 
tiques coïncide avec la rentrée d'Hélie, seigneur de la 
Flèche, dans la ville du Mans, c'est-à-dire dans le comté 
qui appartenait à sa famille et que son cousin Hugues le 
Mar(piis lui vendit à beaux deniers comptants en 1090 (5). 
,lus(ju'à cette date, Hoël et tout son clergé avaient vécu dans 
des angoisses perpétuelles, soi-disant gouvernés et défen- 
dus par Robert Courteheuse, duc de Normandie, qui se 
prétendait souverain du Maine, du chef de sa fiancée morte 
avant le mariage, et ne savait pas garantir le pays des 
incursions de Hugues ou du sire de la Flèche. A partir de 
1090, le nouveau comte, Hélic, qui était im habile homme, 
sut régir en paix son comté sous la suzeraineté de Robert, 
l)uis de Guillaume le Roux son hère (G), tandis que Hoël se 
reposait de ses alarmes et (jue le jeune archidiacre pro- 
fessait dans l'école éi)iscopale. 

(I) Geata, 8*), ï\. 

{*i) Charles ili5 révèque nocl coiitresignéos par Hildebert, arcliidiucre. 
(X"» 1-i de notre Tableau dus actes.) 

Ci) Lettre, lll, 21 idaiis Migiie). P'irs et sanctu& devotionis. 

[%) Kcolàtre, Scholarum magister. 

(5) Gesla IfocUi et Orderic Vital, Historia ecclesiaslica, 111, 327-3il2 
(de ledit. Leprévost). Hugues était marquis de Ligurie. 

(G) Robert Courteheuse, c'est-à-din; aux courtes lK)ltes, ainsi sur- 
nomiiiê parce({u'il avait de petites jambes, était iils aine de (iuillanme 
le Conquérant ; il partit pour la cruisade après avoir engagé pour une 



MI- 



L'cvéqim Hoë) mourut en juillet 1096 (1). Deux candidats 
étaienl cil présence : l'arohiiliacre Hildcbert et le doyen 
Geoffroy (2). Le clerc qui a écrit dans les Gesla l'histoire de 
notre prélat, dit que son héros fui élu par un commun con- 
sentement du clergé cl du peuple (3) ; mais tout concourt à 
établir que les choses ne se passèrent pas aussi simple- 
ment: le même auteur, sans compter Orderic Vital (4), 
l'avoue un peu plus loin dans son récit (5). 

Le doyen GeofTroy était un homme de mérite et penona 
(/raid auprès du tout-puissant duc de Noniiaiidio et roi 
d'Angleterre, Guillaume le Roux, seigneur suzerain du 
Maine ; il devait parvenir plus tard ii l'archevêché de Rouen, 
en lUl. Fière de Judicaël, évéque de Saint-Malo, et lui- 
même Rretf)» de naissance, il s'appuyait au Mans sur une 
cabale puissante, qui fera à Hildcbert tout le temps do son 
épiscopat une opposition sourde. De plus, le comte Hélie, 
soit par crainte, soit iiu'il pressentit dans Hildebcrt un pré- 



somme d'iirgciit son «lui^lic ite Norm^iiidte à son frère puîné Giiilliiumc 
lu Itoii.x, roi d'Aiifflelerre. 

(1) Galtia (d'uprés le a l.ivro bliitic > du Cliapitreot le ■ Nécrologcile 
Suiiit-Vincetitt). IK Juillet 1096. — l/auteur de lu Vie île lloel (Getta) 
<lit: 101)7; mais il altlrmc aussi que Itoi'l. consacK' eu avril lOST), 
mourut dans la douzième ounée de s<in épiscojiat, ce qui place celle 
mort entre avril 1096 et avnl -1097, soit eu juillet 1<K)6. Us cliurlcs 
d'ilildebert confirment cette iiitei'prélatiDii. (Voy. notre Tahlaaii des 
actes, 11" i et .". ) 

(3| TajilOt le iloycn siguuit avant l'arcliiiliacre et tantôt uprî-s lui. 
Mai» il n'y avait iiu*un seul doyen, tandis que l'on comptait (lour li> 
diocèse plusieurs urcliidi acres rt'gionanx, sur lesi|ui'ls, il est vrai, 
l'arcliidiacre <lc la cutliédrale avait la préséaTicc. 

<3) a-vtii, 89. 1). 

(il Ui'di.-ric Vital, /fis/. coluainW., IV, il. 

(Dj ' Quidam ex clericis, a priueipio proniotioiii pnesulis invidenles. ^ 
(GwM.SB, A.) 



llKW 



— 42 — 

lat trop attache aux privilèges de son église, s'était prononcé 
pour l'étranger. Il ne devait pas tarder à reconnaître son 
erreur ; mais au moment de la mort de Hoël, le comte, le 
roi et une grande partie des chanoines étaient hostiles à 
Hildebert (1). 

Ses partisans déi)loyèrent une audace et une activité sur- 
prenantes. Tandis que GeofTroy, sûr du succès, faisait pré- 
parer des tables pour célébrer son élévation, les partisans 
d'Hildebert hâtèrent les opérations du scrutin: l'élection se 
trouva enlevée. A cette nouvelle, le comte Hélie entra dans 
une violente colère ; il se souvint que jadis il avait empri- 
sonné Hoël, pour un motif, il est vrai, exclusivement poli- 
tique ('2), et il parla de mettre la main sur le nouvel élu, 
dont la consécration tut au moins différée. 

C'est alors en effet que les partisans de Geoffroy, profitant 
des obstacles que rencontrait Hildebert, voulurent s'opposer 
à son intronisation. Ils écrivirent à Yves de Chartres, 
comme au prélat de France le plus autorisé pour parler au 
nom de la discipline ecclésiastique. On voit par la réponse 
de révêque de Chartres (3), que ces mécontents n'avaient 
pas épargné les insinuations perfides à l'adresse du concur- 
rent victorieux. « J'ai appris, disait Yves à l'archidiacre, j'ai 
» appris des choses de vous qui me causent de la peine et 

(1) Orderic Vital. — Dom Pioliii {Histoire de Végliae du Mans, t. III) 
s'abuse quand il représente cette élection comme le résultat d'un 
mouvement populaire, hostile aux seigneurs et au Chapitre. Certes, 
le comte Hélie et un certain nombre de chanoines s'y opposaient ; 
ce n'est pas à <lire que tous les seij^neurs et tous les chanoines 
y fussent contraires. Même Orderic Vital met d'une part Hélie, de 
l'autre tout le cl(îrgé, et c'est sur le témoignage des Gesta que nous 
partageons le clergé en deux camps. Ainsi, le peuple a joué un rôle, 
mais non prépondérant. 

(2) Gesla Iloelli. Dans Mabillon, Vetera analecta. p. 310, col. 1. 

i3) Sur l'auth(Miticité présumée de cette lettie, voy. notre Chap. 7»^ 
p. \o'\(\. Elle est dans Migne, J'atrol UU.,i. CLXII, ep. 277. 



— w - 

» me font horreur ; si elles sont vraies (1), vous ne pourrez 
» conduire votre peuple, mais vous serez pour lui un péril 
» de plus. Quelques-uns des principaux de l'église du Mans, 
> qui assurent vous connaître depuis lont^temps, témoignent 
* que vous n'avez point mis de bornes h vos passions déré- 
» giées ; à ce point que, étant déjji élevé é\ la dignité d'archi- 
» diacre, vous osiez vous entourer d'une troupe de person- 
» nés du sexe , dont vous avez eu je ne sais combien 
» d'enfants..,. » 

La conclusion était qu'un prêtre qui aurait donné un si 
sauidaleux exemple, non-seulement ne devrait pas aspirer 
aux fonctions sacrées de l'épiscopat, mats encore serait tenu 
d'expier ses fautes à l'écart, dans la plus stricte pénitence. 
Heureusement, Yves de Chartres ne se prononçait pas sur 
la question de culpabilité ; il savait à quelles calomnies se 
laissent entraîner les partisans d'un candidat évincé, et il 
n'était pas obligé de les croire sur parole. Il ne voulait pas 
nuii plus s'opposer, il la légère, à une élection déjà prononcée 
et compromettre la dignité de l'Église de France, ptir la 
menace d'un schisme inii)ai1'aitemenl justifié. Bref, il ren- 
voyait, purement et simplement, la leltrc anonyme à l'accusé 
et l'invitait à tïiire son examen de conscience. 

Se tiouva-t-il coupable, et les grossières allégations 
qu'Yves de Chartres reproduisait, sous toutes réserves, 
renfermaient-elles une part de vérité ? Ce qu'on connaît des 
poésies excessivement légères mises sur le compte d'Hilde- 
bert, ne tendrait pas ii faiie pencher la balance du côté de la 
vertu ('2). Mais interrogeons les témoins. 

(1) « Qumti verasunl. > Yves uaflirine pas, mais il ue faut pas |iré- 
IcnJre avec Gond on util, que son laiiguge implique la tLt';!atiuii. En lutin, 
quand le Joute penche fortemeiit vers la uégutivo, l'iiiilicatif Tait place 
au mode subjonctif: date ni vera tint. 

|3) Voy. li. Ilaurùau, Mélanges poétii/ues dUildebeit . 11 est vrai 
(l'ajouter, pour kc montrer tout ù fiiit impartial, que nous ne sonitues 
plus bii mesure <ie mettre A puit ce qu'il composa avant ite devunir 
arcliidiaure ou même d'entrer dans les ordres. Et puis, |iour jouer de 



- 44 — 

D'abord, son panégyriste, après avoir affirmé qu'il fut 
élu en raison de sa science et de son honorabilité, « propter 
scientiie et honeétaiis suie meritiim », apporte dans la suite 
du récit queUfues restrictions qui donnent à réfléchir. Il 
laisse entendre qu'Hildebert, sans avoir négligé absolument 
jusque-là Tétude des Saintes Écritures, jugea néanmoins 
(pie le moment était venu de leur donner le pas sur les 
lettres profanes (1) ; il le montre s'iniposant les plus dures 
l)éiiitcnces et faisant au pied des autels des mea culpa répé- 
tés, conmie s'il avait, vraiment, de graves fautes à se repro- 
cher, oc Et si qux fuerant piventiitis delicta, » C'est à ces 
ternies que se borne l'allusion du chroniqueur, mais elle 
est transparente ; car, si le chrétien le mieux en paix avec 
sîi conscience a toujours le devoir de s'accuser par un aveu 
implicite des faiblesses dcmt il a pu perdre la mémoire, la 
déposition, venant d'autrui, a toute la valeur d'un docu- 
ment (2), et nous savons que le clerc, favorable à notre 
l)rélat, n'a i)as dfi outrepasser la vérité mais plutôt l'atténuer. 

11 y a un autre témoignage, celui du « Nécrologe (3) de 

lîi plume sur des sujets scabreux, doit-on nécessairement se signaler 
par sou inconduite ? Celtfî preuve est donc bien faible. 

(1) « Qui quamvis a pueritia sub litlerarum studiis sedulus institisset, 
suniplo tainen episcoi)atu, Sanetarum Scripturarum leclionibQs pro- 
jMiiisius incunibebat. » (Geata^ 89, li.) 

{'!) « Cet écrivain, dit Yiihtoire littéraire, ne fait que j)rèter à llilde- 
)» berl des seutiments tels (pie doit les avoir tout bon clirétien et tels 
» que les ont eus les ].)lus grands saints, sans excepter ceux qui on^ 
)> mené la vie la plus innocente dans leur jeunesse (P. 200). » Mais le 
dire ne rîi[4)orte pas les réflexions crUildebert : il parie en son propre 
nom ! A la vérité, dom nondonnet aflirmc qu'on a dit la même cbose 
de saint Domnohi et de saint IJertrand ; mais nous n'avons rien relevé 
d'approclianl dans les <« Mesles » de ces deux prélats. 

(iJj Conini de Bondnnnet d'une part, de Le Corvaisier et de dom 
IJriant {Conomannia. Hibl. nat.. f. 1. 10037), qui croyaient à rexistencc 
de l'enfant naturel, d'antre part, ce nécrologe est aujourd'hui perdu. 
(.Mobnicr. l)bHminu*8.) « Je scay bien, dit le Corvaisier, que l'on me 
» pourra objecter cpi'il n'y a gnéres d'apparence que l'église de sainct 
» Pierre eûst ])arlé au désiivuntage de son bien-facteur et luy eusl 
» voulu rei)roclier Testât de sa naissance ; mais je leur pourray repartir 



- 45 - 

Saint-Pie rre-de-la-Cmir » (1) au Mans. On y lisait: « Le 
» tpoisiùme des ides d'août (le 11) mourut Gcrvais, filn de. 
» Vévéqiie HHdebeH, chanoine de l'Oglisc inére et airlii- 
» prêtre, qui de sou vivant a fait présent d'une Bllde pour 
» le service de cette église. » Itondunnel et les Bénédictins 
auteurs de VHtatoire iiUéraire se sont donné une peine 
énorme, pour établir que le Gervais dont il est question 
était, non pas un fds naturel, mais un Tils au sens spirituel 
du mot, un fils on religion ; comme Hildebert dans la lettre 
il Roger de Salisbury (2), par exemple, appelle son futur 
successeur Guy « notre frère et (ils », ou encore comme il 
donne à la reine d'AngleleiTe le uuni de fille. Mais qui ne 
sent la profonde dilTéronce qui réside entre les appellations 
tendres qu'on se prodigue dans un billet, et une note toute 
sèche comme celle que nous lisons dans le iidcrologe, une . 
véritable déclaration d'état civile 

VHistaire littéraire cite alors un second document otTiL'iel 
pour corriger celui-lii; c'est une charte (:J) concédée p;ir 
Hildel>ert en Hli à l'abbaye de Marmoulier et ofi si- 
gnait après lui , entre autres témoins , un nommé Ger- 
vais, qu'il qualifie de Nepote itieo. Mais d'abord, rien n'em- 
pêche que ce neveu soil un personn^ige distinct du fils 
naturel, tout en portant le même nom. Ou, si l'on pi'éfère, 
n'oubhons pas que la fameuse réforme de Grégoire VII, vieille 
de quarante ans it peine, et qui renouvelait pour les piiîtres 
la prescription du céhbat sous les peines les plus sévères, 

> iiiie tous les manuscrits, iloiil j'ay feuilleté une honue porlie, ne sont 
• point esci-ils avec lant de circonspeclion, mai» racontent assez 
I ineùnuemeiit et quelquefois trop t^ros^ièi-enient tes chost'S comme 
■ elles sont arrivées, et eu iiarlcnt avec bouiicoiip de nnisvetè. ■ (llitt. 
de» évi<iiiei du Mans. p. 3111.) 

(I) La collégiale de Saiiit-Pierrc-iie-la-Cour, S. Petitis in ctiria, ser- 
vait de chapelle aux comtes du Maine, dont le palais étiiil voisin (hôtel 
de ville actuel). 

(i) l^ettrc II, 12. Virtuti gratuloi: 

(3) X> 35 de notre Tableau île» acte». 



— 46 - 

aura pu imposer à notre prélat un mensong»? de convenance, 
et nous serons bien près île soupçunner que ce Gervais, 
qualifié par lui de neveu dans les diplùmes, était peut-être 
tout bonnement son fils. Bref, les auteurs de VHistoire litté- 
raire soutiennent i|ue Fi7i»fs, dans le nécrolf»ge, est l'équi- 
valent de Sepos ; noii^ nous demandons pourquoi le Nepole 
de la charte ne tiertOrait pas aussi bien la place de Filio : les 
deux hypothèses se balancent... 

Et que de jugements contradictoires ont été émis sur la 
jeunesse de notre Hildebert î Après Yves de Chartres et les 
Gesta^ Baronius, auleur des Annales ecclesiaslici, a exprimé 
son opinion, au XVh* siècle. Très défavorable à Hildebert à 
cause des louanges qu'il avait données à Bérenger, l'illustre 
cardinal a conclu de sa complaisance pour un ancien héré- 
tique à rinconduite de ses mœurs (1). Le Père Sirmond (2), 
acceptant le fait, sinon rargumentalion, s'est résumé par 
l'expression de viiœ solutioris , et Le Corvaisier a été 
jusqu'à prêter à Yves des déniarches qu'il ne fit point. 
Aussitôt Bondonnet l'en a rudement repris et, dans une 
argumentation aussi abondante que pénible, s'est efforcé de 
monlrer Hildebert innocent de tout. Maan l'a approuvé ; 
Du Boiilay (3) ne s'est pas prononce, mais l'opinion do 
Baronius a été soutenue par Ménage (4) et par Bayle, le 
grand critique, tandis que Beaugendre et VHistoire littérairr. 
s'en référaient à Bondonnet. Que de controverses! Elles 
nous renseignent sur le tour d'esprit de ces érudits et sur 
leurs méthodes de critique, beaucoup plus que sur la ques- 
tion dfs fautes de jeunesse, prêtées ou non à Hildebert I 



i[) Annales ecclesiaslici, a. H)88. Cette argumentation est d'autant 
plus bizarre, que IJérengrr passait pour un liomnne excessivement 
austère (Malmesbury, end. cité). 

(*2) Noti' à la lettre de Geoffroy de Vendôme 111, 13, dans Migne, 
Patrol. /ar.,t. CLVII. 

(li) Ilist. univ, Paris., lib. 1. 

(4) Ilisl.de Sablé, p. 107. 



— 47 — 

L'auteur du Dictionnaire ci'Uiqite, qui ri^sume los opinions 
nvec quelque malignité à l'égard de l'Église, encadre cr 
débat entre deux biographies de saints minislres, unique- 
ment occupés de théologie protestante et à qui leurs amis 
chercbent une femme pour leur permettre de mieux tra- 
vailler. Mais il fallait bien que l'Église du. moyen ûge, qui 
maniait les hommes, fût fortement engagée dans les passions 
du siècle, pour jouer le rôle qui lui revenait dans la société 
par la logique des événements; elle était donc aussi bigarrée 
que cette sociélé elle-même. On voit très bien, h travers le 
récit, au premier abord unilormôment onctueux, des moines 
annalistes, que, de ces prélals et de ces abbés qui se suc- 
cédèrent sur les différents sièges, les uns étaient plus 
recommandables par leurs mœurs, les autres par leurs 
capacités ; mais les moines, en bons chrétiens, les acceptent 
tous, avec une légère nuance dans l'expres-sion, une con- 
jonction latine de plus ou de moins, et en cela n'étaient-ils 
pas plus philosophes que le célèbre critique du XVII» siècle ? 

A chacun selon se.'? aptitudes, et il y a différentes maniè- 
res de servir Dieu. Voici, â l'inverse de notre mondain mais 
très doux et très affable Hildeborl, ce qui arriva au moine 
Ebrard de Marmoutier. Lors de son élection an siège ablia- 
tialde Saint-Calais, Yves de Chartres (1) signalait le nouveau 
dignitaire pour sa a moriim acerbitate et tain actttum suorttm 
qiiam verborum impoi-tabili pru-sumplioue t. C'était dire 
qu'il avait un caractère difficile et quelque suffisance ; mais 
l'évéque ne niait pas ses autres qualités, sa science, sa 
moralité ; il se contentait de crier garci Ainsi fit-il, pour 
d'autres motifs, à l'occasion d'Hildelwrt, et il fut récom- 
pensé de n'avoir pas persisté davantage dans son opi)ositioit, 
puisque, du jour où il as-^unia le poids des hautes respon- 
sabifités, Hildebert mérita d'être appelé le c Vénérable » (2). 

(1) YvonU epittode. Lettre 92, à Geoffroy Uoycii, sous rùvOque lloël. 

(tt} Ce surnom de i Vùnûrablo > est ))orlù [lur Bùile, i|ui vi^cut uun 

environB de l'an 7U0, et par Pierre, abbc de Cluiiy, qui fut postérieur 



i 



\(:cf'\iUy \mT Yve?î «le Chartres, reconnu par rarchevêquc 
inr'tropolitain Hunxil d), HiMelHiTl .^'élail réconcilié avec lo 
roriito Ilélje, rpij, ajnvs avoir vu do mauvais œil cette élec- 
tion, no craif,'nit pas île s'en porter garant contre la volonté 
du roi d' Angleterre. 



Mil. 

1fKJ7 Soigneur do la Flèche par voie d'héritage paternel, maître 
[).ir sa fonuno do Chàleau-du-Loir, Mayet, Lucé-le-Grand, 
Outillé, d<'voiui comte (lu Mans par le rachat des droits de 
son parant iluguos le Manpiis, Ilélie était un prince vaillant, 
pi<MJX et avisé. Il avait fait vœu de partir pour la croi- 
sades, lors du passage d'Urbain II au Mans (février 1096), 
mais SOS services étaient trop utiles à son pays pour (juc 
révoque le pressât vivement de donner suite à cette pro- 
uiosse : mémo Hildeberl parait s*ètre prêté à certaine petite 
(•r)inédio (pii avait pour but de dégager la parole du comte. 
Après avoir infligé aux pillards conduits par Robert de 
IJollosme, soigneur d'Alenoon, une défaite sur la haute 
SîU'tlK», Hélie s'en alla bravement à Rouen trouver son 
suzerain, le duc Guillaume. k( Comme je dois, selon mon vœu, 
)) partir pour la croisade, lui dit-il devant toute sa cour, je 
» vous (liMnaiido votre amitié. — Va-t-en où tu voudras, dit 
» I(î duc, mais remols-moi la ville du Mans avec tout le 

«rnii (l<Mhi-si('îolo onviroii à Hildeberl ; il implique ralliance delà res- 
lH'(!tai»ilit»'* av«'(' le savoir. Quant au titre de « saint », plusieurs Vont 
doinu' à FlildclK.M't, par exemple les ùditeurs de la Afaxhna Bibliotheca 
lUitruiit au XVII'' siècle, ou Bruuet dans son Manuel du libraire j et 
j'rla est certaineincut déplacé. Kst-ce à dire (jue saint Hildcvert, êvêque 
dt' iMe;mx. (pii vécut au temps d<.'s Mérovingiens, ait été plus digue 
«pie nntr«'évé(pie dt» la canonisation? Peut-ètn^ pas, car, à une certaine 
rpixpn', les évéques n^.'evaient facilement le titre de saint. 

(1 1 Vny. la note Sur Vèjwqtw du saa'e d'Hildebert à la lin de la pre- 
mière partie. 



- 40 - 

» comté, parce que, tout ce qu'a eu mon pèvo, je veux 
f* l'avoir. — Je liens mon comté par droit hérétlitaire, répli- 
» qua Hélie ; je vous reconnais lo droit de me faire juger 
» par mes pairs. A ces conditions, je viens vous faire lioni- 
» mage. — Le roi répondit : Avec des épées et des lances 
» et des armes de trait à volonté, j'irai tenir le [)laid que tu 
» réclames. — Alors le comte : Je voulais aller contre les 
» païens, mais voici qu'à présent une bataille bien plus 
x> proche contre les ennemis du Christ s'offre à moi. Ecou- 
3 tez, vous tous : je ne quittei ai point la croix, mais je la 
> mettrai sur toutes mes armes ; muni d'un tel talisman, je 
j^ marcherai contre les ennemis de la i)aix et du droit ; du 
» jour où j'aurai trouvé l'heure propice pour m'en aller d'ici, 
» tous ceux qui se lèveront contre moi Irouverunl un soldat 
» du Christ à qui parler. — Va-t-en où tu voudras el fais ce 
i> que tu veux, riposta Guillaume, je n'en vcuix aux porte- 
» croix, mais je réclamerai la ville de mon père (1). » Celte 
petite scène pose heureusement l(»s personnages, tous deux 
fort attachés dans le fond à leurs biens, mais le premier 
plus distingué dans les formes, le second plus brutal, quoi- 
que non dépourvu d'une certaine générosité soldatesque, 
puisqu'il lai.ssa aller son vassal sans l'incpiiéter. Avec llélie, 
du moins, la vie devait être plus facile pour un évéctue 
élégant et poli. 

Guillaume le Roux donna de l'argent à Robert de Rellesme, 
à qui la dépossession de Courleheuse, le duc fainéani, avait 
interdit le pillage de la Normandie et ({ui, se tournant vers 
le sud, dévastait le Maine ; après un an d'escarmouches (2). 

(1) Onl. Vit., Hiat. ecdes.. IV, 'JH. (inillniimo de .Malmesbury fait un 
récit analogue, qu'il place un peu plus tanl. (De Geslis renum Atigl.j 
lib.IV, p. l2i.) 

(2) Dans la semaine qui précéda les Uotrations (d'après Orderic Vital), 
c'est-à-dire entre le 25 avril et le It mai : le IV des Kaloiides, 4« jour 
de la semaine (/V«» kal. maii, fei'ia IV^y dit la a Chroniipie do Saint- 
Aubin » ), soit le mercredi 28 avril. 



— 50 — 

lOîW vers la fin (ravril 1098, Hélie, dans les courses qu'il faisait 
autour (le Dangeul (l) que ses gens étaient en train de forti- 
fier, tomba dans une embuscade et fut fait prisonnier avec 
sept soldats par son ennemi, qui le livra à Guillaume le 
Roux (2). 

C'était, pour le duc de Normandie, une occasion inespé- 
rée de reconjpiérir le Maine ; il écouta les conseils des 
grands qui l'entouraient et partit avec une armée, qui, en 
route, se grossit d'une foule d'aventuriers. A cette nouvelle, 
le comte d'Anjou Fouhjues, dont le fils Geoffroy était fiancé 
h la fille d'Hélie Héremburge, pour disputer le Maine h la 
domination normande, mettait garnison dans le château du 
Mans. 

Nous avons deux récits de l'expédition de Guillaume le 
Roux contre le Mans. C'est d'abord la relation composée par 
Orderic Vital (3) qui, de son couvent, a vu des gens qui 
allaient h Tarmée ou qui en revenaient. Il a vu les seigneurs, 
ceux-ci fort ticdes, connue Raoul de Reaumont, vicomte du 
Maine, Geoffroy de Mayenne, Rotrou de Monttort, déclarer 
devant Fresnay-sur-Sarthe qu'ils s'en remettaient à la déci- 
sion de l'évècpie et des principaux du Mans, sous prétexte 
que les membres devaient suivre la tète et non lui comman- 
der, — ceux-là, comme Robert de Rellesme, piller le pays 
sans mesure et si bien ruiner les moissons que Guillaume 
le Roux dut se retirer, faute de trouver des vivres pour son 
armée. (Juillet 1098.) 

L'autre récit a été écrit par le clerc auteur des Gesta (4). 
Ici, le nom de l'évoque n'est pas seulement invoqué comme 
prétexte à la temporisation de quelques hobereaux ; c'est 

(I) Dangeul. Dominolium, petite seigiKnirie. Cf. danger, de dominia- 
vium, puissance, pouvoir. (Ane. franc. Être en domjier de mort, c'est- 
à-dire au pouvoir de la mort.) 

(2; Gesta, ÎK), D. — Orderic Vital, Ilist. ecelef.y IV, ^. 

i',i} Orderic Vital, Hist. eccles.y IV, 45. 

(i) Gc'«/o, 90, GetUl. 



— 51 — 

parce que son vassal a consenti à Tinlronisation cVHildebert, 
que Guillaume le Roux déclare la guerre h Hélie ; c'est 
Goulaines (1) qu'il brûle de préférence, un bourg apparte- 
nant à révêque ; c'est enfin parce qu'il croit avoir des intelli- 
gences dans la ville que le roi s'en approche, et c'est parce 
qu'il s'aperçoit qu'on l'a dupé qu'il se retire en secret la 
nuit. 

Que verrons-nous dans ces deux témoignages, sinon une 
double version des mêmes événements, interprétés d'abord 
au point de vue des Normands et de l'armée assiégenntr, 
puis avec les sentiments de l'assiégé? 

L'hiver de 1098 à 1099 fut rude à passer pour les Man- 
ceaux. Tout ce que possédaient l'évêque et le Chapitre dans 
la campagne, leurs jardins, leurs rfiches, leurs vignes, leurs 
greniers, tout avait été dévasté, la famine régnait. Le chû- 
teau du Mans restait au pouvoir des Angevins, les soudards 
battaient la ville ; en même temps, cello-ci était fortement 
travaillée par les intrigues de Guillaume le Roux : « Ipsain 
urhem wagù pecunin qnmn virihus impugnahal jamqite 
psene possidebat », dit la « Chronique de Saint-Aubin 
d'Angers » (2). 

Certes, la position d'Hildebert ne dut pas être facile ^009 
durant cette période, placé qu'ilétait entre la crainte d'une 
rentrée à main armée des Nonmands et le danger que les 
Angevins, en se voyant évincés par l'or de leur eiuiemi, ne 
fussent poussés à quelque acte de désespoir. Nous avons la 
preuve de ses émotions dans ses poésies (3) et dans une de 
ses lettres (4). Comme il ne disposait d'aucune force mili- 
taire (5), il était réduit à surveiller les événements ; mais 

(1) Goulaines, Colonias, 

^2) P. 29 des Chroniques des églises d'Anjou (édit. Salmon). 

(3) De Exsilio stio liber. « Niip(M' eram locuples... » (Mclanyes poéti- 
ques d*Hildebert, par U. Uauréau, p. 80.) 

(4) Lettre d'Hildebert II, 8. Sicut frequens. (Patrol. lai., t. CLXXI.) 

(5) 11 semble, d'après les diplômes des rois mérovingiens et les tes- 
taments de plusieurs prélats (dans les Vetera analccta de Mabillon), 



— o2 — 

au printemps, roccasion se présenta pour la diplomatie 
('piscopale de préparer la délivrance. 

En elïol, les troupes an^^evines ayant subi un échec devant 
Hallon, une certaine lassitude se manifesta dans le parti. 
GuillaunK» le Uou:^ ne voulait pas non plus s'engager à fond, 
car il craignait d'être chassé du Vexin par les Français (1) ; 
enfin, Hélii^ ne souiïrait pas impatiemment d'être protégé 
par le comte (KAnjou, (pii, sous prétexte de leur venir en 
aide, opprimait ses sujets. Foulques le Réchin, -comte 
d'Anjou, n'était pas, l'histoire nous renseigne, un modèle 
de chevalerie : il avait dé[>ossédé son frère, Geoffroy le 
Harhu, et, après avoir répudié deux femmes, était jusqu'au 
crime esclave de la troisième, Bertrade de Montfort (2), 
(pj'il avait épousée du vivant des deux autres. Hélie, crai- 
gnant donc (|ue ce personnage peu délicat n'abusât de la 
situation pour laire la paix avec le roi d'Angleterre à ses 
ilépens, manda révé(|ue llildebert et quelques-uns des prin- 
cipaux du Mans dans sa prison, à Bayeux, avec le consen- 
((^ment de (iuillaume, pour traiter de sa libération (3). 

(pie révé(iue, liêritier ihi Dcfensor clvitatis, partageait alors le pou- 
voir comtal, et que, h son intronisation, il se faisait remettre 
ios clefs (lo l'abbaye do Saint-Vincent, établie en avant de la viUe 
comme une petite forteresse qui avait son prévôt, ses hommes d'armes. 
Mais, au XI'' siècle, les abbay(?s s'étaient alTranchies ; quant à la cité 
elle-mèm(% la part de pouvoir temporel qui y restait à révêque avait 
disparu ilans l'insurn^clion communale de 1072 (conspiratione quam 
ommunioneni vocaijant : (iesta ArnalUi, p. ii()8), une des premières 
dont l'histoiro fasse mention : l'autorité du comte, entre les mains <les 
\(»rmands, s'était reconstituée, mais non le pouvoir temporel de 
l'évéque. 

(I) Lucliaire. Actes de Louis VI, Introd., p. lo. (D'après Orderic Vital 
et Sujïer.) 

('2) Uertrade de Montfort, restée de bonne heure orpheline, avait été 
abandonnée au comte Foulques pour prix d'un arrangement politique. 
Femme il'un mari très licencieux, elle se signala elle-même par ses 
déportf^'Uients ; en lOlhî, elle se faisait enlever par Philippe I*"" et allait 
vivre à la cour du roi, qui fut de ce chef excommunié. 

(;i) Qcsta, 91, n et Orderic Vital, Hiat. eccles., IV, 50 et 51. — Hélie 
avait été déteini d'abord à Rouen, d'après les Gesta ; mais il fut trans- 



- 53 - 

Hildebert saisit celte occasion de rendre service au comte 
du Maine et de rentrer en grâce auprès du duc de Norman- 
die ; les négociations entre eux et le comte d'Anjou abouti- 
rent : il fut décidé que Hélie serait remis en liberté en 
échange de la ville, abandonnée h une garnison normande, 
et Geoffroy , ratiliant la convention sur Tordre de son 
père Foulques, se retira avec ses soldats. 

La transmission du château se fit sans secousse, et Hilde- 
bert vint recevoir soleimellement, à la tête de son clergé, 
le roi d'Angleterre, qui se retira après avoir confié la place 
à Guillaume comte d'Evreux, Gisleberl de Laigle et Gauthier 
de Rouen. Mais il s'en follait de beaucoup que tous les dan- 
gers fussent écartés. Les comtes normands, qui comman- 
daient dans la ville à la place des Angevins, ne la traitaient 
pas avec plus de douceur. « Sex in urbe sustiniiimus con- 
» suies » (l), dit Hildebert, en parlant de ces deux mortelles 
années, « Sex in urbe stistinuimus consules ; quorum nullus 
» pacificum prœttmdtms ingressum gladiis et igné curlam 
» sibi vindicavit potesiateni. Plebs, coacia in favorem, lyran- 
)) num suscepii ex necessiiate , non dttcam ex legc : in 
» susceptum studia simulavit, non exhibuit. Fidem reperit 
» in ea qui superior. Consul vero tatdo grnvius dominntus 
> est quanto brevius. Miles ejus^ simulatis usus injuriiSy eos 
» scelerum judicavit expertes quos reru))i. Et quia non par- 

férê à Buyeux, s'il faut en croire Orcicric. — Cet auteur ne parle pas 
du rôle attribué à Ilikleborl par les Gesta, mais seulenioul d'une entre- 
vue entre Foulques et Guillaume le Roux. L'un n'exclut pas l'autre. 

(I) Beaugendre traduit consules par « éclievins » î II cite les paroles 
de Du Gange : « Consules in civitatihus, (|ui in aliis vulgo scahini 
vocantur. » Quand il s'agit <rinstitutions connnunales, consules peut 
en elTet désigner les échevins ; mais ce mol s'applique d'une façon 
générale à toute espèce de maîtres politiques, et, si un cai)itaine est 
entré à main armée dans une ville, on conçoit (pi'il y rèjj:ne, sans pour 
cela devenir mi magistrat. Dans le De E.vsilio suo liber, consul désign(^ 
le i'(n d'Angleterre: » Que C.enomannonnn consti le jyis \K*vi\i. • \h\ns 
les chroniques, consul veut dire comte : Gesla cunsulutn AndJ^aven- 



— 54 — 

jo cil popidis^ vegnutn brève; fineni rapinis inopia posuitj 
» non volnntas » (1). 

Si VéUil de jK^iici'i-e se prolongeait malgré le traité, c'est 
(jirilélie n'avait pas renoncé ti ses droits ; il tenait la cam- 
pagne et préparait sa revanche à Château-du-Loir et autres 
forteresses. Au bout de quelques mois, il présenta la bataille 
aux Nonnaïuis de la garnison. Ils vontau-devant de lui, avec 
un certain nombre d'habitiuits, jusqu'à Pontlieue (2) : ils 
soni mis en déroule. Hélie entre dans la ville à leur suite, les 
remparts du nord et le château sont attacjués par les rues ; 
[••s tours de Saint-Julien servent de bastides pour tirer sur 
les assit'gés ; ceux-ci ripostent en jetiuit du haut des rem- 
parts des brandons qui mettent le feu à la ville ; la confusion 
est partout, le comte voit ceux des habitants qui le soute- 
naient Tabandonner pour courir à Tincendie. Sur ces entre- 
faites, le roi arrivait: c'était un coup mantpié. Hélie s'enfuit, 
laissant encore une fois l'évéque aux prises avec la situation 
la plus troublée, la plus menaçante. 

Guillaume le Roux, prévenu en secret par Robert de 
Rellesme, était débarqué inopinément à Trouville. « /bi, w( 

(h Lettre II, 8. .SiciU frcquetis. — « Voilà plus de trois ans (en octobre 
>' lUK)} qiH* ii; cours de ces caiainilùs a commencé, et chaque jour n'a 
>• lait (|u'ajoutor douleur sur douleur. Dans ce court espace de temps, 
» notre ville n subi six comtes (Angevins et Normands réunis) qui, les 
» uns et les autres, loin de se jirésenter en pacitîcateurs, se sont 
V arrogé par le fer et le feu un pouvoir éphémère. Le peuple, contraint 
)■ à leur faire ljonu(* mine, a re(;u les tyrans imposés par les circon- 
» stances et f»as «le chef légitime. Pour ces maîtres de rencontre, il a 
'» joué la souujission, .«^iins amour vrai. Le triomphe de la force a fait 
n sa lidélité. Le joug de ces comtes s'est appesanti d'autant plus lour- 
« di'ment (pi'il durait moins. Leur soldatesque, sous le prétexte mal 
" fondé d'outrages a l'autorité, n'a jugé exempts de crimes que ceux 
) auxquels il ne restait plus rien qu'on put enlever, et leurs dcpréda- 
» tious n'ont cessé que fatite d'objets m. Ce la ugîige rap])e lie Tacite. 

('2) Piinfem Lnufiiv. Poutiitme, localité séparée du Mans par l'Huisne 
{Idoui'U), pri'iniére station du lîliemin de Hm* l'outier du Mans à la 
(Miartrt^. — Tous ces faits sont dans les Gesla^ \)\ et î^2. 




— 55 — 

tnoria e»t in œstate , plurea utriinque ordinîa adsUtlianl 
et, vUa rate de Anglia velificante, ut nliquid novi edisce- 
rent, alacres exapectabant (i). » On le voit, en celte saison 
de juillet 1099, la noblesse normande n'était pas tout entière 
à l'assaut de Jérusalem, et plus d'un seigneur se reposait au 
boi-d de la mer des fatigues des combats, Guillaume le Roux 
se trouva donc, à son arrivée, entouré d'un groupe de 
iidèles. Hildebert se hàla de se présenter parmi eux, ayant, 
comme l'on pense, à expliquer sa conduite et celle du clergé 
de Saint-Julien. 11 aborda le roi humblement et tut par lui 
reçu en ami. En elTel, Guillaume le Roux, parti d'Angleterre 
avec une violente colère, s'était calmé par degrés. Se jeter 
dans une barque à l'improviste, s'amuser de l'étonnement 
des matelots qui le conduisaient, en les régalant de ce mot 
oi^ueilleux que « les rois ne se noyaient pas n (2), sur- 
prendre son peuple et, pour employer une expression toute 
moderne, < alarmer » sa troupe, tout cela lui plaisait. Guil- 
laume le Roux avait retrouvé sa bonne humeur soldatesque : 
il reçut bien l'évèque (3). 

Mais ce rude soldat pouvait s'enqjorter de nouveau. Il est 
dit dans les Gesta (4) que des clercs, probiiblement ceux 
qui n'avaient pas pris leur parti de l'élection d'Hildebert, 
desservirent l'évèque auprès du roi, l'accu.-sant d'avoir favo- 
risé sous main la tentative d'Hélie ; nous croirions volon- 
Mers que Guillaume attacha peu d'importance à ces insinua- 
tions ; mais, lorsqu'en parcourant des yeux les brèches 
faites à ses remparts, il vit, se détachant superbe sur la 
ligne des créneaux, la tour de l'église d'où l'on avait tiré 



(I) t La, comme c'est l'usatje en itarellle saison, se trouvaient u 

■ cert&in nombre de gens ilce deux onires |latqucs cl religieux): ii l'a^ 

■ pect de celle voile qui venait d'Angleterre, ils accoururent savoir c 
> qu'il y avait de nouveau. • (Orderic Vital, HiU. eccldt. IV, 58.) 

(2j Chron. PelH fiiii Bechini, 

(3) Orderic Vital, HUt. eccle»., IV, D9. 

(i)Cetla, «JS, A. 



IK» 



— 5(5 - 

sur ses troupes, il coinpril Tinsulte et, fronçant le sourcil, 
ordonna de l'abattre (1). 

Hildebert ne pouvait consentir, sans déchoir gravement, 
à un pareil sacrifice ; il voulut profiter de ce que le roi était 
pressé de retourner en Angleterre, pour traîner les choses 
en longueur. Mais il semble que Guillaume revint au Mans 
dans l'hiver de 1099 à 1100, apparemment pour se rendre 
compte des tiavaux de réftîction qu'il avait ordonnés dans 
le cliîïteau ; il reprit alors son idée d'abattre la tour de 
Saint-Julien. Cependant, Hildebert avait eu le temps de 
consulter Yves de Chartres et s'était fait défendre par lui de 
consentir à l'épreuve du fer chaud pour prouver son inno- 
cence ('2). 11 réclama le jugement de ses pairs, et alors le roi 
le contraignit de le suivre en Angleterre, pensant avoir rai- 
son de lui par Texil t^t aussi par le spectacle de l'étroite 
dépendance où il tenait le clergé de son royaume (3). 

Hildebert devait, au contraire, retirer de ce voyage beau- 
coup de fruit. D'abord, il composa une remarquable pièce de 
vers, que nous avons, sur la tempête où il faillit laisser la 
vie (i); ensuite, il noua outre-mer plus d'une relation 
agréable et nous voyons que, parmi ses lettres, plusieurs 



(1) [1 s'iijïit de la tour du transept nord, la plus voisine du château 
cl (lu rempart (pii s'y appuyait, à Tangle nord de la ville. On reconnaît 
(l;uis It^ jardin voisin les restes do ce mur de construction byzantine 
(pii, en se diri^feant vers le sud-est, limitait le sanctuaire à la moitié 
environ du ehoMir gutliicpie actuel. Il a d'ailleurs été beaucoup écrit 
siir la eitadelle du Mans (tour Orbrindelle, Mont-Barbet) et sur ses 
nnnailles. Cs. It.'s (>uvra}j:es, articles et mémoires de MM. llucher, 
l'abbé .\. Voisin, rîd)bé H.Cbarles {Revue du Mai?ît', 1881, avec une 
biblio^rrapbic du sujet) et (îabriel Fleury (Revue dti MabiSy \SSS, i^M. 
et IHÎIV). 

C2) Nous avons la réponse d'Yves de Chartres : Migne, Patrol. lat.y 
t. CLXII, op 7i. 

Cb V(.y. b'Ilre d'ilildcbert II, 8 [Sicut frecjuens) et Gestay^ï ei^. 
Orderie Vil:d i\o paile pas d(^ ees évèncMncMits. 

(î-i lie hlxmito sao liber. 1». llauréau, Mèlantjcs poétiqa&i d Hildebert^ 
p. Si). 



— 57 — 

sont adressées à des prélats anglais (1) dont il fit alors 
la connaissance. Enfin, ayant compris le caractère de Guil- 
laume le Roux, il devait nécessairement avoir le dernier 
mot dans ce duel. Le roi, qui avait ses heures de piété, lui 
oiïrit, s'il démolissait la tour, de For et de Targent pour 
édifier un superbe tombeau à saint Julien. Hildebert éluda 
cette proposition captieuse. « Cette grande idée est digne 
» d'un prince, dit-il, dans Tempire ducpiel abondent les ar- 
» tistes ; mais nous n'avons pas, dans notre petite ville, d'ou- 
i> vriers assez capables pour se montrer à la hauteur d'un 
» si généreux projet (2) ». Puis, comme Guillaume ne se 
tenait pas encore pour battu et offrait, à la place d'un cadeau 
en argent, un très beau vase pour y renfermer les reliques 
du saint, Hildebert se ravisa : il fit tant et si bien, (pi'à la 
fin on lui permit d'aller consulter ses clercs au sujet de 
cette proposition. C'était un nouveau délai de gagné. Les 
clercs ne purent se mettre d'accord, et l'évéque, ayant 
rendu compte de la délibération et adressé sa supplicpie au 
roi, attendait la réponse, quand survint la mort du tyran : 
la tour de Saint-Julien était sauvée (Î3). 

(1) Voy. notro //• partie. 

f2)Ge»m, 92, B. 

(3; Tous ceux tiui ont <!v.'rit sur los fortifications du Mans ou sur lu 
catiiêdrale, ont admis qu'IIiltlebort avait cousiMiti à la démolition de 
la tour du transept de Saint-Julien. Mais il nous srnililait diflicile, 
après une lecture attentive des Gesta (?t de la lettre Sicnt freqiunis, de 
souscrire à l'opinion commune. Tue l«^ttre inédite clc lV.vè(|ue, i{ni 
doit être publiée procliainmient dans {'Eittjlish hist-jrical Uevieu^ et 
qui paraît écrite après le retour d'IIildebert au Mans, nous conlirme 
dans notre hypothèse. On nous demandeia alors ce que sont 
devenues les tours du tran.sept, dont Tévèque .Vrnauld avait jeté les 
fondements [Gesta Àrnaldi, p. .'J()7, col. 2) et qui furent aciievées par 
Hoel (Gesta Hoellij p. liOU, col. *2) ; mais deux fjrands inc(Midies, tMi 1 I3i 
eii\[^ iGesta Guidonis ei Hugonis), houleversèrent la face du monu- 
ment oi forcèrent sans doute les areliile(.*t(\'< à abattre ce (\\\\ avait été 
êparjrné j»ar le feu. Le portail dit de la Psalldle est un re.st<' de laneien 
transept ; en 1i22, é|)0(pie où l'on se mit à eunstruiie le eroi.silU>n nord 
qui existe encore aujourd'hui, la l*.sallelte fut laissée en dehors <lu 
monument^ et les derniers uuirs qui subsistaient du XI*" siècle furenl 



— 58 - 

Bientôt après en effet, le 2 août 1100, Guillaume le Roux 
était tué à la chasse par son écuyer Tyrrel (1). A cette occa- 
sion, le clerc qui a écrit les Gesia se montre lyrique. « Il est 
» mort, (Ht-il, ce grand roi, qui apparaissait chaque année, 
» avec le fracas d'une tempête, pour tout submerger, et qui, 
» semblable à une marée montante, s'en allait comme il était 
» venu. Il est mort, ce lion féroce, il a été tué comme une 
y> bète (2). » Le nouveau souverain, Henri, frère cadet du pré- 
cédent, avait trop à faire dans ses États pour songer à porter 
secours à la garnison du Mans. C'était, d'ailleurs, un prince 
circonspect et plus disposé à dénouer par la prudence les 
embarras qui Tassiégeaient, qu'à risquer au loin un coup de 
force ; la petite troupe attendit, trois mois et plus, un secours 
qui ne venait pas ; h la fin, elle se rendit au comte du Maine. 

On lit dans les Gesia (3) que le comte, de par un don de 
sa générosité pure, leur fit grâce de la vie et des supplices ; 
Orderic Vital (4) prête à Hélie un rôle moins triomphant, 
mais plus élégant et plus spirituel, qui s'accorde assez avec 
ce que nous savons déjà du personnage. « Qu'il vienne, 
» avaient dit les soldats, qu'il vienne avec une robe blanche, 
» le candidat-bachelier (ils l'appelaient ainsi parce qu'il était 
» comme un comte en expectative et dans la position d'un 
]p fils de seigneur baimeret qui n'aurait pas encore eu Tâge 
» de porter la bannière). Qu'il vienne, et nous verrons s'il 
» vaut mieux que ce prince, à qui nous conservons une ville 
y> et qui ne parait pas s'en soucier. » Hélie les prit au mot, 

démolis. (Document des Archives nationales X 1/a 911)7, fol. 153 verso 
et 156, cité par M. l'abbé LcdrUy dans ï Union historique du Maine, 
mars 1894.) 

(1; Tué par méj^anle ou assassine? La question est restée pendante. 
]Ài\ç^nril {Histoire d'Angleterre) ne cro\i pas qu'il y ait eu assassinat; 
en tout cas, T Angleterre était si beurousc de respirer après la tyrannie 
do c^etto espèce de fou furieux qu'avait été Guillaume, que l'on ne fit 
aucune enquête. 

(2) (iebta, 92, 1). 

(3) Gesta, 9;i, A. 

(4) Orderic Vital, Uist. ecdes.y IV, 99-102. 



- 59 - 



s'aboucha avec eux et les convainquit si bien de l'inutilité 
de verser ie sang, qu'ils consentirent i le reconnaître pour 
seigneur du Mans et à se retirer avec les honneurs de la 
guerre. 

De ce jour, le comte Hélie rentrait défiiiilivement dans sa 
ville, et le roi Henri, se contentiiut des simples droits de 
suzeraineté, gagnait dans i>on vassal un tidèle allié. 



§ IV. 

Le comté du Maine était en bonnes mains, mais la guerre 
avait laissé des traces qu'il restait il ellacor. Dans une œuvre 
d'HildeberL mélangée de prose et de vers, le Liber de Con- 
flictu carnis et apirttu» (1), l'Ame apparaît au prélat et lui 
demande pourrjuoi, au lieu ile tracer des plans et de com- 
mander les ouvriers, il ne préparerait pas à la Religion, 
dans les cœurs, une demeure plus belle et plus durable que 
les constructions humaines, tâiles de briques et de pierres... 
Or tel nous semble avoir été précisément h celle heure 
rol)jet de ses efforis, car, tandis que le comte rétablissait 
l'ordre et que chacun rebâtissait sa maison, l'évêque partit 
pour Rome demander la l)éncdiction papale et rapporter 
d'Italie des présents, d(>s hommages princiers, (|ui lui per- 
missent de restaurer le prestige du saint patron de s(m 
église, de saint Julien, et de lui rendre, après les épreuves 
de la dernière guerre, la confiance et l'umour îles Man- 
ceaux (2). 

(ii Ms.lat.de la Bibl.TMt ^9:), 17ii)8 etc. Duns Reaiifendrc, Ililde- 
berti opéra, p. 9H (n' ^ras dp l'édit. Migiie). 

(2) Voy. la noie Sur l'époi/ue du iiiywje de Itome à la lin <le la pre- 
luiére partie. — Boncloiinet, puis BeiiUKunilre et lioni l'ioiiii, raconloiil 
i|ir)lil(lelicrt avait fait le voyagri île Hoiiii: (jour ileinniider au l'iip-: lu 
piinniBSiOTi d'ul>"iiqm.T ; or, te que ces relifie"* présentent ciimiUL- un 
désir louable de se consacrer tout ciilicr à sou .salut, nousacnilili'i'iiil 
une l&cbeté dont il est à propos de disculper notre êvâque. Saiiii doutt^. 



. — 60 - 

Hildebert se rencontra avec le pape Pascal IL Rome lui 
a inspiré deux pièces de vers fort jolies, qui sont, la pre- 
mière, une complainte sur la beauté des ruines de la ville 
antique et Tautre, un éloge de la Rome chrétienne, de la 
ville éternelle qui a hérité de la domination du monde (1). 
La fin du premier poème dénote une alliance ingénieuse du 
sentiment de la beauté plastique avec Tenthousiasme de la 
foi. 

Hic Siqterihn formas Stiperi miranuir et ipsi 

Et cupiiint firlis xniUihus esse pares. 
Xon potuit Naliira deos hoc ore creare 

Quo miranda deùm signa creavit Iwmo, 

« Les habiUuits du ciel admirent eux-mêmes la beauté 
» des Olympiens et voudraient être pareils à ces visages 
» sculptés. 

» Non, la Nature n'aurait pu créer des dieux vivants sous 
» ces traits que Thonnue a donnés à leurs admirables 
» images. » 

Ces anges et ces circhanges qui s'associent à l'admiration 
du spectateur, donnent aux débris de colonnades et aux 
statues de Rome un fond de gloire, et ces vestiges merveil- 
leux se dessinent, sur la fac(» de la Divinité, comme l'abou- 
tissement suprême du génie humain, comme le terme de 
la création retournant à son auteur après avoir reçu de la 
créature intelligente le prestige de Fart. 

il dit. «laiis le cours (ie sa loltro à Hugues abbé de Cluny j'^Afflurimum 
fiuro', qu'il avait songé à venir se reposer de ses alurrnes sous la règle 
tutélaire de saint Henoit. et (|ue c'était le Pai>e qui l'avait prié de rester 
dans le siècle ; mais nous croyons qu'on attache trop d'importance à 
une marque de faiblesse passiigère, à une phrase qu'Hildebert a pu 
prononcer an cours de son entrevu»» avec 1»» l*apt^, et qu'il rapporte à 
l'abbè lingues en manière tle conversation. Mais il était trop couni- 
geux. Comme le témoignent les actes île s;i vie. «'t aussi trop ambitieux, 
pour avoir tenu la conduite qu'on lui prête. 

(1) n. Hauréau. Mt'Uuujcs poétiques d'UiUieberf, p. 5il. 



— 61 — 

Dans rilalie du sud, Hildebert rencontrait les établisse- HOl 
ments des Normands, chez qui le nom de saint Julien 
jouissait d'un certain crédit, et il touchait la piété bien 
connue de ces hardis aventuriers. Il vit le duc de Pouille et 
son oncle Roger, comte de Sicile, qui le chargèrent de 
présents : 300 livres d*encens composé de leurs propres 
mains, cinq riches manteaux, des burettes d'argent doré, 
un encensoir d'un beau travail byzantin, cent onces d'or et 
dix livres pour chacun des chanoines. Il fut erîcore reçu en 
Calabre par une sainte et noble dame, qui avait construit un 
monastère en l'honneur de saint Julien et qui hébergea 
notre voyiigcur et ses compagnons une nuit qu'ils s'étaient 
égarés (1). En effet, un voyage au XIP siècle offrait parfois 
des péripéties mémorables. En passant par l'ile de Lérins, 
Hildebert faillit être dépouillé des riches présents qu'il por- 
tait avec lui et même mis à mort par des pirates ("2). 

Il s'échappa pourtant, et, rentré au Mans, il distribua les I10l-lia'> 
dons qu'il avait reçus entre la cathédrale et les autres 
cghses de la ville ; puis, il se mit à pousser avec activité les 
travaux de reconstruction de Saint-Julien e>We.la maison 
capitulaire, qui n'avaient jamais été abandonnés tout à fait 
depuis son avènement (3). 

On sait, par les lettres de Geoffroy de Vendôme (4), que 
l'abbé avait prêté à notre Hildebert un maître maçon fort 
habile (cœmentariumj^ le moine Jean. L'évoque se trouva 
tellement satisfait de ses services, qu'il le garda près de lui 
au delà du temps convenu. Geoffroy de Vendôme réclama 
son moine ; Hildebert fit la sourde oreille, et, comme Jean 
ne répondait pas davantage, trop heureux d'avoir échappé 
k la rude discipline de l'abbé de la Trinité, il fut excommu- 
nié : Hildebert ne s'en soucia point et couvrit de sa protec- 

(1) Gesta, 93, B. 

(2) Lettre III, 7. Maximum duco. 

(3) GestOy 90, C. 

(4) Migne, Patrol lot., l. CLVIÎ, ep. III, 10, 2i, 25, 29, 30. 



— m — 

tion rarchitecto (1). Un autre de ses collaborateurs est 
mentionné au « Livre blanc » du Chapitre : c'est Guillaume, 
le maître verrier (vUrariusJ^ chanoine de Saint-Julien, qui, 
h sa mort, légua à Hildebert et à tout le Chapitre, pour être 
vendue, et le prix en être distribué aux églises et aux 
pauvres, la maison qu'il avait « bâtie du travail de ses 
mains (2) ». Il avait exécuté pour Tévèque Hoël les vitraux 
du chœur et du transept qu'on venait de reconstruire, et 
cette éclatante manifestation d'un art qui commençait alors 
à sortir de l'enfance excitait l'admiration des Manceaux (3) ; 
il est à présumer que ce fut lui qui, sous Hildebert, appli- 
qua SOS talents à la décoration de la maison du Chapitre. 

L'évèque, en effet, tout en reconstruisant son propre 
palais, n'eut point de relâche que le cloître et ses dépen- 
dances ne fussent relevés et mis en état de réunir dans une 
vie connnune tous les chanoines (4). Ils s'y prêtèrent d'assez 
mauvaise grâce, mais l'autorité de l'évèque était à ce prix : 
Hildebert tint bon. Quand Geoffroy de Vendôme lui reproche 
la mollesse de son administration (5), il parle en homme 
habitué à commander ses moines comme un régiment et 
oublie la difficulté qu'il y avait pour le prélat à se faire 
respecter de ce Chapitre, qui avait ses biens à part, ses 



(1) Cette affaire ne montrait pas que Geoffroy fût fort aimé de ses 
subordonnés, et M. I-uc Compain {Geoffroy de Vendôme, p. 47) nous 
donne plusieurs exemples de moines qui s'échappèrent de la Trinité 
par peur des coups. Néanmoins, les torts étaient du côté de l'évoque, 
qui se conduisit avec quelque sans-géne, s'il faut en croire nos docu- 
ments ; L'ur, n'ayant aucune lettre d'Hildebert sur ce sujet, nous n'en- 
tendons qu'une des parties. 

(2) Libei' albtis Capiiuliy n« 185. 

(3) Ce (luillaume le Verrier, mort sous Hildebert, est mentionne dès 
le temps de IIch.*!, dans la charte n^ 4 de notre Tableau des actes. Cest 
donc lui qui, vraisemblablement, exécuta les vitraux du cho'ur et du 
transept, si vitraux il y eut. La (piestion est en effet controversée. Voir 
la note .Sur len anciens vitraux de la cathédrale à la fm du chapitre.) 

(4) (iesta, 90 et 93, C. 

(5) Golfridi ep. III, 1(3 (Migne, t. GLVII). 



— 63 — 

assemblées, et dont les membres, moitié cloîtrés, moitié 
libres, disposaient de riches prébendes comme celles des 
monastères sans en accepter la règle. Hildebert, loin de 
faiblir, se montra constamment à la hauteur de sa tâche. 

Ainsi, il s'occupa des domaines. Il s'appliqua à faire ren- 
trer sous son autorité les églises rurales qui avaient été 
usurpées par des laïques (1) ; il reconstruisit les granges et 
les celliers, refit les plantations, enfin remit en état ces 
exploitations agricoles, sans cesse pillées et sans cesse 
renaissantes, qui, au milieu de l'anarchie féodale, restaient 
la gloire du clergé, et, tout en revendiquant les droits du 
Chapitre, n'oublia pas de le maintenir dans sa dépendance. 
Il affecta les revenus des prébendes capitulaires à l'usage 
particulier des chanoines, mais réserva, partout où les pré- 
cédents le lui permirent, ses droits souverains (2). Parmi 
les églises que cite l'auteur des Gesta comme ayant fait 
retour en tout ou en partie sous Hildebert à la mense capi- 
tulaire, nous reconnaissons : Notre-Dame-de-Gourdaine (.'^), 
ancienne paroisse du Mans ; — Saint-Georges-du-Plain, 
sous le Mans ; — Brains, Goulhans, le Tronchet, Monhou- 
dou. Poncé, Ruillé-sur-le-Loir et Saint-Jean-d'Assé, dans la 
Sarthe ; — Assé-le-Béranger. Jublains et la Dorée, dans la 
Mayenne ; — Troo, en Loir-et-Cher ; — et, comme églises 
exclusivement épiscopales. Saint -Siméon -en- Passais et 
Geaucé, dans l'Orne. 

Enfin, le comte Hélie, stimulé dans sa piété, prit sa part de 
ces restaurations. Il donna de l'or et de l'argent (ce qu'avait 
offert sous une autre forme Guillaume le Roux) pour 

(1) Suivant racle de fondation, la cure était à la présentation de 
l'évêque, d'un Chapitre, d'un abbé ou d'un seigneur. 

(2) « Hujus etiam ope et vigilanti studio plurimie ecclesiie.... ad 
victum canonicorum, ipso diaponente atque concedente, depulatiK sunt. » 
(Gesta, 100, D.) 

(3) Gourdaine, Gurzenna. Mot à rapprocher de gordy pêcherie. Près 
de là était la tour de Chétivpau (Captiva aqua^^au captée). 



- 04 - 

décorer le tombeau (lectum) do saint Julien ; en outre, il 
confirma à Téglise ce que lui avaient accordé ses prédéces- 
seurs (1), c'est-à-dire Tabandon du droit de champart, 
Taffrancbissement des corvées et redevances et de tous 
droits seij^neuriaux, à l'exclusion de la haute justice, dan?^ 
Tenceinte du cloître, des maisons épiscopales, à Goulaines 
et dans toute la terre des chanoines en deçà des quintes (2) 
du Mans. 

C'est ainsi que le diocèse se relevait de ses ruines. Lo 
temps des grandes dévastations était passé ; mais les com- 
pétitions locales des seigneurs et des églises s'étendaient à 
tout le territoire. 

A l'est, la terre de Savigny-sur-Braye, que la comtesse de 
Vendôme Euphrosine (}]) avait été obligée de céder aux 
moines de la Tiinité, venait de leur être violemment reprise. 
Comme Savigny était dans l'obédience du Mans, Geoffroy, 
bien que son monastère fût situé au diocèse de Chartres, 
en appelait à Hildebert. Celui-ci ne se refusa point à faire 
rendre justice à l'abbé, mais il voulîdt entendre la comtesse 
de Vendôme avant de la condamner, et il les convoqua tous 
deux à sa cour (4). Geoffroy était entier, agressif, il réclamait 
une sentence innnédiate et sans phrases ; il fit mine de ne 



(1) Lui-mOme avait fait pareilU; donation en faveur de Hoël et de ses 
chanoines. Cf. Getyta IJoeîli, p. 312; Gesta Hilcieberli, 93, C et « Nécro- 
loge de l'église du Mans », au 5 des ides de juillet. — Le droit de cham- 
part (cauipi pars, prélèvement sur les récoltes) est aussi appelé 
(iiablaghim. Consuetudines désigne les servitudes et les corvées; 
exactlo}ies, les redevances en argent ou en nature. Le droit de haute 
justice, que so réservait le comte, concernait les délits comportant les 
j)lus grosses amendes ou pouvant entraîner la peine capitale, le rapt 
et l'incendie. 

(2) Quinte, réunion de cin(i villages. Ce mot, qui désignait la banlieue 
de la ville, perdit son sens numérique, à peu près comme notre mot 
ipiartier. 

(3) Son mari (ieofTroy, parti pour la Palestine, y mourut en 1 102. 

(i) (ioffridi cp'istolœ. Lettres au Pape : I, 3 ; à lliMebert: III, 15 et 
suivantes. ^ 



— ()5 — 

pouvoir se rendre au Mans, parce que, disait-il, les routes 
n'étaient pas sûres, Tautorité de l'évêque étant partout 
méconnue. Après cette allusion peu gracieuse aux efforts 
prétendus inutiles du prélat pour se faire respecter, Geoffroy 
enchérissait encore ; il laissait entendre qu'on n'avait pas, à 
la cour épiscopale, le respect dû à un abbé qui jouissait de 
l'immunité (!) et allait, conclusion inattendue, jusqu'à sou- 
tenir qu'Hildebert était, par son attitude, la cause de sa 
brouille avec les seigneurs de Vendôme.... 

Certes, il n'était pas besoin d'autre ferment de discorde 
entre l'abbé et le châtelain, que ce voisinage irritant, exaspé- 
rant. Il datait de Geoffroy Martel, comte d'Anjou, qui, en 
1032, après avoir conquis le Vendômois sur son neveu, ne 
le lui avait rendu qu'en fondant de ses dépouilles, à la porto 
de son château, le monastère déclaré exempt de toute juri- 
diction autre que celle du Pape. C'était comme une épine 
enfoncée au pied des comtes de Vendôme ; entre un abbé 
passionné, haineux, et une femme irritable, les contesta- 
lions se ravivaient sans cesse. 

Cependant Euphrosine était dans son tort. Hildebert dut 
la condamner, l'excommunier môme ; alors elle se soumit 
et se retira peu après, laissant le pouvoir à son fils Geoffroy 
Grisegonelle (2) , qui fut toute sa vie aux prises avec les 
mômes difficultés, comme Hildebert ne cessa d'être tour- 
menté par l'abbé Geoffroy, qui toujours raillait son autorité et 
toujours s'empressait d'y avoir recours pour mettre à la 
raison ses compétiteurs, grands ou petits (3). 

Un événement bien plus important que ces misérables 
querelles, fut la rentrée en scène de Robert Courtchcuse, 

(1) L'épigramme sur « rabbé mulet », ce dignitaire ù moitié moine ù 
moitié prélat, pourrait bien avoir été inspirée par le cas de Geoffroy de 
Vendôme. (Dans Beaugendre, Hildeherti opéra, p. i;:J55.) 

(2) Grisegonelle, grise casaque. 

(3) Goffridi epiatolœ. Lettres contre Hamelin de Montoirc (IIl.. 17), 
contre Pierre de Sourches (III , 28). 



1106 



— m 



frère aine do Henri I^"*, qui revenait de la croisade réclamer 
à main armée son duché de Normandie, et dont la présence 
faillit (le nouveau déchaîner de grands troubles. Hélie avait 
promis fidélité à Henri pr ; mais le turbulent sire de Bel- 
lesme tenta de Tentraînor dans le parti de Robert, faisant 
valoir que celui-ci, beaucoup moins politique que son frère, 
serait pour ses vassaux un suzerain moins constant dans 
SOS volontés, partant moins incommode. Hélie, qui se sou- 
venait parfaitement de Tanarchie profonde où l'incapacité de 
Robert avait plongé la Normandie pendant plusieurs années, 
et qui n'aspirait qu'à jouir en paix de son comté, Hélie 
écouta les avis d'Hildobort et du clergé, favorables à Henri, 
do qui seul on attendait une protection efficace des proprié- 
tés et des personnes ecclésiastiques, tandis que les rodo- 
montades de l'aventureux croisé, qui n'avait même pas su 
accepter le trône de Jérusalem qu'on lui proposait, effrayaient 
tous les intérêts, sauf ceux des pillards intéressés à tout 
brouiller, comme Robert de Bellesme. Celui-ci et les siens 
furent complètement défaits à la journée de Tinchebray, et 
Robert Courteheuse expia son imprévoyance dans une dure 
captivité ; (juant à Robert de Bellesme, il fît la paix avec le 
roi d'Angleterre par l'intermédiaire d'HéUe, qui lui fit 
rendre Argentan, Falaise (1). 
1107-H09 C'étaient l'habileté stratégique d'Hélie.et la valeur de ses 
chevaliers, qui avaient décidé de la victoire en faveur de 
Henri l*"". Hildebert, donnait, à la môme époque, une autre 
gloire à son pays. Sa renommée littéraire s'était en effet 
répandue de toutes parts, et, h l'article de l'année 1109, le 
chroniqueur de Saint-Marian d'Auxerre écrivait : « Florebai 
hoc tcmpore Hildebertus, vir scieiitia perspicuus et tam in 
voriiificando (en vers) quam in dictando (en prose) gratiam 
pevuUarem adeptus (2). » 

(i) Onloric Vital, Ilist. eccles., IV, %M), 23i et suivantes. 
ri) (^ht^oH.S^* MmHani Autissiodorensis 



— 67 — 

C'était à la campagne, à Yvré-rEvôque, dont il avait fait 
rebâtir la villa, qu'Hildebert îiimait h se retirer pour cultiver 
les Muses (1). Il partageait son temps entre les petits vers 
imités d'Ovide (2) et les compositions d'un caractère plus 
grave, comme les extraits de sentences (3), les Vies de 
saints (4) et les lettres de direction qu'il adressait à ses 
pénitents et pénitentes (5). Entre ces deux ordres d'écrits, 
une fiction comme le Liber de QueiHmonia montrait l'auteur 
sous ses différents aspects, tour à tour pénétré de poésie 
antique ou de spiritualisme, méditatif ou raisonneur. 

Tels étaient les nobles loisirs d'Hildebert, entrecoupés 
par les déplacements que lui commandait sa charge (6) : 
excursions dans le diocèse pour assister à la fondation d'une 
abbaye (Etival-en-Char£iie, 1109) ou venir en aide à l'abbé 
de Saint-Vincent (Malicorne, 1109), et, dans les diocèses 
voisins, à Nantes (1105), à Loudun (1109),à Fleury (11 10) (7), 
pour prendre part à des jugements solennels ou à des 
conciles provinciaux ; voyage à Troyes enfin (mai 1107), où 
il rencontrait le Pape et, avec lui, l'épiscopat français tout 
entier (8). 

(1) Geêta, 93, C. 

(2) Voy. 6. Hauréau, Mélanges poétiques d'Hildebert, 

(3) Gesta, 89, C. 

(4) Sainte Marie rÉgyptienne, en vers rimes ; sainte Radegonde, en 
prose. 

(3) Voy. notre II* partie. 

(6) Voy. notre Tableau des actes, 

(7) D'après la « Chronique de Sain t-Pierre-le- Vif de Sens. » ( Voyez 
notre Chapitre /•'.) 

(R) La lettre de Pascal II, mentionnée au n» 17 du Tableau des actes, 
et qui a la valeur d'une pièce offîcielle, nous apprend qu'Hildebert 
assistait au concile de Troyes. Elle est datée de Souvigny, prieuré de 
Cluny en Bourbonnais, où le Pape avait été moine et où il se reposait 
alors de ses fatigues. C'est ce qui a donné lieu à Baronius et à Beau- 
gendre de raconter qu'Hildebert, retour de Rome où ces auteurs 
croyaient qu'il s'était rendu pendant le concile, était venu trouver le 
Pape à Souvigny. 



— 68 — 



CHAPH'RE Il[ 



FIN DE L'ÉPISCOPAT D'HILDEBRRT 



§ I- 

1110-11 i:i En 1110, Hildoberl vit mourir celui qui, en dirigeant les 
aiïaires du Maine, avait prêté h Tévôque un si loyal et si 
forme appui (1). A son lit de mort, le comte Hélie fit encore 
de nouveaux présents à l'église : il donna de quoi fabriquer 
une grande croix, ornée de pierres précieuses (2). Il fut 
enterré à Tabbayo de Saint-Pierre-de-la-Gouture (3), et on le 
représenta en armes, couché sur son tombeau. Cette belle 
statue, (lui est restée en place jusqu'à la Révolution, est un 
des premiers exemples de sculpture tombale que nous ait 
donnés le moyen âge (4) ; elle frappa l'imagination des 
contemporains, si bien (|ue Foulques le Jeune demandait en 
1 124 aux religieux de Vendôme qu'ils élevassent à son père 
un tombeau semblable (5). 

(1) Orderic Vital, HisLeccles., IV, 103 et 300. Cf. Chron. 5*» Florentii 
Salmtiricnais et «S'«» Albini Andegavensis. — Philippe I®"", roi de France, 
mourut en 1108 ; il eut pour successeur son lils Louis VI le Gros. 

ç^) n(îaut;endre attribue à llildebert une épitaphe du comte Ilélie. 
Voy. n. llauréau, Mélatiges poétiques d* llildebert, p. 3i. 

Çk) La reproduction de la statue d'Hélie est dans lecarlulaire imprimé 
do Saint-l*ierre-de-la-Couture. On cite comme non moins ancienne la 
statue tombale de saint Meinmii\ êvèque de Chàlons. Ensuite viennent 
celles de saint Junien ^^llaute-Viennc) et celles des Plantagcnéts {h 
Fontevrault). 

i^i) CoUecl. l). Housseau, n« lilU : donation de Foulques aux religieux 
de Vendôme (le drbit «le pèche dans la Mayenne). Ceux-ci s'obligent, 
eu reconnaissance, à élever une tombe sur la sépulture de Foulques 
le Uéchin, enterré à l'Cvière {Aquaria, la Trinité d'Angers), toute 
s:>mblablo à celle d'IIélie, comte du Maine. 



I • 



70 — 



dans cette alïaire par le doyen du Mans Hugues (1), qui 
remplaça Geoffroy devenu archevêque de Rouen en 1110 (2), 
et par un évéque de Chartres, « homme d'une autorité si 
vénérable (3) », qui ne peut être que saint Yves, mort en 
1115, leur présence à tous deux et Tordre dans lequel 
Tauteur des Gesta rapporte les faits s'accordent avec la 
chronologie générale de l'histoire dé France pour dater 
l'événement à deux ans près (4). 

Donc, le comte du Perche, Rotrou, allié du roi d'Angle- 
terre, ét'uit tombé entre les mains de Foulques, soit au 
milieu d'un combat, soit par le fait d'une embuscade à 
laquelle le doyen Hugues n'aurait pas été étranger (5), on 



{{) Gesta, d^, A. 

(2) Voy. G allia, aux archevêques de Rouen. Le nom du doyen 
Hugues apparaît dans le Liber albus en 1111 (n<' MO). 

ç.\) « Vir venenuîdai aucloritatis » ^Lettre d'Hildebert II, 17). Lo 
successeur d'Yves de Chartres, GeoITroy, contesté par une faction puis- 
sante, dut aller à Rome se faire .sacrer : ce n'était donc pas encore un 
homme d'une « autorité vénérable », et il ne peut être question de lui. Yves 
mourut en 11 li ou 1115 (Gat/ia); il avait été lui-même retenu un an 
prisonnier par lo sei^riieur du Puiset, à l'instigation de Bertrade de 
Montfort. 

(4) Pourtant, on a connnis de graves erreurs h ce sujet. Les uns, 
comme Baroniu.s , ont cru (ju Hildebcrt avait été emprisonne par 
(Guillaume le Houx ou par Henri 1*^, et les autres à Rome, par le Pape ! 
On lit en elïet dans Schedel, chroniqueur allemand du XV* siècle, cette 
phrase singulière et d'ailleurs très vague : « Is multas tribulationes ac 
carceres ac vincula apud Romam pro Christo et cjus ecclesia susti- 
nuit. j» (Kol. cxcv.) Cela ne repose sur aucun fondement : Schedel a 
transporté à Home ce qui s'était passé en France, à Nogent-le-Rotrou. 

(5) Ce fait n'est attesté que par les Gesta, mais il est très plausible. 
l)om Hriant {Genomaunid) se demande comment un dignitaire de 
l'Kglise aurait pu faire tomber un seigneur en train de guerroyer dans 
une embuscade ; il oublie que les chanoines étaient de grands pro- 
priétaires féodaux et disposaient de serviteurs nombreux. La part 
Iirise ])ar les membres du clergé aux disputes des grands explique 
dans une rorlaiiit» mesure, si elle ne justifie, les coups de force comme 
ci'lni dont Hotroii .se rendit coupable. Ce prince se signala en d'autres 
o(rcasiuns pur sa piété, et l'auteur de la c Vie de Bernard de Tiron » 
fait son éloge. 



- n - 

l'avait enfermé dans la grosse tour du Mans. Mois laissons 
la parole à notre Hililel>ert, qui, de spcctatâur, devint si 
malencontreusement le principal persécuté. « f\otrou, dit-il, 

> était retenu prisonnier dans la tour du Mans. Ha voyant 
» sur le point de mourir et craignant pour son Ame, il me 
» fit appeler. Je me rendis près de lui ; il se confessa h moi, 
» prit ses dispositions' dernières pour les siens, fit des dons 
» aux églises. Pour que le testament re^ùt son exécution, il 
» obtint de moi par d'humides prières que j'irais on |)er- 
» sonne trouver sa mère, porter témoignage de rauthenticité 
» de l'acte, et empêcher que qui que ce fût allilt à rencontre 
» ou tentât de l'annuler. Il fui fait comme le comte avait 
» demandé, j'allai là où je n'aurais jamais dft porter mes 
1 pas. La mère du comte me reçut le baiser à la bouche, 
» approuva le te.stament, me remerciant de ce que je lusse 
» venu au nom du comte. Ainsi se passeront les clioses: 

> ni le fils, ni la mèro ne songent à le nier. Puis, subitc- 
» ment, le soir venu, on changea de conduite à mon égard, 
» on se saisit de ma personne. I,e Christ n'avait jtas été 

> livré autrement. I.e cinquième jour, je fus reçu avec un 
» baiser; le sixième, comme si je devais avec le Christ 
«aller h la croix, je fus appréhendé lionleuseinenl et jeté 
» dans la prison publi<)ue. On se parUigea mes vêlements, 
ji mes chevaux (l). » Il se vantait en s'nulorisaril de l'exem- 
ple du Christ; car, pour un homme qui avait été salué en 
Italie comme r<Ange (le Dieu » (2), être incarcéré dan.s la 
tour de Nogent-le-ltotruu par l'échanson de ce tyranneau 
était une filcheusc disgrâce ! 

Il semble en effet que ce fut le dapif'er do Holmu, llulierl 
Chevreul (3), qui prit l'initialive de ce sacrilège t)u qui 



fl) Lettre au clertié du Mans, lE, 17. Félin 

(S) Geita, KJ, A. 

i3i Htibertut f:apreohti. 



— 7^2 — 

plutôt, comprenant son maître à demi-mot, lui obéit résolu- 
ment et mit la main sur le prélat pour le garder à titre 
d'otage. L'évêquc de Chartres, Yves, était alors près de 
Nogent, ou vint dans cette ville qui faisait partie de son 
diocèse ; il s'interposa, mais pour ne rien obtenir, et ex- 
comnmnia Hubert. « De religieux abbés et des anachorètes 
» d'un renom accompli se sont rencontrés près de la pierre, 
» mais non pas près de celle dans laquelle il y a de Teau et 
» où la parole de Dieu prend racine (1); ils ont trouvé une 
y> pierre , mais non celle dont Dieu fait naître les fils 
^) d'Abraham (*2) ». En d'autres termes, et pour interpréter 
ce langage biblique, les clercs de la région lapidèrent le 
prélat déchu de leurs condoléances hypocrites, et l'évéque 
de Séez, dans le diocèse de qui étaient les principales sei- 
gneuries do Rotrou, affectîi de tout ignorer (3). Le comte, 
à la nouvelle de la trahison, simula une violente colère ; il 
arracha quelques cheveux de sa tête et les envoya à sa 
mère, jurant que son ministre Hubert ne l'avait pas moins 
insulté que s'il lui avait arraché tous les autres ; mais 
llildebert resta en prison, (f Priez pour moi, écrit-il à ses 
» clercs, i)riez pour moi, mais, racheté une fois par le sang 

» du Christ, je ne veux pas être racheté de nouveau Elle 

p est infâme, la rançon par laquelle périrait la liberté de 

» notre église Il faudra donc que ses membres soient 

» esclaves, si vous humiliez sa tête sous le tribut. Après 
» avoir racheté Tévôfiue, il faudra racheter toute l'église. 
)) Plus de sécurité pour les sujets, si, pour parler le langage 
» du poète comique, celui-là de qui vous attendez votre 
» défense a besoin d'un patron comme l'affranchi. » 
Le poète comique dont il est question ici, n'est autre que 

«Il Allusion à Moïse frappanl le rocher. (/?.rod., xvii.) 
02) Allusion à um^ propliélio d'isaïc, qui est le symbole do la Ré- 
surrection. 
(iJ) Lettre ù Scrlon, Ovèque de Séez, II, 18. Credimûs iynorare te. 



- 7;i 



Térence (1). Nous ignorons combien de temps au juste 
Hildebert dut puiser dans les consolations qu'il tirait de 
l'exemple du Seigneur ou des réminiscences des comiques 
latins. Nous inclinons à croire qu'il ne tarda pas à être mis 
en liberté, ainsi que le doyen Hugues et le chantre Foucard, 
lorsque, le comte Rotrou ayant été transféré à Bellesme (2), 
il ne servit plus de rien à Hubert de retenir notre évèque et 
ses dignitaires. Ils furent donc captifs quelques mois au 
cours de 1112, Le plus tard qu'ils aient été délivrés, c'est le 
mois de mars 1113, quand fut signé le traité de Gisors, par 
lequel, Louis le Gros ayant abandonné it Henri I"' la suze- 
raineté du Maine et de Bellesme, les prisonniers furent 
rendus de pari et d'autre (3). 



g II 

Hildebert était rentré au Mans et goûtait le calme depuis 1I1H119 
trois ou quatre ans, lorsque de nouveaux dangers l'assailli- 
rent, venant, cette fois, non de la guerre ou de la trahison, 
mais au sein même de l'Église, de l'iiérésie. 

Entre les années 1115 et 1119 (4) , un mercredi des 

(I) ( Periit Uuic Jpaî est opus patrono, qiiem liefensorem pai-o. t 
(Tcrence, Eunuch., A. IV, a. 7.) 

{tlBry f^Hittoire des paijs et comté du Perche, 1ft20) liit que Rolrou 
fut livré moyennanl finances à son cousin germain et mortel ennemi, 
Robert de Bellesme (J'après une t Vie de Bernuril de Tiron >, texte 
cité p. 97 et 'M). Hais bientôt, Robert de Bellesme fut nrrété liii-niéiiic: 
comme rebelle, le 4 novembre liri, par Henri 1", qui l'enfermueu 
Angleterre pour le reste de ses jours. Si Rotrou, dans le désarroi 
qui suivit à Bellesme la nouvelle de l'emprisonnement de Robert, re- 
conquit sa liberté, IlilUcliert peut encore avoir été rclAclié à ce moment. 

(3) Voy. Luchairc, Louis VI te GroK. Il y cul aussi uo traiti" 
entre le roi d'Angleterre et le comte d'Anjou, (Ord. Vit., ili»t. ixdet., 
IV, 30G.) 

(4) < Per idem fere tempus ■, Uleenl les GeUa après avoir raconté li- 



— 74 - 

Gendres, arrivèrent dans la ville deux hommes velus comme 
des pèlerins et porteurs de longs bâtons munis d'une croix 
de fer ; ils se disaient disciples d'un nommé Henri, prédica- 
teur fameux venu de Suisse (1), et demandaient pour leur 
maître la permission de prêcher le carême dans le diocèse. 
Hildebert, qui s'apprêtait alors à entreprendre son second 
voyage de Rome, l'accorda, il faut avouer, un peu légère- 
ment (2) ; mais il croyait avoir affaire à un de ces frères 
errants, comme Robert de Tiron, Raoul de la Fustaye, 
saint Alleaume , pieux personnages, qui parcouraient les 
provinces pour stimuler le zèle des fidèles et pour déclamer 
aussi contre les vices du clergé, mais qui lui ramenaient 
les brebis égarées, disposaient les princes aux larges con- 
cessions en sa faveur et le laissaient libre, eux partis, de 
retourner à ses péchés mignons (3). 

C'était sous de tels auspices que se présentait l'étranger ; 
l'évoque ayant exprimé sa volonté, les clercs de l'église du 
Mans se disposèrent h le bien recevoir et, avec une sorte de 
crainte respectueuse, lui préparèrent les moyens d'accom- 
plir sa mission. Il monta sur l'estrade qu'on lui destinait et, 
dès les premiers mots, captiva le peuple et les clercs par son 
éloquence. 11 parlait une langue imagée, populaire et très 
différente, semble-t-il, du langage raffiné d'Hildebert, ce 
délicat, dont le panégyriste a reconnu qu'il ne prêchait pas 
d'abondance en roman vulgaii*e et ne savait pas se mettre 
toujours à la portée du pauvre peuple (4). Henri , au 



don fait à l'église par un certain Âdani, en 1116. Le récit relatif à Henri 
occupe les colonnes 94 à 97, et la dédicace de Féglise, en 1120, suit 
immédiatement. 

(1) De Lausanne, mais on n'est pas sûr que ce fût son lieu de nais- 
sance. 

(2) « Minus Argolici equi formidans ùisidias. » (Gesta.) 

(3) Sur ces pieux personnages et leurs missions, voy. D. Piolin, Hist, 
de l'église du Mans, t. 111, p. 4H(). 

(4) « Cum vero in ccclesia ioqueretur, [)opulus quidem verba ejus 



contraire, allait droit k la luule et lui frappait les sens par 
l'appareil mélodramatique de ses longs cheveux, de sa voix 
tonitrnanle, de son geste passionné, de ses yeux qui « rou- 
laient comme les flots d'une mer féconde en naufrages ». 
Il déclama tant qu'il voulut contre les vices des grands, 
c'est-à-dire des chanoines, excita contre eux les colères, et 
se sentit si fort qu'il ne craignit pas à ta lin de les litûtei' 
d'hérétiques. Il recommença les jours suivants et, attirant 
les femmes, les enfants, faisant des miracles, il acquit 
bientôt dans la vlUe une immense popularité. 

Quel étuil son but? Le chroniqueur, après avoir exhalé 
sa bile et traité l'hérésiarque de peste, de scorpion, de 
loup ravisseur, s'étend longuement sur son histoire, afin, 
dit-il, de mettre en garde les honnêtes chrétiens contre 
l'hypocrisie de ces sortes de gens (1), Il lui i-eproche d'avoir 
« dit beaucoup de choses contre la religion », mais ue cite 
pas expressément un seul des dogmes qu'il aurait attaqués. 
C'est plus tard seulement que Henri parait avoir précisé ses 
doctrines, quand il eut lait la rencontre de Pierre de Bruys 
et qu'il eut pris la contact des populations méridionales ; 
ainsi, cet Henri dont il esl question dans la lettre de saint 
Bernard à Hildefonse, comte de Toulouse (2), n'était sans 
doute pas de tout point pareil à ce qu'il avait été trente ans 
auparavant, lors de son passage au Mans. Rien n'atteste 
qu'il ail condamné dès celle époque le baptême des enfants, 
les prières pour les morts, et nié la présence réelle de Dieu 
dans l'Eucharistie. Mais, entre l'opinion que les sacrements 
perdent leur valeiu* par l'indignité des prêtres et la négation 
des sacrements eux-mêmes, il n'y a qu'un pas, et Henri 
était sur le point de le franchir. Sa prédication menaçait 

itevolissime audîebal ; sed studiosius audîetuttur a clericis, quoniam 
l.atliitt lingiia expeditius quodum niMlu aligUË vivaciua loqiiebatur. ■ 

(IjtBJlo, 94-1)7. 

1^ Mîgne, Patrol. /ni., t, CLXXXII, op. 2ii (uiiiiée 1 147). 



— 76 - 

le dogme, bien qu'elle s'affirmât surtout dans le sens moral 
et social. Ainsi, il recommandait la pauvreté évangélique et 
l'union matrimoniale sans dot ni contrat de famille , 
l'union conçue comme réhabilitation de la femme qui avait 
failli ; il amenait les filles folles à renoncer à leurs riches 
atours, à les brûler en holocauste sur la place publique ; 
puis, avec les dons qu'il recevait, il leur achetait de 
grossiers vêtements et les donnait comme épouses aux 
jeunes gens qui s'étaient attachés à ses pas. 

On conçoit tout ce qu'un pareil apostolat avait de dange- 
reux. Les disciples indignes, qui, sous l'apparence d'une 
conversion, ajoutaient h leur inconduite passée le scandale 
de fautes nouvelles, furent bientôt plus nombreux que les 
néophytes sincères ; la pompe théâtrale des prêches en 
plein air et des . bûchers qu'on y allumait, jeta le trouble 
dans la ville ; la populace se mit à menacer les clercs ; sous 
prétexte de renoncement, on ne voulait plus rien leur 
vendre ni leur acheter, le commerce chômait. Trois des cha- 
noines, Hugues d'Oisseau, Guillaume Boitvin (1) et Payen 
Audry, voulurent entrer en conférence avec l'ennemi : ils 
furent frappés, traînés dans la boue, et y auraient laissé la 
vie, si les gens du comte n'étaient intervenus pour les 
sauver. Alors le parti de l'ordre releva la tête ; protégé par 
les soldats, le chanoine Guillaume la Mouche lut publique- 
ment une lettre du Chapitre à l'hérétique pour lui comman- 
der la soumission et, sur son refus, l'excommunia. 

Henri quitta la cité, mais continua à prêcher dans les 
faubourgs. Cependant, il ne fit plus de progrès, et, comme 
l'évêque prévenu revenait en toute lu\te (2), il n'osa l'atten- 
dre et se retira à Saint-Calais. Hildebert reçut dans sa ville 

(1) Boitvin. Qui non bibit aquam. 

(2) Hil<l«4)ert n'alla sans doute pas jusqu'à Rome. Nous serions 
nir*nie lonté de croire qu'il s'était rendu à Angoulème pour le concile 
(1117 ou 1 118), si l'auteur des Gesla n'avait écrit le mot Rome à deux 
reprises. 



■ 77 - 



épiscopale un singulier uccueil, les habitants refusaient sa 
bénédiction. Mais les jours de la secte étaient comptés. La 
l'cntecùle vint, et, k la lôte de son brillant clergé, revêtu 
de tout le prestige de ce saint Julien dont lesManceaux 
étaient si jiers, Hildebert avait une position bien supérieure 
à celle du pauvre hérétique, dont le crédit baissait visible- 
ment. Il alla le poursuivre dans son refuge, b. Saint-Calais. 
De nouveau l'évâque avait < l'Autorité b ; il posa au pré- 
venu les questions d'usage : « Qui es-tu '? D'oii viens-tu ? Au 
» nom de qui parles-tu ? » L'autre resta interdit : « Je suis 
> diacre, balbutia -t-il. — Mon ami, disons ensemble les 
» prières que récitent les diacres Ji rolfice de Laudes » ; il 
ne put donner les répons. La cause était jugée ; le peuple 
fut convaincu, et on n'entendit plus parler au Mans de 
l'hérésiarque Henri (1). 

Cependant, le souverain Pontife lui-môme, le successeur ma 
de Pascal II, Gélase, après avoir failli être massacré par les 
gens de Cincio Frangipani, consul de Rome, de connivence 
avec l'empereur, venait mourir en France chassé par l'an- 
tipape, Maurice Bourdin (2). C'était la fameuse querelle des 
«investitures» qui se poursuivait; un nouveau Pape fut 
élu à Cluny par les cardinaux exilés, Callixte II, et tes 
évéques &-ançais et anglais se réunirent dans la cathédrale 

(1) Il gagna l'oitiers, Bordeaux el le midi, où il Ht cause cominune 
avec Pierre de Bruys. Emprisonné par l'archevêque d'Arles, il compa- 
rut au concile de Ptse (tl:tt), sut obtenir laliljerté, on ne sait comment, 
et reprit, avec un succès grandissant, son activité réformatrice, en- 
couragé par le comte de Toulouse. Endn, le pape Eugène Il[ envoya 
contre lui un légat, qui se fit accompagner par saint Bernard ; Henri 
rut enrermé et mourut avant la Tin de son procès. Ses adiiérents, les 
Henriciens, furent en partie ramenés à l'Eglise par saint liernard ; en 
jiartie, ils se joignirent aux sectes numlireuscs du midi. Sur leurs 
rapports avec les Cathares, voy. Dœllingcr, Beiti-iege :ur S^tenijc- 
trhichle de» Millelaltcra, Miinicli, 1890 (1" partie, pp. 70 et suiv.). 
— Dœilinger croit, & tort, que Henri vint au Mans en 1101 ; il a été 
trompé par ce second voyage d'Hitdebert ù Rome, qu'il a confondu 
avec le premier. 

(2) Jallé, Begetla. 



- 78 - 

de Reims pour lui prêter leur appui. Hildebert se rendit 
h CCS assises solennelles (1) et prit part à l'excommunication 
de Tempereur Henri V et de ses adhérents ; Callixte II de- 
vait rentrer dans la ville de saint Pierre Tété suivant. 
1120 Après avoir fait acte d'obéissance au chef malheureux de 
la chrétienté, il s'agissait, pour Tévêque du Mans, d'effacer 
dans son diocèse la trace des derniers troubles, et pour 
cela il résolut de hâter la dédicace de la cathédrale, qui 
avait été commencée par Hoël et dont la construction durait 
encore (2). Le 25 avril 1120, à Toctave de Pâques, Téglisc 
fat consacrée au nom de la Sainte Vierge, de saint Gervais 
et saint Protais et de saint Julien, au milieu d'un grand 
concours de prélats, d'abbés, de prêtres et de religieux. 
Gislebert, archevêque de Tours, dédia le maître-autel ; 
Geoffroy, archevêque de Rouen, jadis doyen au Mans et 
compétiteur de notre évêque, Rainaud de Martigné, évoque 
d'Angers, le vénérable Marbode, évêque de Rennes, alors 
très vieux et presque aveugle, consacrèrent d'autres autels, 
et, quant h Hildebert, il officia dans la crypte qui avait été 
ménagée sous le chœur (3). 

Ce chœur roman, dont il ne reste plus rien aujourd'hui, 
avait été terminé par l'évêque Hoël ; il était beaucoup 
moins étendu que celui d'à présent, à cause du mur d'en- 
ceinte de la vieille cité qui en empêchait le développe- 
ment (4), mais les dessins du pavé et les vitraux rachetaient 

(1) Ord. Vit., Ilist. eccles., IV, i^i. 

(2) « Dedicationem ultra quam res exposcebat accelerans, multa 
inil)i nccessaria iiiexpkta praeteriit. Anno plane Domini 1120, in octa- 
1ms Pîischîo .... » {(iesta, 98, A.) Orderic Vital dit qu'Hildebert vint faire 
coite dédicace au temps de son successeur Guy dTtampes (Hist. 
t'cr/tfs., IV, W), (?n il"2G; mais, dans un autre passage de son livre, il 
place la cérénionio avant 1125 (II, 251). 

(3) tt lu superiori et digniori crypta. » [Gesta,) 

(4) Le chœur gotliique fut commencé en 1217, époque où Philippe 
Auguste permit la démolition de Tancienne nuiraille gallo-romaine : 
le nuu- d'enceinte fut reconstruit un peu plus bas, de façon à englober 
toute l'église et le nouvel évéolic avec ses dépendances. 



7SI - 



!))«■ leur richesse son exiguilé. Le transept était uchevé 
' aussi avant Mildebcrt (1) ; c'était donc vcru le corps de 
' l'i^glise et la façade que s'étail |)or[ée son activité el celle 
de son arcliitecLe, le moine Jean (2). 

La façade, abstraction faite des contreforts tiui ont été 
, rajoutés depuis pour supporter la poussée des voOtes, était, 
' avec une verrière plus petite et un pignon moins élevé, do 
proportions heureuses : deux gracieuses tourelles, qu'on 
[ voit encore, la flanquaient k droite et ^ gauche. Le tympan 
L central était formé de pierres cubiques disposées en échi - 
quier,et l'archivolte offrait un assemblage de grands losanges 
I ornés de billelles et de pointes de diamant. Les arcatures 
, latérales étaient garnies de bâtons rompus, et, au milieu de 

t encadrement, trois bas-reliefs, aujourd'hui mutilés, re- 
I présentaient le Christ dans un médaillon, avec d'un côté le 
I sagittaire son arc tendu, et de l'autre le dragon qui va être 
I percé, 

A l'intérieur, on a cru reconnaître le dessin des arcades 
[ de la nef dans le plein cintre qui a laissé trace au-dessus de 



(1) Voici, dans les Getia HotUÎ (p. 309, col. S), les passages retatirs 

1 au transept et bu chœur : i Continuo fabricam novge ecclesiœ, in qua 

* antecQSSores ejua multoteniporelaboraverBi>t>tantOBtuilioBggreBaus 

t est consummitre, ut cruces utque turi'es, quarum anlecessor ipsius 

I Jecerat fundamenta, brevi tempore ud eRectum periluxerit, elaque 

> celerîter culmeii împonens, exteriores etiani parielea, quos alos 

( vocHitl, per circuilum cotisummavlt. n (On le voit, les principes de 

construction gothiques coonniencaient à prévaloir; on achevait, en 

quelque sorte sur leurs piliers, les bras de la croix et les tours du 

tninsept, ervee» aiquit lurrei, avant d'élever les murs extérieurs, alai, 

simples murs Oe clôture el non de support.) i Sed et cancelluin (le 

1 chceur). qut)il cjus anteeesaor construxeral, pavimenlo decoravit et 

■ vœlo : vilreas quoque .,,. disponeus. ■ 

(^ Pour tout ce qui suit. Cs. E. Lerêvre-rontalis, Elude hiilorique et 

I vvhéotogîque lur ia nef de la calliédrale du Matu (Maniers, 1889, iii-8°. 

] Extrait de la Revue hiUorique du Maine. — Avec bibliographie.) — Sur 

vitraux qu'Hildebert dut faire exécuter pour la nef, l'auteur des 

! G«ila est avare de renseignements. Si les verrières de Hoël furent 

f milticolorcs et même < ornées d'histoires •, comme semble l'Indiquer 



— 80 — 

l'arc en tiers point et que les architectes de la fin du XII* 
siècle auraient repris en sous-œuvre ; la première travée 
vers le chœur serait môme restée intacte. S'il en est ainsi, 
l'air et la lumière circulaient librement dans cette église, et, 
en elïet, pourquoi aurait-on réduit les ouvertures, à cette 
époque du style roman où les murs n'avaient aucune voûte 
à supporter, la nef et les bas-côtés étant surmontés d'un 
plancher comme les anciennes basiliques ? Les piliers alter- 
naient peut-être avec les colonnes, comme on peut le voir à 
Notre-Dame-du-Pré, qui est contemporaine d'Hildebert ; le 
trit'orium était dans le style de la galerie qui subsiste au 
portail dit de la Psallette, portail aujourd'hui séparé de 
l'église, mais qui alors en formait la limite et supportait la 
fameuse tour, objet de la colère de Guillaume le Roux. Les 
chapiteaux étaient curieusement fouillés , trop fouillés 
même ; le style tourmenté de ces monstres et de ces ser- 
pents contraste avec l'harmonie des lignes et la largeur de 
dessin des sculptures de la nef, qui sont de la fin du 
XIP siècle (1). 

Texpression varietas^ rien n'empêche qu'il en ait été de môme au 
temps d'Hildebert ; à propos de la maison capitulaire, le chroniqueur 
dit simplement : vitrels^ mais l'art du verrier, qui dérivait de la mo- 
saïque, fut à l'origine essentiellement décoratif, Tusage des fenêtres 
blanches ne se répandit pas tout d'abord, et le moine Théophile, dans 
son traité intitulé Diversarum Arlium schedula (XII* siècle), appelle les 
vitraux historiés ferieslras et les vitres ordinaires, signalées à titre 
accessoire, shnplices feneslras. Maintenant, les antiques vitraux de 
Hoël et d'Hildebert ont-ils péri dans les incendies de 1134 et 1136, ou 
faut-il en reconnaître quelques-ims dans les débris historiés qui sont 
parvenus jusqu'à nous? Nous n'avons pas d'autres spécimens du XI* 
siècle qu'on puisse comparer avec ceux-ci, et le mauvais goût des en- 
virons de llfJO ne s'accorde guère avec la grandeur et la simplicité de 
ces compositions ; j'hnagine que les premiers verriers, tout à Fémer- 
veillement des tons qu'ils découvraient ctiaque joar, devaient noyer 
le sujet dans la couleur et que leurs produits ressemblaient à un 
semis de pierres précieuses. L'attribution aux environs de 1120 de 
quelques panneaux est moins hasîirdée. Sur cette question, voy. Hucher, 
Monographie des anciens vitraux du Mans. 
(1) Les chapiteaux des environs de 1100 qui ont subsisté, sont ados- 



^ 



En effet , cette égliao , achevée par l'évoque Guy 
d'Ëtampes, fut à peu près ruinée par le feu en 11^. La nef 
actuelle est l'œuvre de Guillaume de Passavant, qui vécut 
un quart de siècle après Hildehert, mois, telle qu'elle était, 
la nef romane méritait cet éloge du chroniqueur : « Ipsa 
enim tam venustate sui quam claritate tune temporis vicinis 
et remotis excellebat ecclesiis (1). » L'évêque et son archi- 
tecte pouvaient faire avec orgueil les honneurs de ce 
monument. 

A la cérémonie exclusivement religieuse en succéda une 
aulre. Après avoir frappé les consciences, il fallait rassurer 
le commerce, qui avait langui par les prédications inquié- 
tantes de l'hérétique Henri. Le comte Foulques et sa femme 
Héremburge, la fille d'Hélie, « donnèrent, dit la chronique, 
une foire à saint Julien » (2), c'est-à-dire fondèrent, en 
l'honneur du saint, une foire qui devait durer trois jours 
chaque année il son anniversaire. Ils en abandonnèrent les 
revenus (taxes et amendes) par moitié à la mense épiscopale 
et moitié aux chanoines. Foulques Rt confirmer ce don par 
son flls Geoffroy et déposa ce jeune prince sur l'autel de 
saint Julien ; en même temps, il prit la croix et partit pour 
Elire le pèlerinage de Palestine, avec Hainaud de Martlgné 
évoque d'Angers (3). 

Un autre Geoffroy, chevalier de Fouille, fils de Geoffroy 
de Mayenne, et qui appartenait par conséquent h la famille 
des comtes du Maine, se disposant i partir pour la Terre- 
Sainte, avait légué à l'église cathédrale divers ornements et 
reliques, notamment une tablette votive byzantine en or, qui 

ses aux murs extérieurs ; il y en a uussi deux ou trois duiis le haut 
de la nef. 

(Il Geala Guidon», p. 323, 1" col. 

|2) ■ Dederunt BeutO Juliano reriam. ■ {Gvsia, 09, A.) Fuire, de feria 
Ijour férié, puis jour quelcnnque) et non de forum (pluce publique), 
qui a'o laissé de postérité qu'au sens politique : les /«ura, ou privilÉ^es 
concédés à une ville, k une province. 

(3) Onl. Vil., Ilitl. ea-lca.. IV, 423 et Chron. S=' Mbini. 



— 82 — 

représentait saint Déméirius ; Hildebert envoya une dépu- 
tation chercher ces présents et se rendit solennellement au- 
devant d'elle, à son retour, avec tout le clergé (1). 

§111 

C'est ainsi qu'Hildebert avait reconquis dans la ville 
4120-1123 épiscopale sa royauté ; la dernière partie de son séjour au 
Mans, de 1120 à 1123 tout au moins, fut pour son adminis- 
tration une période d'apaisement et de réglementation. 

Il parachève la cathédrale (2) ; il s'occupe de la conserva- 
tion des ornements précieux, dont plusieurs étaient de 
véritables objets d'art, et en accroît le nombre par 
ses dons personnels. L'église, avec ses planchers de bois 
et la profusion des cierges et des étoffes qu'on déployait 
aux grandes fêtes, était un lieu peu sûr pour ces objets. On 
no savait pas encore élever ces grandes voûtes ogivales qui, 
placées comme un rideau de pierre entre le tumulte des 
foules et les charpentes inflammables du toit, diminuent 
les risques et les eflets de l'incendie ; mais Hildebert cons- 
truisit, pour recevoir le trésor, une petite salle voûtée, à 
l'abri du feu et des voleurs (3). Puis, en fidèle dépositaire 
et conservateur des biens qu'il détenait, de ces richesses 
qui, indépendamment de leur valeur artistique et de leur 
utilité pour le culte, étaient encore une ressource pour les 
cas de famine urgente (4), il rédigea pour l'avenir des 
avertissements destinés à stimuler le zèle des prélats négli- 

(l) Gesta, 99, B, C. 

ri) Gesta, KX), B. 

(3) i( Oratoriuni eliam cum revestiario ad tuitionem et defensionem 
» ornanientorum ecclesiîe a novo fundavit et foi*niceo opère cooperuUj 
» lie roliquifc saiictorum vel thésaurus ecclesiae posset aliquo incendio 
» populari sive latrocinio. » [Getttaj 101, B.) 

(i) Dans une famine, Hoël vendit une partie du trésor pour subvenir 
aux besoins des pauvres. Beaucoup d'objets précieux, qui nous venaient 
dos Anciens, ont disparu de la sorte au moyen âge. 



- Si - 



geots, et ses dispositions painirent si sages que ses deux 
successeurs, Guy (l'ÉlaDipes et Hugues de Saint-Calais, les 
ont renouvelées (1), 

Uildebert leur légua aussi plusieurs rëglements destinés 
à fuire lêgni::!', si possible, la paix ilaiis \ti Chapitre, au sujet 
duquel il prit, vei-s cette époque, deux mesures impor- 
tantes (2). D'abord, il décida que les dignités de l'église 
seraient à l'avenir décernées seulement en séance plénière, 
alin d'éviter les manœuvres sourdes et les compromissions ; 
puis il décréta et ût approuver par le Chapitre que, ù la mort 
de tout chanoine^ depuis le jour de son décès jusqu'il l'anni- 
versaire de son cauonicat, le revenu intégral de la prébende 
serait distribué aux simples clercs, qui diraient, en échange, 
des prières pour le défunt. Les chanoines firent bon accueil 
& une combinaison qui devait prélever, sur leur successeur, 
une aumône pour le bien de leur dme : ils étaient trop 
heureux de faire de la popularité auprès du clergé mféneur 
fi si bon compte ! Quant à l'auteur des Hentn, il dit que ce 
trait d'Hildebert l'emporte sur tous les autres (3), et il parait, 
en cela , l'organe des clercs que les chanoines oppri- 
maient. Ils applaudirent donc au changement ; mais, le jour 
d'une vacance, le simple prêtre, qui a l'eapoii' de devenir 
chanoine, verra-t-il d'un aussi bon œil les fruits de la riche 
prébende partagés pour plusieurs mois entre ses confrères 
et lui, au lieu de lui revenir tout de suite avec la digni- 
té? C'était comme une Quarantaine-te-7-oy imposée aux 
compétitions ; mais nous doutons que l'institution ail été de 
Hiéongue durée. 

^B Hildebert donnait carrière à ses talents d'administrateur, 
^B| cependant le comté du Maine restait, entre la Normandie, 

(1) Liber albui Copituli, i>"< 218, 319, 230, 

(2) Gâta, lOU, C. 

(3) ■ Sic penim conte mplutioi ils ad iBtliera scuiideia, charilulis Jecit 
• seminarium. qiiod inter et super omnia ejus opern honestnlis |>ari(er 
■ et religiunis emicat splenilore et liberatilalis. i {Gcfla.) 



— *4 — 

l'Arijôj fi i.i Fr.iri.v:, lo \rnni Je mire îles rivalités, le gage 
*f^-* ;illi;inrr-s. l'enjeu des combats. 

MatljiM", filk' iJ«-' Fuulijues. avait épousé Guillaume Ade- 
lirig, fil.s d'Henri [«^ et le Maine avait été assigné comme dot 
^«uxjeune.s époux M). Adeling ayant péri dans le fameux nau- 
fnige de la Zi//i)ic/ie-Atf^(nuvembre 11:20), l'accord se rompit. 
Mathilde entra h Fontevrault, et Henri !««• prétendit se saisir 
rlii Maine ; Foulques se tourna alors du côté de son adver- 
sain* et résolut de donner à Guillaume Clilon, fils de Robert 
(>)urteh(?us(;, Teunemi mortel d'Henri I*' et l'allié du roi de 
Francf, la innin de sa seconde fille, Sibylle, en lui assignant 
pour dot le dit comté du Maine (2). Le mariage fut célébré en 
lltW ou II23; mais le roi d'Angleterre entreprit de faire 
casser celt(î alliance. Il s'aVisa en effet que les deux époux 
«Hiiient parents (3), ce à quoi il n'avait pas songé lors du ma- 
ri.iK<* <lfî Guillaume Adeling avec Mathilde, bien que l'empô- 
r-liement fût alors le môme, mais, cette fois, il y trouvait son 
iiit('*rèt. 
I12;j l/îiiîairo traîna tout le cours de l'année H23. Le Pape 
présidait, an palais de Latran, un grand concile œcuménique, 
(Ml Hildcîhert venait, croit-on, de se rendre (4). Il s'agissait 

(1) Onl. Vit., llist. eccles., IV, 30(3 et Chron. Turon. magnum, p. 131. 

(2) Siméoii (!(î Durham, De Gestis regum Anglorwiit a. 1123 et Ord. 
Vil., lliat. ecchs., IV, 2î»i ot 410. 

O) Par U('rtra(l(> de Montfort, mère de Foulques, qui était parente de 
Hichard II, h* ^riiud-pùn^ du CiuiUuumo le Conquérant. Ou voit à quel 
fioiiit ril^liso exa^ôrait l*on)i)ècliomont de parenté. 

(V) M. llaurran l'i'u'rit dans la Gallia, mais nous ne connaissons de 
(MM'ail aucune pn'uvo a posteriori. Nous lisons seulement dans une 
ItMIrtMlMlilileherl (111, i. Scimus 71/ i(/{;m) qu'il a « rintentiou » de se ren- 
dre à lloine, à un concile convoqué par le pape Callixte, et qui ne peut 
iMn» cpie cvUn de Latran, en IlliJ. — I). Piolin cite également <^i«f. de 
rrtjlisr du .Winiff, 1. 111, p. UK)> imo chirte du Cartulaire de Sainte 
rif)t'<*n/ ur' UK{). où Wm dit que révé(iue vu partir incessamment; mais 
celle cjiarle u'iv»*! |»as datée, et les éditeurs la reportent à Tannée 
1107, probablement sur le témoi^naixo de dom I^iolin lui-même, qui 
cri>>ad qu'llildebert était allé î\ Homo cette année-là. Nous savons 
uianiienaul que la tlate vérilablo de cet acte ne ixîut être que 1100 
ou llir» environ, si elle n'est ll'i;). 



- 85 - 



de conclure un accord avec l'empereur d'Allemagne, Henri V, 
sur la grave question des Investitures, et Gallixte II, qui 
avait besoin de l'appui du rfii de France pour intimider 
l'empereur, se gardait bien de mécontenter Louis VI le 
Gros. Même, comme le légat Girard, en acquiesçant au 
di!sir de Henri, avait reçu une somme d'argent (1), le Pape 
prît prétexte de celte illégalité pour casser ce qu'il avait tait. 
Néanmoins, la querelle ne pouvait s'assoupir. L'empêche- 
ment de parenté était une de ces questions brûlantes 0(1 
l'épiscopat, jaloux.de rester l'arbitre des familles seigneu- 
riales, métrait tout son amour-propre. Le Pape convoqua 
un concile à Chartres, dans l'église cathédrale, et envoya 
pour le présider les deux cardinaux les plus marquants du 
Sacré-Collège, Pierre de Léon et Grégoire de Saint-Ange (2). 
Les circonstances étaient solennelles. Plusieurs diocèses 
allaient se trouver placés sous l'interdit, s'il était prononcé. 
Les cours de France et d'Angleterre employaient tous leurs 
moyens, l'une pour obtenir confirmation du mariage, l'autre 
pour le faire casser. Hildebert, évoque du comté qui était 
l'dbjel du litige, se trouvait désigné pour prendre le pre- 
mier la parole. Or il devait èlre fort gêné, craignant aussi 
bien de mécontenter Foulques, dout il était le sujet, que 
le roi Henri, le voisin des Manceaux qui, de simple suzerain, 
pouvait redevenir leur maître immédiat. Il prit le plus long 
et ouvrit le concile par un discours oti il se mît îi parler, 
dons un langage exclusivement dogmatique, du mariage 
L'onsidéré comme sacrement (3). Mais les deux partis étaient 



(1) Goffridi epiilolte I, H. 

(3) Sur ce coocile et les ijivënements qui s'y reiiportent, voir une 
dissertation de Brtal. iUétnoîre* de VJmiilut. Cloue d'hùioire, t. IV, 

1H06.) 

(3) Ce sertnon est dans Uigne, Hildeberti opéra, col. 954-6Gi. (Deux 
eermona de suite qui n'en Tonl qu'un : Kn-mu quem in Cartwteiuii con- 
cilia ...) Mais l'auteur en est-il bien liililcbert? Oui, car il se rencontre 
dons le mnnuscrit liiliii de la BiliUottiéqim nalionalc f. I. 2167, entre 
deuK sermons uultientiques de notre C-VL^que, ei de plus celui-ci, en 



86 — 



trop animés pour écouter un sermon ; on ne lui permit pas 
(rachevcr, ce qui avait lieu de le froisser comme un échec 
pour son éloquence, mais le dispensait d'autre part de t>e 
prononcer. Hildebert ayant cessé de parler, le tumulte 
parvint à son comble : l'assemblée dut se séparer sans avoir 
pris de décision. 

C'était la défaite du parti favorable à cette alliance ; car, 
en l'absence de raisons contraires, la loi canonique était 
formelle. Le légat Jean de Grême cassa de nouveau le 
mariage, et le Pfipe dut confirmer son arrêt (26 août 11^4). 
Mais le conflit se prolongea par la résistance du conite 
H25 d'Anjou, qui ne se soumit qu'après avoir été excommunié 
par le successeur de Gallixte, Honorius II, en août 1125 (1) 

Hildebert avait quitté le Mans à cette époque, et c'est en 
qualité de chef du Chapitre métropolitain qu'il reçut les 
lettres prononçant l'interdit. Gislebert, archevêque de Tours, 
étant mort à Rome dans les premiers jours de l'année (2), 

l'éditant pour ses amis, l'a accompagné d'une préface où il a mis 
l'empreinte de son style : « Mendacii arguar^ nisi solvam quod spo- 
tt pondi ; si stylo indulgeam^ ridiculus scriptor inveniar. In silentio 
» itaque delictum est, in pagina confusio. Malui tamen ingenium de- 
» fectu quam sacerdotem mendacio accusari. Hinc est quod operi 
» manum apposui, rogans ipsum lieri procul ab oculis hominum, si 
sonseritis ipsum linguas hominum formidare. » Or, comparez ces 
précautions oratoires avec les passages suivants des lettres : c Menda- 

• cil arguar, si frustra postulastis ... (Jucunditaa mihi, p. 190, B.) 
» Postulasti enim exarari tibi opuscula mea et exarata transmitti. 

• Quo audito, htcsi diutius, vel amicum offendere metuens, val risum 
>» legcntibus suscitarc. Si enim tibi non pareo, delinquo ; si praesumo 
» quod exigis, ridiculus invenior. Cimi autem necesse est incidere in 
» aiterutrum, malui legentcs movere in me quam in amicum delin- 
» qucre me. Illud siquidem incommodum est, hoc vitium. (In me hene, 
» p. 191, B.) Vices amici gères, si removeas ab oculis quidquid linguas 

• noveris formidare ... [Timeo charissiine^ p. 172, C.) » 

(1) Lettres de Caliixte et d' Honorius dans D'Achery, Spicil., III, 149 et 
Luchairc {Louis VI te Gros^ Introd.). — Hildebert assistait aussi en 
1124 à la dédicace de l'église du monastère de Savigny, en terre nor- 
mande. (D'après Robert de Torigny, Chron.) 

(2) (iallia. Gisli^bert sanctionne ({uelques droits des moines d'Evreux 
au commencement de 1125. D'autre part, Orderic Vital dit qu'il c mou- 



- 87 - 



i'évôque du Mans, premier sulTragant de la Province (1), se 
rendit à Tours pour prendre soin du diocèse pendant la 
vacance et procéder à une élection ; mais alors, le clei^é et 
le peuple le choisirent unanimement pour succéder à 
Gisiebert (2). 

Notre évéque fut sans doute flatté de cette préférence ; 
il n'était pas tellement étranger aux joies du monde , 
qu'il tût absolument dépourvu d'orgueil et d'ambition ; 
nous t'en croyons tout de même volontiers, quand il 
dit qu'il hésita fort à accepter (3). Songez qu'il avait près de 
soixante-dix ans et que des difiicultés sans nombre, qu'il 
entrevoyait peut-être déjà, allaient l'assaillir à Tours ; puis, 
il s'était attaché à son église du Mans, et voilà qu'il allait la 
laisser sans successeur désigné (4), livrée aux cabales pour 
plusieurs mois. Abandonner ses biens épiscopaux avant 
que la mort ne l'y contraignit, c'était avancer l'heure où ils 
seraient en proie il tous les maus de l'anarchie inséparable 
d'une vacance, à toutes les convoitises du pouvoir civil (5), 

nit en 112i, à quelques jours de clislance du pape Callixte II ■ ; or 
CaUiile mourut en février 1125. (.lolté, Hegeita.) 

(i) L'évâché du Mans fut en eff^l lo premier fondé, après celui de 
Tours, dans la Lyonnaise 111'. 

(3) Ceêta, 102, A. 

(3) Lettre II, 'M. Ad neafrmn in Franciain. 

(4) • Cum muiti illorum esseiit cpiscopales, cuncti episcopi esse non 
poterant. • (GeWo Guîdonit, p. 321, col. 1.) Uuy fut élu en llSli et 
n'avait pas encore été consa';ré le 10 aoâl. (Cart.de Sainl-VincenI, 
n'flO.) 

{à) Foulques se conduisit tn>s durement {Ceala Giiidonia} et profita 
de l'interrègne pour abandonner à ses gens la maison et les biens de 
l'evâque. C'était une coutume ancienne et singulière, ce pillage, qui 
e:iistait en orient comme en occident. L'idée que sa maison et ses biens 
seraient ainsi saccagés lejour de sa mort, devait être le supplice de tout 
bon administrateur. Yves deChartresobtintdu comte de BI ois que cette 
coutume serait abolie et tlt confirmer le privilèp;e par le Pape ; cela ne 
servit de rien quand il mourut. (Abbé t'oucantl, Yve* de Charlres, 
p. fiB). Au XII" siècle, le sac tumultueux de l'évt^ché tendait à se con- 
vertir en redevance au pouvoir civil, pivti-cteur de l'onlre, et ce fut oe 
qu'on appela la Réijale. (Voy. P. llayniond, dans ; i'cofc nat. do char- 
lu, PiMiliorw de* Ihèset, proni. iS57.) 



— 88 — 

D'ailleurs, il n'était point de pratique courante qu'un évéque 
fût transféré d'un siège à un autre. Cette translation nous 
parait toute naturelle, parce que nous assimilons les prélats 
à des fonctionnaires ; mais, au moyen âge, la conception 
patriarcale des dignités de l'Église, héritée des premiers 
siècles, n'était pas entièrement effacée. Le pasteur était 
considéré comme marié à son ^lise ; il avait reçu l'anneau 
qui le liait à elle ; le retirer de son doigt, c'était divorcer (i). 
Hildebert hésitait donc fort à accepter le siège archiépis- 
copal, mais le pape Honorius le lui ordonna, et, peu après, 
arrivèrent les lettres confirmatives du roi de France, 
Louis VI (2). Hildebert avait régi l'église du Mans pendant 
vingt-huit années (3). 

(1) Au XII* siècle, ces translations deviennent plus fréquentes ; ainsi, 
Rainaud de Martigné passe d'Angers à Reims. Mais c'était contraire à 
Tesprit de la primitive Eglise, et les preniiers conciles le défendaient. 
Cela est si vrai que, pendant de longs siècles, on n'élisait Pape, c'est- 
à-dire évéque de Rome, que de simples prêtres, et la translation de 
Formose, évéque de Porto, le premier piélat porté au siège pontifical, 
en 8ÎH, fut un scandale. 

(2) Ge8ta,i(y2y A. 

(3) La chronique de Tours et la chronique de Nangis (écrite au XIII* 
siècle) placent la mort de Gislebert en 1127, mais Texamen des chartes 
confirme le dire d'Orderic Vital (Hist. eccles.^ II, 251). Enfin, le chiffre 
de 28 ans est donné par Hildebert lui-même dans la lettre III, 21 
(Piœ et sanctse devotionis) : « In Ceuomannensi ecclesia viginti et octo 
B sedimus annis ». (De Noël 1096 au printemps de Tannée 1125.) 



CHAPITRE IV 
HILDEBERT ARCHEVÊQUE DE TOURS 



8 I 

Le chroniqueur du XII" siècle fait un tableau enchanteur 
de la campagne tourangelle (1), a cette terre non point tant 
vaste et spacieuse que fertile, bonne et commode. * On y 
admire, continue-l-il, des bois à essences variées, des prai- 
ries bigarrées (2), des pâturages plantureux (3), le Cher, dont 
le nom dit bien toute l'affection qu'on lui porte (4), le Cher 
avec ses lies, ses saules, ses moulins, son gibier d'eau, ses 
poissons, ses oiseaux aux doux chants dans les roseaux. 
< A la vérité, il est bien un peu lent et marécageux, car il 
» trouve Irap de douceur k jouir de cette grasse végétation 
» et se dorlote ainsi qu'un convalescent ; mais les sources 
» d'eau froide, convergeant des deux rives, viennent fouetter 
« Sii paresse et l'empêchent de s'endormir (5). s Que dire 
enfin 1 Par une prérogative spéciale, la Touraino a, pour con- 
server le vin et tenir l'eau fraîche pendant l'été, des cavernes 
naturelles que l'indusltieuse nature lui a ménagées. 

Malheureusement, Hildebert arrivait chargé d'années dans 
ce beau pays. Aurait-il même le temps de répondre aux 
appels de cette muse champêtre qui, au dire du chroniqueur, 
attendait un Tityre pour l'inspirer? Car des soucis sans 

11) Karratio lie com.nendaliona Ttironicas provincial. ICIiroriiques de 
Touriùiie, édit. S«lmon, p. 295,) 
(3) • PictA prata. > 

(3) f Peclorosa pascuQ. « 

(4) ( Uiius re el nomine Carus. • Cf. : " Einius ... et capite et nomine 
Buceplinlaa. t (Aulii GeUe, Noct. AU., v, 2.) 

ib) t SaiiG ticet a priiicipio sui paluatri solo et pingueiliiie bibulilo 
ulgoaisque liltoriiius cuiivuleBcit, lainen algidis foutibus ex. utmque 
ripa ambieulibus stipatur. ■ 



- 90 — 

nombre allaient l'assaillir. Voyez ce riche prieuré, dont la 
jolie silhouette, sur le bord de l'eau, complète à merveille la 
décoration du paysage ; il dépend bien, sans doute, de 
l'église cathédrale Saint - Gatien (1), mais il va tenter la 
cupidité des princes, et les fruits en seront confisqués pen- 
dant quatre ans. Cette abbaye, qui se profile comme un 
vaste et riche palais sur le soleil couchant, est mieux 
garantie par les privilèges que lui a reconnus le Pape, mais 
notre archevêque, à cette vue, se rappelle que la porte lui 
en fut tout dernièrement refusée et qu'il dut, pour s'y 
reposer, laisser dehors son escorte et entrer seul comme un 
pauvre voyageur... Ou, s'il est reçu avec honneur, qu'il 
surveille ses paroles : l'abbé, qui lui a accordé k' grand ^ 
peine, en guise d'hommage, la profession verbale, voudrait 
en libérer son successeur, et on exploitera de sa part le 
moindre aveu (2) ! 

Le comte d'Anjou, le roi de France et ses palatins, les 
abbayes, en première ligne Saint-Martin et Marmoutier (3), 
si fières, l'une de posséder le tombeau du Bienheureux, 
l'autre d'avoir été fondée par lui, telles étaient les puis- 
sances rivales au milieu desquelles se trouvait placé l'ar- 
chevêque , dont les biens étaient notablement inférieurs 
à ceux du Chapitre (4) et qui, bien que l'autorité pontificale 
réclamât de lui la protection des, riches monastères (5), 

(1) On rappelle aussi quelquefois Saint-Maurice, comme la cathédrale 
d'Angers. 

(2) Par l'accord entre Gislebert et Guillaume, abbé de Marmoutier, 
l'archevêque renonçait à exiger la profession per manuniy la main dans 
la main. (Liber bonarum gentium, n» 43. — Vers 1120.) 

(3) Marmoutier avait environ deux cents prieurés, tant en Hrance 
qu'en Angleterre. Outre ce monastère et Saint-Martin, le diocèse de 
Tours (Indre-et-Loire actuel) comprenait une quinzaine d'abbayes ou 
collégiales autonomes. 

(4) Lettre du Pape à l'archevêque en faveur des moines de la Trinité 
(Lettre de Geoffroy de Vendôme 1, 15, avec note de Sirmond. — Migne, 
Patrol. lat.y t. CLVII). 

(5) Voy. Préface de M. de Grandmaison au Catalogue des archives 
d'Indre-et-Loire. Cependant, ces biens étaient répartis entre plusieurs 
dignitaires. 




- 91 



était plus exposé que tous les autres à la conliscation. 
Hiidebeit, archevêque de Tours, devenait sujet du roi de 
France, à qui appfirteaait la collation de celte prélature, et 
la ville de Tours formait, au milieu des États du comte 
d'Anjou, un ilôt français. Contre la jeune et envahissante 
royauté, son éloignement aurait pu, sans doute, garantir 
l'archevêque de Tours d'une intrusion trop immédiate et lui 
donner la force de résister à des prétentions exorbitantes, 
si les comtes d'Anjou, après avoir dépouillé la maison de 
Blois de la Touraine (1), n'avaient foit hommage au roi 
pour celte province et n'avaient eu besoin de son alliance 
contre les Blaisois et les Anglo-Normands (2). D'ailleurs, le 
clei-gé de Saint-Marlin, dont les membres portaient le tilre 
de chanoines et dont le roi lui-même était abbé, constituait 
un posle avancé de la royauté qui faisait trembler le comte 
d'Anjou. En 1112 ou 1113, Foulques, comte d'Anjou et de 
Touraine, avait fait amende honorable dans l'église Saint- 
Martin de Tours, tête et pieds nus, pour avoir violé ses pri- 
vilèges et € le respect dû aux Saints », en faisant abattre les 
fortifications que le cellerier du couvent avait construites 
dans sa maison (3). En 1084, un prédécesseur de Gislebert 
sur le siège archiépiscopal, Raoul l", ayant déplu aux cha- 
noines, Foulques le Réchin reçut du roi de France mandat 
de le chasser, et ainsi fut fait, malgré l'opposition du légat 
et du Pape. L'archevêque se plaignit au souverain Pontife, 
mais celui-ci, battu, lui ayant démontré qu'il était dans son 
tort, il dut se retirer (4). 

(1) Cette déposeession fut l'œuvre de Foulques Nerra ou le Noir 
IU87.10W). 

(31 Voj-. Luchaire, Louis VI le Gros, Introduction, — C'est l'enche- 
v^lrement des possessions du i^omte d'.\nJou et du roi de Fnuice qui 
rendit possible l'enlèvement de Bertrude par l'IiiUppe l". En manière 
<1e réparation et comme compensation â ses droits régaliens en 
Touraine, Pliîlipi>e t" abandonnait à Foulques le Réchin l'ëleclion de 
l'^vôqne d'Angers {Chfaiùeon Turonente magrmm)- 

(3) Cotlecl. I}. Iloiinseau, t. IV, n- 1318, 

(4) Colleet. D. ilouaieau, l. III, n° 818 el Chronicon Turonenst 
magnum. • Et tune orla discordia est inter ecdeaiam Qeati Martini 



- 02 — 

Saint-Martin, le sanctuaire vénéré, chanté par tous les 
chroniqueurs, formait une ville dans la ville ; on l'appelait 
Martinopolis ou Châteauneuf. Depuis que le pape Urbain II 
était venu à Tours, en 1097, dédier son église, l'orgueil de 
la collégiale s'était accru ; l'archevêque de Tours avait le 
droit d'être reçu en procession, avec la croix et la ban- 
nière (1), tout au plus une fois dans sa vie : là s'arrêtait le 
pouvoir du métropolitain. L'abbaye ne relevait absolument 
que du roi et du Pape ; elle invoquait la force du premier et 
couvrait la voix du second. Les chanoines de la cathédrale 
ne voyaient pas sans jalousie ces autres chanoines leurs 
voisins ; en 1122, il y eut une émeute et un incendie partiel 
de Châteauneuf, auxquels il semble que le clergé de Saint- 
Gatien n'ait pas été tout à fait étranger \2), 

Ainsi, les esprits étaient sans doute fort excités, à l'époque 
où Hildebert vint prendre possession du siège archiépis- 
copal ; il était jeté au milieu d'inimitiés féroces qui 
devaient ensanglanter la ville quelques années plus tard. 
Où trouvera - 1 - il des consolations? Dans les landes de 
Bretagne apparemment, quand, avec toute la pompe du 
clergé métropolitain, il ira jouer à Nantes et à Redon le rôle 
de législateur et de justicier, ou peut-être au Mans, quand 
il reverra la ville où s'était passée la plus belle partie de son 
existence ! 

§ Il 

Hildebert était depuis un an archevêque de Tours, lorsque, ^^^g 
les charges de doyen et d'archidiacre étant devenues vacantes, 
il reçut avis du roi que celui-ci en avait disposé en faveur de 
deux de ses palatins : Hildebert refusa de les recevoir (3). 

» et archiepiscopum et clcrum sancti Mauritii, et omnino cessavit 
» fraternitas et dilectio quie inter dictas ecclesias usque ad haec tein- 
)» pora perdurarat. » Suit l'émeute de 1122. 

(1) Gallia, t. XIV. 

(2> Chronicon Turonense magnum. 

(3) Lettres d'Hildebert II, 33 et 34. 




— m — 

Le monde chrétien était alors troublé par la grande 
gnerelle des Investitures, ([uerelle relative & la suprématie 
que revendiquaient, chacun de leur côté, le souverain spiri- 
tuel et le souverain temporel, dans la translation et l'exercice 
Ldes droits épiscopaux (1). Aussi, même lorsque l'élection 
'avait pas amené de conflit, comme c'élait^e cas pour 
Bildetiert, le roi n'épargnait pas toujours à ses évéques les 
vexations, où l'enlralnaient les appétits d'une cour en voie 
de croiss.ince et le besoin d'argent grandissant avec les 
nécessités de la politique. Certes, il ne conviendrait pas de 
blflmer le roi Louis VI d'avoir maintenu dans les élections 
ce droit de la couronne qui constituait, pour l'avenir surtout, 
le fondement le plus solide de l'indépendance du pouvoir 
civil à l'égard du clergé ; mais le roi de France n'avait- 
il pas solennellement consenti h l'élection d'Hildebert? 
Comme on ne voit nulle part qu'il se soit rendu t la cour 
pour recevoir l'Investiture, peut-être y a-t-il lieu de supposer 
que le roi s'irrita contre le prélat qui avait négligé ou différé 
devoir, mais ceci est une simple conjecture, et. quels 
itpie fussent les motifs du ressentiment de Louis le Gros, 

(I) Un évëque tiUit, H la fois, un pasleiir dans l'électioR duquel le 
Cliapitre, avec le bus-clergé et le peuple ctirélien, le métropolitain, le 
Pape, avaient un rôle à jouer, et un seigneur, à qui le souverain tem- 
porel avail seul qunlité pour conférer la jouissance des grandes tenures 
et des droits féodaus atlachés à sa dîgnilë. L'évéque ilevaît donc 
priter serment au Pontire, son chef spiritual, et au roi ou à l'empereur, 
son BUierain : c'était ce que l'on appelait la double Inveslitvra, laïque 
et ecclëmastique. Hais la querelle éclatait entre \ee deux pouvoirs au 
smet de la priorité de l'une ou de l'autre cérémonie et de l'emploi des 
iiuHgoes ; elle s'engageait auparavant, il est aisé de le croire, pour le 
choix de la personne m^me, nomination dans laquelle le prince pré- 
tendait joindre i ses prérogatives seigneuriales les droits, plus ou 
moins contisqués par l'Ëgliaf, de l'universalité des fidèles dont il était 
le représentant. 8i la question s'envenima surtout en Allemagne et en 
Italie, c'est qu'elle se compliquait de l'intervention de l'empereur, roi 
de Rome, dans l'éleclion dn l'évéque suprême, le Pape ; c'est que les 
BeigneurB ecclésiastiques y étaient plus puissants que partout ailleurs ; 
c'est enlln qu'on s'y heurta obslinétnenl A îles questions de Torme et 
qu'il ne s'y rencontra aucun prélat de la valeur d'Yves de Chartres, 
pour élever et aplanir le débat. 



— 94 — 

ce retour d'hostilité se présentait, on l'avouera, sous une 
forme vexatoire. 

Hildebert avait déjà vu Louis le Gros, aux conciles de 
Troyes (1107) et de Reims (1119). Il avait pu se rendre 
compte du caractère singulièrement mêlé de cette royauté, 
qui, à ses heures persécutrice de l'Église, était elle-même 
comme un sacerdoce et intervenait dans les questions pure- 
ment religieuses avec une autorité toute spirituelle (1). 
Résister de face à un tel pouvoir avec les foudres de l'Église, 
était à peu près impossible, d'autant plus que le Pape, 
engagé dans sa lutte avec les empereurs, avait absolument 
besoin de ménager la cour de France. Yves de Chartres, 
avec un noble loyalisme, s'était appliqué toute sa vie à pré- 
venir ou à résoudre les conflits sans abandonner les droits 
essentiels de l'Église, et il sortait meurtri de cette tâche (2); 
le nouvel archevêque, qui n'était pas protégé par le souvenir 
des services signalés rendus à la cause monarchique, ne 
pouvait guère s'attendre à être mieux traité. 

Hildebert commença par écrire, pour le clergé resté indif- 
férent, une sorte d'encyclique (3), dans laquelle il se plaint 
d'être persécuté par le roi de France et livré h sa colère par 
ceux à qui il appartiendrait de défendre les privilèges de 
l'Église. Ce n'est point, d'ailleurs, qu'il en invoque les 
foudres ; il proteste, au contraire, qu'il ne se départira jamais 
do l'opposition la plus modérée, mais il espère que Dieu 
changera l'esprit du roi Louis, qui n'est pas foncièrement 
mauvais, et qui est capable d'un bon mouvement, si on se 

vl) Voy. Luchaire, Louis VJ le Gros, Introd. 

(2) Sur l'attitude d'Yves de Chartres dans la querelle des Investi- 
tures, voy. Foucault ( Yves de Chartres) et aussi un article de Esmein, 
duns le premier volume des Études de critique et d'histoire publiées 
par la section religieuse de V École des hautes études, — Yves se trouva 
de plus, en 1103, dans une situation très analogue à celle d 'Hildebert, 
quand il eut à supporter la colère de Louis, roi désigné, pour avoir 
refusé de donner à un nommé Payen^ que protégeait ce prince, une 
place dans Téglise de Chartres. 

(3) Lettre d'HUdebert II, 33. 



• 95 - 



garde de le heurter de front ; il en appelait du roi au roi 
mieux informé. Il résolut donc d'aller trouver Louis VI en 
personne (I) : il le savait bouillant de caractère, mais loyal (2), 
beaucoup plus intelligent que le brutal Guillaume le Roux et 
nullement faux comme Henri I"'' d'Angleterre ; seulement 
ce prince, généreux et vaillant, était trop souvent gouverné 
par la volonté des personnes qui l'entouraient. Hildebert 
n'obtint rien, au contraire. Il accepta d'être jugé par ses 
pairs ; au jour fixé, le roi, de son autorité propre, trancha 
la question et défendit à l'archevêque de disposer, en quoi 
que ce fût, des revenus des dignités vacantes (3). En vain, 
l'évéque d'Angers, d'aulres évêffues encore, demandèrent le 
jugement de la cour: rien n'y fit. Hildebert reprit trislement 
le chemin de la Touraine, suivi d'un héraut, qui déclara 
confisqués par le Trésor les revenus de toutes les posses- 
sessions de l'Église de Tours placées sous l'autorité royale 
et qui interdit à l'archevêque do mettre le pied sur le 
domaine de la couronne, tant qu'il n'aurait pas donné satis- 
faction. 

Ceci se passait dans le courant de 1126, et les choses 
restèrent en l'état plusieurs années ; l'intervention du légat 
Jean de Crème, h supposer qu'il se soit entremis pour 
Hildebert comme celui-ci l'en priait, n'aboutit pas (4); 

(1) Lettres d'HUdebert U, 34 et 38. 

(3) Lee chroniqueurs appellent cette droiture timplicilai. 

(3) C'est du moins ce que raconte Hildebert. Le Tèro Maimbourg 
{Hiitoire du luthéranUme, p. 290) aftirme, sans preuve aucune, que la 
coiir avait rendu un jugement en forme ; mais c'est l'esprit de parti 
qui (ait chercher ù cet auteur des argumenta liistoriquea, pour justiner 
la conduite de Louis XIV dans l'affaire de la Bûgale. 

(4) Lettre d'HUdebert 11, 34. Le nom du légat n'est pas prononcé; 
Benugemlre et l'abbé Maratu ne doutent pas que ce soit Girard, évêque 
d'Augoulême, Mais il était légal pour l'Aquitaine et non pour la France 
et l'Angleterre, Or. Hildebert dit à son correspondant qu il désire le 
voir avant son départ pour l'Angleterre, et nous savons que Jean de 
Cr^me, légat du Pape, s'embarqua le 11 avril UIG, pour aller s'acquitter 
d'une mission outre-Manche et notamment tenir un concile à Londres. 
(Luchaire. Louis VI, Introiluction et Actes. D'après Siméon de Duiham.) 



— 96 ^ 

l'archevêque conservait les dignitaires de son choix, mais 
restait privé d'une partie de ses revenus. 



§m 

1127 Tournons-nous vers l'ouest. Ici la position change : 
Hildebert n'est plus un persécuté ; il dicte des lois aux 
autres. Le duc Gonan III, ayant résolu de corriger un 
certain nombre d'abus invétérés dans le duché de Bretagne, 
convoqua à Nantes (1) une grande assemblée mi-laïque, 
mi-ecclésiastique, où figuraient tous les sulTragants de la 
Province, avec un grand nombre d'abbés et de seigneurs, 
ot 011 la première place revenait de droit au métropolitain. 
La relation qu'Hildebert envoya au Pape (2) et la réponse 
d'Honorius (3) sont, avec une simple mention au cartulaire 
de Redon, les seuls documents que nous possédions sur ce 
concile (4), qui paraît avoir été important (octobre 1127) (5). 

Les réformes, discutées pendant trois jours, portèrent sur 
les points suivants : 1° la loi civile de succession ; 2® le 
droit d'épave ; 3» les mariages incestueux et, en particulier, 
le mariage des prêtres. 

A la mort d'un mari ou d'une femme mariée, tous les 
meubles du défunt appartenaient au seigneur ou, si l'on 
aime mieux, à l'État, dont le seigneur avait usurpé les 

(1) L'Histoire littéraire dit que le Pape convoqua ce concile ; le Pape 
ne fil que sanctionner. (Lettres d*llildebert.) 

(2) Lettre II, 30. Beatitudini vestrœ. 
(Â) Lettre II, 31. Charissimi fratres. 

(4) Labbe, Coticil. 

(5) La majorité des auteurs opine pour Tannée 1127, et, comme nous 
l'allons voir, les cliartes nous montrent Hildebert faisant une tournée 
en Hrctagne cette année-là. Une notice du cartulaire de Redon, lue par 
doni Morice, parle de octobre 1127 ; mais de quelle époque était cette 
notice ? Il est fâcheux que le manuscrit publié par M. Aurélicn de 
Courson soit très incomplet dans cette partie. Honorius, sous le ponti- 
ficat duquel eut certainement lieu le concile, mourut en 1130. 



- H7 - 



droits [i). Gela procédait d'une [rès vieille notion juridique, 
d'après laquelle les biens meubles n'étaient pas considérés 
i:<inimi< biens d'héritage, le mot hereditru ayant conLinué fi 
itC-sigiier souvent au moyen âge les immeubles (2). La 
Bretagne, pays arriéré, avait conservé des usages archaï- 
ques (3); le duc y renonça, pour lui-même cl pour les 
seigneurs du pays. 

Le droit d'Épave est connu. C'est celui qui, iluns un 
naufrage, livrait les épaves au fisc et nietUiit les malheureux 
naufragés h la merci du seigneur ; le duc y renonça égale- 
ment au nom de tous; mais il est permis de croiroquecette 
décisiion resta un peu platonique, et que la surveillance des 
agents du duc s'exerçait assez dilficilement dans les recoins 
sauvages de la côte bretonne. 

Les unions incestueuses étaient fi-équentea ; car l'Église 
déclarait tels les mariages entre parents jusqu'au sepliëme 
degré canonique (quatorzième degi-é romain) (4), et, faute 
d'état civil, la preuve à faire de la parenté étail malaisée ; 
mais il semble, d'après les termes d'horreur employés par 
notre Hildebert, que les Bretons ignoraient même la loi, et 
qu'on voulut la leur rappeler... On déclara que les enfants 
nés de mariages incestueux seraient regardés comme b&tards 
et privés du droit de succession. 



(1) • Vl, decedenU marilo vel uxar's, iiniverta di!i:i-ii''nlis niobitia in 
proprUtateiii Polegialis Irontireni. > |Uttre II, ;it).| 

(9) M. VioUel (Précis d'histoire du droit àvil fraiKois, I. iv, ch. rv) 
cite & ce propos Bcaumanoir et les Elabtiuement» de saittt Louis et taîl 
remarquer que le moL liôritage est [iris |iour Immeuble par notre Code 
ciml Jui-mâme, art. 037. 

(3> Peui-^tre ï eut-il ici, eu outre, une influence celtique î 

(4) Dana un arbre génËalogique, lea juristes romains ci'mplaieiil les 
degrés en montant d'abord à la souche commune, pour redescendre â 
In personne dont il s'agissait d'étahlir la parenté avec la première. Au 
contraire, les canonistes comptaient simultanément les degrés ù partir 
Uea deux personnes extrêmes juscpi'â l'ancêtre commun. Ainsi, deux 
cousins germains sont pareuts au 4* degré en droit rommu, au 3* degrâ 

1 



- 98 — 

Les prêtres se mariaient, malgré les anathèmes de 
Grégoire VII et do ses successeurs ; on voulut, du moins, 
empêcher que les dignités ecclésiastiques ne tombassent en 
fief; on décida que les fils des prêtres ne seraient ordonnés 
qa*à la condition de partager effectivement la vie des 
chanoines réguliers ou des moines, et que nu) ne pourrait, 
même en ce cas, hériter des dignités paternelles (1). 

Ces décrets une fois rendus, Hildebert les envoya au pape 
Honorius II, pour être sanctionnés par lui (2) ; puis il se 
dirigea vers la célèbre abbaye de Redon, où Tabbé le 
conviait (3). 

Olivier de Pontchûteau, seigneur rebelle, après avoir été 
pris par le duc Gouan et avoir passé quelque temps dans la 
prison de Nantes, s*était rejeté sur le monastère et en avait 
fait une forteresse, d'où il avait infesté la contrée pendant 
plusieurs mois ; le duc, tout en «'excusant auprès du Pape 
d'avoir poussé le rebelle à cette extrémité, se déclarait 
impuissant à contenir davantage Tindiscipline des féodaux ; 
il demandait au souverain Pontife que, par l'entremise de 
son légat Girard, évèquc d'Angoulême, et du métropolitain 

(Ij Lettre d'Hildebert II, 30. 

(2) Réponse d'Honorius, II, 31. 

(3) Voyez les chartes n«* 39 et 40 de notre Tableau des actes. L'une 
relate la consécration du principal autel du monastère par Hildebert et 
ses sufTragants sur l ordre du pape Honorius : elle est datée du ix des 
kal. de nov. 1120. L'autre rapporte qu'Olivier de Pontchàteau vint, c à 
l'occasion de cette cérémonie i>, faire une donation au monastère, et 
elle est datée du x des kal. de nov. 1127 ! Les deux événements durent 
se passer à un jour d'intervalle, et Tune des chartes est fautive quant 
au millésime. Malheureusement, les autres chiffres, de la lune, de 
l'indiction, de Tépacte, étant discordants, ne permettent pas de rectifier. 
Mais nous adoptons la date de 1127, car nous remarquons que Guy 
d'Étampes était présent à Rome lorsque le pape Honorius reçut la 
lettre de Conan (qui ouvre le n» 39 de notre Tableau de* actes), et il 
nous semble que l'installation du successeur d'Hildebert au Mans (il 
nVtait pas encore consacré à la Saint Laurent, 10 août 1126, d'après le 
(^ai'l. de Saint-Vincent, charte n^ 90, et les Gesta combinés), son 
voyage à Home et la convocation des prélats à Redon nous conduisent 
eu moii>3 deux ans après 1125. 



— 99 — 

Hildebert, il reprit en grande pompe sous sa protection 
directe le monastère, afin de frapper l'espril des brigands. 

Le concile se tiansporta donc dans la plaine de Redon, et 
Hildebert « réconcilia • (1) l'église, comme on disait, par la 
consécration du principal autel. Olivier de Pontchàteau se 
soumit et renouvela la donation qu'il avait faite du lieu dit 
Ballac, dans la paroisse de Plric. a Cette consécration fut 
» célébrée l'an de la création v.m.lxxix, de l'Incarnation 

> du Christ M.c.xxvn, épacte 17, indiction 1, lune 15, le 

> dimanche x des kalendes do novembre ; auctore Deo, 

> exullantibus Angelis, lustuntibus omnibus Sanctis, celebran- 

> lîbus simul minlsterium Hildeberlo archîepiscopo Turo- 

> nensi et HamClino epiacopo Itedonensi (2), Donovalo 

> Aletensi (3) et Galone Leonensi (4) ac Roberto Corisopi- 
» lensi (5) sulTragantibus, abbatibus Hervfeo Hotonensi (6), 
» HervEBû Sancli Melanii (7), orantibus sine numéro 

> monachis et clericis, adstanle Gonano principe, cum matre 
» sua Ermengarde et optimatibus suis multis, id est Gaufrido 

> et Alano Porroitensibus proconsulibus (S) etc.. » Voilà 
un bien grand appareil, pour châtier un tyranneau qui 
devait recommencer ses déprédations deux ans après ; mais 
il faut considérer les choses de plus haut. Une grande tradi- 
tion de paix et d'ordre se maintenait en face de l'arbitraire 
féodal, tradition que devait reprendre un jour à son compte 
la royauté capétienne, par la protection des monastères et 
de leurs tenanciers, et qui devait aboutir fi runificalion du 

I royaume. 



.) La ■ Réconciliation i d'une église 
<|ui suivait une profanation. 
l2) De Rennes. 

0} D'Aletli tSaint-Servan-Saini-Malo). 
(*) [le Saiiit-Pol-de-t^on. 
(3) De Quimper-Corenlin. 
16) De Saint-Sanveur. à Redon ii1>èaue 
<7| De Sainl-Mélaine, à Rennes. 
(Kj Pour oicwomilibui, vicomtes. 



expiatoire 



- 100 — 



\\3i} C'est également de ce point de vue élevé, que nous 
voulons envisager le eonflil alors pendant entre les arehe- 
vêcjues de Tours et les évéques de Dol (1). Il a duré long- 
temps : les rois de France et d'Angleterre y ont pris part, 
et le pontificat d'Hildebert marque un anneau dans la suite 
de cet interminable débat. 

L'Armorique tout entière, avec ses cités au nombre de 
six (2), dépendait de la Lyonnaise III«, dont le gouverneur 
siégeait à Tours. Après lui, le métropolitain hérita naturel- 
lement de la suprématie sur les évéchés créés dans ces 
diverses villes, mais la Bretagne eut de bonne heure des 
velléités d'indépendance, qui s'accommodaient mal de cette 
sujétion. Saint Samson, archevêque d'York, qui fuyait devant 
la peste, étant venu à Dol, fut choisi par les habitants pour 
gouverner leur église (3), et l'on vit pour la première fois à 

(Ij A consulter, sur cette (fuestion : 

1« I.es « Actes îles Conciles »> et les Bulles des papes, notamment la 
bulhî d'Innocent III.. en 1199, qui résume tous les faits. On en trouvera 
une édition critique dans le «< Cartulaire de V archevêché de Tours », 
publié par Louis de Grandmaison ; 

2o Les lettres d'Ktienne, évoque de Tournay, qui écrivit aux papes 
Alexandre 111 et Luce lll, prédécesseurs d'Innocent III, pour les presser 
d'instruire l'alTaire et leur exposer les volontés du roi Philippe Auguste 
à (îc .sujot. Voyez Mi^rno, Patrol. lat., t. CCXI (no« 39, 40, 107-110, 140); 

IJ" Doni Marténe : Vetcrum scriptorum et monumentorum collectio 
Hora, p. .'{H-t2l3. — Dans le Thésaurus novus anecdotorum, de Martène 
et DunnuL sous le titre de : Acta varia in causa Dolensia episcopalus^ 
cr archivis ccclesiui TurouensiSy t. III, Si<)-98G, et : 

Fraynu-ntuni liistoriie liritatiniœ Armoricœ ex inst, cartusiœ ValUs 
Dei, col. S*29-8i-i. — - Knlin, toutes ces pièces sont, à leur date approxi- 
niativt». dans doni Morioe: Mémoires pour servir de preuves à V Histoire 
de lireUttjnc ; 

4" Tne diss«M"tation dant^ la Collection dom HousseaUj t. XLX. 

02) C.V'laicnt : Hedoncs (Hennés), Namnetes (Nantes), Corisopites 
((, uiniprr), Venetes (Vannes), Ossistnii (Léon), Diablintes (ville ruinée 
an cours des invasions, aujourd'hui .lubtains, dans la Mayenne). 

\'A) Ihlt'nsis rcclesia. 



— 101 - 



Dol, iluns une ville qui jusqu'alors n'avait pas même de siège 
épiscopul, un archevêque honoré du pallium (1), qui pré- 
lendait sacrer les invoques bretons (560). 

Hennés et Nantes ne rpconnurent jamais celle suprématie 
et protestèrent dès le concile de Tours, en 567 ; mnis Quira- 
per, Vannes, Léon et Aleth ou Snint-Malo (2) furent partagés, 
Au IX" siècle, Noménoé se servait habilement de ce précé- 
dent, pour placer sous son autorité directe le clergé breton ; 
il créait les deux nouveaux sièges de Sainl-Brieuc et de 
Tréguier (3) et les soumettait, ainsi que les évèfthés de 
Oasse-Brelagne , h l'autorilé de Dol. Les archevêques de 
Tours protestèrent dans plusieurs conciles (4) et sommèrent 
les évoques d'Armorique d'avoir à siéger auprès d'eux, 
comme suffrigants; deleurcôlé, les ducs de Bretagne el lus 
archevêques de Dol envoyaient à Home ambassade sur am- 
bassade. Lo Pape les recevait avec de l'eau liénito do cour et 
se gardait bien deks décourager, pour ne pas exaspérer ses 
fldèles Bretons; le duc Salomon et l'archevêque Festinien 
payèrent d'audace el appuyèrent leurs droits sur de préten- 
dues lettres d'Adrien II, qu'ils avaient fabriquées eux-ni^mes 
(vers 970). 

Nous arrivons ainsi au XI' siècle. Alors, tout d'un coup, 
sous Grégoire VU, les évoques de Dol furent reconnus arche- 
vêques ; on leur donna le palHum, les légats les sacrèrent, 
les in^Tlfrent aux conciles, où ils assistèrent avec leurs 



(1) Le Pallium étoit un manteau d'une forme purliculière, tloiil 
l'envoi pur \r Pape k un archevilque muniuriit l'adlif-sion du souverain 
spiritut^l II son iiitroiusation ; on fabriquait les iiultitims avec la laine 
des ugneuux que les clianoines de Suinte-Agnës de liome devaieiil 
offrir dioque année bu Pape. Le mol iiaUiuni étnil pris aussi quelqiie- 
(mt iJans Je sens vague de manteau ICetta Hilrfeberli, 93, A) ou pour 
désigner lu laine (9-2, C). 

(9) Aleiimti* au MaeloventU eeclesia. Raint-MaJo fut le premier 
uTâque d'Alelli (VI* siècle), en race de lu ville aciuelie, dont le territoire 
rormait une Ile. 

(Bj BriOfentU mxlenia ; TrecorenaU ecclesia. 

H) Nolainroeut, les conciles de Suisaons (86(i| et de Triiyea |S78). 



— 102 — 

sufîragants. Le Pape, très flatlé de Tinsistanee et de l'humi- 
lité avec lesquelles les Bretons plaidaient auprès de lui leur 
cause, avait cédé, à la condition qu'on reçût le candidat de 
son choix : il profitait de l'occasion pour manifester la puis- 
sance de Rome, même aux dépens du métropolitain (1077). 
Raoul, archevêque de Tours, se plaignit, et, comme il avait 
pour lui la tradition et les seuls titres authentiques, on 
trouva un biais juridique : on lui concéda que le possessoire 
seul avait été jugé par provision en faveur de Dol, mais que 
la question de propriété au pélitoire restait entière. On 
projeta de nouvelles entrevues, soit à Rome, soit dans les 
conciles ; elles n'aboutirent pas, et les évêques Yvon, 
Rolland reçurent le pallium, toujours à condition qu'ils en 
seraient les derniers investis. 

Au concile de Clerraont, tenu par Urbain II en no- 
vembre 1095, il fut fait restitution (1) à l'église de Tours 
des évôchés de Basse - Bretagne ; mais les évoques de 
Vannes, Léon et Quimper, qui jalousaient Dol, obéirent 
seuls, et, au concile de Saintes en 1097, Hildebert, alors 
évêque du Mans, put voir l'archevêque de Dol, avec les 
évoques de Tréguier, de Saint - Brieuc et de Saint-Malo, 
siéger à part du groupe où il se trouvait. Baudry, abbé de 
Bourgueii (2), fut élu au siège de Dol en 1107 et sacré par le 

(1) C'était, en efïet, une question de propriété. Ainsi les avocats. de 
l'évoque de Dol, plaidant contre cet arrêt, soutiendront, auprès du 
pape Luce II, qu'on ne pouvait prendre possession que des choses 
présfMites aux sens ; que les églises de Dol, Saint-Brieuc, Tréguier, ne 
pouvant pas avoir été présentes devant le Pape quand il prononça, 
leglise de Tours ne pouvait pas, dés lors, en avoir acquis une nouvelle 
possession. — Ces Bretons plaidaient une vieille cause, en soutenant 
que la vente d'une propriété, au lieu d'être rendue valable par un 
contrat, avait besoin, pour être consommée, d'une tradition effective. 
— Cotte question dn l'église de Dol est donc intéressante à trois points 
de vufî : elle sert à l'étude de l'histoire de France ou de Bretagne, elle 
éclaire l<?s procédés diploniati(}ues de la cour de Home, et enfin elle 
corrobore sur certain point l'histoire très curieuse des notions de 
vente et do propriété. 

(2) Célèbre poète de la fin du Xl« siècle. Voy. l'ouv. de l'abbé Paaquier. 



IWÎ — 



r légat du Saint-Siège en Aquitaine, «lui lui apporta le palliurn. 

C'était lui qui siégeait ii l'époque h laquelle nous sommes 

purvenu» ; or, il n'est pas question de lui, ni de ses sulTra- 

' gants, à l'assemblée de Redon. Que pouvait revendiquer 

[ Hildebert? Il se contenta do protester, h la mort de 

ifiaudry (en 1130), contre la continuation de cet état de 

Lclioses (1) ; il s'agissait purement et simplement de ne pas 

1 laisser prescrire des droits qui, en somme, n'avaient jamais 

|été abolis. Cette attitude devait porter fruit un jour, puisque, 

tinoins de quin7,e ans plus tard, en MA, le pape Luce 11 

Bidonna enfin sa sentence sur la question de droit. Mais les 

wnteslations reeommenci^rent, et ce fut le roi de France, 

Philippe Auguste, qui, jetant dans le débat le poids de son 

^épée, mit définitivement d'accord le possesitoire avec le 

mpétitoire. Par la bulle d'Innocent III, en lltW, l'archevêque 

■ de Tours recouvrait la suprématie sur la Province entière, 

IgrAce à son puissant patron. 

Bref, la cour de Rome, tandis qu'on l'a vue ailleurs, par 

rAXeiQple à Paris (2), défaire les anciennes circonscriptions 

' romaines selon les nécessités de la politique, ici au contraire 

temporisa si bien qu'à la (in la loi du plus fort, c'est-â-dire 

la politique centralisatrice du roi de France, se retrouva 

i/d'occord avec la tradition. Tout l'appareil des ambassades, 

Jes' entrevues et des jugements dilatoires n'avait pas été 

lépensé en vain ; la soumission ac faisait sans secousse, et 

la diplomatie avaitatleint son but. La Bretagne cédait devant 

l'Home et, du même coup, perdait en face de l'autorité royale 

Q excellent instrument de particularisme. 

, C'est ainsi que, en agrandissant le cercle de- l'histoire, 



(1) L«Ure II, 35. JuÉlum eal eos. 

lia Louis XJft. — Au lemps de Louis VI, le Pape démembro 
Nofon ÛB Cambial, innovation avantageuse à la royauté frantaise. i]i]ï 
mettait la main sur cet évéché, désormais soustrait à la suzeraineté 
n orctievâque prince d'empire. 



— 104 — 

nous voyons, dès le Xll® siècle, Tarchevêque de Tours mêlé 
à l'cRUvre de Tunificalion française. 



§v 

1128-H31 La réconciliation ou, du moins, un commencement de 
réconciliation avec le roi avait eu lieu en 1129, puisque nous 
voyons qu'Hildebert assistait au sacre de Philippe, fils aîné 
de Louis VI (1), à Reims, le jour de Pâques (14 avril) (2). 

Mais les esprits étaient trop échauffés pour que la querelle 
s'assoupît ; le doyen choisi par Hildebert avait eu lieu de 
l^rondre contre plusieurs chanoines des mesures discipli- 
naires ; ils s'en étaient plaints auprès du roi ; à leur retour, 
un d'entre eux, nommé Nicolas, fut pris par Foulques, le 
frère du doyen Raoul, et fort maltraité (3). Ce Nicolas déposa 
une plainte, auprès de l'archevêque Hildebert, contre le 
doyen et un autre chanoine qu'il soupçonnait, nommé 
Herbert. Impossible de prouver l'accusation. Cependant, le 
plaignant ira jusqu'au bout des moyens juridiques dont il 
dispose en droit canon ; le doyen a prêté serment, et six de 
ses pairs avec lui (4), qu'il est innocent, et Herbert de même, 
assisté de ses pairs : mais Nicolas en appelle, sans pouvoir 
toutefois produire de témoins à charge. Par-devant le légat 
Girard (5) et les sufTragants de la Province, le doyen renou- 

(1) n mourut avant son père. 

(% C'est du moins ce qui résulte de la lettre d'Hildebert II, 40 ; mais 
nous ne le voyons pas mentionné dans Luchaire (Louis VI, acte 
n^ 433> parm» les prélats qui ont apposé leur seing à la charte comme- 
morativc de l'événement. 

(.3) Demonbratus. Maan précise : excœcalus, mais la plupart des 
auteurs croient qu'il s'agissait d'un autre genre de mutilation. 

(4) Il jurait lui septième : septima manu. Lettres d'Hildebert II, 36, 

(5) Maan dit que Uaoul fut jugé par un légat a laiei*e ; mais Girard 
était le légat ordinaire, et on appelle légat a latere un dignitaire 
commis spécialement par le Pape pour juger une affaire donnée, 



— 105 — 

velle son serment de purgation et les six co-jurtUeurs avec 
lui. Restail l'appel en cour de Rome. Raoul, acquitté par 
deux juridictions, continuait à voir peser sur lui des soup- 
çons ; il partit pour Rome, afin d'aller recevoir l'absolution 
du Saint-Siège, mais il fut assassiné en route (1). Hildebert 
avait prévu ce malheur (2) et accusait presque le Pape d'en 
avoir été cause, dans son grand zèle à complaire aux volon- 
tés du roi de France (3) ; celui-ci ne leva toute saisie sur les 
domaines métropolitains qu'à la Un de l'année 1130, ou au 
commencement de 1131 (4) : encore n'avait-il fallu rien 
moins, pour le décider, que l'inten^ention du roi d'Angle- 
terre, Henri I". 

Tels furent les événements qui troublèrent et ensanglan- 
tèrent la ville et l'église de Tours au temps de notre Hildebert, 
Le roi lui avait fait sentir durement le prix d'une réconcilia- 
tion (5), et il était comme'en disgnlce auprès du Pape, h 
cause d'une lettre assez vive qu'il avait écrite contre l'abus 
des appels en cour de Borne, lors de l'assassinat de Raoul. 

Au milieu de ces déboires, Hildebert retourna au Mans 
deux fois au moins : pour la prise de croix du comte 



comme le furenl Jean et Benoit, au concile de Poitiers, pour luformer 
contre l'aitultère de Philippe l*', 

(I) En 1130. ilUdebert, en même temps que la mort de Haudry, ar- 
clievêque de Dol, anr.on^il au Pape le départ de Raoul. (Lettre II, 35, 
Juilum ett eoa.) 

(S) Au Pape (II, 37). • Iter ad lia atsumpsit, coiwi^eniîa aecurm, non 
s via (sûr de sa conscience, mais non pas si sur d'arriver au bout du 
(voyage) divino eonduclu, non /mmaïKj (sons la conduite de Dieu et 
• non des liommes, c'est-à-dire qne, s'il échappe, ce sera miracle) ». 

&) Uttre II, 11. PInloiophus ait. 

(4) Lettre II. W. Exgpecians. Celle date se déduit, on le verra (dans 
noire S» partie), des événeinents qui sont relatés par l'évËque, con- 
cernant la Tamille royale d'Angleterre. 

(S) I Certum et taxatum obsequium nobJs regem benignnm 

exliitiuit. > (Lettre 11, 4li.) Cependant Hildebert ne céda point sur l'objet 
pfemicr du débat. 



— 106 — 

Foulques (i), le jour de l'Ascension 1128 (2), et pdlir le 
mariage de son fils Geoffroy, qui allait lui succéder, avec 
Malhilde, fille de Henri I*' d'Angleterre. Il eut lieu en 1129 
dans Foctave de la Pentecôte, le 9 juin, et fut célébré par 
révêque diocésain, Guy d'Étampes (3). De cette union 
devait sortir la puissante famille des Plantagenêts, qui, après 
la mort de Henri I^^'', réunira dans une seule main l'Angle- 
terre et la Nonnandie avec le Maine et l'Anjou. 

Ainsi, par la force des événements comme par les souve- 
nirs de la première partie de sa vie, Hildebert avait les yeux 
sans cesse attirés vers cette monarchie anglo-nonnande, 
dont l'influence tendait à devenir prépondérante dans l'ouest 
de la Fronce. Il était sans doute plus attaché à Henri I^' 
qu'à Louis VI, dont il n'avait jamais eu qu'à se plaindre, et 
on comprend que, dans le débat qui s'ouvrit à la mort de 
Honorius II (25 février 1130) pouf la succession au Saint- 
Siège, il n'ait pas suivi spontanément et avec enthousiasme 
le parti embrassé par les évêques français. 



§ VI 



Deux cardinaux des plus marquants du Sacré-Collège, 
Pierre de Léon et Grégoire de Saint-Ange, ceux-là mêmes 

(1) Foulques, nous Tavons vu, avait déjà visité la Terre-Sainte en 
1120 et s'y était fait une réputation de vaillance et de piété. Aussi, 
en 1128^ comme il était veuf, les aml>assadeurs de Baudoin vinrent lui 
offrir de la part du vieux roi de Jérusalem la main de sa ûlle Mélis- 
sende. 

(2) Charte citée par D. Marténe. (Hist. de Marmouiier^ p. 72.) 

(3) En réunissant les témoignages des chartes et des chroniqueurs, 
il semble, dit M. Léopold Delisle dans son édition d'Orderic Vital (iv, 
498, note), que les fiançailles eurent lieu à Rouen, à la Pentecôte de 
1127, mais que le mariage fut célébré en 1129^ dans l'octave de la 
Pentecôte, et au Mans, par Tévéque diocésain Guy d'Étampes et en 
présence du haut clergé de la Province. 



■ IIJ7 — 



fqui avaient présidé le concile de Chartres en H24, se dis- 
I putaient la tiare ; proclamés sous les noms d'Anaclet et 

' d'Innocent, ils avitient tous deux leurs électeurs, et les 
I questions de légalité soulevées par ce double vote , en 
[ l'absence d'une loi électorale partaiteinent claire et reconnue 
I de tous, étaient si complexes, qu'on se trouva réduit, pour 
I &ire un choix, à examiner les titres mêmes des candidats, 
c'est-à-dire ù substituer aux délibérations des cardinaux 
I celles de la chrétienté. Mais le schisme était à redouter, 
[ dans le cas où les nations ne tomberaient pas d'accord (1). 
Tandis que Pierre de Léon restait en possession de Rome, 
L son adversaire vint en France, solliciter les sufTrages de 
I l'épiscopat. Un grand concile fut convoqué k Ëtampes, oii 
I l'archevêque de Tours fut, comme de juste, iuvité à se 
I rendre (2). 11 ne semble pas qu'il ait répondu à cet appel (3), 
[ puisque saint Bernard lui écrivit pour lui faire pari des 
[ décisions du concile (4). L'abbé de Clairvaux lui mandait 
I dans cette lettre que l'assemblée avait fait choix d'innocent, 
I et, dans les termes les plus flatteurs, il requérait l'adhésion 
|de t'illustre archevêque de Tours, c cette colonne de 

rrjÊgUfie » dont l'appui, disait-Il, ralTermirait les plus hési- 



On sentait bien, en effet, qu'Hildebert avait voulu se 
Préserver, en apprenant que Henri l" était favorable k 
l&naclet et que Girard, évêque d'Angoulême, confirmé par 
I lut dans sa charge de légat, le soutenait de toules ses forces. 
1 Mais bientôt l'intérêt de l'Église devint évident, et, tandis 
I que Girard, perdu par l'ambitioa, s'intronisait archevêque 
Ide Bordeaux et cherchait & fomenter un schisme dans le 



<1) Vof. sur la question de droit, comme pour le récit des Ëvêne- 

\ rexcelleiit livre de t'abbé Vacandard sur Saint Bernard. 
(3) Chron. Morintacenie. 

(3) C'est aussi l'o(iiiiion de l'ulilic Vacaiiilard. {Saint Bentartl, p. 292.) 
(1) La lettre de saint Benutrd est parmi celles d'Hildebert : U, U. 



- 108 — 

sud-ouest (1), Henri pr lui-même, subjugué par l'élo- 
quence de saint Bernard, venait à Chartres reconnaître 
Innocent II (2) ; Tarchevêque de Tours se prononça à son 
tour sans arrière-pensée. 
1132-1133 Nous sommes arrivés au terme de la belle et longue 
carrière d'Hildebert, et nous avons, jusqu'à son dernier 
soupir, la preuve de son activité. En 1132 et 1133, il assiste 
à la fondation d'un monastère et entreprend encore deux 
voyages, l'un à l'est, l'autre à l'ouest de sa Province. 

Un grand mouvement monastique ébranlait alors la 
chrétienté ; de grandes communautés se fondaient. Tant pis 
pour le chrétien de goûts primitifs qui voulait vivre, avec 
une douzaine de compagnons tout au plus, dans un désert ! 
Il avait beau être dans la pure tradition des ermites (3), il 
fallait, bon gré mal gré, qu'il reconnût un supérieur et se 
recommandât d'un ordre fameux, dont ses compagnons 
pussent être fiers. C'est ainsi que les ermites de Fontaine- 
les-Blanches avaient tourmenté leur magisterj pendant une 
maladie qui mit ses jours en danger, afin qu'il consentît à 
faire venir un abbé, de Bonneval, de Marmoutier ou de 
Savigny ; l'infortuné Geoffroy aurait préféré rester son 
maître, mais il dut se résigner et se décida pour Savigny. 
Ce monastère lui envoya le moine Odon , qui fut 
intronisé en grande pompe comme abbé par Hildebcrt, 
probablement à la fin de l'année 1132 (4). Geoffroy, après 
être resté quelque temps à l'abbaye, se sauva dans une 

(1) Voy. Abbé Maratu, Girard^ évêque d'Angotilêtne. 

(2) Le 13 janvier 1131. (Ord. Vit., Hist. eccles., V, 25.) Hildebcrt avait 
certaiueineiit donné son adhésion à la fin de cette année 1131 (JafTé, 
Hegesla, n" 7521) et probablement aussitôt après Henri I^. 

(3) Les moines (monos, solitaire) devraient s'opposer aux cénobites 
(koinos, commun ; bios, vie); mais le mot cénobite n'est pas d'un usage 
courant, et le terme de moines qui signifie le contraire, en tient lieu, 
tandis que les religieux solitaires sont appelés des ermites (érêmos, 
désert). 

(4) Chron. B. M. de Fontanis Albis (cap. VI, p. 264). Le chroniqueur 
y signale la présence d'Hildebert en 1134 ; mais M. Hauréau, qui 



— 110 — 



Supplément a la première Partie 



NOTE 1. 

Sur Vépoque du Sacre d'Hildebert 

Nous avons vu,par le Tableau des actes (au chap. l*^), qu'Hildebert fut 
consacré à Tabbaye de Saint- Vincent du Mans, par l'archevêque de 
Tours, à la fête de Noël, et avant mars 1097, date du concile de Saintes, 
donc à la Noël 1096. Les auteurs de V Histoire littéraire et dom Piolin 
se demandent, il est vrai, si ce n'est pas le 2 mars 1096 de notre 
calendrier qui était daté 1097, en supposant que l'année fût prolongée 
jusqu'à P&ques, selon un usage fréquent à cette époque. Mais précisé- 
ment, l'acte porte 1096, et c'est en usant de ce raisonnement que 
Mabillon le suppose de 1097, Tindiction Y (IV- VI dans le texte) corres- 
pondant effectivement à notre millésime 1097. Ainsi se trouve établie, 
pour la consécration, la date de Noël 1096. 

Cela posé, que ferons-nous d'une charte citée par Loyauté (Notm in„, 
Gestaj dans Beaugendre) et par dom Briant, comme extraite de l'an- 
cien « cartulairc de Preuilly » (Indre-et-Loire) aujourd'hui disparu ? On 
y lisait en substance : « Mon frère Gosbert ayant fait un don au mo- 
« nastère de Preuilly, moi , Hélie , comte du Maine, je le ratifie, 
» le jour de la consécration «d'Hildebert , notre évêque , dans le 
» Chapitre de Saint-Julien de Tours, 1096. Nous, GeotTroy, comte de 
» Vendôme , et mon fils Geoffroy , surnommé Grisegonelle , nous 
» sanctionnons le don fait par nos parents Gosbert et Hélie. » 

Dom Briant passe outre, mais nous aurons beau supposer une erreur 
de date, il est certain que nous avons affaire à une cérémonie diffé- 
rente de celle qui est relatée au cartulaire de Saint- Vincent. — Loyauté 
observe que c le jour de la consécration » peut vouloir dire l'anni" 
versaire. Certes, la langue ne s'y oppose pas, mais est-il vraisemblable 
que les comtes du Maine et de Vendôme et l'abbé de Sairft-Galais, qui 
ont signé, se soient ainsi rencontrés à Saint-Julien de Tours pour une 
fête d'aussi peu d'intérêt que devait l'être un simple anniversaire 
et cela pour le seul objet d'être agréables aux moines de Preuilly ? 
Non, n'est-ce pas? Ce concours de princes indique que nous 
sommes en présence de la cérémonie elle-même. De plus, il nous 




iubleqfie, s'il B'agisaait de l'anniverBaire de Noël, le scribe Bm[d<rië- 
e romiule analogue à celle du cartulnire de Saint-Vincent, par 
n die consecratioiils, qui erat Natalis i, mais il ne socri- 
' fleraii pas le rappel de la naissance du Sauveur à la mention d'un évé- 
nemenl particulier à la Province. 

Nous risquons une autre hypothèse: nous admettons qu'il y a eu 
deux cérémonies.' Reniarquiix, en elTet, que le curlulaire de Saint- 
Vincent n'emploie pas le mot conieeralio. t Die q-ua in lede tua poaitua 
tit, le jour où il Tut installé », dit la charte. Dès lors l'archevêque 
Ituoul, dans l'intérêt supérieur de l'Eglise, serait venu d'abord instailer 
Hildeberl afin de couper coiiM aux intrigues et d'arracher â Hélie 
une adhésion solennelle, maïs sans faire quitter sa ville à IlUdebert, 
ce qui eût été dangereux. La cottaëcralion proprement dite, retardée 

E' 1 capture d'IIélie et par la guerre, aurait eu lieu à Tours dans la 
de moitié de l'an WM, 
Getia <iJ3) racontent le voyage d'Hildebert i\ itome immédiale- 
aprés la mort de Guillaume le Roux (3 août IKXIj et la rentrée du 
conile Hélie dans sa ville du Mans: ■ Pacata igilur civitate atque hoati- 
bus inde eCTugalia, Hildebertus Romam prollciscitur. j> Cela était dans 
l'ordre. L'évéque ne devait pas se mettre en route avant que le sort 
de la ville Kit décidé, ce qui arriva, dit l'auteur, au bout de trois mois 
et demi (Itilmi niensibui et eo ampliuij. Notre voyageur étant donc 
pMti aussitôt, c'esl-ù-dire vers le 30 novembre, et ayant poussé jusqu'à 
Rome, puis en Calahre, on apprend alors que Roger, comte de Sicile, 
le plus jeune des Hls de Tancrédc de Hauteville, ce gentilhomme 
normand dont la lignée eut une si brillante fortune, el son petit-fUs 
Roger Buraa, duc de Pou'die, neveu du précédent par son frère Robert 
Guiscard, firent & l'évéque des présents de valeur pour l'église de 
de Saint-Julien. Or, Roger comte de Sicile mourut en IICH (Art de véri- 
fier la dates], et le calendrier de l'église du Mans [Usa. indiqués par 
M. Molinier, Obituaires), qui rapporte ces donations faites par l'intermé- 
diaire de l'évéque Hildebert {per manumj, place cette mort au X des 
lulendes de juillet (!2 juin). Hildebert aurait donc quitté la Sicile avant 
} date, et en effet il dit dans sa lettre à l'ab'bédc Cluny (III, 7. 



NOTE 2 



Sur répoque du Voyage d'Hildebert à liome. 



— 112 - 

Maximum ducoj y en racontant les péripéties de son retour, qu^il 
venait de passer par Tile de Lérins le jour de la Pentecôte (9 juin). 
Bref, il rentrait au moment de prendre part aux débats qu*avait 
suscités la candidature de Rainaud de Martigné au siège d'Angers, et 
qui se prolongèrent jusqu'au mois de janvier li<l2 (Gallia. — Lettres 
de Geoffroy de Vendôme). 

A cette hypothèse du voyage de 1100-1101, appuyée' sur Tinterpréta- 
tion des Gesta, on fait les objections suivantes : 

lo On se demande comment Hildebert aurait pu réunir si tôt les fonds 
nécessaires, dans Tétat de dénuement où il rapporte que la guerre 
avait mis son église, alors que sa pauvreté lui sert d*excuse pour ne 
pas aller au concile de Poitiers, où il était convoqué pour le 18 novem- 
bre 1100 (Lettre II, 8. Sicut frequens). Mais peut-être ramassait-il tout 
son argent pour le grand voyage, espérant que la charité des abbayes 
et les offrandes feraient le reste. Je supposerai volontiers qu*il exagé- 
rait sa misère par politique. D'ailleurs, dans cette même lettre où il 
ènumère longuement ses embarras, sans doute avec intention, n*an- 
nonce-t-il pas qu'il se propose d'aller bientôt à Rome ? 

2» Orderic Vital (IV, 1)9) raconte que Hélie, après s'être assuré 
soigneusement que la nouvelle de la mort de Guillaume le Roux 
n'était pas un faux bruit, après avoir requis Tappui de son beau- 
père Foulques d'Anjou , se risqua alors devant la citadelle du 
Mans et dut l'assiéger longtemps (arcem diu obseditj ; les Nor- 
mands étaient braves, ils avaient des vivres et des munitions en 
(juantité, ils tinrent bon, et c'est la troisième année du siège seule- 
ment qu'ils consentirent à capituler. (Sic tertio anno.,..] Bref, si 
Orderic dit vrai, voilà le voyage reculé jusqu'à 1 103. Mais Orderic a-t-il 
dit vrai ? Si l'auteur des Gesta, par amour-propre national, raconte, 
peut-être à tort, que la reddition se fit sans coup férir, en revanche, le 
chroniqueur normand n*a-t-il pas complaisamment allongé les délais? 
Trois ans de blocus, c'est beaucoup, et, puisque Henri était prévenu, 
comment se fait-il qu'il n'ait rien tenté pour secourir ses capitaines ? 
Il nous semblerait vraisemblable que le siège du Mans eût exigé trois 
mois, et c'est la conquête des autres ctiâteaux du Maine qui aurait 
demandé plusieurs années sans doute 

Je suppose qu'on abandonne la date de 1100-1101. L'hypothèse qui 
remet le voyage à l'année suivante est, par malheur, la plus mauvaise 
do toutes, puisqu'elle ne s'accorde ni avec les trois mois du récit des 
Gesta, ni avec les trois ans d'Orderic, ni avec la rencontre de Roger !•»•, 
et puisqu'il est de plus difficile qu'Hildebert ait été dans le Maine eu 
janvier 1102 et dans4'ile de Lérins, sur son retour de la Galabre, dès la 
Pentecôte de la même année. 



- 113 — 

n faut donc à toute force choisir entre les dates de 1100 et liOR. Si 
le lecteur penche pour cette dernière hypothèse, il devra admettre que 
l'auteur des Gesla s*est trompé singulièrement sur la durée du siège 
et que, confondant le père avec le fils, il a désigné sous le nom de 
Roger le comte de Sicile Roger II, qui était non pas Fonde mais le 
cousin germain de Roger Bursa : le calendrier obituaire de l'église du 
Mans se prête à la rigueur à cette substitution.... Mais pourquoi veut- 
on que, par respect pour une narration peu vraisemblable d'Orderic, 
nous fassions la moindre entaille à cette chronologie si précise et si 
serrée des Gesta f Et d'ailleurs, il y a aux archives de la Sarthe une 
pancarte du prieuré d'Avezé, dont les termes sont ainsi conçus : « anno 
mortis Willelmi reyis Anglorum et recuperationis Heliœ.... »; cela im- 
plique que la mort de Guillaume le Roux, la rentrée d'Hélie au Mans 
et par suite le départ d'Hildebert eurent lieu la même année. 

Quant à Topinion qui reporte le voyage jusqu'à 1107, et qui a été 
suivie par dom Piolin, elle a pour unique fondemenl le récit de 
Baronius , qui croyait que c'était Henri !•' qui avait fait mettre 
en prison Hildebert entre 1100 et 1107. On supposait alors qu'il 
était parti pour requérir l'appui du souverain Pontife à l'époque 
où Pascal II venait présider le concile de Troyes, et qu'il ne 
l'avait pas rencontré en Italie ; or cela est doublement faux, 
puisqu'Hildebert vit le Pape à Rome (Gesta) et qu'il assista lui-même 
au concile de 1107. (N^ 17 de notre Tableau des actes.) 

Enfin, il ne faut pas oublier que la lettre d'Hildebert retour de Rome 
mentionne comme récente l'entrée de Geoffroy de Mayenne, l'évêque 
démissionnaire d'Angers, au monastère de Quny (1101) ; cette petite 
phrase, qui n'aurait aucune raison d'être appliquée à l'année 1107, et 
ne serait qu'à demi de circonstance en 1103, trouve sa pleine justifica- 
tion au mois de juillet 1101. Ainsi nous admettrons, en dernière 
analyse, qu 'Hildebert accomplit son voyage de décembre 1100 à juin 
UM. 



8 



FE 3. — : 



.'•— __'. 



GENEALOGIE 



DUCS DE ï 



DES COMTES O ANJOU 



ROBSUr 



duc en -- 



cle 



ROBERT <5^ 



duc 

1087 À 1006. 






tche, 
aine, 




SE, 

euiie, 

"*es lo 

elle, 

^^laiiie 

^r^ison 

-^110. 




tjjanttCWt<>*r^^ 



I 



i 



•». » 



I 

OY LE Bel, 
e (l'Anjou 
lu Maine 
I2i) à 1 151; 
Normandie, 
à la mort 
lenri !•'. 



Foulques Neuua, 
y«7-i040. 

I 



Geoffroy MARTEr* 
ia44MOn<) 



Une Fille. 



Geoffroy le 

Baruu, comte 

«le 1060 à 1007, 

conjointement avec 

son frère (lui le 

dépouille. 



Foulques IV 

LE lUlCIIfN, 

seul comte 

dulOfiVàllOU, 

ép. IJertrade 

de Montfort. 

I 



I 
Foulques V 

LE Jeune, comte 

de 

110i> à 1129. 

Va en Terre Sainte, 

a épousé : 



!•» En 1100, 

Héremiu:roe, 

désignée 

ci-contre, 

d'où : 



i>" En uay, 

.Mkllssende, 
tille de Heaudoin I 
roi de Jérusalem 
il'où : 



Matiiilde, 

femme de 

Guillaume Adeling, 

nis do Henri 1« 

d'Angleterre. 

(Après la mort de 

Guillaume Adeling, 

sa femme, Mathilde, 

devint abbesse 

de Fontevrault.) 



, I 

Sibylle, 

fiancée 

à Guillaume 

Qiton. 



Beaudoix m, 

roi do 

Jérusalem. 



^ 

1 



DEUXIÈME PARTIE 



SES LETTRES 



CHAPITRE PREMIER 



MANUSCRITS ET ÉDITIONS 



§1. 

ÉNUMÉRATION DES MANUSCRITS 

Vingt-et-un manuscrits de la Bibliothèque nationale ren- 
ferment des lettres d'Hildebert. Ce sont : 

(Ancien fonds latin) les n^» 2484, 2487, 2512, 2513, 2595, 
2820, 2903, 2904, 2905, 2906, 2907, 2945 et 5570 ; 

(Nouveau fonds latin) les n»* 11382, 11884, 13056, 13058, 
14168, 15166, 17468 et 18334. 

BiBL. NAT. Famille A. — Parmi ces manuscrits, nous 
distinguons d'abord l'important groupe de ceux qui renfer- 
ment en même temps des lettres d'Arnoul, évêque de 
Lisieux au XII« siècle : ce sont les n^^ 17468, 2595 et 15166. 

Le 17468 est le plus ancien ; il date de la fin du XII® siècle. 
Ce manuscrit provient de Saint-Martin-des-Champs et porte 
sur la couverture les armes de cette abbaye ; il a 132 feuil- 
lets, de grand format ; il est relié en cartonnage avec dos 



- 116 — 

en peau, et on a inscrit à Textérieur le nom de l'évêque 
Arnoul de Lisieux. Il contient : 

1° Le Spéculum charitaiis d'Ailred, abbé de Riévaux (1) ; 

2® Le De Querimonia et conflictu carnis et sph'ituSj avec 
le nom de l'auteur: Hildehertus Cenomannoi^m episcoptM; 

3° VOratio ad Patrem, composita ah eodem episcopo ; 

4« Un chapitre additionnel au Spéculum ; 

5« Des lettres d'Hildebert, au nombre de près d'une 
centaine, avec ce titre : Epistolœ HildeheHi Cenomannorum 
episcopi ; 

6» Un opuscule : De Rota vitse religioaœ^ description d'une 
roue qui représente la vie de l'homme religieux, avec les 
vertus aux difïérents rayons ; 

7» Les lettres d' Arnoul ; 

8® Diverses notes et un petit morceau : De Confessione. 

Dans le ms. 47468, les lettres d'Hildebert forment un 
premier groupe de 48. Quelques-unes débutent par une 
suscription telle que : « Venerahili M. Anglorum reginœ^ 
Hildehertus (ou H, ou /.), humilis Cenomannorum episcopus 
(minister ou sacerdos)y salutem et ohedientiam (ou orationum 
instantiam), » Elles portent, à l'encre rouge, Tindication du 
destinataire , soit le nom entier comme Willelmo de 
Campellis (Guillaume de Champeaux), ou abrégé comme 
dans G, episcopo. A, comitissXj soit une adresse moins 
explicite : amico, cuidam feminœ. A cette adresse est joint 
quelquefois un titre, à Tencre rouge, exposant brièvement 
le sujet, exemple : rogans ut heiiefaciat cuidam clericOy de 
conversione sua ; mais aucune lettre ne porte de date ; la 
47'- et la 48® n'ont ni adresse ni titre. 

Après la 48«, vient un sermon sur les Rameaux, œuvre 



(1) Adilied, Ailred ou Aelred, fut abbé de Riévaux, en Angleterre, 
dans la seconde moitié du XII« siècle ; il ne faut pas le confondre avec 
un autre Aelred, auteur des homélies De Oneribus haiœ, qui vécut au 
XIV« siècle. 



— m - 

d'Hildebert (1), qui commence pur : David fiilara apirtlu 
prievïdenê... La suite des lettres reprend aussitôt, avec titre 
et adresse à l'encre rouge, la majuscule initiale en bleu ou 
en rouge, et toujours sans date aucune, On compte en tout 
93 lettres et un petit morceau intitulé : De liomanin. 

Le manuscrit n" 2595 porte également au dos la mention 
d'Arnoul évéque de Lisieux, dont il renferme les lettres, 
avant le Liber de Querimania et les lettres d'Hildebert. 
Celles-ci se présentent en même nombre et, sauf très peu 
d'exceptions, dans le même ordre, avec les mômes titres, 
les mêmes adresses, les mêmes initiales en encres de 
couleur et l'inlercalation du même sermon à la même place 
que dans le 17468. Le n" 2595 est attribué au XIII» siècle ; 
il a donc été probablement copié sur le précédent ou sur 
l'original d'où est tiré le précédent. 11 a appartenu à la 
Bibliothèque du Roi; il est relié avec dos de maroquin 
rouge, couronne et filets dorés. 

Le n" 15166 est semblable, par l'aspect, l'écriture et la 
disposition des matières, au 2595. Il débute, comme celui-ci, 
par les lettres d'Arnoul ; seulement, il a eu des feuillets arra- 
chés, où se lisaient sans doute le Liber de Querimonia et 
les treize premières lettres d'Hildebert, car la série com- 
mence au milieu de la quatorzième , pour se dérouler 
exactement pareille à ce qu'elle est dans le 2595. Ce ma- 
nuscrit appartenait à Saint-Victor. 

En résumé, ces trois manuscrits (17468, 2595 et 1516(<) 
sont de môme famille; nous les appellerons A', A*, A^. 
Tous trois renfertnent des lettres et sermons d'Arnoul, tous 
trois renferment ou renfermaient le Liber de Querimania 
et VOratio ad Patrein, tous trois présentent, avec des 
adresses et des titres à l'encre rouge et des majuscules 



(t) Vuy. II. lluuK-aii, 
Inlittt de la Uiblinthf'qiit 



itionale, I. V, p 'Ki. 



~ 118 - 

initiales rouges ou bleues, les lettres d'Hildebert dans un 
ordre semblable, que nous reproduisons comme suit. 



LISTE DES LETTRES D'APRÈS LES MANUSCRITS 

DE LA FAMILLE A I 

1. — Conversione et conversatione tua... 

2. — Justum est ut adversa... 
',). — Virtuti gratulor... 

4. — Pro Willelmo noslro... 

5. — Coinmeantiumraritas... 

6. — Nonpotuit ad nos... 

7. — Iterare clamorem. . . 

8. — Flabellum misi tibi... 

9. — Petitio vcstra qua vocamur... 

10. — Audila per prœsentium latorem... 

11. — Ex quo vestram promerui notitiam.... 

12. — Pauca, bone frater, habeo... 

13. — Fama est episcopos.,. 

li. — Fratrem illum quem diaconatum .. 
15. — Gratulor Honori Tuo.. 
1(3. — Difficile est discrète... 

17. — Si fides auctoritati non fublrahitur.... 

18. — Non paucis déclarât urprivilegiis... 

19. — Sicut frequens tribulationumconcursus... 

20. — AttritsR fronlis est egestaa... 

21. — Fatniliare est sapienti tolerare... 

22. — Et dies lœtus et vultus... 

23. — Confrater et filins vesler... 

24. — Maximum duco... 

25. — Absenlia ynariti... 

26. — Absentia mariti... (autre lettre). 

27. — Prœter officium est... 

28. — Et vultuin et dietn.., 

29. — Ad nos usque decuntt... 
IJO. — lieos tor mentis af/icere... 

31. — Confidimus in Domino... 

32. — Benedictus Dominus Deus Israël.., 
^^. — Doleo f rater mi... 



- 118 - 

initiales rouges ou bleues, les lettres d'Hildebert dans un 
ordre semblable, que nous reproduisons comme suit. 



LISTE DES LETTRES D'APRÈS LES MANUSCRITS 

DE LA FAMILLE A : 

1. — Conversione et conversatione tua... 

2. — Justum est ut adversa... 
',). — Virtuti gratulor... 

4. — Pro Wiltelmonoslro... 

5. — Commeantium raritas... 

6. — Nonpotuit ad nos... 

7. — Iterare clamovem. . . 

8. — Flabellum misi tibi... 

9. — Petilio vestra qua vocamur... 

iO. — AudUaperprassentium latorem... 
li. — Ex quo vestram promerui notitiam.... 
i2. — Paucay bone frater, habeo... 

13. — Fama est episœpos... 

14. — Fratrem illum quem diaœnatum .. 

15. — Gratulor Honori Tuo.. 

16. — Difficile est disci*ele... 

17. — Si fides auctorilati non fubtrahitur.... 

18. — Non paucis déclarai urprivilegiis... 

19. — Sicut frequens tribulationumconcursua... 
2<). — Attritœfrontis est egestas... 

21. — Familiare est sapienti tolerare... 

22. — Et dies lœttis et vultus... 

23. — Confrater et filins vcster... 
2i. — Maximum duco... 

25. — Absenlia mariti... 

26. — Absentia mariti... (autre lettre). 

27 . — Prœter offici um est... 

28. — El vultum et diem... 

29. — Ad nos usque decunit... 
3(). — Jleos tur mentis af/icere... 

31. — Con/idimus in Domino... 

32. — Dcnedictus Dominus Dcus Israël.., 
lïJ. — Doleo frater mi... 



— 110 - 

34. « Sicut Sanctilatis Vestrœ pagina... 

35. — Andegavensem pro te convenimxis... 

36. — ConsiderarUi mihi vottim tuum.,. 

37. — Usu pariter et necessitate... 

38. — Estapudnos abbatia... 

39. — Féliciter 8unt miseri... 

40. — Credimus ignorarete.., 
4i. — Successisse confitebor... 

42. — Quod te Dominam appello... 

43. — Ne vel déesse justitiœ.. . 

44. — Locorum vel temparis incommoda... 

45. — Sacerdos prsesentium lator... 

46. — Zelum Legis habes.,. 

47. — Sicut reprimendœ prsBsumptionis... 

48. — Sanctas conversationis vestras... 

— (Sermon sur les Rameaux.) David futura spiritu prœviden-s. 
40. — PlenimquefitutexpraRteritis... 
nO. — Audivimus et valde lœtati stimus... 

51. — Potestati cedit ad gloriam... 

52. — In régna quidem nuUus,.. 

53. — Timeo, charissitne frater... 

54. — Pasçha Domini est... 

55. — Melius me cucwTisiis... 

56. — Cum bene multis imperes... 

hl, — Consideranti diligenlius quid sit homo.... 

58. — Qtujintis tribulationtim turbinibus... 

59. — Scimus quidem, béate prœsul... 

60. — Fuerequidicerent... 

61. — Nota loquor... 

62. — PraBsentium latores... 

63. — Apostolicis erudimur exemplis... 

64. — Cum susceperis hanc epistolam.., 

65. — Egr&Iienti tibi de medio tiationis,.. 

66. — Promissam Beatitudini Tusepaginam.. 

67. — Gaudium mihi exuberat... 

68. — Advotorum plenitudinem... 

69. — ^d memoriam Beati Jacobi... 

70. — Sicut parvitatem meam... 

71. — Juconditas mihi et exultatio... 

72. — Et reUUUme pluritnorum... 

73. — Célèbre solatium est... 

74. — Factum est quod a nobis... 



~ lt>0 — 

75. — Qiioties quœ circa te.,. 

76. — Semper fuit opus... 

77. — Philosophus ait... 

78. — Bahamum ex odore auo... 

79. — In adversis nonnullum solalium.. . 

80. — Si vera sunt quœ de œmmisao.., 

81. — LitteroLii ad nos, Beatissime Pater... 

82. — Exspectans exspectavi.., 

83. — Totum te mihi significasti... 
8i. — Si benetibi est... 

85. — Ad vestmm in Franciam ingresaum... 

86. — Quantum liber alitati vestrœ.., 

87. — Eos gui obsequiorum.., 

88. — Justum est eos spem... 

89. — Nouerit Dilectio Vestra... 
ÎK). — Usu pariter et nécessitante... 

91. — Non dubitamus contumeliam.., 

92. — Sicut de charissimo paXre.., 

93. — Inter Camotensem epiacopum et abbatem... 

Suit, pour finir, un morceau qui débute ainsi : 

Romani suiit qui timent etiam quos tuentur. Hi sunt quos habc pecu- 
liariter provincia inanet inferre calumnias, déferre personas, aCferre 
minas, auferre substantias ; hi sunt quorum laudari audis in otio occu- 
pationes, in pace prsedas, inter arma fugas, inter vina victorias. Hi 
sunt qui causas morantur adhibiti, impediunt praetermissi, fastidiunt 
admoniti, obliviscuntur locupletati. Hi sunt qui emunt lites, vendant 
intercessiones, députant arbitros, judicanda dictant. Dictata con- 
vellunt, attrahunt litigaturos, protrahunt audiendos, trahunt addictos, 
retrahunt transeuntcs. Hi sunt quos, si petas^ etiam nullo adulante, 
beneficium promittunt, pudet negare^ pœnitet prœstitisse 

Bref, il semble qu'on soit en présence d'un réquisitoire 
amer contre la cour de Rome, sa cupidité et sa mauvaise 
foi ; mais ce pamphlet est-il l'œuvre d'Hildebert ? Il ne se 
rencontre pas dans les autres manuscrits de la Bibliothèque 
nationale dont nous parlerons ci-après, et là où on le trouve, 
il n'est pas attribué formellement à notre évêque. On est 



— 121 — 

tenté de supposer, à voir dans A ' comme il cadre avec la 
page i]ui restait à remplir, que le scribe l'aura tiré de son 
propre fonds ou emprunté à n'importe quel auteur, pour 
parfaire son manuscrit ; mais, avant de trancher la question 
d'origine, disons un mot des péripéties qu'ont traversées 
ce morceau de déclamation et l'évêque dont on le chargeait. 
Certes, les lecteurs du XII' siècle ne se doutaient pas 
des polémiques au milieu desquelles se trouverait jeté le De 
liomanUf dans la lutte ardente des Uttramontains, des 
Gallicans et des Uéioriné». Au XVl" siècle, on rapprocha 
de ces invectives la lettre de protestation contre l'abus des 
appels en cour de Rome (1); on répéta, après Schedel, 
qu'Hildebert avait été emprisonné sur l'ordre d'Honorius (2); 
enfin, on voulait qu'il eill llélri la cour de Uome avec ces 
deux vers de sa poésie D-: Roma, qui, M. Hauréau l'a dé- 
montré (3), visent les persécuteurs du Pape, les AHemanda 
de l'empereur ; 

Urbs [eli.c, si vel domim» urbs ilta careret 
Vel dominU esaet twpe carere fide. 

H Heureuse ville, si elle n'avait point de maîtres, 
Ou si ses maîtres rougissaient de n'avoir point de foi, » 

En un mot, Hildehert se trouva enrégimenté parmi les 
antipapistes : « Il a été mis par Illyriciis entre les témoins 
de la vérité h cause d'une lettre fort piquante contre la cour 
de Rome », dit Rayle (4), et Du Plessis-Mornay traduisit le 
fameux pamphlet i\ la p<ige 280 du Mystère d'iniquité : 



(1) PIntoiophftà ail. Migne, 11, W. 

(3) Sur celte fausse légende, vay. notre t" partie, p. 7(1. 

0) It. llaurÉaii, Les Mëlawjei piiêliiiiiex tl'Hililebei't de Lacantttt 

V. m. 

(i| Utclionnaire crit'viui:. art. tliideberl. 



— 122 — 

Mais, sur les entreprises de ces papes, il n'y avait pas aussi faute de 
gens qui criassent au larron ; Hildebert^ évesque du Mans célèbre de 
ce temps, en une sienne épistre parlant de la court romaine : Leur 
propre function, c'est d'imposer des calomnies, déférer les personnes, 
avoir leurs biens par menaces, leur louange est de cercher occupta- 
tion en leur repos, butin en pléne paix, victoire dans les festins ; 
em|)Ioiês-Ies en vos causes, ils les retardent ; non emploies, ils les 
cmpesclient ; sollicités-les, ils vous desdaignent ; enrichissés-les, ils 
vous oublient ; ils aclieptent les procès, ils vendent leurs intercessions, 
vous députent des arbitres, leur dictent des jugements prononcés 
(ju'ils les ont,.... ils dénient aux clers la révérence, aux nobles l'ex- 
traction, aux supérieurs la séance, aux esgaux Taccointance, à tous 
justice etc 

CœlTeteau, dans sa Réponse au Mystère d'iniquité (1), ne 
niait point que la lettre à Honorius ne fût d'Hildebert ; mais 
il ne jugeait pas ainsi du morceau De Romanis, Gneffeteau 
parlait en catholique gallican ; il exprimait une opinion 
moyenne, (ju'il désirait être la vraie, et les théologiens 
protestants. Rivet, Gretser (2), ne le suivirent pas, affirmant, 
soit comme Rivet, qu'Hildebert avait été jusqu'à la révolte 
et à la haine contre Rome, soit au contraire comme Gretser, 
qu'il n'avait eu aucun courage, et que même la protestation 
généreuse et digne n'était pas de lui. 

Donc, l'intortuné Hildebert servit à la dispute des grands 
partis religieux, jusqu'au jour où les Bénédictins, auteurs 
de V Histoire littéraire^ vinrent le dégager de la mêlée. En 
examinant la question avec l'impartialité de la critique, ils 
découvrirent que le morceau incriminé était tiré presque 
intégralement d'une lettre de Sidoine Apollinaire (3), qui 
vécut au Ve siècle. Il n'y est pas question le moins du 
monde des prélats romains, mais l'évoque de Glermont 

{\) Ca^lTeteau, Réponse au Myslère d' iniquité , p. 757. 

(2) Rivet, théologien protestant, né à Saint-Maixent, mort à Bréda. — 
Grelset'y théologien protestant, né en Allemagne. Tous deux vivaient 
au conmiencemeiit du XVli« siècle. 

(A) Migne, Patrol. lat., tome LVlll (la 7«' du livre V). 



- 123 - 

annonce à son frère Thaumaste qu'il a enfin découvert quels 
étaient les hommes qui le desservaient auprès de Chilpéric, 
prince burgonde, tétrarque de Lyon: 

Indagavimus tandem qui apud tetrarcham nostrum germani tui ei e 
diverso partium novi principis amicitias criminarentur, si tamen 
fidam sodalium sagacitatem clandestiiia delatorum non fefellere vestt- 
gia. Hi uimirum sunt, ut idem coram positus audisti, quos se jamdii- 
dum perpeti inter clementiores Barbaros Gallia gémit ; hi sunt quôs 
liment etiam qui timentur, hi sunt quos hrec peculiariter provincia 
manet etc.... 

Pourtant, il a fallu adapter ce morceau d'éloquence à la 
critique sanglante des prélats romains, et nous croyons que 
ce petit travail fut l'œuvre d'un clerc né malin, qui aligna 
les antithèses et les hyperboles aux dépens des cardinaux 
pour compléter sa page. Les scribes qui vinrent ensuite en 
ont copié plus ou moins à leur fantaisie (1).... 

BiBL. NAT. Autres manuscrits. — Sans quitter la Biblio- 
thèque nationale, prenons d'autres manuscrits. 

Les lettres précitées s'y rencontrent ; de plus, on y trouve 
un certain nombre d'autres lettres, que voici (au nombre 
de 10) : 

a In me bene mihi complacuit.... 
P Transfretare tt6i, o Regina.... 
y Pueris nostris (jutbus navigaturis.... 

5 Beatitudini Vestrœ (lettre sur le concile de Nantes) et réponse 

du Pape. 

8 Plerumque humanis obrepit mentibus.... 

K In lacrymis effluant .. . . 

>î Nunquam felicius.... 

d Etsiquanlas debemus..., 

i Malchum tmun.... 

X Credidi me peccaturum.... 

(1) Le manuscrit de Troyes va un peu plus loin que le ms. A dans la 
lettre de Sidoine. 



- 1-ii - 



Telles sont les lettres que nous allons rencontrer en plus, 
soit groupées ù quelques-unes, soit toutes réunies. Je men- 
tionne pour mémoire une seconde lettre Benedictus Dominua 
Deui Israël, qui n'est qu'une rédaction un peu modifiée de 
Ex quo veatram promenti notiliam, et auesl les morceaux 
commençant par Clemenliai est aliquid, ou Actum fartasse 
putaa, Porro jiaucis tibi oatensa, qui ne sont que des décou- 
pures des lettres Absenlia mariti et Confidimu» in Domino ; 
en revanche, Cnm hene muUis et Consideranli ditigattius 
sont généralement réunies en une seule lettre dans les 
manuscrits qui nous restent à examiner. 

Parmi ceux-ci, les n" 2512 et 25i3 d'une part, 2903, 2904, 
2905, 2900, d'autre part, présentent des analogies suffisantes 
pour qu'il soit permis de conserver l'ordre dans lequel ils 
se trouvent rangés au catalogue de la Bibliothèque nationale. 
Nous les appellerons : C, B^, b:i, B', B», W. 

B' fut lé^ué par dom Antoine Faure h, la Bibliollièque du 
Roi; plusieurs lettres d'Hildebert y portent des adresses, mais 
tracées d'une écriture moderne. On y lit sans interruption 
les lettres 1 à 53 ; puis les lettres 63 et 64, séparées par 
plusieurs sermons (1) ; le scribe répète alors, de sa plus 
belle écriture, le litre complet : Ep" Hildeberti priws Cenom. 
ep', piiitea Turonenais archiep', ad S""" Bemardum. Puis 
viennent la lettre 78 et une quarantaine d'autres, suivant un 
ordre nouveau. 11 s'y intercale une lettre commençant par ; 
s Quia cauaam Sagienaia ecclesia; experientix vestrœ Romani 
u pontilicis delegavil auctoritas et ejmdem ecdesiœ cura ad 
H nos jure metropolitano iioscitur pertiiiere.... > Inulile d'en 



(1) 'loua les sermons qui se rencontrent dans les mâmes r 
i|uc les lettres d'Hildebert, ne sont pas nécessairement l'œuvre do 
notre évéque, et Reaugendre a eu tort de les imprimer tels quels duns 
son édition. Deanconp doivent ^tre attribués à Pierre le Man^iir 
(dévorateur de livres), A Pierre le l.ombard et â GeolTroy iJabion. A ce 
sujet, voyex D. Ilauréau, Notices et exlnxitë... (en cliercluint â la tatile 
des divers volume* le mot Uildebert). Cs. aussi l'édition in-4*, publiée 
txkrrAcailéniiedc-B inscriptions, t. XXXI. S* partie, p. 137. 



- l£> 



tire plus long : celle lettre a été écrite par l'archevêque 
métropolitain qui avait l'église de Séez dans sa Province, 
c'est-à-dire par un archevêque de Rouen (1). 

B * (XIII" siècle), de l'ancienne bibliothèque de Colberl, 
donne l'ordre de A jusqu'à 57 (sans adresses) ; suivent la série 
67 à 70, trois ou quatre lettres de saint Bernard, les lettres 
p et y, i7 à 52 (lettres répétées avec intercalation du sermon 
David futura) ; puis encore une série qu'on trouve pareille 
dans B *, savoir : 58, 74, 72, 75 à 79 ; 59 à (i2, 80 à 83, 7:1, 
84 à 93, 63 à 66, S et réponse. Le 2512 (B «) se termine par 
l'épimphe de Bérenger attribuée à Hildebert, et le 25i3 (lî *) 
par la Moralia Pliilotophia (2). 

B3 ou 2903 (XIII" siècle) donne l'ordre de A jusqu'à 57 
(sauf intercalation de deux lettres qui ne sont pas d'Hilde- 
licrt), puis des lettres de divers auteurs, puis des lettres 
d'Hildebert commençant par 67 et variant entre 58 et 79, 
avec fragments des séries indiquées pour le précédent. 

B * ou 2904 (XIII» siècle), de l'ancienne bibliothèque de 
Bigot, recueilli par la Bibliothèque royale, renferme d'abord 
B, puis In série 1 it 57, avec des adrenset, puis diverses 
lettres dont l'ordre rappelle celui de.'* précédents manuscrits. 

B* ou 2905 (XIII* siècle), de l'ancienne bibliothèque de 
Colbert, offre encore à peu près la même répétition, soit 
1 à 57 ; 67 etc.. et la série 58, 74 etc.. Et ainsi du 
n° 2906 (Bl), qui appartint à Baluze : c'est toujours le même 
ordre, avec des coupures. 

(1) La chose se passait â l'avèiieiiieiit ite Gîranl II, ilciiit l'élection ru 
siège de Réel, en lUl, donna lieu A un grave déhttl {Galiia, XI). Les 
èvÂ)ues d'Ëvreux It. et de Lisieux A., mentionnes dans le texte, sont 
Rotruu et Arnoul. Quia caiitam serait à joindre au recueil des lettres 
de Hugues III, dans Migne, Palrol. la(., t. CXCII. 

<3) C'est une marqueterie fort Ingénieua 
toutes empruntées aux philosophes ancii 
;iAiaou Moraliuin Dogvia pliiloaoplioi-an 
parmi les œuvres d'Hildebert, voy. un 
dans les Noiiea el extrait).... Ce Siivai 
i Guillaume de Conelies (I. 1, p. lUt). 



', de pensées 
ena, — Sur la Moralit Philotft- 
n. qui tigure dans Qeaugendre 
dissi'rlation de M. G. Ilauréau 
l'attribue, en dernière analyse, 



— l!2<> - 

Les deux manuscrits 2907 et 11382 (C« et C^) débutent 
par la lettre numérotée 32 dans A. 

Dans C * (ancienne bibliothèque de Colbert) (XIII« siècle), 
on lit d'abord sans interruption 32 à 57, puis 67 à 70, 63 
à 66 ; puis quatre lettres qui ne sont pas dans A, puis 58, 
74, 72, 75 à 79 (comme dans B) ; 59 à 62, 80 à 83, 84 à 93 
et enfin 1 à 31. 

C 2 reproduit le même ordre avec des lacunes. Le scribe 
avoue lui-même avoir omis beaucoup de lettres et en avoir 
«i corrigé » quelques autres. 

Les manuscrits 13(^ (D*) et 14168 (D <) présentent les 
mêmes séries (|ue les précédents, avec cette différence que 
la série A s'arrête au n<» 48. Suivent 65 à 70 ; 58, 74, 72, 75 à 
79 (comme dans B) ; 59 à 62 ; 80 à 83 ; 73 (interpalé comme 
dans B) ; 84 à 93, puis le De Querimonia ; puis 67 ; 49 à 57 ; 
68 à 70 ; et quelques autres, notamment une qui ne se ren- 
contre que là : Malchum tuum (t). Ces deux manuscrits pro- 
viennent de Saint-Germain-des-Prés ; D *, qui est du XVI® 
siècle, a été manifestement copié dans cette abbaye sur D *, 
qui est du XIII*'. Tous deux ont des adresses et, dans ces 
adresses, reproduisent les mêmes erreurs. 

Les autres manuscrits sont beaucoup moins complets. 
Les no» 2i84 (E*> et 2487 (E«), à la suite des lettres 
d'Yves de Chartres, nous donnent 1 à 57 et quelques lettres 
de plus, sans ordre aucun (1). 2487 a des adresses en 
rouge, Tautre n'en a pas; ils sont ^ tous deux du XIII® 
siècle. Le ins. 18334 (F, XIII^ siècle, de la bibliothèque 
des Minimes), à la suite de l' « Histoire des Albigeois » 
par Pierre des Vaux de Gernay, va de 1 a 52 et s'arrête net ; 
il a des adresses. 

Les manuscrits 11884 (de Saint-Germain-des-Prés, fin du 
XIl*^" siècle) et 13056, qui débute par Yves de Chartres (é^a- 
lomont de Saint-Germain-des-Prés), donnent une vingtaine 

(1) Avec iiitercalatioii de sermons. 



(le lettres, soit îi peu près los vingt pieiiiières de la série A, 
Knfin 5670 offre également une vingtaine de lettres, 2945 
une dizaine et 2820 quatre seulement. Mais on lit dans 2945 
une lettre qui ne se rencontre nulle pari ailleurs : CrediiU 
me peceaturuin in plures, avec la suscriplion a I (c'est- 
à-dire Udebertus) humilis Cenomannorum aacerdoa. » 
( Lettre k. ) 

Le n" 9376 est mentionné uu catalogue des mauuscrils de 
la Bibliothèque nationale comme renfermant une lettre 
d'Hildebert au feuillet :ï5. « U. Andegave^tti prataïUi H. 
Turoiiênsitt ardiiepiscojni» saliilem n, dit la suscriplion de 
cette lettre, et une note d'écriture bien postérieure ajoute : 
« Umc epUtola est ep' Turon. Hildeberli ad epûcopum 
Andegav, qiiem suspenderat ab officio ». Mais une aulre 
indication, contredisant celle-ci, est libellée : EpUtola II. 
(Hugoais de Uasttxidunci) ardi. Tur. nd And. i-p. di: 
interdieti aententia in eum a ne lala. Hildebert ne coniuit 
aucun évéque d'Angers dont le nom rommenç^U par un 
H, et Ulger, son contemporain, fut excommunié seuleineul 
cinq ans après sa mort (1) ; nous iivons atTaire par consé- 
quent à Hugues I"', archevêque de Tours de 10U7 à 1023, 
qui, au coui's de ses démêlés avec le conile d'Anjou, excom- 
munia l'évéque Hubert, son sulTragant, et lu lettre est 
rapportée comme telle par Maan (2). Le nombre des ma- 
nuscrits de la Bibliothèque nationale qui renferment des 
lettres d'Hildebert reste donc fixé à vingt-et-un. 



Autres niBLioTHiitjuEs. — l'armi les rmlres bibliothèques 
de Paris, il faut citer celle de VAraeiial, comme possé- 
dant plusieurs manuscrits des lettres (mss. 390 , Xll" 
siècle ; 1132, XHl" siëdf. Saint-Victor ; 1144. XV" siècle : It; 

(l)Go((i«. l.XiV, 

(3)i. MiUin. Jlialoria ivclesite Metroixiliraiia: Turonauîs, Appaulix. 
XV, D'aprc^B le rfciieil .les lellivs île Kullierl. évoque Je Cliarlres. (Voir 
UansMiBrie, t. r.Xl.l. ep- llC.i 



— i« — 

premier avec des adresses (i), le second avec des titres 
de sujet sans noms propres, le troisième sans titres ni 
adresses). 

Quant aux bibliothèques des départements, ni celle de 
Tours, ni celle du Mans ne possèdent de lettres d'Hildebert ; 
mais nous avons eu connaissance, en tout ou en partie, des 
manuscrits de : A L*r anches (\ni* siècle, quelques lettres). 
Cambrai (ms. 211, de même date et de même contenu 
que A), Douai (ms. 372, abbaye d'Anchin, XII* siècle), 
Grenoble (ms. 2ii, XII« siècle, Grande-Chartreuse), Poitiers 
(ms. 290, XIV« siècle, quelques lettres), Rouen (ms. 543, 
Saint-Ouen,XlI<' siècle), Troyes (mss. 513, 1924 et 1926, tous 
trois de Ciair\'aux, de la fin du XII* siècle, présentant les 
mêmes adresses) et l'école de médecine de Montpellier. 

A l'étranger, les manuscrits de Cambridge, Munich, 
Venise et Vienne sont sans adresses, mais nous avons reçu 
de précieux renseignements sur les bibliothèques de Berlin 
(ms. 182, avec nombreuses adresses (2), 183, 184, avec 
annotations de la main de Sirmond, collège de Clermont), 
Berne (mss. 484, 580 et 633, XIÏI* siècle), Bruxelles (mss. 
10833, XIIÏ« siècle ; 19020, XIV* siècle ; 4927 (3), ms. en 
papier du XV« siècle, mais qui seul renferme de nombreuses 
adresses), Londres (British Muséum, mss. très intéressants 
par leurs adresses, savoir : Royal 7 A IV, XII* siècle ; Roy. 
14 C IV, Gotton. Vesp. (4) D XIX, Hari. 3016, XIII* siècle), 

(1) C'est celui que nous désignons quand nous écrivons : Arsenal ou 
Ars.f sans numéro d'ordre. 

(2) C'est celui que nous désignons quand nous écrivons : Berlin^ 
sans numéro d'ordre. Ce ms., du collège de Clermont, appartenait en 
18:19 à sir Th. Phillpps de Middlehill, et Pertz, qui le vit à son passage 
on Angleterre, le signala dans son ArchiVy le croyant plus complet que 
lf>s autres, ce qui est faux. 

Ci) C'est celui que nous désignons quand nous écrivons : Bruxelles, 
sans numéro d'ordre. 

(4) Vespaaianus. Les cliapitres du catalogue de la Cottonian Ubrary 
portent, en guise de numéros d'ordre, les noms des empereurs romains. 



^ 



Oxford (Bodteian Librarj- Miscell. 532, XIII' siècle). Home 
(fonds de la reine Christine, 169, 171 et 246). 

Toutefois, la seule lettre que nous fournissent en plus 
ces nianuscrils, est la lettre Sententiam quam rogaslis, 
donnée par la bibliothèque de l'Arsenal, et qui figure dans 
Deaugendre, celle qui est insérée dans le n» 19020 de 
Bruxelles parmi les lettres li'Hildeberl paraissant adressée 
par un évoque d'Amiens h un pape du nom d'Innocent. 
C'est dans un manuscrit d'Yves, du British Muséum, qu'il 
faut chercher une lettre inédite d'Hildebert, et ce document, 
qui a paru le i" avril dernier dans VEngiisli historical 
Review, constitue un appoint intéresBant, non-seulement à 
la collection épistolaire, mais encore, comme nous l'avons 
vu (1), à l'histoire m^me de l'évêque du Mans (2). 



CHRONOLOGIE DES KDITIONS 

Le plus grand nombre des lettres d'Hildebert, quatre- 
vingts environ, furent éditées pour la première (ois dans 
la Maxima Bibliotheca Patrum {3), (Paris, 1589, — Cologne, 
1618, — Lyon, 1677) ; un moine augusUn, Jacques Hommey, 
y a joint l'examen de ces lettres en latin, dans son Siipple- 
metitum (1684). 

Dès 1621, Bochel, auteur des Décréta Ecctesiae GalUcanx, 
avait réimprimé une lettre déjà panie ; Du Chesne, dans sa 



(i)l~ parlie.p. 57. 

(2) Le ms. 115 de Saint-Umcr donne une epialola Odoni par tlildetierl, 
maJB c'est une ëpllre en vers (Beaugciidre, ttildeb. op.), p. 13^; 
Ilnuréuu, Mélangea poétiques iTBitdebert, p. 55». 

13) Dépouillée dans Uarling, Cyclopmdia bibliographica, col. 738 et 



— 13() — 

collection des « Historiens de France (1) », en fit entrer 
quatre qui étaient déjà éditées (1649), et Alford, Jésuite 
anglais, pour ses Annales Ecclesiœ AiiglicmiiBy en emprunta 
deux (édition posthume, après 1652). Nous descendons alors 
jusqu'au Père Labbe, qui, dans sa collection des c Con- 
ciles », eut occasion de donner à nouveau la lettre sur le 
concile de Nantes (1672). Seul, Mabillon (Analecta, 1675) 
avait publié une lettre inédite , Malchum tuum , lorsque 
dom Luc d'Achery fit paraître le SpicUegium (2) (1677), où 
il donnait neuf lettres d'Hildebert au tome IV, et quinze 
lettres au tome XIII (3) , soit vingt-quatre lettres, dont 
vingt-deux n'avaient pas encore été éditées. 

Vers la même époque, Etienne Baluze avait projeté une 
édition des lettres d'Hildebert, pour laquelle il fit exécuter 
plusieurs copies ; ayant renoncé à ce travail, il se dessaisit 
de ses papiers en faveur du Bénédictin dom Antoine 
Beaugendre (4). 

En combinant les deux recueils, des Pères et de d'Achery, 
dom Beaugendre, qui avait entrepris la publication intégrale 
des œuvres d'Hildebert, se trouvait à la tète d'une centaine 
de lettres. Il en corrigea les textes d'après les copies de 
Baluze et une douzaine de manuscrits, savoir : 

2 de la Bibliothèque royale, dont le n® 4080 est actuelle- 
ment notre f. 1. 2484 ; 



(1) Du Chesne. Uistoriœ Francorum scriptores coœtanei. — Lutetiae 
Parisiorum, 1649, 5 vol. in-fol. (Voy. tome IV, p. 248.) 

(2) Specilegium : Glanage d'épis (spicas lego).— Z>'i4c/*erj/ou Dachery, 
né à Saint-Quentin, semble appartenir à une famille qui tirait son nom 
du petit village d'Achery, dans l'Aisne. 

(3) Les tomes IV et XllI de 1677 font partie tous deux du tome III 
dans l'édition de 1723. 

(4) Ils sont à la Bibliothèque nationale sous le titre de : Liasse cte 
papiers concernant les ouvrages d'Hildebert, évêque du Mans, que M. 
Baluze remit au /?. P. Beaugendre pour son édition d'Hildebert, et qui 
lui furent rendus après la mort de ce religieux, le 16 septembre 1708, 

(Baluze, vol. 120, p. 92.) 



■ 131 



6 de la bibliolhèqur de Colbert, parmi lesquels 1168, 
2i:t1, •mu cl 4017 soni nos mss. 2905, 2487, 251.% 2907 ; 

2 de S;ii ni- Victor, mais non pas celui de la Riblîothériue 
naliouale, qui porlail à Saint-Viclor le ii" 1000 ; 

1 de l'abbaye de Saint-Ouen de Itouen, actuellement à la 
bibliothèque de cette ville ; 

1 de Saint-Taurin d'Evreujt, que nous n'avons pu retrouver; 

2 prêtés par l'avocat Loyauté, qui ne sont pas autrement 
qualifiés dans la préface. 

Dom Beaugendre, malgré son grand Age {il avait près de 
quatre-vingls ans), vint k bout de ce travail et publia son 
édition en 1708, sous ce titre ; VaierabUU Hildeberti, primo 
Cenoinaniienais epûcopi, deinde Turonnuxi archiepiscojii, 
opéra tam edUa quant inedila. Ai-cesserunt Marbodi, 
Redonensis epUcopi, ipsius Hildeberti inippari», opuscttla... 
labore et studio D. i4iit(>nîi Beaugendre, preabyteri et 
monachi Sancli BenedicH e cotigregatioiie S. Maurt. — 
Parîsiis, apud Laurenlium l.e Conte, ad rtpam Seqxia- 
nœ Augustinianam , ad iiisigne Urbis Monli^peamlani, 
M D ce VIII cum privilégia reijia et superiorum per- 
missu. L'édition a été repruduite dans la collection 
Migne, par les soins du ctianuiric Bourassé, qui y a joint 
quelques notes, en 185i. (Patfolofiia latina, iomc C:LXXI)(1), 



[)E I.AIITHENTICITIÏ DKS LETTRES 



U'après les manuscrits. — Après avoir énuméré les 
manuscrits et les éditions qui renferment des lettres 

(1) On trouve quelques lettres d'Iliideberl, niais aucune inédite, en 
d'autres recueils postérieurs à d'Achery, savoir chet : Iioin Beaaiii 
[Coneitet <ie la Province-UBouen); — dam Marice(Hiêloire de Bretagne); 
— Muratori, le grand ^rudit italien du XVI 11* siècle (Anecd-, 3* vol., 
t. lit, p. 313); — Brial [Recueil deê fiistoriens des Gaules et de la 
France, tome XV), etc.. 



— 132 - 

d'Hildebert, le moment est venu de faire le compte de 
ceJles-ci. 

Parmi les 93 lettres qui se lisent dans les manuscrits de 
la famille A de la Bibliothèque nationale, il n'en est pas 
pour lesquelles nous ayons des raisons sérieuses de suspec- 
ter leur authenticité ; on les retrouve toutes d'ailleurs dans 
les autres manuscrits, quoique dispersées. Cependant, 
Beaugendre a omis dans son édition la dernière: Inter 
Caimotensem episcopum. Pourquoi ? Nous l'ignorons. 

Noverit DiLectio Vestra a été négligée également par 
Beaugendre ; mais elle est dansMigne, ajoutée parBourassé 
d'après les papiers de Baluze, et avec la faute que cet érudit 
avait faite (Novit pour Noverit). Nous croyons que Beau- 
gendre l'avait omise sans intention ; toutefois, il pourrait 
dire à sa décharge que cette lettre n'a peut-être pas été 
écrite par Hildebert, mais à lui adressée. Même en ce cas, 
elle doit être jointe h Usu pariter et necessitate docemur^ 
qu'elle explique et sans laquelle on ne la rencontre jamais 
dans les manuscrits ; ceux-ci sont seulement partagés quant 
à la teneur du texte. 

Les uns (1) donnent : « Noverit Dilectio Vestra Stepha- 
y> num (Etienne de Montsoreau) decessisse ; cum quo quia 
1» Radulfus, noster quidem filius, vester autem decanus,».. » 
Votre doyen ! Cela ferait supposer qu'Hildebert était, non 
pas l'auteur, mais le destinataire, puisqu'il s'agit du doyen 
de Tours, Raoul. D'autres manuscrits (2) portent: vester 
quidem filius^ noster autem decanus. Je continue, c Radul- 
» phus noster (ou vester) quidem filius, vester (ou noster) 
» autem decanus, in apostolica acturus erat audientia ; apud 
3> Vestram pro eo interpellamus Discretionem (3), quatenus 

(1) B/l, B/*2, B/5. — Quant à C/l, il présente une double rature. Est-ce 

nostei'j est-ce vester f 
(2; A/1, A/2, A/3. — D/1 : noster quidem filius aut decanus, 
(3) IHscrctio. — Titulus honorarius, quo nonnunquam appeUati 

siint episcopi, interdum etiam laici nobiles (Du Gange). 



— 133 — 

> pro eo impetretis ne, pto c^u^a qua Romam iturus erat, 

> necesse sil eum uUerius [atigari (1) », 

Celte dernière phrase peul s'entendre de deux façons: 
■ Tâche?, d'obtenir pour lui qu'il ne soit pas nécessaire de 
» poursuivre son voyage commencé {\'^ sens), ou d'entre- 
« prendre désormais le voyage (2' sens). » Dans le premier 
cas, Raoul serait déjà parti et aurait perdu en route son 
compagnon et avocat désigné ; lo billet serait un faire part 
et avis de l'abbé de Cluny, par exemple, chez qui le voya- 
geur se serait arrêté un instant. Dans le second cas, Raoul 
serai! encore à Tours, et Hildebert aurait écrit ce billet, je 
suppose, à un prélat de la cour romaine, démarche suprême 
pour obtenir qu'on laissât son doyen en repos (2). Cetïe 
solution, qui est celle de A', le manuscrit le plus complet et 
un des plus anciens, nous parait plus simple. Quoiqu'il en 
soit, le Pape tint bon, et Hildebert rédigea pour son protégé 
le billet de recommandation Vsu paritef et necesaitate doce- 
mur, dont il le munit, selon toute apparence, à son départ. 

Prenons maintenant les 10 lettres qui ne se rencontrent 
pas dans A, 

« se lit en tête de manusci il dans li * et G t^), à cùté d'un 
sermon dans D, et enHn dûment intercalée entre des lettres 
authentiques dans B^. Cette lettre porte, h l'encre noire, 
dans le corps du texte, la suscription : • Ilildebertus, Ceno- 
mannorum sacerdos. ■ 



^l} Fatigari : faire un voyage. C'est uri îles priiicipaiw sens du mol 
au moyen 3ge. Cf., pour l'espresaion, les letlrcs illlildeberl Jutium eil 
eoi, p. 139 et Scimut quid«iii, p. 172. 

(3) Dan» la lettre Justum est eos (i13l>), Hildebert fRÎsait au Pape la 
mâme prière en ternies aualotjues, mais en le qualifiant de Sanctita» 
Vatra. A-t-il donc écrit par deux voies ililTérenies pour le même 
objet, ou rëpoiidait-it ici au va?u eupriniè par l'auteur de Novcrit 
biUaHo f Les deux oxplicuiiuiis sont pussiblea. 

Cl) C'est, ou s'en sourient, un manuscrit du XII* siècle, c'est-à-dire 
un ile« plus anciens. 



— 134 — 

|3 et 7 se placent, à côté l'une de l'autre, au milieu des 
lettres d'Hildebert, dans B, G, D ; à jS est jointe la suscription : 
« Ilildehertus^ humilis Turonorum archiepiscopus. » 

5 (lettre sur le concile de Nantes) est également dans B, 
G, D ; nous avons de plus la réponse du pape Honorius, où 
Hildebert est désigné personnellement. 

c se rencontre dans le seul B*, mais au milieu de lettres 
parfaitement authentiques. 

ç, Y) se trouvent intercalées dans B * et à la suite de deux 
sermons, à la reprises des lettres, dans D. 

prend place avec les autres lettres d'Hildebert, dans B*. 

t figure dans le seul D ^ (ou D *, c'est le même) après le 
pelit morceau Inter amorem hujus mundi et amorem Dei 

hœc est differentia , un joli développement que nous 

n'avons pas cru devoir classer parmi les lettres, bien qu'il 
se glisse en plusieurs manuscrits au milieu de la correspon- 
dance d'Hildebert, mais sans avoir, comme t, les apparences 
et la forme d'une lettre. 

X enfin est un charmant billet qui se lit seulement à la fin 
du ms. 2945, mais avec le nom d'Hildebert en suscription. 

Bref, nous admettons toutes ces lettres, et aussi l'inédite 
à Guillaume le Roux, Cum viderit litteraSy qui a été décou- 
verte dans un manuscrit d'Yves de Ghartres, mais que sa 
suscription et les circonstances qui y sont rapportées re- 
commandent suffisamment comme étant d'Hildebert. 

Q[}-dni iiSententiam quant roj/aijh's, du ms. 390 de l'Arsenal, 
(juoique séparée par des morceaux appartenant à différents 
auteurs de la totalité des lettres d'Hildebert sauf une, il faut 
noter qu'elle fait suite à Ad memoriam Beati Jacobi. Gelle-ci 
a comme adresse dans notre manuscrit du XII® siècle : 
« /. Turonensis metropolitanus F, Andegavensi comiti », et 
Sententiam porte, par un libellé analogue : « R. veiierahili 
y> magistro, I. salnlem ». Aucune des lettres d'Hildebert 
que nous possédons n'a d'adresse ainsi abrégée , mais , 
combien ont perdu toute leur suscription ! Ge style , 



alerte et subtile , convient assez à la plume de notre 
auteur, et le sujet a de Tanalogie avec celui de Totum 
te mihi significasti : c'est, dans les deux cas, l'interprétation 
d'un passage de l'Écriture pour un correspondant qui 
demandait un avis motivé ; l'attribution à Hildebert est au 
moins probable (l) ; nous verrons plus tard qui pouvait être 
ce maître R., son correspondant. 

Des 93 de la liste primitive, ou 92, si on admet la fusion des* 

numéros de A 56 et 57 en un seul (2), le nombre des lettres 

• se trouve ainsi porté à 104 ou 105, d'après les manuscrits. 

Recensement d'après l'éoition Beaugendre. — A l'ex- 
ception de Inter Carnoiensem et de Cum viderit^ les 104 
lettres des manuscrits se trouvent dans Migne, avec plusieurs 
autres qu'on s'attendait moins à rencontrer sous la plume de 
l'éditeur d'Hildebert. 

Voyez, par exemple, au livre II, la lettre 45. Elle est de 
saint Jérôme, et la raison (jue donne Beaugendre pour la 
transcrire (3) est de celles qui permettraient, si on voulait 
entrer dans cet ordre d'idées, d'imprimer à la suite d'un 
auteur quelconque tous les ouvrages qui lui ont servi de 
lecture. 

Dans le livre III, il ne peut se résoudre à retrancher deux 
lettres signées 0., qui n'ont rien à voir avec Hildebert (4) : 
du moins, il les donnait sons toutes réserves, et Migne les 
imprima en italiqqes pour les distinguer des autres. 
D'Achery les avait déjà restituées à un chanoine ou abbé du 
nom de Ewdo^ [OdoJ (5). Beaugendre dit les avoir prises dans 

(1) Beaugendre, qui ne 1 avait rencontrée dans aucun manuscrit, la 
mit au compte d'Hildebert sur la foi de Loyauté. 

(2) Distincts dans: A/1, A/:i, A/3, B/2, B/5. — Ensemble dans: 
B/l. BA B/i, B/6, D, E/1. E/2. 

{'A) Les auteurs de la Dihl. Pat. Ta valent déjà insérée à tort parmi 
l«'s lollrcs d'ilildobt-rt. 
ii) L'une porte : F^» /{., 0. sal. — L'autre : F" F., fr. 0. stU. 
(5) Spictltujium, i. lll, pp. ôSll et suivantes. 



- 136 — 

le manuscrit de Golbert 4017, actuellement 2907 (C * ). Or voici 
qui est grave. A la suite de la première et avant la seconde 
de ces deux lettres de Tabbé Eudes, C * en donne une autre, 
sans adresse ni suscription, commençant par: Quanto 
desideHo et affectu,.,. Elle est insérée par Beaugendre au 
livre I, n» 17, et M. Luchaire Ta citée comme étant d'Hildebert 
parmi les actes du règne de Louis VI le Gros (1). On la 
suppose, à fort juste titre d'après son contenu, adressée à 
Etienne de Garlande. Soit ; mais, comme nous ne l'avons 
rencontrée dans aucun autre manuscrit que . C *, nous 
n'hésiterons pas, étant donné sa place dans celui-ci, entre 
deux lettres signées Odo, à y voir l'œuvre du môme abbé 
Eudes de Saint-Père d'Auxerre ou de Sainte-Geneviève de 
Paris (2). 

G'est une lettre de consolation au ministre de Louis VI, 
lors de sa disgrâce, dans les derniei*s mois de l'année 1427. 
Ce favori avait commencé par exercer la charge de chancelier 
en sa qualité d'ecclésiastique ; à la mort de son frère 
Guillaume, en 1120, il se fit donner par surcroît le dapiférat 
et cumula, ce qui ne s'était jamais vu avant lui, ce qu'on ne 
vit pas après, la plus haute dignité judiciaire avec le com- 
mandement suprême de l'armée ; cette fortune dura sept 
ans, pendant lesquels Etienne de Garlande disposa, pour 
lui-môme ou pour ses créatures, des bénéfices, dans les 
églises et les abbayes qui dépendaient de la couronne. Loin 
qu'Hildebert lui ait écrit une lettre d'amitié, nous sommes 
porté à voir dans ce ministre l'auteur des mesures fiscales qui 
furent prises contre l'archevêque de Tours et son clergé. Il 
succomba enfin. En 1115, le roi avait épousé Adélaïde de 
Maurienne, qui prit sur son mari un ascendant croissant et, 

(1) Ij)uis VI le Gros, n" 426. M. Luchaire n'a pas recouru aux 
iiiarniscrils ; il s'est fié au tcmoignagc de liom Brial, qui ici s'est 
troiTipé. 

(2) Lequel des deux personnages ? J'hésite à me prononcer, et 
d'ailleurs il n'importe à notre sujet. 



l;(7 



après avoir fail au favori une guerre sourde, réussit à le ren- 
verser brusquement en 1127. Hildebert n'aura donc entretenu 
aucun commerct; d'amitié avec cet ambitieux sans scrupules, 
mais sera rentré en gi-âce auprès du roi par l'intermédiaire 
d'Adélaïde : dès qu'il s'agissait d'intéresser une femme Ix sa 
cause, nous ne doutons point qu'il ne fût passé maître. 

Arrivons à une lettre pour laquelle le doute a son excuse, 
Ion» 34 du livre III, Vniveiifia ftdelibas, qui figurait, dit 
Beuugendre, dans le carluUiîre de Saint- Vincent. En effet, 
nous l'avons découverte à la page 363 du manuscrit de 
Gaignières, f. 1. ùiii. Elle est au milieu d'actes se rappor- 
tant aux environs de l'an l'200, et, de ce fait, J'allribution à 
Hildebert ne ressort pas avec éridence ; il s'en faut. Certes, 
la lettre est bien l'oeuvre d'un évèfjue du Mans; car il est 
question de l'abbaye de Saint- Vincent, fondée par c nos 
priidécesseurs », anlecfsaoï'es noftri, avec le privilège de 
donner la sépulture à tous les évéques et chanoines de la 
cité. Un chanoine ayant disposé de sa dépouille mortelle 
par testament en faveur de l'ubbaye de fieauUeu, les moines 
de Saint-Vincent la réclamèrent, comme une relique de plus 
qui porterait témoignage de leur piété au jour du Jugement, 
et l'évéque soumit le cas au Pape : « Patri stio U. Ce^ioman- 
neneii episcopus. x 

Cette adresse, peu diplomatique, a été certainement défi- 
gurée par le rédacteur du cartulaire ; et la question est do 
savoir si l'initiale U désigne l'auteur de la lettre, ou au 
contraire, son correspondant. Brial (!) s'est demandé si U 
n'était pas un sîgle mal interprété, qui tiendrait la place 
de 11; mais nous ne voyons nulle part Hildebert désigné 
par ces deux lettres initiales (on trouve /, mais pas fl). 
D'ailleurs, te savant continuateur du recueil des Hhloriens 
de France n'avait émis cette hypothèse singulière, que sous 



l\) Seeueil dee Uiitorien* de France, t. XV, p. 313. 



- 138 — 

Fempire de Topinion formulée par dom Ruinart (1), qui 
croyait la lettre écrite par Hildebert, comme une re- 
quête à l'adresse du pape [/. , c'est-à-dire d'Urbain II , 
entre 1096 et 10i)9. Or il est question dans le débat de 
Tabbaye de BeauUeu, qui fut fondée au temps de notre 
évoque, mais en 1124 seulement (2), un quart de siècle 
après la mort d'Urbain II. Comme aucun autre pape dont le 
nom commençât par un U n'a occupé après lui le trône 
pontifical pendant deux cents ans, cette lettre ne peut donc 
avoir été composée que pour Urbain III, pape de la fm du 
XIII® siècle, à moins, ce qui est plus probable, qu'elle ne 
soit l'œuvre de Hugues, appelé en latin Hugo ou Vgo^ qui 
fut évéque du Mans au milieu du XIP siècle. 

Piie et sancUe devotionis, n» 21 du livre III, est aussi un 
legs de l'abbaye de Saint- Vincent ; nous ne l'avons pas ren- 
contrée dans le cartulaire, mais, comme l'a dit Beaugendre 
et avant lui dom Bondonnet, qui le premier publia cette 
lettre (3), elle faisait partie des pièces d'archives non 
transcrites sur le registre, et portait parmi les originaux le 
11" LXXXII, avec ce titre: De Lite mter 7ios et monachos 
Gemetjenses, du procès entre nous et les moines de 
Jumièges. Les archives de Saint- Vincent ont péri à la 
Révolution, mais la suscription, les circonstances que 
rapporte Hildebert sur le temps de son séjour au Mans 
(cîir il étail archevêque de Tours quand il envoya ce témoi- 
gnage pour figurer au procès) (4), enfin la comparaison avec 
les faits qui sont résumés au cartulaire (5), tout nous fait 
une loi d'insérer Piie et sauctx devotionia parmi les lettres 
authenticiues d'Hildebert. 

(1) Ouvrages posthumes de MahiUon et Ruinart^ t. III, p. 408. 

(2) Gailia, t. XIV. 

(3) Vies des évêques du Mans y p. i59. 

(i) l.a piêoo trans(;rite par dom Piolin (f/is^ de V église du Mans, 
l. m, sous le niiiiK'^ro 5H) fut «mivoj^I'O dans des condilions analogues à 
Odon, al)hé de la Couture, mais elle ne revèl point la forme d'une lettre. 

(5) Cartulaire de l'abba^je de Saint-Vincent^ ms. p. 237, imp. n» 5Î>2. 



■ i:i9 - 



■ Après les archives dt: Sain l- Vincent viennent, pour con- 
tere, les découvertes de l'avocnl Loyauté. De mutiere qwe 
^ecambenti viro (lU, 36) ne s'est offerte h nos yeux dans 
aucun inunuscrit; si toutefois cet érudit l'a renconirée, et 
dans les termes uii Beaugendre la rapporte d'après lui, 
voilà un numéro de plus à ajoutera notre liste. Maisd'Achery 
a lu ce morceau, dans te même manuscrit de Saint-Aubin 
d'Angers, et il l'intitule : « M. Dei grnlia vene^'ubilU 
UedonensU episcopus atque \V. Andt^navuHnia archidiacottus, 
I. Ci^niimannenti epiaeopo, salutem i (1), comme si la lettre 
avait été écrile par Marbode et Guillaume archidiacre 
d'Angers, plutôt qu'adressée h ceux-ci par Hildebert, suivant 
l'interprétation de Heaugendre : t M.... liedunensi episcopo 
^^Atpie W. Andeguvensi archidiacono , /. Cenomannensis 
^^miKopus. » Il est probable que le manuscrit présentait cette 
^Bvesse en abrégé, sans les désinences. Le titre joint au 
^Tiom de Marbode, o vénérable évoque », appellation respec- 
tueuse qu'il était inllniment plus naturel et conforme aux 
kibitudes de donner à un autre que de se décorner h soi- 
même, et l'expression : « j'ai écrit à votre Béatitude n (car 
»n ne lit pas: nous avons écrit ), nous font admettre, avec 
lleuugendre, que Marbode et l'archidiacre étaient le-s desti- 

Kres, non les auteurs (2). 
quoi s'agissait-il ? Une femme mariée, comme son mari 
de manifestait l'intention de se faire moine, l'y avait 
encouragé et l'avait revêtu elle-même de la cuculle. Main- 
tenant elle se repentait, voulait le reprendre pour mari, 
alléguant que l'Ëglise avait béni l«ur union et n'avait pas 
sanctionné de même son renoncement. L'auteur de notre 
lettre estima que cet engagement, qu'elle avait contracté 
IjBvers elle-même, de vivre k l'avenir comme une vierge, 
^t vidable : on ne dit pas ce que pensait le mari. 

p) D'Aflierj-, Spiril., Ut. 130 (Anc- «lit., t. Xltî). 
'0 Boluze lient uuiiimc tleuu|{enilre |ioui' lu paleniiti: il'Jiilcteberl -, 
Il lu lettre n'est pas dans l'édition de Hurboile de 153i. 



- 140 — 

Je suppose qu'Hildebert, qui donna cette consultation, 
écrivait à Marbode, évêque de Rennes, quand ce dernier fit 
rintérim de l'évôché d'Angers, en 1109. Marbode ne pouvait 
agir aussi librement qu'il Teût fait dans son diocèse ; il avait 
donc demandé Tavis de son confrère du Mans, en associant 
à cette démarche l'ombrageux archidiacre Guillaume, son 
adversaire de la veille dans l'élection de Rainaud. 

La dernière lettre, enfin, ne souffre aucune difficulté. Elle 
fut écrite par Hildebert à l'archevêque d'York, Thurstin ou 
Thurstan ; on y reconnaît les antithèses, les procédés de 
division et l'élégance de notre auteur. L'archevêché d'York 
prétendait s'affranchir de la suzeraineté primatiale de 
Gantorbéry ; Thurstin écrit à Hildebert pour lui demander 
s'il est vrai qu'il s'cbt chargé de défendre auprès du Pape 
les intérêts du siège rival ; Hildebert répond qu'il n'en a 
jamais eu la moindre intention et que, d'ailleurs, il ne songe 
pas pour le moment à entreprendre le voyage de Rome. 

Tel est le sujet de Sicut Seneca te^atur. Nous obtenons, 
en définitive, 107 lettres d'Hildebert. 



§IV. 



CLASSIFICATION DES LETTRES 

De l'ohdre suivi dans les manuscrits. — Après ce 
recensement des lettres pesées une à une, examinons la 
iiuestion de savoir suivant quel ordre elles se présentaient, 
dans les manuscrits ou dans les éditions, et quel classement 
il conviendra d'adopter pour notre étude. 

Le scribe qui copia Yves de Chartres, parait avoir suivi 
l'ordre par correspondants. Qu'on parcoure le manuscrit 
2907. p]n têle viennent les lettres adressées au souverain 
Pontife ; puis se succèdent, dans un esprit de hiérarchie, et 
sauf diverses irrégularités, celles destinées aux cardinaux. 






141 - 



au patriarche de Jérusalem, au primat de Lyon, à l'ar- 
chevêque de Sens, à l'archevêque de Reims, au roi de 
France, au roi d'Angleterre, aux archevêques, aux évoques, 
aux abbés, aux comtes et comtesses; aux dignitaires des 
églises (doyen, archidiacres, prévôts), enfln à divers 
seigneurs. 

Itien de tel dans nos manuscrits. D'ailleui's, pareil arran- 
gement serait défectueux pour Hildebert, puisque les lettres 
adressées au Pape furent précisément celles qu'il écrivit 
en qualité d'archevêque de Tours, h la fin de sa carrière. 
Plus un homme s'élève dans la hiéniichie, plus ses rapports 
avec les grands deviennent fréquents ; de sorte qu'il faudrait 
plutôt en règle générale, sous peine de faire violence à 
l'histoire, commencer par les correspondants les plus 
infimes et terminer par les plus haut placés ; mais les lettres 
d'Yves de Chartres étaient lues et étudiées pour les consul- 
tations qu'on y trouvait sur le droit canon ; les matières 
débattues se trouvaient classées par ordre d'importance, si 
on parcourait la liste des personnages coniîullants ou consul- 
tés du plus grand au plus petit. 

Les lettres d'Hildebert étaient plutôt conservées comme 

des modèles du genre épistolaire et mises comme telles 

I entre les mains des jeunes gens, au témoignage de Pierre 

de Blots (1). A ce titre, et tombées dans le domaine de la 

grammaire, elles n'étaient pas moins susceptibles d'un 

classement méthodique, ii déterminer par l'objet, la compo- 

I Bition et le formulaire de la lettre ; or, il est impossible de 

reconnaître dans \fs manuscrits la trace d'un tel classement ; 

si les clercs y prétendirent, les raisons qui les guidaient 

nous échappent. N 'au l'aient-ils pas préféré l'ordre historique 

I fit chronologique? Mais la lettre qui est donnée par les 

1 manuscrits comme la première, De convenione, à Guillaume 

\ de Champeaux, est de lliO environ (2), et nous en rencon- 

(t) Ptiri Blticnsiiep. 101. Uuns Migne, Palrot. lai., t. CCVII. 
(S) Voyei le cliapîire suivant oii on eicainuie les lettres une k une. 



— 142 — 

Irons plus loin qui sont manifestement antérieures. L'ordre 
chronologique, d'ailleurs peu conforme aux préoccupations 
purement di(iacli(|ues de Tépoque, est démontré inadmis- 
sible par maints exemples ; et, à dire vrai, en dehors des 
motifs qui ont fait préférer telle lettre à l'exclusion des 
autres, nous ne croyons pas qu'aucun ordre ait présidé 
à l'arrangement de ces morceaux choisis. 

Nous observons seulement que le groupe des lettres 4-48 
(ou 1-56) du tableau ci-dessus, est le seul qui forme, dans 
l'ensemble des manuscrits, un noyau à peu près résistant ; 
or cette partie semble avoir été exécutée tout entière avant 
Tannée 1127, où succomba Etienne de Garlande, destinataire 
présumé du n® 33 (DolcoJ. 

Je sais bien que le cas de la lettre 18 est embarrassant, 
puisque Non paucis fut adressée au souverain Pontife en 
faveur des chanoines de Saint-Martin de Tours, qui avaient 
fait un abus de pouvoir, transgressionem^ et que le seul nom 
(le pape se rapportant à la période de l'archiépiscopal 
d'Hildebert qui soit donné par un manuscrit, est celui 
d'Innocent II, élu en 1130. Mais le ms. de Douai est le 
seul qui présente cette rubrique, et, quelque ancien qu'il 
soit, nous verrons que ses indications sont quelquefois 
sujettes à caution (1). Au contraire, tous les autres ma- 
nuscrits portent : « Ppp., P. papse^ P. Romano pontificiy 
Paschali papœ », c'est-à-dire au pape Pascal II, qui 
mourut en 1118. Il faut citer notamment, avec le nom 
entier, le ms. de Grenoble, qui est du XII® siècle ; de 
plus, le ms. de Troyes 1924 renferme cette adresse en 
suscription, à l'encre noire. Enfin, comme pour bien attester 
que les scribes les plus anciens avaient écrit c P. papse » ou 
quelque chose d'approchant, le ms. de Berlin 182 et le ms. 
de Rouen se distinguent par une interprétation toute parti- 
culière, « Paschasio papœ », adresse inadmissible puisqu'il 

(1) Notamment pour Patica bone f rater et pour la lettre à Robert 
d'Arbribsel, qui est de Marbode {Quoties de tua). 



— It! - 



n'y n jamais eu aucun pape du nom de Pasnase, mais 
qui confirme par son erreur môme le témoignage général. 
lit qu'on ne s'étonne pas de voir intervenir ici l'évéque 
du Mans. N'a-t-il pas joué en cfTet )e râle d'intermédiaire 
entre le comte Hélie et l'abbaye en iHO (1)'/ Il a donc 
pu défendre aussi bien Saint-Martin près de Pascal II. 
Certes, cela était humiliant pour les fiers chanoines de 
prendre comme avocat un prélat voisin, moins encore tou- 
tefois que de plaider par l'entremise de celui dont ils ne 
cessaient de contester la suprématie, l'archevêque mt^ro- 
politain.... 

HUdebert était lier de faire figurer cette lettre dans te 
recueil qu'il créa vers 1127, pour plaire à ses amis et satis- 
faire la curiosité des maîtres et des escholiers. Un dialecti- 
cien fameux, Guillaume de Champeaux, ouvrait la série des 
destinataires, comme si l'ouvrage lui était dédié ; les autres 
lettres sont venues se joindre peu à peu à ce premier 
groupe, au hasard du goût des copistes, et combien, hélas I 
se sont perdues, ne fût-ce que celles adressées ii Yves de 
Chartres et à Geoffroy de Vendôme, dont nous avons con- 
servé les réponses. 

De l'ordbe suivi dans les éditions, — Les auteurs de 
la Maxiina liibliotheca Palrum essayèrent de respecter 
l'ordre des lettres, tel que le donnait cette collection faite 
aux XII" et XIII" siècles de pièces et de morceaux ; mais 
leur classement, sauf celui des 48 premières lettres , ne 
pouvait être qu'arbitraire, étant donné le désaccord des 
manuscrits. 

Beaugendre a imaginé une disposition entièrement nou- 
velle. Il a essayé de classer les lettres par ordre sj'stématique 
de matières : 

Livre I. — Morales seu ascelicte. 

Livre n. — Ue Dogmatibus, disciplina et ritibus. 
(1) GulUa, l. XIV. Sui- Sailli-Martin. 



— 144 — 

Livre III. — Indifférentes seu urbanae. 

Rien de plus simple, au premier abord : l» la morale ; — 
S*» le dogme, la discipline et le culte ; — 3<» les relations du 
monde. Mais les intentions de Beaugendre ont été plus 
d'une fois trahies, et le désordre se glisse dans son plan. 

Ainsi, pourquoi, dans le premier livre, avant les lettres 
do direction adressées à des femmes qui entraient en reli- 
gion et avant les conseils aux grands sur le gouvernement 
dos peuples, pourquoi placer Flahellum tibi mût, qui 
annonce à saint Anselme l'envoi d'un cadeau ? Lettre 
ascétique, dira Beaugendre, parce qu'Hildebert y développe 
Texplication mystique de ce présent. Soit; mais alors, 
pourquoi ne pas rapprocher Flahellum tihi mUi (I, 2) de 
Etsi quantas dehemus (IJI, 31), où se traite un sujet tout 
semblable ? 

On ne voit pas non plus très bien comment s'est fait le 
départ entre les matières du livre II et celles du livre III. 
Les lettres de recommandation sont placées de façon arbi- 
traire, tantôt dans l'un, tantôt dans l'autre. On com- 
prendrait que Beaugendre y distinguât deux groupes : 
celles qu'Hildebert écrivit comme prélat à un évèque 
ou dignitaire quelconque de son ressort, et celles qui 
sont le fait pur et simple de l'amitié. Mais alors , il 
faudrait changer le titre du livre II : de dogmatihuSy disci- 
plina et ritihus^ en un autre qui serait plus logique: « Lettres 
concernant les objets de l'administration épiscopale. » Ainsi 
la lettre à saint Anselme, où Hildebert lui demande de lui 
envoyer son traité sur le Saint Esprit, n'ayant absolument 
rien d'administratif, sera rejetée au livre suivant, parmi les 
billets courtois d'un évoque à un autre évêque, son ami ; la 
lettre du livre IIl, où Hildebert envoie par écrit son témoi- 
gnage pour un procès à Guillaume, abbé de Saint- Vincent, 
trouvera au contraire sa place dans le livre II; elle ne l'y 
avait pas, selon le plan de Beaugendre, mais devait-elle 
davantage être placée dans le livre III, comme lettre de 
pure courtoisie, urhana'f 



- 145 — 

De l'okdhe a adopter dans cette étude. — Toutefois, 
Beaugendre n'avait pas eu tort de négliger Tordre des 
manuscrits ; imitons sa liberté d'allures, mais en nous inspi- 
rant de l'intérêt que peut prendre Thistorien à cette corres- 
pondance. Nous renverrons à la fin de notre étude les lettres 
qui concernent les rapports de Tarchevéque de Tours avec 
la cour de France, le Pape et les Bretons, puisqu'elles 
furent écrites par Hildebert à la fin de sa vie ; nous place- 
rons avant, inimédiatement, les autres lettres historiques, 
où il est parlé de l'Angleterre, de Blois et de l'Anjou et des 
souverains de ces pays avec qui Hildebert était en corres- 
pondance. Ainsi seront groupées ensemble, dans la seconde 
partie, les séries proprement historiques, la 3« et la 4''. 
Nous les ferons précéder d'une première partie comprenant 
les autres lettres, pour lesquelles il nous a semblé que la 
division la plus commode à adopter était la suivante : lettres 
concernant le clergé séculier et lettres concernant le clergé 
régulier. Telles sont nos séries 1 et 2, séries ecclésiastiques, 
au cours desquelles nous suivrons un ordre mi-partie 
géographique, mi-partie hiérarchique, en allant du centre à 
la circonférence, c'est-à-dire de l'église du Mans et de Tours 
aux établissements religieux de la Province, du reste de la 
France ou de l'étranger, et du correspondant le plus haut 
placé au moins élevé. 

Plusieurs lettres se dérobent aux grandes lignes de ce 
cadre ; nous en avons dissimulé deux ou trois de cette sorte 
à la fin de la première partie (2^ série). Au reste, notre 
classement serait bien mauvais si nous étions guidé par la 
préoccupation dogmatique ou morale ; mais c'est l'histoire 
pour laquelle nous cherchons des documents. A ce point de 
vue, les épîtres adressées par Hildebert aux dames qui 
entraient en religion, constituent une transition entre les 
deux séries d'histoire ecclésiastique et les séries d'histoire 
politique. Enfin, pour faciliter l'intelligence de nos recher- 

' 10 



L-.« 



- 146 - 

ches, nous nous proposons do placer à la fin de cette élude 
un tableau des lettres par ordre alphabétique, en prenant 
pour titres les premiers mots de chacune d'elles (1). 

Chemin fnisanl, nous essayerons d'établir la date et la 
destination de ces lettres, mais nous avons le regret de ne 
pas arriver toujours à dos conclusions précises. Les sciibes 
se préoccupaient si peu de la question de chronologie î 
Un en-tôte de dissertation, «sur l'orgueil, sur Tamitié », 
leur suffisait. A peine un quart des lettres ont en sus- 
cription le mot évêque ou archevêque ; pour les autres, 
on ne sait pas à piiori si elles furent écrites du Mans ou de 
Tours. La majorité des manuscrits ne portent pas davantage 
les noms des correspondants, et, dans le petit nombre de 
ceux où ils se rencontrent, à l'encre rouge ou bleue, ils ont 
pu être ajoutés par les scribes dont nous avons la copie, ce 
(jui donne lieu de leur part à plus d'une méprise ; nous 
aurons occasion d'en constater, et de rectifier les indications 
du copiste par l'examen même du contenu de la lettre. 

En principe, Tantériorité du manuscrit est un critérium ; 
et pourtant, un manuscrit du XV« siècle, copié avec soin sur 
un exemplaire ancien que nous n'avons plus, peut être 
meilleur qu'un manuscrit du XIII*^, exécuté avec négligence ; 
une écriture du XII" siècle aura des droits à la préférence 
quant à la teneur du texte, mais, pour les adresses, toute la 
question serait de savoir si, dans un manuscrit particulier, 
elles sont le fait d'une tradition ininterrompue, ou si elles 
ont été imaginées, même anciennement, pour recopier en 
rillustrant un exemplaire dépourvu de rubriques. 

Faute (le posséder par le menu tous ces renseignements 
bibliographiques, nous avons de la peine à apprécier les 
indications fournies ; il est toutefois des solutions meilleures 
à proposer que celles du moine augustin Hommey (2), de 
Beaugendre ou de Bourassé (3) et même des auteurs de 

(1) Suscriptions et formules de salut non comprises. 

(2) Maxima Bibliotheca Patrum, Supplementum. 
Ki) Migne, Palrol. lat,, t. CLXXl, texte et notes. 



f 



— 147 — 

VHistoire littéraire (1). Loyauté dans ses notes (2), dom 
Briant (Genomannia) (3) et Brial (Historiens de France^ t. XV) 
sont aussi à consulter, ainsi que les ouvrages dont nous 
avons parlé à propos de la biographie d'Hildebert. Enfin 
l'Art de vérifier les dates et la Gallia restent le fondement 
de toute recherche, et, pour le clergé anglais, Touvrage de 
Gams (Séries episcoporum) et le Monasticon Anglicanum de 
Dugdale viennent à notre secours. 

(1) Histoire liUéraire de la France^ t. XL 

(2) Migne, Patrol, IcU,, t. CLXXI, col. 323 et suivantes, avec les 
œuvres cTHildebert et de Marbode. 

(3) Manuscrit f. 1. 10037. 



- 14S - 



GHAPITRK n 

EXAMEN MÉTHODIQUE DES LETTRES. - LES DATES 

LES CORRESPONDANTS 

I» H E M I K |{ K S K li I K 
iMtres concernant les rapports (THildebert avec le Clergé séculier (1). 



I. — KvÊQi'KS ET CLKRGK i)K LA PROVINCE. — Adressées à : 



1 lluoiiK arc!iovè(jue de Tours. 

2 / Rainaud de Martigncs 

3 \ èvèque élu d'Angers. 

4 MarlKxîe, évéciue de lUMines. 

5 Marbode et l'archidiacre d Angers. 
Henri I•'^ p"" le frère de Rainaud. 

^ Hainaud de Martigné , 
\ évoque d'Angers. 



10 Ulger, évèque d'Angers. 

11 L'n archidiacre du diocèse. 
'h2 Un sous-doyen du Mans. 
111 lUvallon, depuis arcliid. de Nantes. Justum est ut adverna. 
11 Cl...., prêtre du diocèse. Heos tormetUis. 



Petitio veslra, 
Paura boue fratet*. 
Fama est episcopos. 
Anclegavensem pro te. 
De muliere. 
Bencdictus Dominus. 
Ad nos usqiie decurril, 
Ne vel déesse. 
Sacerdos prœsentium. 
Semper fuit opus. 
Fratreii} illum. 
Fuere qui dicerent. 



Dec. 1101. 


PP. 


H F. 


II 


Dec. 11(M. 


PP. 


» 


u, 


Janv. 1102. 


PP. 


» 


u, 


1102 - 1103. 


PP. 


HF. 


II. 


i\(Â). 


» 


d'A. 


III, 


1103 - 1125. 


PP. 


d'A. 


ITI, 


id. 


PP. 


» 


ni, 


id. 


PP. 


» 


II, 


id. 


PP. 


f 


u, 


Vers 1130. 


PP. 


» 


u. 


9 

• 


PP. 


1 


II. 


1125. 


PP. 


> 


m. 


-1110. 


PP. 


i 


m, 


9 

• 


PP. 


» 


II, 



11. — Hous LA Province (en France). — Adressées à : 

15 ^, .^ i pour deux Henriciens. Prœsentium latores. 

clercé { 
10 . ., I lors de sa captivité. Féliciter sunt miset*i, 

de e rance v 



1117-1120. PP. > II 
1112. PP.D.HF.Il 



(\) Les abréviations d<' la colonne de droite désignent les recueils où se rencontrent les lel 
d'Hildebert, savoir : la ^fiurima liibliotheca Patrum (P P.), Du Chesne (D.), Luc d'Achery (d 
les Historiens de France (Il K.), M igné (le n« du livre et celui de la lettre dans chaque livre), 
Les guillemets signifient, non pas : ic/., mais : néant. 



1^- A 



— 149 - 



«es card. Jean et Benoît, légats. 
;irard, év. d*Angoulémef légat. 

L*évéque de Clermont, Aimery. 



Serlon, évéque de Séez. 

Gautier, archidiacre de Séez. 
Geoffroy^ archevêque de Rouen. 
Geoffroy, évéque de Chartres. 
Geoffroy, évéque de Chartres. 
L*évéque de Beauvais. 
Un évéque inconnu (de France?). 



Sicut freqiiens. 
Potestati cedu. 

IMelius me cucurrislis. 
Sicut parvitatetn meam. 
I Audivimus et valde. 
V Credimus ignorare te. 
ï Scimus quidem. 
\ Iterare clamorem. 

Si (ides auctoritati. 

Sicut Sanctitatis Vestrœ. 

Pro Willelmo nostro, 

Sanclm conversât lonis. 

A d votorumplenitudinem . 

Ptieris nostris. 



Oct. 1100. 

1118-1119. 

1119-1125. 

t 1125. 

-1112. 

1112. 

Hiv. 1122-23. 

Vers 1120. 

Vers 1120. 

1111-1124. 

t 1116. 

1116. 

9 
9 



PP.D.HF.ir, 8. 
PP. » II, 28. 



PP. 
PP. 
PP. 
PP. 
PP. 



» 



11,29. 
11,43. 
II, 7. 
II, 18. 
lil, 4. 



PP.jDomjII, 1. 
PP./Bes8.)II, 2. 
PP. D.HF. 11,14. 
PP. » III, 16. 
PP. d'A. I, 8. 
PP. « III, 9. 
» d'A. 111,28. 



l. — Hors de France. — Adressées à 



Conon, évéque de Préneste. 

Saint Anselme, archevêque 
de Cantorbéry. 

Saint Anselme, ou 

Samson, évéque de Worcester. 
Thurstin, archevêque d'York. 
Ralph, évéqiie de Dnrham. 
Roger, évéque de Salisbury. 
Rernard, évéque de Saint-David. 
Guillaume, évéque de Winchester 
Clarembaud, chanoine d'Exham. 
Robert, évéque de Lincoln ? 
3uy, écolâtre de Salisbury. 



Zelum Legis hahes. 
Familiare est sapienti. 
Et dies fœtus et vulttis. 
Flabellum tihi misi, 

Etsx quantas debemus. 

Sicut Seneca testatur. 
Credidi me peccaturutn. 
Virtuti gratulor. 
Plerumquc fit. 
In me hcne mihi. 
Timeo charissimc. 
Sucx:es8isse cunfiteltor. 
Jucundilas mihi. 



1111-1120. 


PP. 


» II, 16. 


1100. 


PP. 


» II, 9. 


iim. 


PP. 


» II, 13. 


1101-1109. 


PP. 


» I, 2. 


-1109. / 
-1112. ( 


» 


d'A. III, 31. 


1114. 


1» 


i III, 35. 


1(»99-1100. 


» 


d'A. III, 1. 


1103. 


PP. 


» II, 12. 


1118. 


PP.Alford.II,27. 


1100-1125. 


» 


d'A. 111,30. 


-1125. 


Pi>. 


« III, 3. 


1100-1123. 


» 


d'A, III, 24. 


1103 - 1120. 


» 


d'A. 111,27. 



Lettres 1, 2, 3. — Hildebert ét-it depuis quatre ou cinq 
ans évéque du Mans, lorsque, par la retraite de Geoffroy de 
Mayenne (1), le siège épiscopal d'Angers devint vacant. 



(1) Geoflroy de Mayenne se relira, disent les uns, parce que le Pain» 
lui lit savoir qu'il le Irouvail trop ii^noraiil pour ses fonctions, ou 
parce que, disent les autres, il se futigua des nombreuses inimitiés qui 
se déchaînaient contre lui dans sa viiio oi)iscopaIe. A voir le ton où se 



— 150 — 

Celte élection fut fort disputée (1). Marbode, ancien archi- 
diacre d'Angers devenu évêque de Rennes, s'étant mis en 
route pour venir appuyer son candidat, Rainaud de Mailigné, 
fut arrêté sur le chemin et emprisonné par ses adversaires ; 
mais le doyen Etienne, qui avait fait le coup, fut réduit à se 
cacher pour échapper à la colère du peuple. Rainaud était 
en effet très populaire ; soutenu par les châtelains en raison 
de sa haute naissance, il avait donc pour lui tout le parti 
des laïques, appelés selon la coutume à concourir avec le 
clergé à l'élection de l'évoque, magistrat religieux et civil. 
Les clercs, qui cherchaient précisément vers cette époque à 
évincer le peuple et les seigneurs des élections, reconnais- 
saient à Rainaud de grandes capacités et des mœurs pures ; 
mais ils objectaient (|u'il n'avait pas atteint l'âge voulu 
(30 ans) et n'avait pas accompli ses quatre années de 
prêtrise : leurs protestations furent vaines, on leur força la 
main (1101). 

Ilildebert, s'en tenant au point de vue un peu étroit des 
chanoines, et aussi désagréablement affecté par le récit de 
cette élection tumultueuse où la populace avait envahi le 
sanctuaire, proteslii contre ce qu'il appelait la violation des 
droits canoniques. Mais le métropolitain, archevêque de 
Tours, était prêt à donner toutes les dispenses. Appelé pour 
venir consacrer avec lui le nouvel élu, Hildebert déclara 
qu'il n'irait point {Petitio veatra qua vocamur) (2), soutenu 



montaient les liaines angevines à cette époque, cette seconde opinion 
est vraisemblable. GeolTroy de Mayenne fit profession à l'abbaye de 
Cluny : voyez lettre Ma,rimum diico. 

(l) Cs. 13. Ilaurcau : Une Élection tV évêque au XII* siècle, Benaud 
de Martigiié. (Dans la Revue des deux mondes du 1*»" août 1870.) 

{2) A/1, A/2, 1)/l : Archiepiscopo. — B/3: Ad An degavenses excusât se,.. 
Mais l'expression « manus imponetis sine me i> désigne certainement 
lo métropolitain, avec ipii Ilildebert <Mni)loie le « Vous » comme avec 
le Pape, le légat et d'autres évéques. 



I.M 



en cela par GeolTroy (1), ubbé de la Trinité de Vendôme et 
gros propriétaire de l'Anjou (2), qui se plaignit avec sa 
véhémence accoutumée. 

A la lettre Petitio veslra gua vocatnur sont liées par le 
sujet Pavca. bone frnter, habeo et Fama est epheopos, 
adressées toutes deux à Rainaud. A et D, il est vrai, por- 
tent : « G. Pariiiensi electo », B' : i G. eleclo », le manuscrit 
de Grenoble : « Guilletmo eleclo » et celui de Douiii : ■ Ad 
Willelmum Parisiacensem n ; mais irette attribution est 
erronée. Les scribes qui ont reproduit pareille adresse, ont 
cru qu'il s'agissait de Guillaume de Monifort, dont l'élection 
au siège de Paris, en 1096, fil quelque bruit ; car, bien que 
ce fut un homme de grand mérite, de l'aveu même d'Yves 
de Chartres, il avait le tort, aux yeux des partisans rigides 
de l'autonomie cléricale, d'être le frère de la reine Bertrade, 
et de plus il n'avait pas l'flge canonique. Mais Hildebert, 
évêque du Mans, ne participait point h la sanction des votes 
du Chapitre parisien, et ce n'est pas en 1096, époque où sa 
propre consécration rencontrait des opposants, qu'il serait 
intervenu pour réprimatider un évoque élu de la Province 
voisine. Plus tard, il a pu piolesler, ofRcieu sèment, contre 
lu translation de Galon, évèque de Beauvais, au siège de 
Notre-Dame en 1104, laquelle n'était que le dénouement 
d'une intrigue de cour (3) ; mais, pour l'âge et les titres de 
Gidon, ils ne prêtaient en rien fi la critique. 

Il s'agit donc, cumme rindiqiu'iil les antres inannscrits ( i), 



OjGoffriiiiep. . hJ Haiiiafiliim, III. It ;— bJ HilJebertimi. III, 13 (il 
llii propose un rcndex-vous, A ChAteau-ilii-l.oïr ou n la Charire, pour 
conférer avec lui) et tll, U (il le rélicite de sou attitude). 

(2) Le principal monastère de Geoffroy, après la Trinité de Vendôme, 
était celle d'Angers ou de l'Eviére. On se souvient, en effet, que c'était 
\e comttt d'Anjou qui avait fondé ralibaye de Vejidôme, 

{3j Yvoni» cfi. m el Luchalre, Luuii V/ fe (Iiiitr. Inlro(t.,pp. CLXI<.<1 



- E/i R Aiulerinnewi. 



H'iiVA: Amltgni>e 



— 152 — 

de Rainaud de Martigiié, déjà nommé ; les deux lettres lui 
sont adressées et l'invitent à se démettre. « Les suffrages 
» populaires, lui dit Tévêque du Mans dans Pniica hone^ 
y> n*ont aucune valeur. Le choix appartient au clergé ; le 
» peuple n'est appelé que pour acclamer Télu des clercs. » 
Cette fois, les choses s'étaient passées à rebours ; c'étaient 
les chanoines qui acceptaient l'élu des laïques. Les évêques 
suiTragants s'étant réunis à Tours dans les premiers jours 
de 1 102, pour prêter la main au fait accompli, Hildebert 
adressa à Rainaud une dernière sommation: Fama est 
ejmcopos (1). Il ne fut pas écouté, mais s'était-il soucié 
davantage, en 1096, des objurgations d'Yves de Chartres ? 

Lettres 4 et e5. — Rainaud de Martigné se montra fort 
ingrat envers l'évêque de Rennes, fauteur de son élection et 
quelque temps emprisonné pour l'avoir servi. Nous savons, 
par une lettre de Marbode lui-même, qui était allé à Rome 
plaider la cause de l'élu (2), que celui-ci, pour le récom- 
penser de sa peine, confisqua ou laissa confisquer tous ses 
biens en Anjou. Marbode était un ami : à quoi bon le 
ménager? Cette trahison était le prix dont on payait le 
ralliement de ceux qui, la veille, étaient des ennemis et qui 
pouvaient encore faire du mal au nouvel évêque ; Rainaud 
savait être faible dans son intérêt. 

Nous avons une autre preuve de son mauvais vouloir à 
l'endroit de Marbode par la lettre d'Hildebert Andegaveii^sem 
2)r() te convenimus. On y lit que le destinataire, un évéque 
nommé M... (3), désirait que le canonicat dont il était titulaire 
à Angers passât sur la tête de son neveu. Hildebert lui 

(1) Mômes adresses que pour la précédente, dont elle est voisine 
dans les manuscrits. 

(2) Marbodi ep. 1 . 

(3) A, !►, F : Ad episcopum M. — Id., Troyes, etc. — Par une faute de 
ponctuation, dans le ms. de Grenoble : Ad episœpum M. Andega- 
lU'TVietu. w Pro te conreni... — Arsonal : Kpxscopo Redonensi Marbodo. 



-^ 153 — 

raconte qu'il a vu a celte fin Rainaud de Martigné, mais n'a 
rien obtenu. M... est assurément Marbode, évêque de 
Rennes depuis 1096, dont le nom se trouve en entier dans 
le manuscrit de l'Arsenal ; la lettre rappelle qu'il fut mêlé 
aux affaires de l'élection de Rainaud et souffrit pour sa 
cause. 

Sans doute, Beaugendre dit que Marbode n'était pas encore 
évêque quand Rainaud de Martigné le devint ; mais cela est 
inexact et provient d'une erreur de chronologie commise 
dans le cartulaire de l'abbaye de la Roë, (|ue Beaugendre 
avait alors sous les yeux (1). Les auteurs de VHistoire 
liltéraire (2) et le chanoine Bourassé ont eu raison de 
rétablir la vraie date. Pourquoi ont-ils donc rejeté quand 
même l'identification de l'évêque M.... avec Marbode? Ils 
disent que celui - ci n'aurait pu conserver un canonicat à 
Angers Umdis qu'il était déjà évoque; or on voyait chaque 
jour les plus scandaleux exemples de cumul, et Raoul, 
archevêque de Tours, d'après la Gallia^ ne se faisait pas 
faute de conserver deux prébendes à Sainte-Croix d'Orléans 
où il avait été doyen. Justement, Marbode, en honnête 
homme, cherchait à se démettre de son canonicat (3). 
Mais il était naturel qu'il voulût en faire profiter un de ses 
parents d'Angers, sa ville natale, où sa famille tenait un 
certain rang, puisqu'elle y était redoutée de ses ennemis : 
« Incuhuit iimor,... tuorum super eo8,,. Suspecta est univer- 
sitas parentelic (4). » 

(1) Voy. note de la col. 2()9, dans Migne (Heaug., Hildeherti op. y p. 81). 
— l/abbaye de la Koë (de Rota) était située au diocèse d'Angers. 

(2) Hist. lut. y t. XI, p. 289. Hourassé, dans Migne. 

(3) M. Ernault (Marbode) tend à croire que la lettre n était pas 
adressée à Tévéque de Rennes, mais il ne donne pas de raisons ; 
Baluze de môme. 

(4) « 1^ peur dos tiens s'est abattue sur eux... Ta parenté tout 
entière est suspecte. » En lllG, un membre de la famille, Salomon, 
rx)mmit un meurtre par une sorte de vendetta ; Hildebert et Marbode 



— 154 — 

J'incline à croire que Rainaud s'irrita de voir l'évêque de 
Rennes se mêler sans cesse des affaires d'Anjou, où le nom 
de Marbode figure dans un grand nombre de chartes, et que 
ce fut la jalousie qui le poussa à se montrer dur pour son 
ancien maître, protecteur et ami. Mais il était trop habile et 
Marbode trop tenace, pour que la rupture devînt complète ; 
en 1109, ce dernier administra le diocèse d'Angers, pendant 
que Rainaud faisait le voyage de Rome. La lettre 5 de notre 
série, De muliere quve decumbenti viro^ se rapporte à cette 
circonstance, et voilà pourquoi elle est adressée à Marbode 
et à l'archidiacre d'Angers Guillaume, conjointement (1). 

LfcTTHES 6 à 9. — Pour en revenir à Rainaud de 
Martigné, si Marbode avait prié Hiidebert d'intercéder 
auprès de lui en sa faveur, c'est que les rapports avaient 
cessé d'être hostiles entre les deux évoques, du Mans et 
d'Angers Car Hiidebert avait protesté pour le principe, et, 
comme llninaud, une fois élu, soutint avec honneur le 
ih'apeau de l'Église, cette attitude, jointe sans doute à 
(luelques marques de déférence, empêchait notre prélat 
de lui tenir rigueur (2). Nous voyons, en effet, qu'il écrivit 
pour le frère de Rainaud une lettre de recommandation 
à Henri I""*, roi d'Angleterre : Benedictus Dominus (3). On 
pourrait, il est vrai, songer à un frère d'Ulger, le succes- 
seur de Rainaud, mais Ulger fut presque constamment en 
mauvais termes avec Hiidebert, et de plus l'expression 
tt putiro quidem sublimium patebal adittis ciiriarum » con- 

fureiil c()nvo(iués par révô((ue Hainaud pour juger cette cause, et c'est 
à i(uoi se rapporte la charte *2C de notre Tableau des actes ( l" partie, 
chap. I ). 

(1) Pour l'attribution de cette lettre à Hiidebert, voy. le chap. précé- 
dent, p. 138. 

Ci) (icolTroy de Vondùmi» se réconcilia aussi avec Rainaud. 

(lî) A, E/2, Ars., Douai, Troyes, Bruxelles, etc. : Ad Henricum regem 
ou H. vegi ArujUfe. — a Ubi Patri Filius immolatur », phrase qui ter- 
mine la lettre, est une formule «jui dési^rne le sacrifice de la messe. 



- 155 — 

vient mieux à la famille de Martigné, qui était de la 
noblesse. 

D'ailleurs, nous avons encore dans notre collection une 
lettre à Rainaud, écrite sur le ton de la plus aimable cour- 
toisie : Ad nos nsque decurrit (1). Ayant appris qu'il a reçu 
un message de Rome, Hildebert reproche doucement à son 
collègue de ne pas lui avoir fait part des nouvelles. La 
phrase « dissimules volo scire me,... », à propos de laquelle 
Beaugendre veut faire violence au texte, ne peut s'expliquer 
que d'une seule manière : « Faites comme si je ne savais 
rien ; saurais-je (|uelque chose, je ne serais pas fâché de 
l'apprendre une seconde fois par vous.... » 

Ne vel déesse justilûe (2). — Hildebert blâme Rainaud 
d'avoir agi avec précipitation en frappant d'anathème un 
nommé Lisiard, accusé d'avoir enlevé du couvent la fille de 
Geoffroy. « Si la jeune fille est partie de son plein gré et du 
consentement de ses parents, comme elle l'affirme, le 
mariage est légitime. » Il est question de ce Lisiard dans la 
lettre Non dubiiamus contumeliam. 

Sacnrdos prsesentitim lator (3). — Un prêtre, à défaut de 
pain azyme, avait consacré du pain ordinaire. Hildebert le 
renvoie à son évêque afin qu'il le punisse, pour l'exemple 
plutôt que pour la gravité du fait. 

Ces lettres à Rainaud sont de l'évèque du Mans ; quand 
Hildebert fut tranféré à Tours, Rainaud avait fait son 
chemin : il venait de monter cette année même sur le siège 
archiépiscopal et primitial de Reims (1125). 

Lettre 10. — Son successeur fut l'évèque Ulger. Celui- 
ci n'avait pas Taménité sans scrupules de Rainaud ; mais la 
franchise tenace reçoit aussi quelquefois sa récompense. 

(!) A, D, H/i, 1*^/2 : II. epibcopo. — Arsenal ; R. epûscopo Andegavensi. 
(2) B/4, Arsenal : Episcopo Andegavensi. — Id., Bruxelles, etc. — 
A. L) : R. episcopo Andegavensi. 
(H) Mêmes adresses. 



— 156 - 

Bien qu'Ulger ait soutenu, à propos des cures de son 
diocèse, contre Geoffroy de Vendôme, le Pape et son métro- 
politain, une lutte de sept ans, et que plus tard même il ait 
été exconnnunié, son bon renom n'en a nullement souflert ; 
il passa, avant comme après sa mort, pour un prélat émi- 
nent (i). 

La seule lettre que nous possédions d'Hildebert à Ulger, 
est une semonce qui, d'après les termes du langage, avait 
été précédée de plusieurs autres. Semper fuit opiM porte 
dans les maimscrits (2) : « episcopo inobedienti », à un 
évé(|ue désobéissant, et rien n'indique que nous ayons 
affaire à un abbé comme le veut Beaugendre. Ici Hildebert 
est archevé(iue et parle en qualité de métropolitain à 
l'évêcpie d'Angers : « episcopatum tuum accipiet aller », 
lit-on vers la fin en manière de menace. Cependant, 
Hildebert n'eut pas toujours la môme sévérité à l'égard de 
celui qui défendait âprement, contre les prétentions du 
clergé régulier, ses droits épiscopaux ; il ne sévissait que 
contraint et forcé, sur l'ordre exprès du Pape, à qui il 
recommandait d'autre part l'indulgence envers Ulger (3). 

Lettre M. — Hildebert ordonne à un de ses archi- 
diacres (4) de suspendre un clerc qui avait acquis le diaconat 
à prix d'argent. C'était ce qu'on appelait le crime de 
simonie (5). Hildebert était en voyage^ s'il écrivit ce mot à 

(1) Voy. lettres de Geoffroy de Vendôme à Honorius II, Girard el 
Ulj^er, et aussi rarticle Ulger dans le Dir.tionnaire biographi/jue de 
Maine-et'Loirc de C^lestin Port (1878). 

(2) A, I) : Episcopo irwbedienfi. — Jd.y Londres, etc. 

(3) Lettre Juslum est eos. 

(4; A, D, B/4, E/1 : W. archid, — /d., Londres (Cotton.) et Berlin. — 
Londres (HarL) : Gaafrcdo archid. — Londres (Roy. A) : R. Andega- 
vensi ej)iscopo. 

{o) Du nom do Simon le Magicien, (jui IhhUx, dit lu tradition, d'acheter 
à saint Pierre le don de faire des miracles. 



l'archidiacre de k cathédrale ; mais il s'adresse peut-être i 
un des archidiacres régionaux du diocèse. 



Letthe l'i. — Cette lettre, peu importante, nous otlre 
toutefois l'occasion d'apprécier la légèretâ avec laiiuclle 
iaugendre fait ses attributions. 

Un sous-doyeii, nommé A.... (1),a donné l'hospitalité, au 

! notre évoque, fi trois prélats (2). Ceux-ci ont 

mercié Hildebert, lequel transmet les remerciements au 

sous-doyen. « La lettre est d'avant 1125, affirme Beaugenrtre, 

rÈt le sous -doyen était de Tours, n Or, comment un sous- 

Bdoyen de Tours a-l-il pu agir au nom d'Hildebert 

t avant 1125, puisqu'il ne devint archevêque que celte année- 

' là^ En outre, Hildebert est bien à Tours, selon le texte, 

quand il reçoit les remerciements ; mais si le sous-doyen a 

également hébergé ses hôtes ii Tours, quel besoin d'écrii-e? 

On ht en effet : » Tandis que vos hôtes étaient de passage 

» k Tours, ils m'ont remercié de cette hospitalité qu'ils 

I affirmaient leur avoir été offerte en mon nom (3) ». Une 

t Beule explication est possible. C'est au Mans que l'hospita- 

l4lté a été offerte par le sous-doyen, et c'est h Tours qu'Hil- 

Idebert reçoit les remerciements des évoques, qui sans 

■doute étaient passés du Maine en Touraine. Hildebert éLiit 

I lui-même à Tours de passage ou peut-être y faisait l'intérim, 

lenllSS; mais i\ était évëque du Mans. Il t'ait observer, ma- 

I ticieusement. au sous-doyen qu'il n'est pas recommandé 

I par l'Eglise de toujours rapporter a autrui le bien dont on 

■ pourrait s'attribuer l'honneur ; il s'étonne de celte marque 

|.de déférence, et fait semblant de ne pas comprendre une 

(1) A, B/i: A . aiibdeeano. ~~ Id., Londres, elc. 

(3) ChrislDS Clirisli, episcupos (Du Carjge et leXlte Apottoiià», col. 
eflet. Chrittut n'est autre quH le mol grec équivulunl à 
NiiKtur, oint, ut Hildebert appelle uussi le roi de France Chrittum [In 
- Uj. 

(H) I Satie, (liini collectî tui IransJtiini Turonis liatierent, plane rnihi 
.s Pgerniit, in noiniiic mfa pru-stitUMi slbi iH^ncIlcIu 



— 158 - 

intention flatteuse dont la modestie apparente ne recou\Tait 
peut-être pas le plus parfait désintérassement.... 

Lettre 13. — Jusium est ui adversa est adressée à R.... 
archidiacre de Nantes, appelé Robert par les manuscrits 
A, D, R* (1). Hommey et Beaugendre se demandent s'il ne 
s'agirait pas de celui qui devint évêque de Nantes en 1130. 
Cela est possible. Cependant, la lettre d'Hildebert parait 
écrite h un soldat qui, trouvant au milieu des camps Tinspi- 
ration poétique et le temps de faire des vers, alliait « le 
génie d*uu Virgile à celui de César (2). » Singulières occu- 
ltations pour un archidiacre ! Mais cette circonstance et la 
rubrique significative « Rualunco )>, que porte un manus- 
crit (3), ont conduit Loyauté (4) à proposer l'archidiacre 
RivalJon, (jue Marbode loue dans une épître d'avoir aban- 
donné les camps pour l'Église (5), et qui composa des 
épigrammes sacrées. Je sais bien que le Père Sirmond met 
sur le compte d'un Rivallon archidiacre de /îennôs l'épitaphe 
(W Marbode (6), mais le scribe qui donne ce renseignement 
M pu être induit en erreur par le nom de l'évèché du prélat 
défunt. En tout cas, l'existence de Rivallon archidiacre de 
Rennes n'est prouvée par aucun document diplomatique, 
tandis que celle de l'archidiacre de Nantes est attestée par 
les chartes (7). Sans doute, c'est lui qui fut poète, et c'est à 
lui que fut adressée notre lettre, avant son entrée dans les 
ordres. Quant à la mention k Roberto », elle s'explique 
ainsi : Tinitiale seule aura été copiée par le premier scribe, 

( l) Douui, Hruxelles : Archîdiaœno Nannetetisi. — E/2, F, et Grenoble, 
Troyes : H. archid. Nannetensi. — A, D, B/4 : Roberto archid. Nann. 

ri) « In urinis aiidio te Cscsarem, in carminé Virgilium obstupesco. » 

(3) Home, 171 : Riialunco archid. Nannetensi. 

ii) Notas ad epistolaSj M igné, col. 325. — Voyez aussi Ernault, 
Mavbodej p. 43. 

(5) Hildeb. op., p. iô65. 

(0) Note à la lettre de Geoffroy de Vendôme III, ii. 

(7) Uist. lut., t. X, j). :iî>2 et Levot, Bioyvaphie bretonne. 



15! 



Cl les autres auront coinplélé l'adresse h leur idée, Robert 
étaut le plus commun des noms qui commençaient par 
un R(l). 

Lettre 14. — Pour le titulaire de la lettre H, les initiales 
mêmes sont contradictoires (2) ; c'était vraisemblablement 
un prêtre du diocèse administré par Hildebert. Il avait mis 
à la question un malheureux qu'il soupçonnait de lui avoir 
dérobé quelque argent : Hildebert lui reproclie sa cruauté, 
qui est d'ailleurs, dit-il, un manquement formel aux prescrip- 
tions canoniques. 

Lettres 15 et 16. — Nous quittons la Province de. Tours. 
Prxaentittm latores, adressée ii tous les évéques et arche- 
vêques de France ou même de l'étranger, est écrite en faveur 
des nommés Cyprien et Pierre (3), soit qu'il s'agisse des deux 
disciples qui avaient annoncé au Mans la venue de l'héré- 
siarque, et qui se seraient convertis, suit que ces noms 
désignent deux autres clercs quelque temps égarés, puis 
rentrés dans le droit chemin ; le mot d'Hildebert doit leur 
servir de lottie d'introduction et d'absolution partout oii ils 
se présenteront. 

Féliciter suitl migeri est aussi adressée à tout le clergé de 
France (4). C'est un appel h la protestation, rédigé par 
Hildebert dans sa prison de Nogent-le-Rotrou, où il était 
retenu captif par le comte de Morlagne ou par son ministre 

(I) HentLoniiouB. pour mémoire, lu tlièse de ilom Ilivet, qui suppose 
cette lettre adressée à Etienne, Lomte de UJois. Cela ne repose sur 
uucun rondement ; on ne sait même pas si Etienne fut poêle. 

(3} A, D, BU, Ë/3, Arsenal : G. pretbylero. — Id., Derlin cl Londres 
(Cotton. et Harl.l — Londres (Roy. A): ti.taeerdoli. — Berne, 58Û: 
B. tacerdolî. 
■ (3) Pra P. et C. Les nonis de Pierre et do Cyprien sont dans le corps 
de la lettre. — On lit eu suscriplion, ù l'ennre noire : • (Uiinibui arclii- 
• i^pUeapu et epiaeopit Hildebertus,huiitilisi:enomanitaruni ntuvriioi...» 

(i) Suscrjption t'uisaiil corps avet: la lellrc. 



— 160 — 

Hubert Ghevreul ; il en a été question aux Sources de 
V histoire (1). 

Lktteœ 17. — La lettre 17 a été mentionnée dans le même 
chapitre (2). Hildebert explique aux cardinaux-légats Jean 
et Benoist (3), qui l'avaient convoqué au concile de Poitiers 
(1 100), pourquoi il ne peut s'y rendre. 

Lettres 18 et 19. — Dans la lettre 18 (4), il écrit en 
faveur de Guillaume de Lonlay (5), qui, au concile d'Angou- 
léme (1118), avait encouru la disgrâce de Girard, évéque de 
cette ville et légat du Pape, pour avoir enfreint une excom- 
munication prononcée par lui. Girard a pardonné, mais 
Guillaume aimerait mieux deux sûretés qu'une, et il a 
prié l'évêque du Mans de faire une demande en grâce bien 
formelle (Potestati cedit). 

Môme, il paraît que cela ne suffit pas au prudent Guillaume, 
Dans la crainte que le ressentiment de Girard ne nuisit à sa 
fortune, malgré la rentrée en grâce que lui avait ménagée 
Hildebert, il a préféré se faire nommer archidiacre dans 
une église lointaine, à Glermont-Ferrand ; ici encore l'évê- 
que du Mans, qui l'avait promu au sous-diaconat, devait 
intervenir et, par une lettre dimissoire, le libérer de son 



(1) Voy. V* partie, chap. I, p. 23i) et chap. III, p. 182. 

(2) Voy. chap. I, p. 239 et note 2, p. 223. 

O) A, D, B/i, E/2, Arsenal : Johanni. Benedicto. (D'autres documents 
et une lettre d'Yves de Chartres nous font restituer : Johanni et Bene- 
dicto») — Douai : Ad cardinales curiœ Romanœ. 

(4) A, D, etc. : Girardo episcopo. — Arsenal : G. Engolismensi epis' 
copo R. legato. — Cette abréviation de jR., pour Romano, copiée sur 
lin ms. plus ancien, expliquerait la faute de Bruxelles^ 19020, XV* siècle: 
[/?), Andegavensi episcopo. — Une abréviation analogue, P. pour 
pontificali, rendrait-elle raison de B/4 : Episcopo Pictavensi (à Tévêque 
(le Poitiers)? 

(5) De Longiledo vel Lonleyo. II y a deux Lonlay dans l'ancien 
diocèse du Mans, tous deux dans le département de TOrne et l'arron- 
dissement de Domfront. 



— 161 - 

obédience : tel est Tobjet de Melius me cucurristis (1). Le 
choix que vous avez fait est bon, dit Hildebert à Aimery, 
et il serait superflu de vous recommander celui que vous 
avez désigné vous-même ; mais, ajoute-t-il presque aussitôt 
(car il est piqué de ce que Tévêque de Clermont, en enlevant 
ce bon serviteur, a Tair de lui donner une leçon) ; mais, 
ajoute-t-il, une fois n'est pas coutume, et l'on dit qu'assez 
fréquemment dans votre église les dignités se transmettent 
par héritage ; c'est un scandale que vous aurez à cœur de 
faire cesser. 

La suscription, qui porte « évêque du Mans », nous empê- 
che de placer Melius me au-delà de 1126, bien qu'Aimery 
soit mort plus tard ; la promotion de Guillaume a d'ailleurs 
pour préface la lettre Potestati, qui est voisine de 1118. 

Lettre 2Q. — Sicut parvitatem meam est adressée 
comme la précédente à Aimery, mais par l'archevêque de 
Tours (1). L'évêque de Clermont s'était servi comme messa- 
ger d'un prêtre coupable d'avoir tué, en cas de légitime 
défense, un voleur qui l'assaillait ; il demandait à Hildebert 
quelle punition devait être infligée au meurtrier, porteur 
de la présente et chargé de transmettre la réponse. Hilde- 
bert n'admet pas que, sous un prétexte quelconque, un 
ecclésiastique verse le sang, et répond à Aimery qu'il faut 
dégrader le coupable. 

Cette décision rigoureuse, mais conforme à l'esprit de 
l'Évangile, a valu à notre Hildebert l'insigne honneur d'être 
cité par Pascal pour l'intégrité de sa doctrine, à côté de 

(1) A. episcopo Claromontensis ecclesiœ (adresse à l'encre de couleur 
dans A^ D, B/4, E/2). Mais on lit en plus une suscription à Tencre noire 
dans tous les manuscrits qui donnent la lettre, en France et à l'étranger. 
— Beaugendre cite une lettre d'Hincmar à Enée, évêque de Paris, dont 
Tobjet est analogue {epistoia dimissoria). 

{2) (i HildebertuSj humilis Turonorum episcopus, A. venerabili Dei 
» gralia Claromontensis ecclesiae episœpo, sho charisshno arnica^ salu- 
» tem. » 

11 



- 1G2 - 

saint Basile et de saint Grégoire de Nyssc. On lit en effet 
dans la XI V^ Provinciale : 

Pour détourner encore davantage les chrétiens des homicides volon- 
taires, elle [TÉglise] a puni très sévèrement ceux mêmes qui étaient 
arrivés par imprudence, comme on peut voir dans saint Basile, dans 
saint Grégoire de Nysse, dans les décrets du pape Zacharîe et 
d'Alexandre II. Les canons rapportés par Isaac, évoque de Langres, 
ordonnent sept ans de pénitence pour avoir tué en se défendant. Et 
on voit que saint Hildebert, évêque du Mans, répondit à Yves de 
Cliartres (1) qu'il a eu raisoTi d'interdire un prêtre pour toute sa vie, 
qui, pour se défendre, avait tue un voleur d'un coup de pierre (2). 

Lettre 21. — Audivimus et valde lœtati sumits ramène 
nos regards de Clermont vers le nord. Hildebert félicite 
Serlon, évêque de Séez, d'avoir combattu pour le droit 
d'asile et protesté contre Tenlèvement même d'un réfugié 
qui s'était sauvé dans l'église, après avoir violé sa promesse 
de ne pas chercher à fuir de prison. 

Cette lettre est la seule où Hildebert vouvoie Tévêque de 
Séez ; or, le fait qu'il a employé cette façon de parler, de 
préférence à l'autre, avec les hauts personnages, le Pape, 
les légats, l'archevêque de Tours, ce fait prouve que, si le 
tutoiement des anciens Latins restait la foi*me du langage 
courant, du moins le <l Vous » était, dès lors comme aujour- 
d'hui , l'indice d'un ton plus cérémonieux. Ainsi , nous 
sommes portes à croire que cette lettre à Serlon a précédé 
les autres, où, en témoignage d'une connaissance devenue 
plus intime, Hildebert abandonnait le Vous pour le Tu. Ce 

(1) La lettre est adressée à Yves de Chartres dans la Bihliotheca 
Patrum. 

(2) Pascal. Provinciales, lettre XIV. — M A. Molinier, dans son édition 
(II, 337), fait la remarque suivante : « Si le prêtre est suspendu de 
)» ses fonctions, ce n'est pas seulement pour s'être rendu coupable en 
» commettant un meurtre; c'est aussi pour être devenu impur en 
» répandant le sang. Il y a là une impureté mystique provenant de 
» l'ancienne loi juive et passée dans la loi chrétienne ; c'est pour lu 
» même raison que les églises sont dites polluées per effusionetn 
» sanguinia et ont besoin , en pareil cas , d'être réconciliées par 
» révêque. » 



- IfW - 



B^' 



n'est qu'une conjecture, mais se>s relations avec Henri l**, i 
l'adresse de qui la seule lettre employant ie « Vous « est la 
plus ancienne, Benedictus Dominus, avec GeolTroy évèque de 
Chartres, avec saint Anselme, comme on le verra plus loin, 
donnent autant d'exemples qui confirmeraient l'hypothèap. 

Lettres 22 et 23. — Credimtis ignorare te, h Serlon (1), 
le complément de l'appel géiitVal au clergé, Féliciter 
i. Tandis qu'Yves de Chartres, dans le diocèse de 
qui Hildebert avait été fait prisonnier, à Nogenl-le-RoLrou, 
s'empressait d'excommunier son persécuteur, au contraire 
révoque de Séez, dans l'obédience de qui était Mortagne, la 
capitale du comté, ne fit pas la moindre démarche en faveur 
(le notre prélat. Envoyant qu'Hildetiert lui écrivit pour solli- 
citer son intervention, lîry, dans sou Histoire du Perche (2), 
et aussi le moine Hommey, ont cru que l'évéque du Mans 
avait été transféré dans lu prison de Mortagne, mais cette 
supposition, que rien ne confirme, n'est pas nécessaire ; les 
termes de la lettre disent seulement que Serlon habitait non 
loin de la prison, dans la même contrée (3), et j'ajouterai sur 
!s terres du même seigneur, le comte Rotrou. C'est donc à 

m droit qu'Uildebert lui reproche son indifTércnce k mots 






(1) A, B/i, K, Ara., BruxeUe» : Sagieim ep". — Oxford : Serlmi, Dei 
gi* Sagienti ep' (en noir. Tait partie de la lettre). — C/i. E/2 : Sergio 
Sagieiui ep°. — D : id., en noir, dans le corps de ta lettre. — t Sergio • 
est probablement une erreur de copiste, ei il n'y a pas d'évâque de 
Rèet qui se eoil appelé Serge. A la vérité, la Callia, après lu charte 
de Henri I"' pour Saiiit-l'ierre-sur'DiveB en 1107, ne mentionne plus 
aucun document attestant l'existence de Serlon ; mais Orderic Vital, 
qui passa toute sa vie dans le diocèse, dit formellement que Serlon eut 
Jean pour successeur (en 1123), et les listes èpîscopates mentionnées 
par M. L. Delisle (Hist. titt., t. \XIX) ne sonmeni mot d'un ërèque 
nommé Serge. Le ms. de l'Arsenal 1133, en présentant ta Torme 
Sergioti (en noir) nous donne la clef de cette altération du nom de 
Serlon en celui de Serge, prélat imagijiaire. A plus Torte raison 
taut-il elTacer de l'bistoire Rabotius, évéque de Séez inventé p»r 



(2) Gilles Dry. Histoire des paye et comte du Peixhe et duché d'Alen- 



— 1G4 - 

couverts, en feignant de croire qu'il est dans l'ignorance 
do ce qui se passe. 

L'évêché de Séez, situé sur les confins montagneux du 
Maine et de la Normandie , était fort troublé ; outre le 
comte de Mortagne, figurait parmi ses ouailles le tur- 
bulent Robert de Belléme : Tévêque, qui l'excommunia à 
cause de ses prétentions sur la ville épiscopale, était sans 
doute moins pressé d'user ses foudres pour délivrer un 
confrère î 

Nous voulons croire qu'il lui fit l'aumône de ses prières, 
llildebert les lui demandait dans l'hiver de 1122-112^3, 
quand il lui annonça qu'il se proposait de partir pour le 
concile de Latran ; car un pareil voyage, au XII*' siècle, 
n'exposait pas à moins de dangers que la colère d'un comte. 
Nous avons dit que l'évéque du Mans faillit tomber aux 
mains des pirates à son retour de Rome en 1101 ; Geoffroy 
de Vendôme, qui fit douze fois la route, fut pris trois fois 
par ses ennemis (i), et l'on voit par sa lettre à Rainaud (2), 

• 

qui se rapporte au concile de Latran annoncé pour le prin- 
temps de 1123, combien il appréhendait de renouveler 
l'expérience. Dans la lettre Scimus quidam (3) de notre 
série , on trouve l'expression des mômes craintes. Il 
s'agissait de franchir les Alpes en plein hiver, ou pis encore, 
à la fonte des neiges ; l'empereur était, disait-on, mal dis- 
posé pour ceux qui répondraient h la convocation de 
Calixte II et les an*èterait peut-être au passage pour les 
jeter en prison ; la populace de Rome, encore toute fré- 
missante des troubles causés par l'interrègne pontifical, 
s'agitait ; enfin, fléau pire que tous les autres, la curie 
romaine aux abois chercherait, même à l'insu du Pape, à 



([)Gallia,i. VIII, p. 13G9. 

(2) rw/Jri(fi ep. m, 4;^. 

(3) A, I) : Safjiensi ep'\ Rouen ; S. Sagiensi ep*. 



— 165 - 

spéculer sur ses visiteurs (1). Tout cela était de mauvais 
augure, et Hildebert avait raison d*hésiter : nous ne savons 
s'il se rendit à Tappel du souverain Pontife. 

Lettres 2i et 25. — Ces deux lettres paraissent liées par 
le sujet ; Tune est adressée à Tévèque, Tautre à Tarchidiacre 
de Séez (2). 

Une femme peut-elle épouser son beau-frère après la 
mort de son mari ? flildebert soutient que non à deux 
reprises. Si fides auctoritati non subtrahitur est adressée à 
Tarchidiacre (3) et doit se placer la première ; Iterare cla- 
morem est plus pressante et a Tair d*appuyer sur Tautre , 
elle fait appel à Tévéque (4). 

G., archidiacre de Séez, serait Gautier de Mortagne, qui 
précisément écrivit un traité De Conjugio, (manuscrit de 
Saint-Martin de Séez). Gautier devint évêque de Laon en 
1155 ; comme il est pou probable qu'il ait été archidiacre de 
Séez 60 ans avant de devenir évéque, il y a lieu de supposer 
que cette lettre ne se rapporte pas aux tout premiers temps 
de l'épiscopat d'Hildeberl, et Ton est confirmé dans cette 
opinion en voyant le ton trautorité qu'il y prenait. 

D'autre part, il n'était pas encore à Tours, car, si l'évêque 
du Mans, qui était voisin de Séez, intervenait comme ayant 
un de ses paroissiens engagé dans l'afTaire (5), on n'en 

(1) ft Maxime autem lioc tcmpore oratioiiibus egennis luis, Romam 
1» fatigandi, quo papa Cullixtiis, citramontanis episcopis et abbatibus 
» convocalis, générale eonciliiiin in Urbe est celebraturus. Nobis illuc 
» profecturis, teinpus hieme suspoctum, nivibus Alpes, incrementis 
p aqua3) vinculis imperator, seditionibus civitas, exactione palatium. 
» Sane omnia hicc orationibus evacuari posse credimus, solam vero 
•ù exactioneni nec orationo ncc jejunio temperari. » 

(2) Elle ne sont pas voisines dans les manuscrits. 

i3) A, D, B/i, K/H : G. archid. — Id., Troyes, etc. — Douai : Ad 
Willelmum archid. 

(*) A, D, R/i, et Oxford, etc. : S. Satjiensi ep'\ — E/2 : J?p» Sagiensi. 
— ]d., Bruxelles, etc. — Rouen: Selroni Sagiensi ep». 

<ô) Le père des jeunes gens était Gautier de Clinchamps (sans doute 
le hameau de ce nbm (lui se trouve dans le département de l'Orne). 



- 166 - 

pourrait dire autant de Tarchevêque , et de plus nous 
savons que Tévêque S. (Serlon), désigné dans les manus- 
crits , mourut dès 1122'. Les deux lettres se placeraient 
donc vers 1120 ; elles sont reproduites par Ressin aux 
Conciles de la Province de Rouen. 

Lettre 26. — - Un mariage était projeté entre le comte de 
Mortain (1) et la fille de Gautier de Mayenne (2), comme 
gage de réconciliation entre ces deux seigneurs ennemis ; 
mais les jeunes gens étaient parents à un degré prohibé : 
Hildebert écrit à G., archevêque de Rouen, qu'il doit s'oppo- 
ser à cette union, car, si désirable que soit la paix, il ne 
faut jamais, suivant la parole de l'Apôtre, « faire le mal pour 
qu'il en résulte du bien ». 

Le comté de Mortain faisait partie de la Province de 
Rouen ; mais Mayenne était au diocèse du Mans, ce qui 
explique l'intervention d'Hildebert. On se rappellera de plus 
que l'archevêque Geoffroy, si c'est de lui qu'il s'agit, était 
l'ancien doyen, compétiteur de notre évêque. Quant à la 
date, Reaugendre opine pour celle de 1103, sans donner de 
raison ; il a d'ailleurs lu dans les divers manuscrits les 
initiales A. ou S., qui ne conviennent ni à Guillaume, ni à 
Geoffroy, ni h Hugues, qui furent successivement arche- 
vêques de Rouen au temps d'Hildebert. C'est donc G. qu'il 
faut lire (3), et probablement Geoffroy ; le manuscrit F, du 
Xin° siècle, qui donne seul une initiale différente et ne 
pouvant convenir à Guillaume (/., Joffridum), nous confirme 
dans cette opinion. Or, comme Geoffroy fut élu en 1111 et 



(1) Mortain : Morilonium. — Mortagne : Mauretania. 

(2) L'Histoire littéraire, par un singulier lapsus, l'appelle Waultier 
de Mayence. 

(3) Nous ne lisons nulle part A ou S, mais dans B/4, Ârs., Grenoble, 
Troyes, Berlin, Berne, Londres /'Cotton. et Harl.) et Venise : Archep^ 
Rotomagenêi ; -— A, et Londres (Roy. A) : G. archiep^ Rotoniagensi ; — 
V : Ad 1. archiep^ Roto7n(ige}i8em. 



— 167 — 

que Gautier fut comte de Mayenne de 1109 à 1124, les 
dates extrêmes de la lettre sont 1111 et 1124. 

Lettre 27. — Ceci est une lettre de recommandation en 
faveur d*un nommé Guillaume. Le destinataire est-il Tévôque 
d*Angoulême, Girard, légat du Saint-Siège, comme le veut 
Beaugendre? « G. episcopo » (1), disent les manuscrits, 
sauf un toutefois, celui de Londres, Royal 7 A IV, qui 
porte : « episcopo Carnotensi ». Nous n'avons plus dès lors 
de raison valable pour ne pas supposer la lettre adressée à 
Geoffroy, évoque de Chartres de 1116 à 1148. Désignant 
un protégé de notre Hildebert, la leçon Pro Willelmo nostro 
me paraît préférable à Pro Willelmo tuo (2). 

Lettre 28. — Nous destinons aussi à Geoffroy, évêque 
de Chartres, la lettre Sanctœ conversationis vestrse^ sur la 
foi des seuls manuscrits du British Muséum, les autres ne 
fournissant aucune indication (3). A supposer qu'il en soit 
ainsi, nous nous reportons à Tépoque où, Yves de Chartres 
venant de mourir, son successeur avait les plus grandes 
peines à se faire reconnaître. Hildebert lui donne Tappui 
de sa parole ; il approuve le genre de vie qu'il a adopté ; 
il lui conseille de se défier du luxe et des grandes dé- 
penses où on voudrait Tentraîner , au risque de pressu- 
rer les fidèles et de leur vendre les bienfaits de la 
religion. Qu'il persévère dans sa ligne de conduite , et 



(1) A, D, B/4, V : G. episcopo. — Jd , Troyes, Berlin, Venise, Londres 
(Harl.) — Londres (Roy. A) : Ep° Camotensi. 

Cl) Les manuscrits donnent l'un et l'autre. 

(3) Londres (Roy. A) : G. Carnotensi ep«. — Londres (Harl.): Gaufrido 
Carnotensi ep«. — D'après ces deux lettres, il est probable qu'on doit 
lire le nom de Geoffroy en tête du petit morceau d'éloge « G. episcopo », 
dédié par Hildebert à un prélat éminent (Beaugendre, Hildeberti opéra, 
p. 1332). M. B. Hauréau, ignorant le destinataire de nos lettres 
27 et 28, a nommé Galon, évéque de Paris. • 



— 168 — 

bientôt , il faut l'espérer , il « revêtira la tunique talaire 
et immolera la victime jusqu'à la queue », c'est-à- 
dire, dans le langage mystique de nos prélats, qu'il parvien- 
dra au comble de ses vœux pour le plus grand bien de 
l'Eglise (1). 

Lettres 29 et 30. — Voici enfin deux lettres où il est 
question de « pueri$ nostris », « puero meo ». Ce mot puer 
désigne vraisemblablement un jeune serviteur ou familier 
de l'Église, un enfant consacré à Dieu, un clerc des ordres 
mineurs (2). 

Dans Ad votorum plenitudinem (3) , Hildebert adresse 
(( puerum suum » à l'évéque de Beauvais, « eut oppressis 
concurrere et cathedra facit ut velis et curia ut possis » (4). 
Ces mots nous rappellent que l'évéque de Beauvais était le 
seigneur de sa ville, ils sont la justification théorique du 
pouvoir temporel d'un pasteur de l'Eglise : prélat, « il veut » 
au nom de la religion le bien des misérables ; seigneur, 
« il peut » le faire. 

Pueris nostris quibus navigaturis (5) nous apprend que 
les enfants en question avaient été rejelés dans le port 
(lequel ?) par la tempête, et qu'un prélat les a recueillis. 
Nous ne savons si c'est un évêque de la côte anglaise, ou 
l'archevêque de Rouen, ou l'évéque de Bayeux, ou encore 
l'évéque de Maguelonne, sur la Méditerranée ; notre seule 
excuse pour placer ici cette lettre est la ressemblance du 
sujet avec celui de Ad votorum pleintudinem. 



(1) Sur cette formule, voy. une lettre de Geoffroy abbé de Sainte- 
Barbe, dans dom Martène (Thcs. anecd.^ t. L, col. 543). 

(2) Sens donné par Du Gange. 

(3) A, D. B/4. : Belvacensi cp». — Id., Poitiers, Bruxelles, Oxford, etc. 

(4) Beaugendre, on ne sait pourquoi, a supprimé le membre de 
phrase qui suit : « Tui siquideni juris est quicquid in civitate Belvaco 
vel sacerdotiurn spectat vel regnum. *> 

(5) Les manuscrits qui renferment cette lettre ne portent pas d'a- 
dresse. 



Tels furent, d'après sa correspondance, les rapports 
d'Hildebert avec le clergé séculier de France. 

Lbttoe 31. — A Conon, cardinal évêque de Préneste en 
Italie (1). Hildebert le félicite du courage et de l'inlégrilé 
doDt il a fait preuve dans les affaires qui lui étaient confiées 
par le Pape. Ce Conon fut le bras droit de Pascal II ; de 
1114 à 1120, il prit position en France, d'ob il fulmina à 
plusieurs reprises l'excommunication contre l'empereur 
Henri V (2). 

Lettres 32 et 33. — Parmi les prélats J'Augleterre, 
vient d'abord saint Anselme, archevêque de Cjmtorliéry 
(mort en IKH)). Hildebert lui adresse quatre lettres. 

Familiare est sapienli tolenire Ci) est la plus certaine. 
Les copistes de A* el A^ qui sont d'ailleurs seuls de leur 
avis, désignent comme destinataire « A. archidiacre » ; mais 
il s'agit de saint Anselme. Celui-ci avait, au concile de Bari, 
soutenu, en face des Grecs, le dogme latin de la Procession 
du Saint Esprit ; Hildebert lui demande d'en faire un petit 
traité pour le plaisir de ceux qui n'ont pu applaudir à son 
triomphe. Les Actes du concile de Bari n'existent plus; 
uiais le familier de saint Anselme, Edmer (Eadmerus), qui 
a écrit sa vie (4), Orderic Vital et GuiUaume de Matmesbury, 
sont d'accord pour lui attribuer ce rùle glorieux, eU'inlerpo- 
lateur de Guillaume de Jumièges dit qu'Anselme composa 
le Traclatu» de Procesiione Saticlt Spiritus à la prière 



(1) Are. ; Prmneaiino pontifiti. — Bruxelles, etc. : PrxneiUno «p°. — 
A, B/i ; C. Pr«ni'ï(ino ep». — Préneste oii Palealrinn. I.e ràlaoleur ite 
l'Biil. lut. écrit, t>ar dlslmctioii : éeèque de Palestine. 

(â) Liicbaire. Louit VI le Groê, Inlrod. el Actes. 

(3i D/l, E^, Ars. rt Grenoble: .1. ari'liiep'. — A/I. fl; Anselmo 
Cantuarlenti arcliiep". — .\/i, A/3 : .1. ori7iid. 

(1) Migne, Palrot. ht., t. C I.VIII. 



— 170 — 

d'Hildebert (1). Cet ouvrage n'est pas daté ; mais repor- 
tons-nous au concile de Bari. Le père Labbe le place en 
1097 et M. de Mas-Latrie au l^*" octobre 1098; de plus, 
la lettre Familiare fut envoyée en Angleterre (2), où nous 
savons que saint Anselme rentra dans le cours de Tannée 
1100. 

Hildebert, ayant reçu le traité, en remercia l'auteur (Et 
(lies lœtus) (3). Il est remarquable que, dans cette lettre, 
il abandonnait le Vous pour le Tu. 

Lettres 34 et 35. — Flahellum tihi misi (4) porte dans 
les manuscrits l'adresse de « A. archiepiscopo », c'est-à- 
dire de saint Anselme. Hildebert lui envoie comme présent 
un éventail, destiné à éloigner les mouches des Saintes 
Espèces pendant la messe, et lui explique le sens mystique 
de cet objet en liturgie (5). 

Etsi quanta» dehemus annonce qu'Hildebert a reçu d'un 
ami, comme cadeau, une paire de sandales (6) ; elle ne 
se trouve que dans B* et n'a pas d'adresse ; mais le com- 

(1) « Histoire des ducs de Normandie » par Guillaume de Jumièges, 
trad. Guizot, 1. vi, ch. ix. 

(2) a In Ângiia salutandum », dit le texte. 

(3) Mêmes mss. : Ad eumdem. 

(4) A, D, B/4: A . archiep^ — Oxford : Anselmo archiep^. — La réponse 
de saint Anselme à Flabellum est dans Beaugendre, II, 11. Voy. aussi 
les lettres de saint Anselme dans Migne, Patrol. lat., t. CLXIX. 

(5) Chez les Romains, l'éventail servait à activer le feu du sacrifice et, 
dans les funérailles, à chasser les mouches du corps exposé; en Orient, 
il était rinsigne extérieur de la souveraineté. Sous cette double in- 
tluence, l'éventail fut introduit de bonne heure dans la liturgie ciiré- 
tieime, tant pour chasser les mouches de l'autel ou assainir les mains 
et le visage de l'officiant, que pour relever l'éclat des cérémonies et la 
majesté des représentants de la religion. Aujourd'hui encore, deux 
grands éventails en plumes de paon sont agités devant le Pape les 
jours de fête. 11 s'agit, bien entendu, de l'éventail rigide comme un 
écran ; quand à l'éventail qui se replie, il nous est venu de l'Extrême- 
Orient. (Martigny, Dictionnaire des antiijuités chrétiennes.) 

(0) On trouve au trésor de Chàlons-sur-Marne des sandales d'évèque 
qui datent du XI« siècle. 



— 172 - 

A l'un, Ralph Flambard, évêqiie de Durham, il écrivit une 
lettre de recommandation en faveur d*un nommé Robert (1). 
Comme Ralph devint évêque de Durham en 1099, et qu'aus- 
sitôt après la mort du roi son protecteur il fut jeté en 
prison, d'où il gagna la France (2), cette lettre est par suite 
datée à un an près. Sans doute, Ralph conserva son titre 
jusqu'à sa mort, mais la recommandation dont nous parlons 
ne saurait s'adresser à un prélat dépossédé, ni les phrases 
comme celle-ci : « Credidi me peccaturum in plures^ si quos 
dehes pluribus oculos prolixiore pagina detinerem... » 

De même que Guillaume le Roux eut pour successeur 
Henri P»*, de même le violent Ralph, surnommé Flambard, 
fut remplacé par le prudent Roger. Entre les deux ministres, 
le contraste était le même qu'entre les souverains ; Roger 
n'était pas moms dominateur ni moins avide que son devan- 
cier, et il tira beaucoup pour son maître des biens d'église, 
mais sans pousser le clergé à bout et en se faisant estimer, 
malgré son avarice, pour le bon ordre et la régularité de son 
administration. 

La lettre Virtuti gratulor (3) lui fut écrite par Hildebert 
pour le féliciter de sa promotion à Tépiscopat, en 1103. Gela 
n'était peut-être pas très digne, car les contemporains 
racontent (4) que Roger était illettré, et qu'il dut son 
succès auprès de la cour à la rapidité avec laquelle il savait 
célébrer la messe ! Du moins, Hildebert accompagne ses 
coups d'encensoir de quelques avertissements : « Souviens- 
toi, lui dit-il, que la mort visite les palais aussi souvent que 
les chaumières (5). » Et, en effet, ce Roger devait périr un 

(1) « RanulphOy Dei gratia Dunelmensi episcopo, I. (Hdebertus), 
» humilis Cenomannonim sarerdos... » (Ms. f. 1. 2945). 

(2) Lingard. « Histoire d'Angleterre >;, trad. de Wailly, 1. 1, p. 359. 

(3) Douai, Grenoble, Rriixelles : Ep* Salesbcriœ, Salesberiensi, Salis- 
beriensi. — E/2: R. e/jo Seresberisc. — A, I), B/4 : Rofjero eji'* Salebiria^j 
Saîesberiœ. — F, et Troyes : H. régi Angloruin, 

(4) Texte cité par llommey, Max. Bib. Pat,, Supplementum. 

(5) « Vale, mortemque non pluribiis stadiis ab aula quam a tugurio 
distare memineris. » 



— 173 — 

jour de mort violente, sous le roi Etienne (1). Mais il était 
alors en pleine faveur ; Tévêque du Mans lui recommande 
un de ses clients, Guy ou Guiumar, ce Breton ne en 
Angleterre qui, jadis élève de saint Anselme au monastère 
du Bec, va devenir écolûtre de Salisbury et, par la suite, 
successeur d'Hildebert au Mans. 

Lettre 39. — Plerumque fit ut ex prœteritis (2) est 
adressée par les manuscrits de la Bibliothèque nationale 
« episcopo Memoriensi ». Ce nom, qui ne désigne aucune 
ville, est certainement défiguré. Beaugendre propose de lire 
Mumontensi et croit qu'il s'agit de la « Mumonie », partie 
méridionale de l'Irlande, où se trouve Limerik, mais Mumo- 
nia n'était le nom d'aucun évêché. Le Père Sirmond , 
dans le manuscrit du collège de Clermont (3) , a écrit 
de sa main: « Messanensi episcopo ^ — à l'évoque de 
Messine ». Nous sommes heureux d'avoir trouvé, lors de la 
soutenance de cette thèse, la véritable interprétation, que 
nous a confirmée depuis la connaissance de divers manu- 
scrits et notamment de ceux conservés en Angleterre. Nous 
proposions de lire : « Meneviensi episcopo^ — à Tévéque 
de Saint-David » au pays de Galles, ville célèbre par son 
pèlerinage, et nous pensions, d'après l'initiale B du nis. 
B*, qu'il s'agissait de Bernard, évêque de Saint-David de 
1115 à 1147. Cette attribution est maintenant certaine. 

Bernard avait demandé à Hildebert de prier pour la reine 
Mathilde, récemment décédée (1118). Notre évoque lui 
répond que son dévouement à la reine l'avait engagé h le 
faire avant môme qu'on le sollicitât, et que le nom de la 



(1) Lingard. « Histoire d'Angleterre », trad. de Wailly, t. I, pp. 405- 
400. 

(2) B/4 : B. episcopo. — A, D: Ep'* Memoriensi. — Ars., Berlin, 
Londres (Uoy. C), Oxford : Ji. Menevensi ep^. — Londres (Roy. A) . 
B. Mevenensi cp». — Londres (Harl.) : B. AnrJegavensi ep^. 

(3) AcluoUement Herlin, 18i. 



— 174 - 

morte figure à la place d'honneur dans Fobituaire de Téglise 
du Mans ; il promet en outre à son correspondant de lui 
envoyer sous peu les Exceptiones Decretorum, C'était sans 
doute un ouvrage analogue à celui d'Yves de Chartres 
qu'Hildebert avait entrepris : « Exceptioiies Decretorum quas 
in unum voltimen ordinare disposuimvts.... » (1) 

Lettre 40. — A Guillaume, évêque de Winchester (1100- 
1129) (2). Hildebert se félicite qu'il ait exprimé le désir de 
posséder quelques-uns de ses opuscules et promet de les 
lui envoyer. 

Lettre 41. — - A Glarembaud, chanoine de l'église 
d'Exham (3). Ce Clarembaud avait adressé à Hildebert un 
ouvrage de sa composition sur les miracles de l'église 
d'Exham, en le priant d'y mettre ses annotations ; le prélat 
s'excuse de ne pas le lui avoir retourné plus tôt. C'est donc 
par erreur que Fabricius a écrit : « Desideratur adhuc 
Hildeberti historia miraculorum Exoniensis ecclesix^ cujus 
ipse meminit in epistola ad Claremhaldum » (4). L'ouvrage 
était de Clarembaud, et Hildebert en a fait la critique. 

(1) Beaugendre veut qu'Hildebert ait eu part à l'œuvre d'Yves de 
Chartres. En tout cas, celui-là n'aurait pas commencé le travail 
que celui-ci aurait achevé, puisque, en 1118, Yves était disparu depuis 
trois ans. — D'autres ont fait honneur à Hildebert seul du «t Décret », 
en rapprochant les expressions par lesquelles il s'ouvrait des termes de 
la lettre Plerximque. — Enfin, Baluze croit qu'Hildebert avait composé 
un de ces recueils analogues à celui d'Yves de Chartres, comme nous 
en possédons plusieurs. M. Paul Fournier, un bon juge, est de cet avis, 
et on peut voir, dans les livraisons de la Bibliothèque de V École des 
chartes qui se publient en ce moment, l'exposé de ses raisons. 

(2) a WiUelmo^.., Wincesireyxsi episcopo^ HildehertuSy Cenomannorum 
» sacerdos... » 

(3) «.... Venerando Exoniensis ecclesiœ canonico Clarembaldo, Hilde- 
» bertus, humilis Cenomannorum sacerdos. • Exoniensis : d'Exham 
(évêché joint à celui de Durham) plutôt que d'Exeter, qui se dit généra- 
lement Excestriensis. 

(4) Fabricius. Bibliotheca lalina médise et infimes UxtinHatis^ art. 
Hildebertusy p. 240. 



— 175 — 

Restent deux lettres que nous croyons avoir été envoyées 
en Angleterre, mais dont les destinataires ne sont pas 
certains. 

Lettre 42. — De la rubrique « de lande cujusdam Symo- 
nis », portée par quelques manuscrits, Beaugendre a tiré la 
conclusion que Successisse con^te6or était une lettre de recom- 
mandation en faveur d'un nommé Simon. On lit, au contraire, 
que notre évêque a reçu Simon sur la recommandation de 
son père, à qui il fait Téloge du jeune homme et exprime 
le vœu que celui-ci soit envoyé à Rome, dans l'intérêt de sa 
fortune à venir. 

Mais quel était le destinataire de la lettre (1)? Les ma- 
nuscrits de la Bibliothèque nationale n'en donnent aucun ; 
ceux des départements ou de l'étranger en désignent deux, 
l'évoque de Lincoln et l'abbé Suger. entre lesquels il faut 
choisir. Le fils en question sera, si l'on veut, d'après une 
interprétation qu'autorise le langage épistolaire, un fils 
spirituel, un protégé de petite naissance, comme semble 
l'indiquer le passage (2) où il est dit que son mérite sup- 
pléera à sa condition ; ou encore, ce sera un fils naturel, si 
l'on admet qu'Hildebert a voulu dire que sa condition irré- 
gulière ne l'empêcherait pas de parvenir. 

Entre l'abbé Suger et l'évêque de Lincoln, je préfère le 
second. Suger est indiqué par deux manuscrits, l'évêque ne 
Test formellement que par un seul ; mais la rubrique 
« R. Nicholaensi ep^ » du manuscrit de Londres, qui ne 
répondrait à aucune ville, semble bien une déformation de 
Lincolniensi. Il s'agirait de Robert Bloët, évoque de 1093 à 
1123. L'abbé Suger n'avait pas besoin d'Hildebert pour faire 

(1) Grenoble : Lincolniensi ep^ — Londres (Roy. A) : R. Nicholaensi 
epo. — Londres (HarL) : S. o66' de Sc« Dionisio. — Berne, 633 : Sugyerio 
abb'* Se» Dionisîi. 

(2) «i MuUis cain (Ecclesiam Romanam) fréquentasse profuil, qui 
promotionem^ quœ pro conditimie subtrahilur, pro vita consequuntur.» 



— 176 — 

la fortune des siens; au contraire, il était naturel que 
révoque de Lincoln envoyât son protégé au prélat de 
France le plus éminent qui fût en rapports suivis avec 
répiscopal d'Angleterre. 

Lettre 43 (1). — A un ami d'Outre - Manche, comme 
l'atteste ce passage : « Rogo ut ad me vestra transfretet 
salutis pagina. » Hildebert lui envoie ses compliments. « Je 
me félicite, ajoute -t- il, de compter votre promotion au 
nombre de mes succès. » La promotion de qui? Non, sans 
doute, celle de Roger de Salisbury, qui savait fort bien se 
faire valoir lui-mônie, mais probablement celle de Guiumar, 
qu'Hildebert fit choisir comme écolûtre par Roger. 

DEUXIÈME SÉRIE 



lettres co7icernant les rapports (THildebert avec le Cdergé régulier (2). 

Abbaves, personnages, moines anglais. — Adressées à : 

44 Guillaume II, abbé de S*-Yiiicent. Usti pariler etnecesaitate. 

45 Girard, p"" l'abbaye d'Évron. Est apud nos abbatia. 

46 Guillaume ni, abbé de S*-Vincent. Pim et sanclfe devotionis. 

47 Pascal II, p^ S*-Martin de Tours. Non paucis decîaratur. 
4ft L'abbé de Ronneviil, p"" Marm«^ Inter Carnotensem ept*»i. 

49 Les moines de Vendôme. Apostolicis erudimur. 

50 Le prieur de S*-Père de Ciiartres. ^'on potuit ad nos. 

51 llonorius H / pour i Etrclationej)lurimovum. 

52 Foulques le Jeune ( Fonlevrault. 1 Quantum HbevaUtati, 

53 Hugues, abbé de Cluny. Maicimum duco. 

54 Maître Uoscelin, cbanoine. Sententiam quam. 

55 Guillaume de Cliampeaux, prieur. Conversione. 

56 S* Bernard, abbé de Clairvaux. Balsamum ex odore suo. 

57 S* Bernard, abbé de Clairvaux ? Totum te mihi. 



58 Les moines do iJurham. 

59 Rainoud, moine anglais. 



Exquo vestram promerui. 
Malchwn tuum. 



1106. 


PP. 




r. 


22. 


1106-1123. 


PP. 




n, 


25. 


1129. 


» 




m. 


21. 


1099-1118. 


PP. 




II, 


32. 


1123-1130. 


d'A. 


H F. 


] 


1 


? 


PP. 




I, 


11. 


itoo-iim. 


PP. 




n, 


10. 


1125-1130. 


PP. 




n, 


42. 


1120. 


d'À. 


Murât. 


m, 


20. 


1101. . 


?r. 


Il F. 


m, 


7. 


1096-1110. 


» 




n. 


37. 


1108-1112. 


PP. 




I, 


1. 


Vers 1130. 


PP. 


Mabil. 


ni, 


18. 


tll30. 


)> 




m, 


25. 


1109-1125. 


PP. 




1, 


20. 


1100-1125. 


MabiUon. 


ni, 


15. 



{[) Il n'y a aucun nom de destinataire dans les manuscrits. 

(2) Pour les abréviations, voyez la note au tableau de la première série. 



40NVMKS iCT DIVEIIBBS. - 
Un abbé lié missionnaire. 
Un abbé: inlercession. 

Item. (GeotTroy de Weniiôtue'!) 
•Va abbé: consulUtion. 
I L'hérésiarque Henii t 
' Le moine-prieiir -Mathieu '.' 

F. <écolâtre de S'-Marlin ?) 
i Un ami. 

Un auii. 



Sicut l'ejiriiiiCTitfjE. 
Patclia Dinninieiil. 
Confriilar et (iline vatar. 
Si ee'V'iuiUquK. 
In regno ijuùtem niillu», 
Promîisatn Bealitadini. 



Prœ 



r offici 



^■i bniuilibiail. 

Ens i/ui i)hiei}uior\ti'i. 

Plfruii\ijue liuiaania, 

SI El; SES. — Aiiressàes à 



<I'A. Murât. lit, :«. 



. Anonyme. 
, Anonyme. 

iBitheb dk OiREcnON a des HEi.ii 

I / Egredimtli libi de medio. 1132-1125. PP. Alfoni. I, 

[Adèle, comlessede Blois, retirée^ Qiiotiesqii» ciccale. M. ri'. ■ 1, 

■e de Marcigiiy. I Con/idimm in Domitto. Id. PP. i 1. 1 

' QuodleDominamappetlo. Iil. PP. n i, 

Gaudîuin niihi exuberat. V PP. r I, 1 

Coniiilerantimiliiwtuin. ? PI". " I, 3 

Célèbre lolatiumetl. IIS). d'A. • I, 1 



; Une religieuse. 
i-Une religieuse . 
' Une religieuse. 



HildcberL a eu de nombreux rapports avec les abbayes ou 
les collégiales de France et d'Angleterre; nous commentons 
par celles du diocèse du Mans et de la Province. 

Lettres 44 à 46, — Au-t portes du Mans, l'abbaye de 
Saiijt- Vincent ijtait la plu.'^ importante, et son chef, Guil- 
laume II, un nipmbre distingué du clergé régulier à celte 
époque. Quand il fut élu abbé, il se plaignit à notre livêque 
que ses nouvelles fonctions l'empêchassent de se livrer aux 
méditations qui lui étaient chères : Hildebert le rassure et, 
dans un ingénieux parallèle de la vie contemplative et de la 
vie active, lui démontre qu'il est à même, dans sa position, 
de cumuler les bienfaits de l'une et de l'autre (Usu pariter 
et neceseitate didicimvn) (l). Guillaume II devint abbé de 



(l|B/4: AJ abliate<n Willehi 
A. D : Ad n^Èalcrii IViil. Suiuli 



— t' : Ail abbalem ISiiiUermum. 



178 



Saint-Vincent en 1 lOG. A la vérité, son successeur, qui le 
remplaça à une date pour nous incertaine, s'appelait aussi 
Guillaume ; mais c'est le premier qui paraît avoir été lié 
avec Hildebert, qui l'accompagna dans ses tournées et signa 
avec lui plusieurs chartes (1). 

L'abbaye d'Évron (2) n'eut pas la chance de posséder à sa 
tète un chef aussi habile ; elle tombait, faute de direction, 
dans un état de relâchement qui attira l'attention de l'évêque. 
11 y envoya Guillaume pour faire une enquête et écrivit au 
légat Girard, évêque d'Angoulême, la lettre Eut apud nos 
abbatia (3), afin de lui demander des instructions précises, 
dont il pût charger l'abbé de Saint-Vincent. 11 semble qu'on 
déposséda le chef indigne, auquel Hildebert ne craint pas 
d'appliquer l'appellation de bestiam^ et qu'on fit venir pour 
le remplacer un moine de Marraoutier (4), Daniel le Chauve, 
qui signe en 1123, comme abbé d'Évron, un diplôme de 
l'évêque Hainaud (5). La lettre à Girard se place donc après 
1106, date de l'élection de Guillaume à Saint-Vincent, et 
avant 1123. 

Piœ et sanctœ devotioniê (6) ne se rencontre dans aucun 
manuscrit ; elle est tirée des archives de Saint-Vincent (7). 

(1) Voy. les n«»* 20 et 21 de notre Tableau des actes, 

(2) Evron {Ebronium^ anciennement Aurionum)^ ch.-l. de canton de 
Tarrond» de Laval. 

(3) « Dei gratia Engolistnensi episcopo sanctssque Ecclesiœ Romanœ 
» legato G., J. htimllis Cenomannorum minisler. » 

(4) Ce monastère, remarquable entre tous par son organisation, était 
comme une pépinière d'administrateurs. L'abbé qui avait passé par 
cette école se faisait gloire d'ajouter à son titre : « moine de Marmou- 
tier. » (Guillaume abbé de S^- Vincent, dans le Cartulaire édité, W* 248.) 
— Pour contraindre Tabbaye de Saint-Georges-du-Bois à se réformer, 
Hildebert menaça les moines de les mettre sous la dépendance de 
Marmoutier. (M igné, n<» VII et Cartulaire blésois de Marmoutier par 
Tabbé Métais, n» 119, avec note.) 

(5) Gallia, t. XIV, p. 445. 

(6) « Turoîwrum humilis archiepiscopus Guillelmo abbati Sancli Vin- 
» centii Cenotnannensis o. 

(7) Pour la question d'authenticité, voy. le chapitre précédent, p. 138. 



— 179 — 

Quatre ans après sa translation à Tours, en 1129, Tannée 
qu'il vint au Mans pour le mariage de Geoffroy le Bel, 
Hildebert avait été appelé à porter témoignage dans un 
procès entre les moines de Jumièges et Saint- Vincent, pour 
la possession de deux églises rurales, Saosnes et Courgains ; 
Jumièges fit défaut, et Hildebert dut envoyer de Tours sa 
déposition par écrit. Cette lettre a été mentionnée aux 
Sources de V histoire (1). 

Lettres 47 et 48. — Voici deux lettres qui furent écrites 
par Hildebert, Tune en faveur de Saint-Martin de Tours, 
Tautre pour Marmoutier, car ces puissants religieux ne 
dédaignaient pas de requérir Tappui d'un évéque, quitte à 
l'accabler ensuite de leurs privilèges. 

Saint- Martin, n'ayant à sa tête d'autre abbé que le roi de 
France, gouverné par son doyen et donnant à ses membres 
le titre de chanoines, est généralement compris dans le 
clergé séculier, avec les églises collégiales. Néanmoins, 
nous avons placé ici la lettre qui concerne cette abbaye, 
parce qu'Hildebert y joue, comme à propos de Marmoutier, 
le rôle d'intercesseur pour une partie du clergé étrangère à 
la hiérarchie diocésaine. On a vu (2) que le nom du pape 
auquel il s'adressait n'est pas certain, mais que ce fut pro- 
bablement Pascal IL 

Intei' Camotensem episcopum et abbatem^ concernant 
Marmoutier, a été insérée dans le Spicilegium (3) et au 
recueil des Historiens de France (4) ; mais Beaugendre l'a 
omise, sans raison aucune. Aussi, les auteurs des catalogues 
de plusieurs bibliothèques, celles de Grenoble et de Berlin 

(1) Voy. notre 1" partie, chap. !•'. 

(2) Au chapitre précédent, p. 142. 

(3) Spicilegium, t. III, p. 456. 

(4) Historiens de France, t. XV, p. 324. 



— 180 - 

notamment, trouvant dans leurs manuscrits cette lettre qu'ils 
croyaient inédite, l'ont publiée in extenso. La voici donc : 

Pro negolio Majoris monaslerii [en rouge]. 

Inter Carnotensem episcopum et abbatcm Majoris monasterii nego- 
tium emersit, concordia non judicio decidcndum. De quo cum idem 
episcopuset Teobaldus(l) cornes postularent ut abbas de domo (2) coii- 
cordiaî in eorum se mitteret consiiio, assensum eis et monachi dede- 
runt. Fertur autcm episcopum et comitem in tuo intuitu et dispositione 
suum posituros consilium. Sicut itaque decet religiosum et sapicntem 
virum, ita circunispecte studeas agere ne Majus monasterium vel 
in praisenti damnum sustincat, vel in futuro dedecus cum damne 
pntiatur. Quod ego submissus exoro, licet vel ipsum sine precibus te 
acturum credam. Iterum vale. 

Ainsi, une contestation s'était élevée entre l'abbaye de 
Marmoutier et Tévêque de Chartres, et, de leur commun 
accord avec le comte Thibaut de Blois, un arbitre avait été 
choisi. Ce fut, s'il faut en croire une note de d'Achery (3), 
l'abbé de Bonneval, au diocèse de Chartres, et l'objet du 
litige était l'église de Saint-Martin-du-Val, qui finit par être 
restituée à Marmoutier par décret du pape Honorius II et 
diplôme du comte Thibaut. La lettre d'Hildebert écrivant à 
Tabbé de Bonneval, au cours du procès, pour lui recom- 
mander les intérêts de Marmoutier, ne peut donc avoir été 
de beaucoup antérieure à l'avènement d'Honorius (1124) ni 
postérieure à sa mort (1130). 

Letthe 49. — Nous en avons fini avec la Province de Tours 
et nous passons aux diocèses voisins. Des moines qui avaient 

(1) B, C, D, et Grenoble, etc. : Teobaldus. — A et Troyes : 
Arcbaldus. 

(2) Grenoble, Troyes 1<>26, etc. : domo. — A : dono. — Troyes, 513 : 
bnno. 

(3) Note aux « Œuvres de Guibert de Nogent », p. 590. Citée par 
Urial aux Historiens de France. 



181 - 



refusé il l'évèque de Chartres l'hospiUilité, sonirc'primandés 
aévèvemetit dans Apostoliciieriidimxire.vemplis{i). s Lameii- 
» lion (lesgrandesrichessos flel'abbiiye et surtout du voîsitiiige 
■ du château qui, à Vendôme, touchait presque au monastère, 
« donne à penser que la congrégation blAmée par Hildebcrt 
» était celle de la Trinité (2) n, aux confins des deux diocèses 
de Chartres et du Mans ; les religieux dirigés par l'intraitable 
Geoffroy étuient fort capables de cet acte de brutale indé- 
pendance, et, puisque l'fibiîé n'est pas mis en cause, sans 
doute était-il absent. 



Lettiie 50. — Hildeliert félicite un prieur conventuel ('3) 
d'avoir réformé sa communauté et l'exhorte h persévérer dans 
cette voie. D'après les manuscrits de la Bibliothèque natio- 
nale, il s'agirait d'un prieur de Chartres, a priori Camotenni », 
tandis que les mss. de Londres et de Berlin donnent : • firio- 
ri Cart'ofenai », au pripur de Charroux, dans le diocèse de 
Poitiers (4). A la pi-emière solulicin on peut objecter que le 
titre de prieur d'une abbaye chartraine aurait été vraisem- 
blablement accompagné du nom de ce monastère, joint à 
l'indication de lu ville; en revanche, alors que l'histoire 
de Charroux nous est peu connue , celle de Saint-Père 
de Chartres présente une circonstance qui s'accorderait 
assez avec les paroles d'Hildebert. C'est en llOi ; l'abbé 
Eustache, étant tombé malade, s'était remi.s du gouver- 
nement des niiiines sur ^on prieur et successeur désigné, 



(1| A, D : ifonachis i/ni.... — liuuai, Poitiera ; AU quo*dam monachot. 

1,2) L. Compuin. Geoffroy de Vendôme, uhap. Wlll, p. 17!l. 

&) 11 T avait deux sortes de prieurs : les prieur* provinciatu; qui 
cirlgîeaEeat les prieurés dêtacliës de la muison uiére, et le prieur 
Uonuenfuel, qui était le second après l'abbè. 

(*) Afl (XU' siècle), A/a, A/3, 0, E/2 : /Viori Camolemi. — tendres 
|1r« 4 mss. dont nu du Xll° siècle), Berlin ISS : Pi-iori Carroferui, fiar- 
rofeati, Carofenti, — [ttnixelles (XV* si^lei : Priori Bofeml (de 
ttocliesitr? Uu plulôl luiuie li'uuiiui'e de L'arrofemii). 



— 182 - 

Guillaume, qui en profita pour faire refleurir la règle et 
réformer le couvent. 

Lettres 51 et 52. — Et relatione plurimorum^ amsi que 
Quantum liheralitati vestrœ^ concernent la fameuse abbaye 
de Fontevrault, dans le diocèse de Poitiers, mais sur les 
limites de celui de Tours et au comté d'Anjou. 

Dans Tune de ces lettres, Hildebert, « archevêque de 
Tours », écrivait au pape Honorius II (1124-1130) (1) pour 
obtenir confirmation d'une « aumône » de Henri P"" au 
monastère, c'est-à-dire d'une rente assignée à Fontevrault 
sur un domaine d'Angleterre. 

Dans l'autre, le comte d'Anjou, sur le point départir pour 
la Terre-Sainte, était prié de ne pas oublier, dans les libéra- 
lités qu'il ferait au moment de se mettre en route, un 
illustre couvent de femmes sit«é dans ses États, c'est-à- 
dire, selon toute apparence, le monastère de Fontevrault. 
Beaugendre croyait cette lettre adressée à Henri l^' (2) et 
supposait, pour expliquer le « est ohedientia quœdam in 
terra vestra », que l'Ordre de Fontevrault avait une maison 
en Angleterre. Beaugendre a été trompé par la phrase 
<!c denique transfretaturum vos audivimuSy enfin nous avons 
» appris que vous passeriez la mer. » Mais, si le roi 
d'Angleterre passait la mer, ce serait pour se rapprocher, 
ou du moins, à supposer qu'il retournât de Normandie outre 
Manche, ce ne serait pas pour s'en aller au bout du monde : 
m et a nohis longe recessurum, » Hildebert ne dirait pas à 
Henri qu'il est dans le cas de ne plus le revoir : « fortoBsis 
faciem vestram ulterius visuri non sumus. » Il s'agit donc 
du comte d'Anjou, qui fit deux fois le voyage de Jérusalem, 
en 1120 et 1129 ; mais, si nous assignons de préférence à 

(1) « Honorio ... HildebertuSy humilis Ttironorum minister ...» Cette 
lettre est dans Muratori, Anecdota^ t. III, p. 213. 

(2) Pas d'adresse dans les manuscrits. — Suscriptiun en noir : c Suo 
» henefaclori ac domino. >• 



■ -I y. y- ^%. -^ 



;^^m^ 



18a - 



, Quantum liberalitali la date do 1120, c'est que nous rencon- 
I Irons dans lu coUectiun dom Houssenu une charte de cette 

année-là (1), par laquelle Foulques le Jeune, se disposant à 

partir pour la Terre-Sainte, faisait une donation â Fon- 

tevrault{2). 
L'abbaye de Fonlevrault fut fondée au commencement du 

XII" siècle par Robert d'Afbrissel (3). Nous avons deux 
I lettres adressées k ce curieux personnage, l'une de Geoffroy 
i tic Vendôme, Quolies de tua, qui a été attribuée quelquefois 
I ft Hildebert et le plus souvent h Marbode, parmi les œuvres 
I de qui elle se trouve dans la Patrologic (4). 

Il n'y a qu'un manuscrit des letlres d'Hildebert où nous 
I l'ayons rencontrée : celui de Douai, où elle vient l'avant- 
f dernière ; et cette constatation, toute importante qu'elle soit, 
I est contredite pur le témoignage du manuscrit de Bruxelles 
I 1081, qui renferme Quolies de lua avec une suscnplion de 
[même encre et de même écriture que le texte, portant le 
|;nom de Marbode. Si maintenant nous examinons le texte 
Mui-môme, il nous semble que M. Ernault (5) a donné des 
Iraisons excellentt-s en faveur de l'attribution à cet écrivain. 
EOn reconnaît sa phrase pleine de logique, moins souple et 
■•iDoins délicate que celle d'Hildebert; on retrouve l'en-lête, 
T miscription favorite de l'évoque de Rennes : t minimus 
repiscoj)orum », et la finale qui était également dans ses habi- 



(i) Collectioa dom Hovêseau, t. IV, n" 139rt. 

12) It nous semble que, si Hildebert parlait en 1139, il ne pourrait 
■ jNAsersoiis silence cette première libéralité; or il tie hiit allusion 
FqU'''U)C bienfaits qu'il a rei;us lui-mémo. Observerons-nous enllii que 
P^uteur écrit fortauii, » nous ne vous revcrrooa peut-être pas •, 
â une personne qui partirait pour im long et dangereux 
rojaBSi mBîaavecl'inteution de revenir, et non aine dubio «nous ne 
(tous reverrons niits doute pas • comme il eût été plus naturel de dire 
u comte qui allait occuper un Irûne'.' 

(3) Arbrissel (l'^u de naissance de Itobert) est un village du déporte- 
Klftent de l'IUe-et-Vilainc, arrondissement de Vitré. 

(4) liarbodi Bfi. 6. Qtuitiei de luu fralernitate aadio. 

(5) Ernault. Marbode, pp. 159 el suivantes. 



— 184 — 

tudes de style : « Orantem pro nohis SanctitcUent Tuam, 
» Christus cutstodiaty dilectûsime f rater ». Disons enfin que, 
sur les six ou sept lettres que nous possédons de Marbode, 
trois sont écrites à des compagnons de Robert d'Arbrissel, 
et que les rapports intimes de Tévêque avec les fondateurs 
de rOrdre naissant en ressortent avec évidence. 

Pourquoi donc Beaugendre, qui n'était point partisan de 
Tattribution à Hildebert, voulait-il rejeter également la 
paternité de Marbode, reconnue par l'éditeur de 4524 (4) ? 
C'est qu'il n'avait pas en mains les mêmes preuves que son 
prédécesseur. On sait que l'abbesse de Fontevrault, Jeanne 
de Bourbon, avait entrepris la canonisation de Robert 
d'Arbrissel ; apprenant l'existence, dans le manuscrit de 
Vendôme, de la lettre de Geoffroy, qu'elle trouvait scabreuse 
pour la mémoire du Bienheureux, elle la fit arracher 
subrepticement , vers 1650 (2) ; donc il est probable que 
Quoties de tua^ écrite dans le même esprit et jugée non 
moins fâcheuse, disparut par le même subterfuge du 
manuscrit de Marbode à Saint-Aubin d'Angers. L'au- 
teur d'une histoire de cette abbaye l'a dit en propres 
termes, d'après VHistoire litté^^aire (3), et son témoignage 
était d'accord avec un ancien catalogue. Voilà pourquoi 
Beaugendre n'a pas rencontré la lettre dans le manuscrit 
de Marbode (4), qu'il vint consulter à Saint-Aubin. D'ailleurs 
il estimait, avec les admirateurs enthousiastes du fondateur 
de Fontevrault, que prêter Quoties de tua à un prélat respec- 
table, eût été lui faire injure ainsi qu'à Robert d'Arbrissel. 

Mais réduisons à ses véritables proportions la portée 

(1) Incunable. Bibliothèque nationale, in-4<> acquis de la Mazarine. 
C2) Voy. J. de Péquigny, dans la Bibliothèque de VÉcole des chartes, 
1854. 

(3) Histoire littéraire, t. X, p. 361 . 

(4) Dans le manuscrit ancien ; car Beaugendre aurait pu voir le ms. 
actuel d'Angers 318^ qui est tout entier consacré à Marbode et renferme 
la lettre en question ; mais il est du XVli« siècle et fut peut-être consti- 
tué après 1650, potir suppléer au manuscrit mutilé. 



ifô 



morale de ce document. Beaugendre soutien! que jamais 
Murbode n'a pu adresser de si graves reproches au pieux 
ermite, et que l'auteur de pareilles accusations est un 
homme de mauvaise foi ou un niais. Eh bien non, il n'a pas 
pesé les termes de ce langage ; car c'est celui de l'expérience 
et de l'autorité, de l'autorité bienveillante, indulgente 
même. On ne doute pas que Hobert n'ait les meilleures 
intentions du monde, qu'il ne soit un chrétien très con- 
vaincu, très zélé, en môme temps qu'un prédicateur plein 
d'éloquence et un novateur ingénieux; mais on l'avertit 
qu'il prenne garde, en s'efforçant de maintenir sous le même 
toit, dans la communauté d'une même règle, des frères et 
des sœurs ; il a la noble vaillance du prosélytisme, mais 
possède-t-il tout le discernement désirable chez celui qui 
prend à sa charge tant de consciences ? Dans l'intempérance 
de son ai-deur, il froit trop volontiers ses disciples, hommes 
ou femmes, gardés à jamais du démon pour une seule 
épreuve qu'ils auront subie avec succès, et court à d'autres 
conversions sans avoir suffisamment affermi les premières. 
Ainsi parle l'évoque Marbode, admirateur de Robert d'Ar- 
brissel, mais un peu inquiet de ses singularités, et ce 
langage est d'accord avec celui de Geotïroy de Vendôme (1). 
Quant h Hildebert, Beaugendre lui atlribue ce qu'il appelle 
< l'épitaphe s de Robert d'Arbrissel, et qui n'est autre 
chose qu'une strophe anonyme, d'ailleurs détestable, de son 
rouleau funéraire (2). II soutient encore qu'Hildebert fut le 
protecteur tout particulier de Fontevrault, l'avocat choisi 
dans ses procès par l'abbesse Pélronille, mais celte conjec- 
ture n'est pas suffisamment appuyée sur les documents (3) : 
tout ce qu'on voit avec certitude, c'est qu'il Fut l'inlermi'- 

(I) Golfridi ep. IV. il. 

(3| D. Haureati. Mélanget poétiques d'HUd^iert de Lavardin. p. 15. 

(Uf llildcburl. dit Ucauifeiiilre ifuiirùs Maaii, Tut choisi comiiit: uvocui 
pur l'ùtronillu dans un démêlé qu'elle eut. h propos des dîmes de 
Condat, avec l'évâque de Poitiers, Pierre. Or celui-ci ne inontu sur If 



i 



— 186 — 

diaire des largesses de Henri !«»• et du comte d'Anjou au 
monastère. 

Les lettres qui suivent n'ont pas trait à l'administration 
ou aux intérêts des abbayes ; ce sont des lettres amicales 
adressées à plusieurs personnages célèbres du clergé régu- 
lier, à commencer par Hugues, abbé de Gluny. 

Lettre 53. — Hildebert le remercie (1) de ce que, par la 
vertu de ses prières, il a échappé, en revenant de Rome, 
aux plus graves périls ; en effet, il venait à peine de quitter 
l'île de Saint-Honorat, quand des pirates ont pris et saccagé 
le monastère (2). Il n'est fait mention nulle part ailleurs de 
cette invasion, et Beaugendre s'en étonne. Mais pareilles 
attaques devaient être fréquentes ; la communauté subsis- 
tait quand même : elle avait, pour passer les moments 
difficiles, un vaste donjon avec cloître, celliers, bibliothèque, 
et dont les gros murs, tels qu'ils se dressent encore aujour- 
d'hui, remontent à l'époque d'Hildebert. 

Il est à présumer que celui-ci avait passé, en allant, par 
Gluny, où l'abbé Hugues lui fit promettre de lui donner des 
nouvelles de son voyage. Hugues administra de 4040 à 
ilOO, et Baronius (3), qui a relaté la prise de Lérins 
d'après Hildebert, la fixe à Tannée 4107 ; mais nous 
savons que l'évêque du Mans fit son voyage à Rome dans 
riiiver de 1100-1101 (4). 

siège épiscopal qu'après la mort (rHildet)ert et de Pétronille. On voit 
seulement, dans un accord entre son successeur Guillaume (1124-1136) 
et Tabbesse de Fontevrault, que l'èvéque du Mans flgura comme 
témoin ou peut-être comme arbitre {Galita) ; mais révoque du Mans, 
en M28, ce n'était plus Hildebert. 

(1) Bruxelles : Abbati CluniacensL— A/2, A/3, B/4, D, E/2, et Cambrai, 
Rouen : H. dbb. Cluniacensi. — A/1 : /1. abbati Cluniacensi, — B/1 : Ad 
eumdem^ à la suite de Bernardo abbati (voy. lettre Confrater). 

(2) Le plus vieux monastère de Gaule, celui de Lérins, fondé en 410 
par saint Honorât. 

(3) Annales ecclesiaaticiy a. 1107. 

(4) Voy. 1'« partie, note additionnelle 2. 



■ t87 - 



Lettres 54 et 55. — Nous parlerons tout ù l'heure de 
I saint Bernard, abbé de Clairvaux; il convient de le faire 
I précéder par ceux qui, avant lui, ont tenu la plus grande 
I place dans l'histoire des Idées et de l'enseignement au 
I moyen ûge ; je veux parler de Roscelin ei de Guillaume de 
I Cbampeaux, l'un qui fut le champion le plus brillant et le 
Lplus hardi du 7iominalisme. l'autre qui illustra la doctrine 
I opposée, celle du réalUme philosophique. 

Nous n'avons que des traces hypothétiques de la présence 
I de Roscelin dans la con-espondance d'Hildebert; et ce n'est 
I pas sans réser\'e que nous proposons de le reconnaître 
f dans ce < mallre R. », à qui i'évéque adressait, sur sa 
f demande, un petit commentaire de cette parole de l'Écriture : 
Il Omni» qui occiderit Gain sepluplum jmniettir (Gen., IV, 
I 16). • 

Roscelin était né ft Compiègne; pourvu d'un caiionicat ii 
I Besançon oii il professait, il se laissa entraîner pur les 
I conséquences de son système à certaines opinions sur la 
[ Trinité, qui le firent condamner comme hérétique par le 
L concile de Soissons en 1092. 11 passa en Angleten-e, puis 
I peu après rentra en France (1). Vers 1096, il habitait la 
I Touraine et enseignait dans la collégiale de Sainte-Marie do 
I Loches, où il eut Abélard pour disciple ; admis à Saint- 
I Martin, il écrivit contre Abélard qui avait séparé sa cause 
I d'avec la sienne, et on le voit signer avec les chanoines une 
I charte d'Hélie, comte du Maine, en 1110. Dans cette longue 
I période de quinze ans, il ne serait pas étonnant qu'Hildebert 
I eût correspondu avec le philosophe et adressé A Roscelin la 
I lettre Sentenliam quam rogaslis, avec ce titre de ( maitre > 
Iqu'il donnait également à son sun^esseur et adversaire, 
■ Guillaume de Champeaux. 

Celui-ci appartenait au clergé régulier quand Hildehert 



(t) Sur l'histoire (le Roscelin, voy. fi. Huui^uu, Singularité! histori- 
fae* et littéraire, pp. 31H et suivantes, et Gallia, t. XIV, p. 175. 



- 188 — 

lui écrivit la lettre Conversions (1) ; mais il avait commencé 
par être archidiacre, et 6coIâtre,comme Hildebert, et il devait 
monter, comme lui aussi, sur un trône épiscopal. 

Né à Ghampeaux, qui est un village de la Brie près Melun, 
Guillaume enseigna publiquement à l'école de Paris pendant 
plusieurs années avec un grand succès. Puis, tout à coup, 
soit par dégoût du monde, soit par dépit d'avoir eu le 
dessous dans une controverse avec le jeune Abélard, il 
quitta Notre-Dame Tan 1108, pour se retirer sur la montagne 
Sainte-Geneviève, où, prenant l'habit de chanoine régulier 
et le titre de prieur (2), il fonda l'abbaye de Saint-Victor, 
destinée à devenir un centre d'édification et de propagande 
réformatrice : elle fut reconnue Tan 4113 par lettres patentes 
de Louis VI et confirmée Tannée suivante par le pape 
Pascal II. L'austère prieur s'était d'abord condamné à une 
réclusion absolue ; Hildebert lui écrit, probablement à la 
sollicitation de quelques amis, pour qu'il se décide à 
entrouvrir la porte du monastère aux étudiants. Nous savons 
en effet que, dès 1112, il recommença à donner quelques 
leçons dans sa retraite ; la lettre Conversione se place donc 
entre 1108 et 1112, et nous ne voyons pas pourquoi Beau- 
gendre la rejette à Tannée 1100. 

Lettres 56 et 57. — Abélard, qui par sa dialectique 
avait fait reculer l'orthodoxie réahste de Guillaume de 
Ghampeaux, et qui tirait du nominalisme rajeuni de Roscelin 
une nouvelle doctrine, le conceptualisme, Abélard devait 
trouver un adversaire implacable en la personne de saint 
Bernard. Nous possédons une lettre d'Hildebert à cet illustre 
personnage : Balaamuyn ex adore suo (3), écrite à une 

(l)A, D, B/4, E/2, F, etc.: Magistro Willelmo de CampeUis. -^ 
Bruxelles : Manegaldo. (Manegoid fut un maître <Jes écoles de Paris à 
la même époque.) 

Ci) Son successeur fut ie premier abbé de Saint- Victor. 

Ci) B/l : Ad saticlum Beimardtim. — A, D, et Cambrai, Rouen : B, 
abbati Ciarevalletisi . — Douai : Ad Bernardum abbcUem Clareval- 



— 18H — 

époque où avail commencé de se répandre la renoniiriée au 
l'abbé de Clairvaux. Hildeberl prie celui-ci (Ip l'admettre au 
nombre de ses amis et lui recommande Gibouin (I), 
archidiacre de Troyes ; on lui répondit par une lettre 
non moins gracieuse (2). 11 est possible encore que Totiim 
le mihi aît/nificaali (3), lettre d'Hildebei't à un correspondant 
qui avait demandé ce que Jésus écrivit sur le sable au 
moment do rendre son arrtH dans la cause de la Femme 
adultère, soit adressée â saint Bci'niird (4). 

Lettre 58. — £*■ quo veatram promerni noULiam, aux. 
frères de Sajnt-Cutbbert de Durham (archevêché d'York) et 
il leur prieur Algar (il0&-113«) (5). L'évèque se félicite d'avoir 
fait leur connaissance à son dernier voyage Bn Angleterre, 
et, faute de pouvoir renouveler sa visite à cause de la 
dislance qui le sépare d'eux, leur envoie ce mot d'amitié. 



Lettre 59. — Rainoud, moine de l'Ordre de Sainl- 
Augustiu, en Angleterre, avait écrit une u Vie de Malcluis > 
et l'avait envoyée à Hildebert, qui le remercie et lui adresse 
ses félicitations (6). 

Il ne s'agit point de Malclius, évéque de Lisinore (Irlande), 
qui occupa ce sièjîe h partir de 1134 seulement, mais plutôt 

leruem. — Mabillon. dans son édition de saint BemanI (MignP. 
t. CLXXXII, ep. 133) rapporte cette lettre aux environs de 11W. 

(1) C'était un sermonnaire de mérite ; Jeao de Salisburf (ep, 7I>) el 
Pierre le Vénérable |ep. II. 31 et 35} ont taii son éloge. 

(3) Higne, Patmi. lai. {Parmi les lettres d'Htldebert, ep. 111, l'J.) 

(3) Alias : Nutam.,.. Cf. Texpr. quam totum te exliibeas (Boitamuin) , 

(1) SDf le témoignage du lus. de Douai. 

<5) ■ Hildeberlui, Cettomannorum humitii miniiler, Algaro priori 
t toliqve conventui fratrum innnoïleHJ Sancti Cuthberli. ■ l.es UaleB 
du prieur AJgar se trouvent dans r^nrffia «acra de Wliarlon, I. 786. 
(Catalogue des prieurs de Durham. pour faire suite aux Hittoritc 
Duneitnenais Kripiaret). 

(6) • Hvrii'tHi Ceitotnannortitn aaeerdos ilildebertVK, ïiegiiuildn Bi'oti 
t Augustin I moHBclio. ■. Celle lulIrL- esl iluTis Mabillon, ditoftr/a, t. I, 
p. 203, 



— 490 - 

d'un moine et confesseur maronite de la fin du IV® siècle, et 
l'ouvrage était sans doute analogue à la « Vie de sainte 
Marie TÉgyptienne » par Hildebert (1). 

Lettres 60 à 63. — Nous entrons dans la série des cor- 
respondants dont ridentité n'a pu être établie ; ce sont 
d'abord quatre abbés. 

L'un, fatigué de l'indiscipline du plus grand nombre des 
moines de son abbaye, s'était démis de ses fonctions au 
détriment des bons sujets et leur avait imposé, sans les 
consulter, un chef indigne. Hildebert lui reproche cette 
conduite, assez durement, comme à un religieux qu'il avait 
le droit de réprimander, un abbé de son obédience (2). 

Un autre avait eu à se plaindre également de ses moines : il 
l'exhorte à leur pardonner à l'occasion de la fête de Pâques. 
« Pâque, lui dit-il en substance, veut dire passage ; c'est, 
» pour les Hébreux, le passage de TÉgyple en Terre-Promise, 
» et, pour les élus, celui de la mort à la vie éternelle ; 
» puisse la Pâque marquer pour vous le passage de la 
» colère à la pitié I » Le début de cette lettre conviendrait 
aussi bien à un sermon, mais cette interprétation, qu'on 
trouve dans quelques manuscrits, où elle s'autorise du 
voisinage de deux sermons véritables, est démentie par les 
lignes suivantes ; il ne s'agissait pas davantage pour Hilde- 
bert de pardonner à ses propres chanoines, comme le 
veulent d'autres scribes, mais l'évêque donne des conseils 
de charité à autrui, et les coupables étaient des moines 

(1) Dans rÉcriture, Malchus est le serviteur du grand-prêtre Caïphe, 
qui portait la main sur Jésus lorsque saint Pierre lui coupa ToreiUe. 

(2) Sans adresse, sauf Londres (Roy. A) : G. priori regularium cano- 
nicorum. Il ne peut s'agir de Guillaume de Champeaux, prieur de 
Saint-Victor au diocèse de Paris, à qui ne conviendrait pas entre 
autres une plirase impérative comme celle-ci : « Si vero lotus grex, 
yt quod absit ! vias incedit tortuosas^ nec in sermone tuo requiescit 
» inquietus eorum spiritus, prius tamen in auribus nostris eorum 
» ponenda causa quam deponenda custodia. » 



- nii . 



repeDtants : « monasticum suspiTant convenium n (A). 

Moine fugitif et repentant <^tait aussi celui que désigne 
Con/rater et filiu» veater, lettre adressée à un abbé dont les 
initiales varient d'iin manuscrit h l'autre, le B et le G étant 
toutefois les plus répétés (2). Peut-être avons-nous affaire îi 
GeolTroy de Vendôme, connu par ses rigueurs, auxquelles il 
arriva h plusieurs moines de se dérober par la fuite. Mais 
rien ne porte à croire que le fugitif, appelé également (J, 
soit le moine Jean le Maçon qui, prèle à Hildeberl par 
Geoffroy, avait préféré rester au Mans, plutôt que de renlrer 
îi laTrinilé. C'est en vain que Ilomniey, faisant violence au 
au texte, veut lire C pour G et suppose que cela veut dire : 
Cxmeiitarius (le Maçon), comme si CBemeutarius était un 
qualificatif dont on interpréterait l'initiale 1 Le contexte ne 
fait non plus aucune allusion fi la profession et aux circon- 
stances particulières de la fuite de Jean le Maçon ; le moine 
incriminé était plus vraisemblablement Guiltnume de 
Blazon (3). 

Enfin, Si vcra svnt est une consultation ,'i un abbé sur le 
cas d'un fif^re qui était lounneiilé pai' les désirs de la 
chair {i). 



Lettres (î4 et fîû, — Voici deux lettres pour lesquelles, 
après avoir fait toutes sortes de suppositions, nous sommes 
encore réduit aux conjectures. 

La premiëi'e, In regno guident nullus^ contient une réfu- 
tation en trois points de cette hérésie, procédant de 



(i) A, n, etHome17l : M66o(i. — Londres (Roy. A): D. rûrbati. — 
Rouen, Lonilres (Karl.) et [ferlin 182: Sertiio de Paacha Domini. — 
Berlin, 184: Ad canonieos ma» prapîer qiiosdani ijtii erant extra 
erclesiam. 

(2j E/S: Abbati. — A, et Cambrai, Londres (Roy AetCotton.): C. 
(i6J>a(i. — [i/4 : ÎK. ahhaXi. — Bji : Bemarda abbati. — Roubo, Berlin et 
Londres (llurl.) : H. abbati. — llerne : H. abbati. 

(3) l. Ck)nipain. Geoffroij de Vendôme, cliup. V, p. 40. 

(4) Sans adresse. 



— 192 — 

Nestorius, qui niait refficacité des prières aux Saints. 
Hildebert argumente au nom de la coutume (consuetudo), 
de la dialectique appuyée sur la raison ou sur l'autorité des 
docteurs {ratio) et de la vérité évangélique (veritas). Voici 
le raisonnement de Vérité, c'est-à-dire les raisons du cœur. 
Si les Saints, montés au ciel, ne s'occupaient plus de nous, 
c'est que Dieu les condamnerait h cesser d'être charitables. 
Or la charité est la loi de l'autre monde comme de celui-ci. 
Si vous ne voulez pas invoquer les Saints ni prier par leur 
intercession pour les ûmes du purgatoire, vous violez le 
principe évangélique par excellence, la charité, en rejetant 
les morts de votre communion, et vous ébranlez la solida- 
rité universelle des trois Églises, militante, souffrante, 
triomphante, puisque vous empêchez les Saints de nous 
faire du bien, à nous et aux nôtres. Du même coup, vous 
portez atteinte à l'organisation de la cour céleste, dont la 
hiérarchie d'ici-bas est l'image. Telle est cette argumenta- 
tion ingénieuse, qui commence par faire appel au cœur, 
mais où l'on développe des raisons que la Raison seule est 
plutôt apte à connaître, et grâce auxquelles le prélat main- 
tenait unis le sens de l'autorité avec l'attachement à la loi 
d'amour, tandis que l'esprit radical de son contradicteur, 
devançant le protestantisme, visait à l'indépendance, au 
risque de détruire, avec l'unité de communion de toutes les 
âmes passées, présentes et à venir, le principe surnaturel 
de la charité évangélique. 

Et maintenant, quel était ce personnage, qui se mettait 
dans un cas aussi grave, sans que cette opposition aux 
doctrines établies ait eu quelque retentissement (1) ? Car la 
majorité des manuscrits l'appellent le « moine M. », et do 
ce moine M. on ne trouve pas trace dans VHistoire littéraire, 

(1) A/1, D : Ad monachum... — A/2, A/J, B/4, et Cambrai, Rome 169: 
Ad monachum M. — Londres (Roy. A): M. priori. — Londres (Harl.): 
F. Monacho. — Grenoble : Magisiro Roscelino. 



— 11)3 — 

Le scribe du manuscrit de Londres, s*étonnant à bon droit 
qu'un simple religieux eût osé élever la voix avec cette 
hardiesse, lui donne à tout le moins la qualité de prieur : 
« ^f. priori. » Mais si on veut un champ libre pour les 
hypothèses, il y a une explication qui se présente de cette 
adresse incompréhensible : a Ad monachum M, » Le plus 
souvent, dans les manuscrits, la nasale de la désinence est 
abrégée, de telle sorte que monachum s'écrit monac/m ; or 
il est possible que le copiste, placé en face de la rédaction 
primitive, ait pris pour l'initiale d'un nom propre m. ce qui 
n'était sous la plume du premier scribe que la finale du mot 
écrit en entier: «ad monaclium, à un moine», adresse 
vague et sans portée, équivalant à un aveu d'ignorance, et 
qu'on retrouve dans A.*, D. 

Le personnage nommé M. étant écarté, reste la rubrique 
proposée par le manuscrit de Grenoble, manuscrit du XIl» 
siècle : « Magistro Boscelino. » Ainsi, c'est Roscelin qui, du 
haut de la chaire de Sainte-Marie de Loches où il enseignait, 
aurait émis certaines propositions téméraires sur le culte 
des Saints, pour lesquelles il avait eu l'idée de s'autoriser 
du nom d'Hildcbert, et cette circonstance ne serait pas sans 
rapport avec ce que raconte Baudry de Bourgueil dans sa 
« Vie de Robert d'Arbrissel », à savoir que Roscelin avait trou- 
vé des partisans de ses doctrines dans le Maine et l'Anjou (1). 
Là s'arrête la probabilité, et elle est faible, d'autant plus 
que Roscelin était un de ces noms mal famés auxquels un 
scribe du XIP siècle était porté à attiibuer toutes les 
hérésies, à rapporter tous les scandales. 

Voilà pourquoi une autre hypothèse, indiquée par Jacques 
Hommey et reprise par Beaugendre, ne cesse pas de s'im- 
poser à l'attention. Il propose l'hérésiarque Henri, le seul, 
dit-il, qui ait eu avec notre évêque des démêlés sur la 
doctrine. A. la vérité, Henri ne semble pas avoir été moine, 

(l) BoUand., février. Note. 

13 



— 194 ~ 

et, quand Hildebert, dans les Gesta, Iji demande ses titres 
et qualités, il répond simplement : « Diaconus siim, je suis 
diacre » (1). Mais l'opinion populaire confondait volontiers 
avec les moines tous ceux qui portaient le bourdon, et, du 
temps de saint Bernard (2), personne ne doutait plus que 
rhérésiarque Henri ne fût un moine renégat. Hildebert 
reproche à son contradicteur d'avoir osé soutenir que lui, 
évêque, partageait sa défiance pour le culte des Saints ; rien 
ne saurait mieux convenir à Henri, qui, nous le savons, 
profita do l'absence du prélat pour se prétendre autorisé 
par lui. L'hypothèse est donc plausible, à la condition qu'on 
suppose cette lettre écrite par Hildebert quand il n'était 
pas encore pleinement édifié sur les faits et gestes du faux 
prédicateur ; sans cela, il ne l'aurait pas pris sur ce ton de 
quasi-égalité : «. In regno quidem nullus, in errore autem 
» omnis liomo sibi consortem quxrii, — Dans le commande- 
» ment personne ne s'avise de chercher un co-partageant, 
» dans l'erreur c'est autre chose, etc.. » 

Ce qui complique étrangement la question, c'est que nous 
possédons une autre lettre adressée au dit moine M., 
pour laquelle l'attribution à Roscelin ou à l'hérésiarque 
Henri est impossible ; dans Promi$$am Beatitudini iuœ 
paginam (3), le destinataire ne peut être qu'un chef de 
communauté 

De quoi s'agissait-il encore? D'une coutume liturgique 
ré])réhensible, celle de donner à la communion le pain 
trempé dans le vin : « Eucharistiam nulli nisi iniinclam 
dari. » Seul des apôtres. Judas communia de la sorte, quand 
il reçut la bouchée des mains du Seigneur, et cette forme 
(lu sacrement, adoptée par l'Église grecque, est condamnée 
par Rome, qui veut qu'on administre séparément chaque 

(i) Gesla, 97, C. 
{'1) S. Bernardi ep. 241. 

Ç\) A, H/'* '■ ^/. monacho. — id.y Cambrai, itouen et Lomlres (Hoy. A 
et Cotton.). — Sur le sens de pagina, cf. lettres Sivera et Credidi. 



— 195 — 

Espèce. Là-dessus Hommey et Beaugendre, toujours fertiles 
en inventions, proposent, pour rompre l'anonyme décon- 
certant du moine M., un autre nom, celui de l'abbé Ponce 
de Cluny, parce que le rite en question fut pratiqué dans ce 
monastère (1). Ils croient qu'Hildebert promettait à Ponce 
de lui envoyer sa Vie de l'abbé Hugues : « Promissam 
Beatitudini lux paginam satis et super exspectasti.,. et quo 
scripto possum improhare quem approhastis errorem, » 
Mais il ressort du texte que cette « page », cet « écrit » 
dont parle Hildebert, c'est simplement la présente lettre. 
Hildebert prend des précautions oratoires pour amener la 
répriitaande : « Periculose delicalus est quisquisy nisi euin 
» venustas verhorum demulceat , doctrinœ prœjudicat 
» salutari, — Dangereuse est la mollesse de celui qui, faute 
» d'être charmé par les caresses du langage, opine contraire- 
» ment à la saine doctrine. y> 

Au reste, que nous ne soyons pas en face de la Vie de 
saint Hugues, il n'importe à l'nypothèse de Beaugendre, et ce 
serait bien volontiers que nous supposerions Promissam 
écrite à l'abbé Ponce, ce religieux peu austère, ce lettré déli- 
cat ; mais où trouver le moindre indice paléographique qui 
appuie nos raisons? Eh bien, retenons ce fait que la coutume 
du pain trempé dans le vin était pratiquée à Cluny ; quand 
mourut l'abbé Ponce, Pierre le Vénérable, son successeur, fit 
venir de Saint-Martin-des-Ghamps le prieur Mathieu, reli- 
gieux connu pour son austérité, et le chargea de réformer les 
abus qifi s'étaient introduits dans le monastère (2) ; Mathieu 
ne devint pas prieur de Cluny, mais il fut chargé d'une 
mission temporaire à la suite de laquelle il retourna à Saint- 
Martin - des - Champs. Je suppose qu'Hildebert, apprenant 
qu'il laissait subsister la pratique blâmable dont nous avons 
parlé, écrivit à ce sujet au moine Mathieu : « Af. monacho ». 

(1) S. Udalricus. Antiquiores consuetudines Cluniacensis monctëterii : 
dans d'Achery, 1. 1, p. 678 b (éd. de 4664, t. IV). 

(2) Gallia, t. VII, p. 520 et Pignot, Hist. de VOrdre de Cluny. 



— lî)6 — 

Les précaulions oratoires dont il s'entoure sont assez de 
circonstance pour excuser sa liberté de parole, et l'ex- 
pression approhastia^ qui paraît s'accorder mal avec la forme 
Tu de BealiUidini Tiix, s'expliquerait par le fait que, dans 
remploi du pluriel, Hildebert associe à la décision de Mathieu 
la personne de son abbé : « lui et toi, vous avez approuvé ». 
Voilà tout ce que, au sujet de ces deux lettres, nous 
avions à proposer aux réflexions du lecteur. Pour finir, si 
l'on répugne à expliquer par des hypothèses différentes 
deux rubriques aussi semblables que « ad mo7iachum M. » 
et ce M, monacho », on est libre d'admettre que l'adresse 
était faite pour Protnissam Beatitudini seulement, et 
(ju'elie se sera égarée par une erreur de copie du premier 
scribe sur la lettre In regno^ restée dépourvue de la mention 
de son destinataire, l'hérésiarque Henri. 

Lettre 6G. — Prxter offîcium est est adressée « F. 
decano » (1). Hildebert y raconte à son correspondant qu'il 
a été visiter pour lui un ami dans sa prison, ce qui ne nous 
donne aucun renseignement sur la personnalité du doyen. 
Doyen de cathédrale, doyen de chrétienté (2), doyen de 
monastère, doyen-écolâtre, qu'était-ce que ce doyen F.? Les 
indications combinées de deux manuscrits nous porteraient 
à croire qu'il était doyen-écolâtre ou scolastique de Saint- 
Martin de Tours, abbaye qui possédait des écoles célèbres. 

Lettres 67 et 68. — Ce sont de simples billefe. Dans 
Commeantiimi raritas, Hildebert reproche au destinataire 
la rareté de ses lettres et lui demande que, s'il n'écrit pas 
souvent, il écrive du moins longuement. Le manuscrit B* et 
ceux de Rouen et d'Oxford portent : « Marhodo » ; mais 

(il A, I), E/2 : F. decano. — Id.^ Berlin, etc. — Londres (Roy.) : F. 
decano S. Mai^tini. — Berne : Scolaslico. — B/4 : P, decano, 

(2) C'est-à-dire curé doyen ; le mot curaluSf curé, n'existait pas 
encore au XII« siècle. 



it.-J 



— 197 - 

notre éditeur, estimant que les communications ne devaient 
pas être difficiles entre le Mans et Rennes, rejette cette 
solution, qui n'est pourtant pas invraisemblable, car il a pu 
arriver que, pour une raison ou pour une autre, les mes- 
sagers fussent plus rares que de coutume entre les deux 
villes. La même objection se présente naturellement pour 
l'adresse qu'on lit dans E* : «au prieur de Chartres». 
Enfin, F et les mss. de Troyes et de Bruxelles donnent : 
« M, reginœ », mais le ton est trop intime pour qu'on sup- 
pose le billet adressé à la reine d'Angleterre. Beaugendre 
propose donc saint Anselme, sur l'autorité du manuscrit 
d'Évreux, aujourd'hui disparu ; mais j'hésite à le suivre. Il 
me semble qu'Hildebert eût employé de préférence l'expres- 
sion transfretanthim raritas pour désigner un voyage 
maritime, et de plus a-t-il jamais pu se défendre en pareil 
cas de jouer sur les mots, de dire que toutes les ondes 
réunies de la mer n'éteindront pas le feu de sa charité, ou 
quelque chose d'approchant? Bref, l'attribution à Marbode 
serait celle que nous adopterions, si nous ne préférions 
encore nous en tenir à l'anonyme des mss. A, D : « Amico ». 
Quant à Si bene tihi est, toute rubrique fait défaut; 
Hildebert y raconte à son ami que, depuis la Saint-Laurent, 
il a été affligé de fièvres quartes, et l'assure de son dévoue- 
ment. 

Lettres 69 et 70. — Enfin, avant d'aborder une autre 
partie de cette correspondance, nous mentionnerons deux 
lettres qui, sous une forme épistolaire, ne sont pour nous, 
faute de renseignements, que des réflexions morales ano- 
nymes : Eos qui obsequioirum sunt immemores (1), où 



(1) A : Salutare est canitiem et œtalctn sensu pariler et cofisilio 
superare. — D, C, D : Salutein, et œtatem sensu pariter et consilio 
super are. Eos qui.,.. 



— 198 — 

ringratitude est flétrie, et Plerumque humanis ohrepit tneii- 
tibus, sur le devoir que nous avons de pardonner aux morts 
et de guérir par l'esprit de charité les blessures de notre 
amour-propre. 

Lettres de DmECTiON 71 à 77. — La transition, entre 
les lettres concernant les membres du clergé et celles 
où Hildebert parle de choses temporelles aux rois et aux 
reines, s'établira par un certain nombre d'épîtres qu'on 
peut appeler lettres de direction , puisqu'elles furent 
écrites pour des dames qui entraient en religion. Ce 
sont dans Beaugendre, au livre le"", les n®» 4, 5, 6, 10, 
13 et 21. 

Les scribes du moyen âge se préoccupent peu de savoir 
à qui ces lettres furent adressées. « Congratulatio mulieri 
» religionem ingressœ », a Cuidam feminœ quœ^ cum esset 
» uxor militis^ fieri maluit sponsa Dei », « Exhortatio ad 
y> religiosam », « A. reclusœ >, telles sont les indications foit 
vagues qu'on lit dans la plupart des manuscrits. Ces moines, 
nos copistes, étaient en somme assez égalitaires ; princesse 
ou non, la femme qui entrait en religion était pour eux une 
ûme quittant le siècle' pour se vouer à Dieu ; il y avait com- 
munauté de vœu dans le renoncement, toutes étaient pareil- 
lement humiliées devant l'autel ou également anoblies par 
leur mariage avec le Christ ; les personnes disparaissaient, 
il restait des cas d'édification : autant de « beaux cas », 
disent nos chirurgiens de leurs patients, grands ou petits... 
Beaugendre devait entendre les choses tout autrement. Dans 
son zèle de panégyriste à l'endroit d'Hildebert, il ne peut 
admetti'e que l'évéque ait écrit des lettres édiflantes à 
d'autres dames qu'à des reines et à des comtesses, et, sous 
ces rubriques quasi anonymes, il a découvert trois prin- 
cesses : Agnès et Adèle, veuves des comtes du Mans et de 
Blois, et Mathilde, belle-fille du roi d'Angleterre. Mais 



— 190 - 

reprenons les lettres une h une, par l'examen du texte et 
des suscriptions. 

Egredienti tibi et Quod te Dominant ont une suscription 
à peu près identique.* « Hildehertus Cenomannorum episco- 
» J9MS, A. ancillœ et filiœ Christi, suœ quondam dilectœ, 
» nunc autem dilectissimœ , honnm exiluni de hono promereri 
» principio », dit la première (1), et la seconde : « Ilumilis 
» Cenomannorum episcopus //., A. suse dominœ atque 
» dilectXy honos eventus ex bono promereri principio (2). » 
11 semble donc qu'on doive, à moins de preuve du contraire, 
reconnaître dans la personne nommée A. par ces deux 
adresses la même correspondante. 

Beaugendre tient pour Agnès, fille de Guy Geoffroy 
comte de Poitiers, veuve en premières noces d'Hildefonse 
roi de Castille et en secondes noces d'Hélie comte du Maine, 
à qui elle fut mariée un an ; il dit qu'elle se retira alors 
dans un monastère, mais sans indiquer lequel, et sans nous 
apprendre d'où il a tiré ce renseignement, dont je ne trouve 
nulle part confirmation. Il donne encore comme argument 
cette expression de l'auteur, « snse dominx, sa souveraine », 
c'est-à-dire la femme de son seigneur Ilélie, mais celte 
interprétation littérale d'un terme honorifique n'est pas 
justifiée. 

Je préfère Adèle ou Alice (3), comtesse de Blois, avec qui 
Hildebert correspondit en vers (4) et en prose (5), pendant 
qu'elle gouvernait au nom de son fils, et qui se retira au 



(1) En plus de cette suscription, A : Congratulatio mulieri. — Rome : 
Cuidam dominœ. — Rouen et Londres (Cotton. et Roy.): A. œmitissœ. 

(2) A, D : Cuidam feminœ quœ, ctim esset luror fnilitis, etc. - Rome, 
171 : Cuidam dominœ. — R/i : A. œmitissœ. — Arsenal: A. rcginœ 
Anglorum. 

(3) Adela^ Adclais, Aalis, Alix. 

(4) B. Ilauréau. Mélanges poétiques d*Hildehcrty pp. 130 et 204. 

(5) Voy. le paragraphe suivant (3" série des lettres). 



— 200 - 

couvent de Marcigny près Cluny , en 1122. Je serais 
disposé à lui rapporter également deux lettres d'une 
attribution douteuse, Quoties qux (1) et Confidimus (2), 
dont la première s'adresse à une comtesse (le texte 
Taffirme ) (3) , et l'autre à une personne de haut li- 
gnage (4) qui ne peut être Agnès , puisque celle dont 
il s'agit eut des enfants , et qu'Agnès n'a eu d'enfeints 
ni de son premier mari, ni du second. Bref, Tordre 
des lettres à Adèle semble devoir être établi de la 
façon suivante : 

1® Egredienti tihi de medio iiationis est contemporaine 
du moment où elle vient de prononcer ses vœux. Elle a 
hésité, pour savoir si elle irait en Terre-Sainte comme feu 
son mari Etienne de Blois, ou si elle entrerait au monas- 
tère. C'est ce dernier parti qu'elle a suivi, et Hildebert l'en 
félicite. 

2® Quoties qux circa te aguntur audio, L'évêque a appris 
avec allégresse qu'elle s'engageait dans la voie des morti- 
fications et des luttes contre soi-même ; il lui fait le tableau 
des vertus chrétiennes d'après saint Augustin, il lui trace 
un idéal de conduite. 

3<» Confidimus in Domino. Plus sûr de l'attention de sa 
pénitente, il reprend la leçon et la développe ; il insiste sur 
les dangers de l'orgueil, le plus rebelle des péchés. 



(1) A, D, B/4, et Londres (Cotton. et Roy.): A. sanctimoniali, — 
Londres (HarL) : Congratulât io de conversione cujxisdam comitissœ. 

(2) K/2, Ars. : Ad vidiiam. — A, D, et Rouen, Rome : Ad A. viduam. 
— Londres (IlarL), Oxford : A. comitisfœ. — Londres (Roy.) : Adenordi 
(pour Adelaidi, Alice?). 

(3) « De splendidissima et constipata cuneis obsequentium comitissa 
humilem monacham... » 

{\) « Kœquentatas a cunis delicias, obscquiorum diligentiam 

Ccoteraiiue oninia, (iiue tibi... liccntia potestatis aut fastu generis vel 
cognationis acces.serunt. » 



- 201 - 



4" Quod te Dominam appello (1). Adèle a fait de grands 

ftprogrès dans la voie de l'humilité, elle s'est initiée ii 

fesprit monacal. Ausai le langago du directeur est plus 

mystique. Il ne lui parle plus de son titre de comtesse, 

mais lui dit qu'elle a été la femme d'un chevalier, d'un 

Wldat : militis, qu'il oppose à son nouvel époux, le Roi du 

tiel (2). a Si je vous appelle Madame, lui explique-t-il 

» encore, sactiei! que cela est -.m elTet de votre mérite (3)... 

B> L'épouse de mon Seigneur (le Christ) est ma Dame i... 

■Plus loin, il ne craint pas de la mettre en parallèle avec les 

[randes pécheresses, et, comme elle avait été jusqu'à se 

K^emander si elle était digne de servir Dieu, il la rassure et 

i console. 

A cette catégorie appartient une autre lettre de môme 

Voature, Caudium mihi exuberat, qui est parfaitement 

ft-lnonyme (4), Beaugendre déduit des paroles de la fin, 

Kt filiae et aoroyes litas ex nostra parle aaluta g, que 

^la correspondante est ici une abbesse. Cela est vraî- 

Bserablable, et même que l'initiale de son nom soit une 

I,, comme on le voit dans un manuscrit de Londres et 

somme Beaugendre a pu le lire dans un des siens, mais 

lous ne conclurons pas qu'il s'agisse de Matliilde, petite- 

nie d'Hélie et veuve de Guillaume Adeling ; car celle prin- 

isse ne devint abbesse de Fontevrault qu'en 1150. 



[.(1) Appellan 

BC. tV, Vi 



ir Téreiice (Heeijra, 






.. Hune eiden- smpe optabamu» die\ 






le appeltaret palrein. 
i vceux le jour oi 



n petit 



: ... Combien iiotis avons appelé de n 

e viendrHit (e numiner son père 1 * 
, (S) • Ad Hejjis umplexus de cubiculo militis troducla es... ■ 
I ÇS) Au sens ItjL'iilogique ; na que Tait la créature d'ello-iuéine pour 

T au-devunt do lu grâce divine. 
\ <4) A, : Ejihortaluiadreliguaam. — Home, 17i . Caidam abbatiua.: 
•- Londi'eH(iloy.>: il. abbaliasiK. 



— 202 — 

Tout ce qu'on peut dire de Consideranti mihi votxim 
tuum (1), c'est qu'elle s'adresse à une vierge. 

Enfin, citons la lettre Célèbre solatium (2), qui nulle part 
ailleurs ne trouverait sa place. Hildebert y console une 
religieuse, victime de la calomnie, et lui promet d'exposer sa 
cause au pape Innocent, à son passage dans les Gaules. Or, 
il le vit à Fleury, Orléans, Chartres, Étampes, en janvier 
1131 ; cette lettre est donc d'environ décembre 1130. 



TROISIÈME SÉRIE 

Lettres concernant les rapports d' Hildebert avec les maisons de BloiSy 

d^A)%jou et d'Angleterre (3). 



78 
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91 



) 



Elles sont adressées à : 
Adèle, comtesse de Blois. 

Guillaume le Roux. 

Mathilde, 

reine d*Angleterre, 

femme d'Henri l*^. 

Henri I*s d'Angleterre. 
Adélaïde, 

2« femme d'Henri !•'. 
Mathilde, fille d'Henri I". 
Henri I*% d'Angleterre. 
Geoffroy le Bel. c»« d'Anjou. 



Absentia mariti. 

Absentia manti. 

AttritsR frontis. 

Cum viderit lilteras. 

Audita per prœsentium. 

Locorum vel tetnporis. 

Gratulor Honori Txio. 

Difficile est discrète, 

Cum bene multis imperes. 
I Cum sitscepetHs hanc. 
( Transfretare tibi. 

Nota loquor. 

Exspectans exspectavi. 

Ad memoriam BeatiJacobi. 



1101. 

1103-4104. 

1100. 

1100. 

1100-1118. 

Id. 

Id. 

Id. 

déc. 1120. 

1123-1127. 

1125-1127. 

1129. 
Fin 1131. 
1131-1133. 



PP. HF. 

PP. » 

PP. » 
Engl. histor 

PP. » 

PP. » 

PP. > 

PP. n 

PP. » 

PP. » 
PP. Alford. 

PP. » 

d'A. HF. 
PP. D. HF. 



1,3. 

m, a 
m, 2. 

. Review 
III, 11. 
m, 12. 

I, 7. 

I, 9. 

I, 12. 

I, 14. 

I, 18. 
ni, 14. 

II, 46. 
I, 15. 



(1) Grenoble : Cuidam inclusœ. — A, D, B/4, F, et Ars., etc. : A. 
reclusm. — F. l. 2915 : Athalisœ reclusœ, — Bruxelles : Abbatissœ 
reclusie. 

(2) A/2: Moniali confortatio. — Douai : Ad quamdam cibbatissam. — 
Home, 169 : A. abbatissse. 

(3) Pour les abréviations, voyez la note au tableau de la première 
série. 



- 203 — 

Les lettres de la troisième série représentent l'apport de 
noire Hildebert à l'histoire des cttmtes de Blois et d'Anjou 
et à celle des rois d'Angleterre, alors mêlées l'une à l'autre. 



Lettres 78 et 79. — Nous retrouvons la comtesse Adèle, 
dans la période de sa vie qui précéda la retraite dont il vient 
d'être question. 

C'était la lîlle de Guillaume le Conquérant. Son mari 
Etienne, comte de Blois, était parti à la croisade avec 
Kobert de Nomiandie ; il assistait en 1097 au siège de 
Nicée où il se distingua, puis il manqua de constance 
il Anlioche et quitta l'armée honteusement. A son retour, 
sa femme n'eut point de cesse de lui reprocher sa lûcheté, 
qu'il ne reprit la mer ; il repartit (llOi) et mourut en 
Terre-Sainte l'année suivante. Adèle, régente du comté 
de Blois, continua à gouverner au nom de son flls cadet, 
ayant déshérité t'alné, qui fonda une autre maison, celle de 
Sully-Champagne ; elle finit par se retirer dans un mona- 
stère (1132). Dans sa lettre à la comtesse prenant le voile (1), 
Hildebert insistîiit sur les dangers du péché d'orgueil ; on 
voit que ces exhortations n'étaient pas superflues, a'adres- 
sant à une femme qui avait si prestement renvoyé son mari 
pour continuer de commander à sa place, et déshérité son 
Ois aîné comme trop pou maniable. 

Les lettres h Adèle (2) dont nous devons nous occuper 
ici, commencent toutes deux par la même phrase : « Abeentia 
mariti taboriùsior tibi cura consulaius incuhuit. > A en 
juger par ce préambule, elles auraient été écrites du vivant 
et en l'absence d'Etienne, c'est-à-dire en 1096 ou 1097, IIM 
ou 1102 ; c'est ce qui se ti'ouve confirmé, pour la première, 
, par l'examen du texte. Hildebert y félicite la comtesse du 
I talent qu'elle déploie dans ie gouvernement de ses Ëtats, et 

(1) Confidunu» in Dominn (»' TJ|. 

(3) Douai: Ad •luamdam Boinitiaiam. — A, U, B/4. E/2, et .\rs.. 
' I. — Htuxelles: iieyiriie Aiujlonitii. 



— 204 — 

la loue aussi des qualités toutes féminines par lesquelles 
elle est sûre de plaire toujours à son mari. 

Dans la seconde lettre il lui demande une escorte, 
conductum^ pour se rendre au concile, s'autorisant dans sa 
requête de ce qu'elle avait accordé pareille faveur à Yves 
de Chartres. De quel concile voulait-il parler? Celui de Poitiers 
en 1100, suppose dom Piolin(l), et cet auteur explique 
que c'était la pénurie extrême de l'église du Mans, consé- 
quence de l'invasion normande, qui avait déterminé l'évêque 
à cette démarche. Beaugendre avait songé plus naturelle- 
ment au concile de Troyes, en 1104 , car les domaines 
d'Etienne s'étendaient de Chartres jusqu'en Champagne, 
dont le comte régnant était son frère ; mais comment 
justifier l'expression : « en l'absence de votre mari » ? 
Au moment du concile de Poitiers, Etienne résidait dans 
ses États, et, lors du concile de Troyes, il avait cessé de 
vivre. 

La question est résolue par les textes. En effet, nous 
possédons la lettre où Yves de Chartres (2) sollicitait la 
faveur d'une escorte, par l'entremise du cardinal - légat 
Richard, évêque d'Albano. Cela se passait au printemps 
de 1104 ; un concile était convoqué à Troyes pour donner 
l'absolution à Philippe I®»", qu'on croyait disposé à rompre 
ses relations criminelles avec Bertrade (3), et Yves cherchait 
les moyens de gagner la Champagne sans s'exposer à la 
colère du roi, qui aurait pu se venger de son humiliation en 
mettant la main sur le prélat. Il est naturel qu'Hildeberl 
ait voulu profiter des mêmes sûretés. 

Quant à l'expression ahsentia maritiy nous croyons qu'elle 

(1) D. Piolin. Hist, de Véglise du Mans, t. III, p. 451. 

(2) Yvonisep.UX, à la fin. 

(3) Brial, dans la préface au tome XVI des Historiens de France : 
Docunnents relatifs à l'excommunication de Philippe I", p. xcii. Les 
projets de réconciliation n'aboutirent pas; on ne sait au reste si 
Hildebert se rendit à ce concile,, dont les chartes ne le désignent pas 
personnellement 



- 205 - 



Cril le tait d'un rfiinamement de la lettre, qui s'étend jusqu'à 
Ejiiseopo Camotensi. On remarquera en effet que le sens 
est parfaitement comi.ilet, à partir de ce point. Le préambule, 
imite de l'autre lettre Abnenlia mariU (1), fui ajouté posté- 
rieurement, soit par Hildebert quand il collectionna ses 
œuvres, soit pai- un scribe habile h contrefaire son style (2), 



rili, Inboriosioi- tibi cura cotisulatiie inculiuît. Ea eniro 
non mogis animo quam corpore ad divei-sn te demigrare coinpellil. 
Incertiia îgitur ubi locorum invenirem te, certusautem quod hunestntis 
olisËfiuia iibique invenirem apud te, domi residena ad daminatii litteras 
dedi, quaruni sumitia hœc est : 

Episcopo CarnotenEi conductum, sicut Fertur, provîdislï ad [:onciIitim 
protecluro. Qiiod si ita est, pnefatae gratis beiielicium niihi cammu- 
nices exoro. Sjrmmachus dicil : <i Ex usu venit, ut opem desiderantea 
ml suffragia probala confugiant. * Eaprcipler ad tuum patrociaium 
transvolavi, quie Iota super reminain, et exemplum virtutis es et 
instrumentum. Vlvunt in te Imiiœ aœdull reliquite, per quam et sexus 
reapiratad gloriam, et geniis etabentem retlncL dignitateui. Arguerer 
mcndacii, nisi cujiisque optimi mecum in hoc judicium conveniret. 



Lettre 80. — Quant à la date proposée par dom Piolin, 
elle est applicable à la lettre jlltrilœ/^ronljs (S), oti Hildebert, 
arguant de sa détresse, demandait instamment à la comtesse 
de Blois qu'elle lui fit cadeau d'une chasuble. Planeta, dit 
le texte ; car ces vêtements affectèrent à l'origine la forme 
ronde d'une planète, avec une ouverture au milieu pour 
passer la tète, et on commençait seulement depuis le 



H) Voy. partie de cette lettre au chapitre suivant. 

(S) J'avais songe â tourner l'expression, en la traduisant de tacon 
TnoÏDS llltérale : i en ral)3ence d'un mari, ù déraul de mari, les graves 
soucia du gouvernement retomtwnt sur vous. * Mais l'hypotlièee 
qu'Kildet>ert aurait employé deux [ois la même expression dans un 
sens ditTérent k la même place, n'est guère sa lisfai santé. — On peut 
encore se demander s'il connaissait à la lin de M(Q l'ûvènanient sur- 
venu vers le 1" juin de l'année précédente ; mais la bataille de Ramla, 
qui coûta la vie à Etienne, avait été assex désastreuse, pour que le 
bruit s'en répandit aussitôt en occident. 

(:i) A. D, B/t. E,'2: A. comilissœ. — M., .\rs., Iloiieu. el Oxford, 
■tome. — Douai : Ad reginaiii Atvjlorutn. 



— 206 - 

XP siècle à préférer les chasubles ovales, comme plus 
faciles à porter (1). 

Lettre 81. — Nous passons à la famille royale d'Angle- 
terre, et le moment est venu de placer la lettre à 
Guillaume le Roux, demeurée inédite jusqu'au i^^ avril 
dernier, époque où elle fut publiée dans VEnglish historical 
RevieWy avec une notice de Thonorable M. Gilson. 

Le savant bibliothécaire du British Muséum dit que c'est un 
document intéressant pour l'histoire des démêlés du roi d'An- 
gleterre avec le clergé du continent, et en particulier avec 
l'église du Mans, mais il ne conclut pas formellement que 
l'évêque ait réussi à éluder jusqu'à la fin les ordres de Guil- 
laume, touchant la démolition des tours de la cathédrale. 
Pour nous, qui avons longuement pesé les termes du récit 
des Gesta^ il ne saurait plus y avoir de doute ; la lettre est 
de 1100, et voilà bien le détail des négociations reconstitué, 
voilà bien les temporisations dont parle le chroniqueur, en 
disant qu'Hildebert sut les prolonger jusqu'à ce que le ciel 
intervînt en faisant périr le tyran (2). Notre prélat eut le der- 
nier mot : gloire à sa diplomatie ! On regrettera quand même 
qu'il ait rejeté misérablement sur l'assemblée de son clergé la 
responsabilité de la résistance, au lieu de l'assumer haute- 
ment. Postumius, général romain, après avoir souscrit sous 
les Fourches-Caudines aux conditions de l'ennemi, lui opposa 
ensuite, sous le prétexte des refus du Sénat, une fin de non 
recevoir, et s'offrit en holocauste pour la violation du traité : 
telle fut la tactique d'Hildebert, avec moins de dissimulation 
peut-être, mais aussi, hélas ! sans la fierté romaine. 

Voici la lettre en question : 

W. (Willelmo) D. g. regi Anglorum suoque domino charissimo, I. 
(Udebertus) Cenomannorum cpiscopus, salutcm et regnare cum 
Christo in sempiterniim. 

(1) Voy. Viollet le Duc, Dictionnaire du costume, au mol chasuble. 

(2) Voy. notre 1" partie, chapitre II. 



Cum ïiJeril lilleros meos dominus meus, attendol in litleris el 
lacrymas meas et siispiria mea dominus et consolalor meus ; nec 
exerceal in servo euo vim quam me meniisBe conliteor, sed ex clemen- 
lin mitigetur, qua nihil in principe gloriosius cet. Ouorsum aiiteni 
tendant bsac in promplu est. Uum îii nostrasynodo sîcut eoiisuetu- 
dinis est residerem, mulLsque attollerem pr^econiis illud precioaum 
vas, quod pro liuuiilianda turre mntrîs eccleBiii: ad reeondendum 
IleatiBsimJ Juliani corpus regia vestra UberaJilas promisit, magno 
afTectu eacerdolibua indioens ut unuaquisque in sua hoc perrochia 
pra^dicaret, plebesque suas docerent ijuam utiliter, domine mi rex, 
ecclesix vesiric provideritis, quantumque dninDiim et ecclesiœ et 
nnliis et vobia en prtedicta turre succreverit, tanla in noe orta est dis- 
seiiBJo, tantuni scandalum, ut fera plus quam quinge-iti sacerdoles 
synodum exirent, alleslantessenullam nobis ot>edientiam impenauros, 
nnltaiD eccleaiee reverentiam, ai ego, cujus est domum Domini tueri, 
eom ipae desiruerem, et exemplum deatruendi alias eccleaîas pne- 
berem. In eo etenim auctoritatsm amittebant et ipsi resislendi viola- 
toribus eccleaiarum Dei et bis qui, uulla coerciti diaciplina, nullo 
timoré commoti, passira et fréquenter in nostra diocesi ecclesias 
invBdunt, frangunt, ince[n]dunt, si ego hoc facere prsBumerem, quod 
ne lieret sub excommun icatione probibebam. Multi etiam eorumdem 
saccrdotum elemoayuas reportaverunl, quas contratrea et beneractores 
ipsi miserant ecctesice. Vïderunt hoc Hdeles viri, viderunt inquam et 
audierunt, quibus et quantis persuasionibua luciatus sum (1) lenire 
reclunianles, clumorem reprimere, nihiique perfecerini. Supplex igitur 
extendo manus tneas ad genua domini mei, rogalurus ut pro solo 
amore Dei et honore dignitatisregiiBBuam mulet sententiam.Provideat 
milii et ecclesieo Dei procuret ne vel ego auctoritatem perdam re^ia- 
tendi violutoribuB ecclesiarum Dei, vel ipsœ ecclesiœ tam Eublimem 
regem auœ principium senliunt destructionis. 

l'rietereo attendat dominus uullam ulinnde vim, nullam justiliam 
qiia reprimantur maleFuctores ecclesiarum Christi , niai ecclesiam 
vestram inatrem nostram, habere (2) , quic tiliabus suis quibus 
prodesae débet auxilio nocebit exemplo, si vobia in vestro placel 
proposito demorari. Ego quoque, solo nomlne Culurus epiacopus, 
nec in jaîoos nec in sacerdotes ecclesiasticam tueri potero censuram, 
cnm utrique nos non tantum viderînt non tutorem illius sed etiam, 
quod ad ordinis noairi ruînam pertingit, destructorem. Nulla itaque 
voluntate resistendi domino meo commotus, nulla suorum beneFac- 
lorum oblivione delentus, sed sola neceasitale et angustiia, qufe mihi 
multo majores quam dici posait eminent, coactus, iterum atque iteruni 
rogo ut audire me iligiietur, lacrymas meas aspiciat, velit servum suuro 
et tidelem suum non amittere auctoritateni ordinis sui, quem multis 



Jte 



- 208 — 

cognovi indiciis et laetari et velle me bene agere et per omnia sacri 
ordinis instituta conservare. Proinde quid me vel facere vel pati 
voluerit dominus meus eligat, mandet, pro certo habens, et tanquam 
si sub oculis suis sub sacrosancta ir.ysteria jurarem ratum eredens, 
quia, quicquid vel facturus sit iu me vel jussunis de me vel missurus 
me, nunquam fidelitati illius renuntiabo, nunquam de damno laetabor, 
nunquam quaeram, ratus fore mihi potius ut alicubi, tam procul ab 
hostibus suis et familiaritate et loco quam a regno suo, Deo serviam, 
animae me^ prosim, exspectem tam misericordiam Régis Angelonim 
quam clementiam Régis Anglorum. Regnet dominus meus in aeternuni. 

Lettres 82 à 85. — Les rapports d'Hildebert avec le 
successeur de Guillaume le Roux et sa famille furent moins 
troublés. Henri l^^ ayant épousé, au mois de novembre de 
l'année 1100, Mathilde, fille de Malcolm roi d'Ecosse, il 
adresse à cette reine les quatre lettres qui suivent. 

Audita per prœsentium latorem (1), dans les manuscrits 
B/2 et B/5, au lieu de se terminer comme dans Beaugendre, 
continue ainsi : 

De cetero, priesentium latorem, fratrem et filium nostrum Robertum, 
Tuœ Majestati commendo. Cujus si tibi placuerit obsequium, bene de 
te, nisi fallor, sedulilas merebitur obsequentis. Magna quidem postule, 
sed regina M. majora meritis impendere non desistit. Vale. 

Inter opes et delicias populique favores. 

Hoc animus recolat. hoc tua lingua sonet : 

Mors dominum servo, mors sceptra ligonibus sequat, 

Dissimiles simili conditione trahens. 

Ces vers sont dans Migne, mais parmi les « poésies 
mêlées » (2), sous ce titre : De Morte. On voit que l'auteur 
les avait composés pour la reine d'Angleterre, à la fin de la 
lettre Audita per prœsentium latorem (3). 

(1) « Humilis Cenomannorum minister Hildebei*tus, Mathildi venera- 
» bili Anglorum regina3. » 

(2) Carmina miscellanea. Beaug., p. 1364. Baluze, ms. 120, f. 298. 

(3) Et non Ad ilUiut stare dexteram, suivant le titre de Migne, 
car cette formule fait partie de la suscription. La citation complète 
serait : « Adstitit a dextris tuis regina in vestitu deaurato circumdata 
varielate (PsaL XLiv, 9). » 



— 201) — 

Locoi^m vel temporis incommoda (1) est un simple billet 
dans lequel il se félicite, pour lui-même et pour l'Église, de 
savoir la reine en bonne santé, et l'jissure que, en dépit de 
l'océan qui les sépare, il lui conservera le même dévoue- 
ment. Grattilor Hoiiori Tuo (2) est plus développée qu'un 
simple billet, mais ne dit rien de plus précis. Enfin, Difficile 
est discrète (3) nous apprend que la reine avait fait présent 
à l'église du Mans de deux candélabres d'or : l'évêque la 
remercie de sa générosité et lui explique, avec son talent 
ordinaire, le sens mystique attaché, selon lui, à ces objets 
sacrés (4). Mathilde, reine d'Angleterre, mourut en il 18. 

Lettre 86. — A la fin de novembre 1120 se place le 
fameux naufrage de la Blanche - Nef. Le fils d'Henri I^"^, 
Guillaume Adeling, sa belle-fille Mathilde (5), plusieurs autres 
membres de la famille royale, avec une suite de trois cents 
personnes, précédaient le roi, pour aller de Normandie en 
Angleterre. Cette jeunesse, au lieu de se garder, s'amusa 
étourdiment, et le navire sombra par une mer calme sur un 
récif. Hildebert adresse à Henri 1°^ une lettre de consola- 
tion (Cum, hene multis imper es) (6). 

Certains manuscrits (7) y joignent le développement qui 
commence par : Consideranti diligentiua ; d'autres en font 
deux lettres séparées (8). Il est certain que les considéra- 

(1) Bruxelles : Reginœ Anglise. — Rouen, Rome : M. reginœ. — A, D, 
B/4, E/2, : M. reginœ Anglorum, — Douai, Oxford : Mathildi reginœ 
Angliœ. 

(2) Mêmes adresses que la précédente. 

(B) (L Humilis Cenomannorwn sacerdos IlildebertuSy M. venerabili 
» Anglorum reginœ. » 

(4) La reine Mathilde fit également don à Cluny d'un candélabre tout 
revêtu d'or (Vacandard, Saint Bernard , p. 117) ; elle donna des cloches 
à Yves de Chartres (Foucault, Yves de Chartres^ p. 7i). 

(N) Henri I«r eut dans ses proches trois femmes du nom de Mathilde, 
Mahaut ou Maude : sa femme, sa fllle^ sa helie-fille. 

(6) Régi Anglonim. 

(7) B/1, BA B/4, B/6, D, E/1, E/2. 
<8) A/1, A/2, AA B/2, B/5, C, I. 

14 



— 210 - 

lions de la première partie sont déjà suffisamment longues, 
et qu'il n*est guère de circonstance, pour un homme 
accablé de douleur, d'aller lui expliquer doctement la 
dilîérence qui réside entre l'homme et l'animal ; néanmoins, 
cela fait une suite à l'exposé des conséquences du péché 
originel, et, si la dissertation se traîne, le début de la lettre 
n'est pas moins froid et déplacé. Disons à la décharge 
de notre raisonneur, qu'il s'acquittait d'une besogne officielle 
et ne croyait pas beaucoup aux démonstrations hypocrites 
du roi. 

Lettres 87 et 88. — C'était l'orgueil blessé qui saignait 
le plus chez ce prince. Ardent protecteur des biens de 
l'Église et jusque-là béni du clergé, il voyait avec dépit le 
peuple et les clercs murmurer tout bas que Dieu avait cessé 
de le favoriser, et que sans doute la feue reine, malheureuse 
par sa faute, avait jeté un sort sur son fils et sur lui. La mort 
de ce jeune homme et unique héritier du trône, en pleine 
mer, loin de toute sépulture chrétienne, n'était-elle pas un 
cliAtiment céleste ? Henri se remaria, pour avoir un autre 
héritier, en 1121, avec Adélaïde (i), fille de Geoffroy comte 
de Louvain. 

Cette princesse, ne lui ayant pas donné d'enfants, 
souffrit beaucoup, semble-t-il, de la part d'un homme aigri 
et qui ne l'avait épousée que dans ce but. Elle s'était plainte 
à révéque du Mans et lui avait demandé que son église, 
l'adoptant pour fille, lui fît une part dans ses prières. 
Déférant à ce vœu, il lui répondit par ce qu'on appelle 
une lettre d'affiliation, et lui remontra tout l'avantage 
qu'il y aurait pour elle, devant le tribunal de Dieu, à reporter 
sur les pauvres d'Angleterre ses affections maternelles (2). 

(1) Adelais. L'usage a conservé ici la forme savante Adélaïde au lieu 
de Alice, Adèle. 

(2) Home 169 et Londres (Roy.) : M. matronac nobilissimae. — A, D : 
Cuidam matronœ. — Douai» Poitiers : Ad quamdam matronam nobilis- 



Cum sutceperis se place entre 112.1 et H25, plus ou moins 
tfll selon que la reine se désespéra plus ou moins vite. 
Hildebert lui écrivit une seconde lettre de consolation, où il 
se qualifiait archevêque de Tours (entre 1125 et 1127 (1), 
Ti'ansfrelare). 

Lettre 89. — En 1127, Henri 1"'' trouva un biais ; il fit 
reconnaître pour son iiériLiêro sa fille Mathilde , dite 
^ I l'Emperesse > parce qu'elle était veuve de l'empereur 
L d'Allemagne Henri V, et donna sa main à Geoffroy le Bel, 
r comte d'Anjou. Cette union fut d'abord assez orageuse ; dès 
Via première année de son mariage, la comtesse se sépara 
ï d'avec son mari. Voilà pourquoi Hildebert, dans Nota 
Isloquor (2), demande à Malhilde, probablement réfugiée en 
iNormandie, de l'instruire de ce que l'on pense d'elle en 
I Angleterre et de la façon dont le roi supporte l'injure laite ii 
» fille (3). 

Lettre 90. — A l'assemblée de Northampton (8 ^'<-- 1131), 

comte d'Anjou obtint d'Henri I"' qu'il lui rendit sa 

femme, abandonnée par lui en 1129. Cette réconciliation 

it célébrée dans notre lettre Exipectam exspectavi (4), et 



r«tmam. — &.fi (en plua) : A comitiatimas <sic). — Beatigendre cite un 
ïiniuiuscrit de Saint-Victor qui désigne comme destinataire la reine 
[d'Angleterre, et le contenu île la lettre juslille assez celte attribution, 
Pnais pour Adélaïde, non pour Mattiilde. 

[i) HUdebertti* humilit Turonorum archiepiacoput. A.... Attgtorttm 
^ ret^twe... • 

(3) A, D ; FiliK H. régis Anglorum — Rouen : M. plue H. régi». 
■ QuLcquid a vobis accipiam de vobis, cerlius milii Tulurum est 
ï quant si ad aures roeas idipsum vulgi rumor prolulerit. Ex quo igilur 
uperï ventOB in vestruni ottsequcum aspirare, etatim litteraa ad 
g dedi, ratus advectum de Angiia , qui volunlatem re^is vobit 
I aperiret, quive declarararet quem alTectuin de conlumelia Rliee patrie 
• peclus Induerit. v Deaugendre a écrit nobie. qui n'a pas de sens. 

|4| t Dei gratta excellentiaitno régi Anglorum. ,, HildebefUta, Ivumilia 
» Taronorum archicpiaeopus... ■ 



— 212 — 

bientôt naissait un héritier de la couronne d'Angleterre, 
comme du duché de Normandie et des comtés du Maine ot 
de l'Anjou (1) ; c'est le futur Henri II Plantagenét, le père 
de Richard Cœur de Lion. Henri l^^ était arrivé à ses fins : 
il devait avoir de glorieux descendants. 

Lettre 91. — Geoffroy le Bel, soit que le caractère 
impérieux de « FEmperesse » lui rendît de nouveau sa pré- 
sence pénible, soit qu'il voulût expier les infidélités qu'il 
avait faites à sa temme et qu'il fût séduit par les grands 
exemples de pénitence dont le siècle abondait, songeait vers 
1132 à partir en pèlerinage pour Saint-Jacques-de-Compos- 
telle. Dans Ad memoriam Beati Jacofci(2), on le détourne de 
ce projet et on l'invite à fiùre plutôt le bonheur du comté 
d'Anjou par un gouvernement ferme et sage. 

Beaugendre place cette lettre en 1123 et la dit adressée à 
Foulques le Réchin, hypothèse déraisonnable à prendre sous 
cette forme, puisque Foulques le Réchin mourut en 1110. Le 
destinataire, c'est Geofi'roy le Bel Plantagenét. ïn effet, nous 
lisons : « Per munitiones ducis Aquitanoimm transitur^is 
es, eu jus tibi invidiam suscitasti, factus in expugnatione 
Toarci superior (3). » Or sans doute. Foulques le Réchin 
assiégea Thouars en 1104; mais de même, une ligue s'étant 
formée entre les vassaux du comte de Poitiers, savoir les 
vicomtes de Thouars, de Parthenay et de Mirebeau, pour 
profiter de la jeunesse de Geoffroy d'Anjou, en 1130, lors du 
départ de son père pour la croisade, Geoffroy s'empara des 

(1) Voyez le Tableau généalogique^ à la fui de la l""* partie. 

(2) A, D, et Douai, Poitiers, Fiome IG9 : ComiU Andegavenai. — 
Arsenal : F. Andegavensi comiti. — Rouen : Ad Fulconem Andegav. 
comilem. — Ces deux derniers se sont trompés ; notre hypothèse, 
appuyée sur l'Art de vérifier les dates, est d'accord avec l'opinion de 
Brial {Historiens de France, t. XV). 

(3) a U vous faudra franchii les forteresses du duc d'Aquitaine (^comte 
de Poitiers), dont vous vous êtes attiré la liaine en le battant au siège 
de Thouars. » 



— 213 - 

trois places, et notamment de Thouars. Cherchons d'autres 
indices. 

€ Nescis si renata sit in filio paternœ nota perfidiœ (1). » 
Il s'agit, croyons-nous, d'une perfidie de Guillaume VII, 
comte de Poitiers et père de celui qui régnait en 4130. 
Foulques V le jeune, élevé à la cour de France, avait été 
confié à Guillaume VII par le roi Philippe P% à Tûge de 
16 ans (1108), pour être remis à son père Foulques le 
Réchin, le grand-père de Geoffi'oy ; au lieu de reconduire 
le jeune homme à Angers, le comte de Poitiers l'emprisonna 
et ne le rendit à sa famille qu'en échange de plusieurs 
châteaux qu'il convoitait. Hildebert rapporte ces circonstan- 
ces pour engager le comte Geoffroy à se méfier des procédés 
de la dynastie poitevine, dont il devait traverser les États 
pour aller à Saint-Jacques-de-Compostelle. 

Dernière observation : il lui fait remarquer que ce voyage 
déplaira au « vénérable roi d'Angleterre ». Or, ni Foulques 
le Réchin, ni Foulques le Jeune, ne devaient pareille défé- 
rence à ce monarque ; il en était autrement du gendre de 
Henri I^"*. De plus, on voit que Geoffroy était alors disposé 
à tenir compte de l'opinion de son beau-père, et par consé- 
quent qu'ils n'étaient plus en guerre ouverte (2) ; la lettre 
se place donc entre 1131 et 1133. C'est une des dernières 
que nous possédions* de notre Hildebert (3). 

(1) c Êtes- vous bien sûr que la perfidie du père n'ait pas revécu chez 
le fils ?x 

(2) Outre le beau-pére de GeofTroy, il est aussi question d'un oncle ; 
serait-ce / maury de Montfort, le frère de Bertrade sa grand'mère ? 

(3) Il ne faut pas confondre (îeofTroy d'Anjou avec GeofTroy Grise- 
gonelle, comte de Vendôme, qui alla aussi à Saint-.Iacques-de-C()mpos- 
telle, s'il faut en croire le Cartulairc de la Trinité. (Édition de M. l'abbé 
Métais, no 447.) 



— 214 — 



QUATRIEME SÉRIE 

Lettres concernant Vhistoire du Saint-Empire et les rapports (THildebert 
avec la Papauté^ la France, la Bretagne (1). 

I. — Le Saint-Empire ; prise de Rome par Henri V. — Adressées à : 



92; 

i Un évêque italien. 



^ In lacrymis effluant. 
^ Nunquam felicius. 



1111. d'A. » U, 21. 
1111. d'A. Mansi. II, Si 



II. — Querelle avec la cour de France. — Adressées à : 

^ Etienne de Garlande. Doleo frater mi. 1125-1127. PP. » 1,16. 

95 Encyc. (se plaint du roi), /n adversis. Comm. 1126. PP. HF. II, 391 

96 Jean de Crème , légat. Ad vestrum in Franciam. Comm. 1126. d'A. HF. II, Zk 

97 ï „ . „ i Quantistribulationum, 1127. PP. HF. II, 38L 
^ 5 Le pape Honorius II. î ,. , ., ...^ ... ., ,,_ „ -- 

98 j *^ *^ ( Littet^as ad nos. Comm. 1129. d'A. Mur. HF. II, 4a 



III. — Affaire Nicolas-Raoul ; rôle de la Papauté. — Adressées à : 



99 Etienne de Montsoreau. Et vultum et diein. 



100) 
101) 
102 j 
1031 
104] 
105 



Le pape Uonorius II. 



Un prélat romain. 
Le pape Honorius II. 



Non dubitamus, 

Factum est. 

Usii pariter et necessitate. 

Noverit DUectio Vestra. 

Philosophus ait. 

Sicut de charissimo 



1125-1130. PP. • 



01,10. 



1127. d'A. HF. II, as. 

1127-1129. PP. HF. Il, ad. 
Id. \ Muratori U, 391 
Id. j (Anecd.)(2) m,38. 
Id. PP. Boch. (3) II, 4i 

Vers 1130. d'A.Mur.HF. U, 47. 



IV. — Affaires de Bretagne. — Adressées à 



.«- ! Le pape Honorius II. 
1071 



Beatitudini Vestrœ. 
Justum est eos. 



u,'da 



Fin 1127. PP.Concil.(4)S"'*" 

imm. W^. H*Aoh ?n,3B 



Conmi. 1130. d'Acli. 



(1) Pour les abréviations, voyez la note au tableau de la première série. 

(2) Muratori. Anecdota, III, 213. 

(3) Boche 1. Décréta EcclesiiE Gallicana?, p. VIII, t. 25. 
(i) l^bbe et Mansi. 

(5) F)om Morice. Histoire de Bretagne, Preuves. 



■iir. 



Lettre 92. — Deux lettres se rapportent, dans les rna- 
nusirits B* et D, àta prise de Rome par Henri V (1111), sui- 
vie de la capitulation ilu pape Pascal II, qui consentît i"! cou- 
ronner son vainqueur et ft lui abandonner tous ses droits 
dans la querelle des Investitures, pour reprendre ensuite 
sa parole et lancer l'excommunication contre l'empereur. 

De ces deux lettres, la seconde parait compléter la pre- 
mière, et, si elles sont toutes deux d'Hildebcrt, elles doivent 
avoir été écrites au même personnage, non point toutefois 
it Marbode, commr l'ont cru lieaugendre et M, Emau]t(l) 
en l'absence de toute rubrique. L'auteur félicite son corres- 
pondant de ses vers, il l'appelle un « Orphée » el un « David », 
mais cette louange tjanalc^ a pu s'adresser h n'importe quel 
rimeur. Or Hildeberl dirait-il à Marbode en parlant de l'em- 
perour, roi des Komains: c donimum tuum »? En quoi 
Henri V était-il le maître de ri5vèque de Rennes ? Cette ex ■ 
pres.'tion ne peut concerner qu'un membre du clergé d'Alle- 
magne ou d'Italie, d'Italie plutôt, si l'on songe aux cruelles 
pai'oles par lesquelles est fustigé ici le peuple germanique (2). 

Mais, cela posé, la suite des idées n'est pas facile il 
reconstituer. Il faudra admettre que le clerc ou prélat, quel 
qu'il fût, avait fait l'éloge d'Henri V avant que survinssent 
les derniers événements. En effet la première lettre présu- 
mée d'Hildebert, In lacrymis, renferme ceci: € ....Ad 
t tiidos (;t) iteram tu volueram ej:ltortitTÎ, sud commuiiis 
t omnium litclus 'jaudium impedil siitgulare.... Ecce enim 

> iiuem heri laudum prœconiis extotlebas.... duahus alii- 
B gatur /lo^ttiis, qualia net; i'k getilibua sunt audila. Quia 

> enim poleat prueter euin inveniri, qui paires suas, apiri- 
» tualem pariter et camalem, siibdota ceperit fuctione'l » 
Ce prince avait détrôné son père, et c'était à Tinsligation 

(l)Erriaull. Moi-boii', (i. ». 

(S) Civitas Romanorum.... crueiilis f^axoriuni iJireptionlliaB 

protanatiir.... (ierinaiiorun) cruda tMtrbnrîes.,.. « (In tacryurit.) 
13) D : ludas, — B/i et Beaug. : laudes. 

If 



— 216 - 

du Pape, qui expiait maintenant sa mauvaise îiction. 
Si l'Italien avait composé Téioge d'Henri V, c'est qu'appa- 
remment il avait adopte son parti, le jugeant supérieur à 
son père Henri IV, et avait cru devoir expliquer la conduite 
de ce fils ingrat. Depuis, notre rimeur a changé de mode ; 
il a traîné aux gémonies sou héros, il a exalté le Pape dont 
Henri V est devenu l'ennemi ; et c'est Hildebert, tout à 
l'heure si zélé pour flétrir l'empereur, qui se dérobe cette 
fois et répond avec quelques ambages : voilà du moins ce 
qui résulte de la seconde lettre. 

Nunquaiii felicius ad desiderium meum sortis adversae respondit 
asperilus, quain cum milii de Papa, de rege et Romanis iamentatiun- 
culani (1) conscripsisti. Adeo namque me, chare meus, pagina tua 

nodis cujusdam necessitatis astrinxerat, ut si ad ejus priraum 

vellcm iin|:>etum respondere, aut tecum, quod non véllem, regem Saxo, 
nem acctisarem, aut contra te, quod non deberem, illam domi forisque 
notissimam gratiam laederem charitatis ; inter bas ergo jactatus an- 
gustias,.... cum nec contra dominum tuum ducerem assentari [tibi], 
neo propter amicum honestuin (2) refellere quod dicebas, longius 
mecum quid agerem pertractavi 

Ainsi, il répugne à entrer dans les nouvelles raisons 
de son correspondant , pour ne pas accabler Henri V , 
qu'il a si peu ménagé dans sa précédente lettre, et que, on 
ne sait trop pourquoi, il hésite à accuser dans celle-ci 

Cette explication est obscure. Tout s'éclaircit au contraire, 
si on admet, avec M. Sackur (3), que la première n'a pas 
été écrite par Hildebert, mais à lui adressée. Rien de plus 
commun dans les manuscrits que l'introduction, parmi les 
lettres d'un écrivain, de celles de son correspondant. Qu'on 
veuille bien reprendre maintenant le début de In lacry- 
mis. L'expression « ad ludos te volueram exhoHari » 

(1) D : lamenlaliunculam. — B/4 et Beaug. • lamenta quœdam, 

(2) I) : honestum. — B/4 : honestatum. — Beaugendre a beaucoup 
altéré tout le début de cette lettre. 

(3) Voy. nos Addenda. 



~ 217 — 

désigne les occupations littéraires, passe-temps habituel 
de révoque, et qui doivent céder le pas à des préoccupa- 
tions plus sérieuses dans l'heure présente. Il faut admettre 
qu'Hildebert avait été favorable à Henri V,. qu'il avait fait 
son éloge soit dans une lettre, soit dans une poésie: « quem 
heri laudum praeconiis extollebas » ; cela explique que, 
recevant la lettre Jn lacrymis, cette condamnation passionnée 
de l'empereur , cette lamentatiuncula où il reconnaissait 
malgré lui beaucoup de vérité, il ne se décide à écrire sa 
réponse, Nunquam felicius , qu'après que l'événement a 
tout à fait condamné son ancienne opinion et celle des amis 

du pouvoir impérial: « Nunquam pertractavi. Sed 

ecce^ cum veriias aperitur^ et erumpit in lucem cano- 
num rigoTy disciplina justitix, schola virtutum^ et iniquita- 

lis est si non respondeo^ et livoris si non coUaudo i^ 

Ainsi, les exclamations, les anathèmes de In lacrymis ne 
sont pas de lui ; en revanche, il est de lui, le langage lin et 
nuancé de l'autre lettre, où il plaide à charge et à décharge 
la cause du pape Pascal II. Il aurait voulu le voir plus cou- 
rageux, plus fier; il ne trouve pas que le beau rôle soit tout 
à fait de son côté ; mais enfin, l'issue du duel a prouvé 
l'excellence de la tactique et des intentions de Pascal II. Le 
Pape a offert de se retirer si l'Église trouvait à reprendre 
dans sa conduite, la chrétienté l'a absous dans un concile 
solennel, et Hildebert entonne un chant de triomphe en 
l'honneur de son chef (1112). 

Lettres 93 à 106 (1). — Nous sommes arrivés au terme de 
notre revue. Il a été suffis? mment parlé des lettres 93-97 
concernant la querelle de l'église de Tours avec la cour de 
France, et 98-104 qui traitent de l'affaire Nicolas-Raoul, 
conséquence de ces difficultés. Nous avons seulement à 
expliquer la présence, parmi les premières, de Doleo fraler^ 
et de Et vultum et diem parmi les secondes. 

(1; Sur ce numérotage, voy. Addenda. 



- 218 - 

Beaugcndro avait publié la lettre Doleo frater{\)ix côté de 
Qiianto desiderio, en soutenant qu'elle était, comme Taulre, 
adressée à Etienne de Garlande. Les auteurs de V Histoire 
liltéraire Vivent ol»server qu'un galant homme ne pouvait 
avoir poursuivi de pareilles invectives, dans la prospérité, 
celui qu'il devait plus tard consoler amicalement dans son 
malheur : mais dès lors que Quanto desideriOy nous l'avons 
vu, n'est pas l'œuvre d'Hildebert, rien n'empêche de supposer 
que Doleo frater ait été destinée au ministre dilapidateur des 
biens et dignités de l'Église ; car celui qui est incriminé parait, 
d'après les termes de la lettre, avoir été un puissant per- 
sonnage (2). Ce serait Etienne de Garlande, dont le prélat 
n'eut guère à se louer, et qui fut pendant huit ans une sorte 
de vice-roi en France. 

Quant à Et vultum, cette lettre est intimement liée au 
procès du doyen Raoul et aux rapports d'Hildebert avec la 
Papauté, puisqu'elle est adressée à Etienne (3), celui-là 
même qui devait accompagner l'accusé pour le défendre au 
tribunal de Rome, s'il n'avait été frappé par la mort, comme 
le témoignent Noverit Dilectio et Justum est eos, qui est de 
1130. Etienne de Montsoreau, qui avait probablement une 
charge dans l'église de Tours, paraît avoir été Thomme de 
confiance d'Hildebert et son négociateur préféré près la 
cour pontificale ; la lettre que l'archevêque lui adressait en 
apprenant qu'il était revenu sain et sauf d'Italie, quelque 
temps avant c;tte année 1130, témoigne d'une ardente 
sollicitude et d'une sincère amitié. 

(1^ A, I): Cuidam ut a flagUns désistât. — Hruxelles : Cuidam 
magnati. — Londres (Flarl.) : Ad eumdem (Henri I»»", roi d'Angleterre!). 

(2) '< i)e familiaritate priiicîpum glorianti... palatina3 licentia clien- 
toiiii.... In diibium venit magisne populus in te Thrasonis gloriam 
fastidial, an crudelitatem Dionysii detestetur, etc.... » 

(.{) Ad S. lioma reversnm. — Arsenal : Ad Stephanum Roma reversum. 



.1 



— 219 — 



CHAPITRE III 

LES LETTRES AU POINT DE VUE DE LA 
GRAMMAIRE ET DE LA LANGUE 



§1. 



On a pu se rendre compte, par les citations que nous 
avons faites, qu'Hildebert ne parlait pas le pur latin de 
Gicéron ni même de Sénèque. Le quod remplaçant la 
proposition infmitive ( quand ce n*est pas quia , quo^ 
niam) , le verbe fado construit avec Tinfinitif , la sup- 
pression du subjonctif dans quantité de propositions com- 
plétives où il trouvait place, à la belle époque, le plus 
légitimement du monde, le si conditionnel se confondant 
avec le si interrogatif ou dubitatif, omnw pour totusy 
prœjudicare au sens de « préjudicier » etc., sont autant 
de péchés mignons que les latinistes qualifient de solé- 
cismes ou d'impropriétés. 

Voici un début de lettre qui n*en est pas dépourvu : 

TimeO) charissime f rater, timeo quod negligentise arguas me, 
qui, toties rogatus ut miracula quae in Exoniensi ecciesia Dominus 
operari dignatus est juxta fldem destinati mihi exemplaris adno- 
tare non tsederet , satisfacere tibi diutius distuli. Unde et opus 
flagitatum non gratis exarasse me accusabis , quod et diuturna 
exspectatione et innumeris precibus comparasti. Quippe, juxta philo- 
sophum, non tulit gratis qui, cum rogaret, accepit. Et quidem scio 
quia nullum vendit amicus obsequium ; libenter et cito subveivit. 
Nescit preces exspectare, sed, velut egentis vaticinetur voluntatem, 
praBvenit rogaturum... 

Ge style a de la fermeté. Assurément timeo quody scio 



— 220 — 

qiiiay sont plus français de tournure que cicéroniens ; mais 
quand La Fontaine, par exemple, écrivait : 

Vous m'êtes, en dormant, un peu triste apparu (1), 

ne se mettait-il pas en opposition avec les règles strictes de 
notre grammaire? De même, plusieurs des beautés de 
Corneille sont des latinismes. A l'inverse de nos classiques 
qui, en écrivant le français, n'oubliaient pas leur latin, ne 
sera-t-il pas permis à un prélat du XII® siècle de laisser 
pressentir dans sa prose latine les constructions de 
phrase de l'avenir ? Certes, nous ne donnons pas Hildebert 
pour l'égal de nos grands écrivains ; nous demandons 
seulement qu'on ne soit pas trop sévère pour un langage 
de transition. 

Au surplus, pour en revenir à la lettre que nous venons 
de voir, Hildebert a écrit non pas distuli^ mais distulerimy 
qui vaut mieux. Les manuscrits et l'éditeur de la Maxima 
Bihlioiheca Patrum fournissent la bonne leçon, et c'est 
Beaugendrequi prête à notre auteur cette incorrection. Cepen- 
dant, le texte de 1708, hâtons-nous de le dire, est bien meil- 
leur pour les lettres que pour les poésies (2). Prenons donc 
pour base cette édition, reproduite par Migne (3), et, la 
confrontant avec les manuscrits, signalons, outre les fautes 
à effacer, de petites rectifications de détail qui achèveront 
de donner au style tout son lustre et en compléteront le 
charme. 

i, i. Conversione. — En tête de: « Conversione et conver- 



(1) Les deux Amis. VIII, il. 

(2) Fautes relevées par M. B. Hauréau dans son livre sur : Les 
Mélanges poétiques d' Hildebert de Lavardin. 

(3) Palrol. lat.y t. CLXXI. — Il faut tenir compte aussi de quelques 
erreurs commises, lors de la transcription dans la collection Migne, par 
le chanoine Bourassé. 



— 221 - 

satione tua laetatur et exsultat anima mea », Beaugendre 
ajoute, de sa propre autorité, la préposition De, A quoi bon ? 
Est-ce que la construction donnée par les manuscrits (1), 
pour rester éloignée du français, n'est pas aussi latine ? Le 
De ne serait pas une faute, mais il est au moins inutile. 

Quarante lignes plus loin (2), < citra profectum proficit, 
— il progresse à rebours » serait une expression paradoxale, 
fabriquée en vue d'une grossière consonnance, mais les 
manuscrits (3) donnent : « citra perfectum proficit, — il 
progresse, sans aller jusqu'à la perfection. » 

/, 4. Quoties. — Il s'agit de l'Esprit malin. Au lieu de 
€ Gloriam vero, quam ex Gratia habuit et quant omnibus 
» invidet, aniisit superbia (4) », je lis : « Gloriam vero quam 
» ex Gratia habuit, amisit superbia : quam omnibus invidet. » 
11 y a à cette correction un double profit. D'abord, la conjonc- 
tion et, employée devant le relatif, ne serait pas de la meil- 
leure latinité ; quam se dit beaucoup mieux pour et eam. 
Ensuite, la leçon des manuscrits respecte l'ordre des idées : 
Satan perdit la Gloire par son orgueil avant de l'envier aux 
élus. 

/, 5. Egredienti. — « Laudans Deum et glorificans quod, 
» Agyptiacam adversans servitutem, ad terram promissionis 
» iter assumpsisii (5). » Le participe présent du verbe 
déponent serait avec avantage remplacé par le participe 
passé adversata (il s'agit d'une femme), et l'indicatif assump- 



(1) Sauf par B/3. 

(2) Col. 142-3. Le premier chiffre indique le numéro de la colonne 
dans Migne, et le second dans l'édition de 1708. (Notre 55.) 

(3) Sauf C. -- F : citra profectum per fiait. 

(4) Col. 147-9. (Notre 72.) 

(5) Col. 148. - « Louant Dieu et le glorifiant de ce que, après avoir 
fait face à la servitude en Egypte, vous avez entrepris le voyage de 
la Terre-Promise. » (Notre 71.) 



— 222 — 

sùtiy dépendant de quod, constitue une grave faute contre 
la syntaxe. Mais ne nous hâtons pas de condamner Hildebert ; 
les manuscrits donnent, en effet : adversata ; de plus, ils 
intercalent, entre Deum glorificans et la conjonction, ce 
membre de phrase: [cujué miserationis est] quod etc.... 
« Dieu, dont la miséricorde a voulu que... » Ainsi, la pro- 
position complétive ne dépend pas aussi étroitement du 
participe, il y a un repos dans l'enchaînement des idées et 
rindicatif peut se maintenir. 

Je ne sais, au reste, mais il me semble voir dans cette 
addition une finesse de pensée qui a échappé à Beaugendre. 
On ne remercie pas Dieu de ce qu'il a fait telle ou telle 
chose ; on ne le paye pas de ses dons par la prière, comme 
par un salaire : on le glorifie simplement, et il se trouve 
que ce même Dieu, que Ton glorifie, est celui dont la miséri- 
corde a voulu que etc.,. Il semble que la relation soit moins 
étroite ainsi de la demande au bienfait et du bienfait à 
l'obligation ; on laisse intervenir, entre la dette à recon- 
naître et le remerciement, un mot qui exprime que l'acte 
divin est gratuit, de pure miséricorde. Hildebert avait déjà 
dit (1), avec le subjonctif: < Ulum prosequens actione 
» gratiarum, cujus muneris est quod nunc tandem philo- 
» sophari decreveris », et saint Bernard écrira, non sans 
quelque mièvrerie : « Oportet autem beneficium, ut vere 
» sit, esse gratuitum, Danti itaque rependi quidquam 
» gratius ab accipiente non potest, quam si gratum habuerit 
» quod gratis accepit (2). — Il faut que le bienfait, pour être 
» véritable, soit gratuit. Tout ce que l'obligé peut donner 
» en retour de plus gracieux à celui qui l'oblige, c'est de 
» rendre grâces pour ce qu'il a reçu gratis (3). » 



(1) Conversione. 1, 1. (Noire 55.) 

(2) S. Bemardiep. 181. 

(3) Effacer aussi, dans I, b, le eo credidi. — Ego credidi, donné 
par les manuscrits et par Tédition de 1708, est la vraie leçon. 



— 223 — 

i, 6, Quod te, -— Plusieurs petites rectifications s'impo- 
sent (1). Dans la citation dlsaïe (2), « a timoré tuo defecimitë 
» et doluimus et peperimus, spiritum salvationis fecimus 
]b super terram (3) v, on substituera à de fecimus : conce- 
pimus ; de sorte que la phrase, au lieu de dire « nous avons 
renoncé à te craindre et nous avons enfanté )>, signifie au 
contraire : « parce que nous craignions le Seigneur, nous 
avons enfanté. » 

Au lieu de « operarios qui circa undecimam horam 
» vénérant pares illis in praemio legisti qui portaverant 
» pondus diei et œstus (4), — les ouvriers qui étaient arrivés 
» à la onzième heure furent, vous l'avez lu, récompensés 
» pareillement à ceux qui avaient porté le poids du jour et 
» de la chaleur », nous lirions volontiers avec A^ (5) : porta- 
vimus. Cette expression a quelque chose de plus délicat ; la 
citation est par là mieux fondue dans la couleur générale 
du style de la lettre, qui est fort gracieux. On interprète 
alors : Ceux qui ont porté le poids de la chaleur de midi, 
c'est nous, les vieux serviteurs, les ministres classés et 
attitrés de Dieu, et nous ne ferons pas entendre un murmure 
si la justice divine fait passer avec ou avant nous une 
pécheresse repentie de la dernière heure. 

Enûn, « in bonum proficiet quidquid bona terra cordis tui 
conceperit a timoré Domini Dei tui cultoris ejus (6) » est 
plus grammatical que concepit ; les deux futurs s'appellent 
l'un l'autre, en grammaire comme dans les manuscrits. 

(i) D'après les mss. et l'édition des PP {Maxima Bibliotheca Patrum). 

(2) Isai. XXVI, 18. — La citation d'Hildebert n'est pas littérale. 

(3) Col. 151-13. (Notre 74.) 

(4) Col. 152-14. (Notre 74.) 

(5) Les autres manuscrits donnent : portauerant mais l'autorité de 
Â/1 est considérable, bien qu'il faille tenir compte de l'adage : « testis 
unus, testis nuUus. a 

(6) Col. 152-15. — B/3, B/4, B/6, D, E : concepit. — A, B/l, B/2, B/5 : 
conceperit. 



- ^224 - 

/, 8. Sancix. — Au texte imprimé « equus, cum bene 
» ciirsat, plurimum tamen clamoribus exhortatoriis adjii- 
» vîitur (1) », je substitue : « cum bene curral^ — le cheval, 
» même quand il court bien, est beaucoup aidé par les cris 
» d'encouragement. » Cum, au sens de « quand même », 
gouverne plutôt le subjonctif, et il est inutile de soustraire 
Hildebert à un usage qu*il n'avait pas cherché à enfreindre. 

« Voluntate potius quam [ex] necessitate sustinetur (2), — 
» c'est la volonté qui la supporte (cette servitude), plutôt 
x> qu'on ne la supporte par nécessité. » La préposition ex 
rend sensible, aux yeux et à l'oreille, cette opposition de la 
force interne agissante qui est Nous à la contrainte subie du 
dehors. 

Voici encore deux solécismes de moins à la charge 
d'Hildebert : « Cupiditas... hominem abducit, oblitum quam 
cum Deo et ex Deo haheat (non habet) dignitatem (3) », 
et plus loin : « Dici non potest quantas animas hoc frigus 
» astrinxerit, quorum prope consummatum ahruperit (non 
» ahimpit) cursum. » 

Nous ne garderons pas « in eis ministerium iniquitatis 
» operantem (4) », mais nous lirons : « in eis mysterium 
» iniquitatis operantem. » On peut opérer un mystère, quand 
on est inspiré de Dieu, mais on n'opérera jamais un minis- 
tère, parce que la langue s'y oppose ; on se sert seulement 
du ministère de quelqu'un pour opérer quelque chose. La 
Concordance de la Bible confirme en ses extraits notre 
correction. 

/, iO, Confidimus. — A erectué (5), je préfère : evectus, 

(i) Col. 150-49. ~ Dans tous les manuscrits : currat. (Notre 28.) 

(2) Cependant, cette addition de ex n'est justifiée que par les ma- 
nuscrits de la famille A. 

(3) Col. 157-19. (Notre 28.) 

(4) Col. 159-22. (Notre 28.( 

(5) Col. 1G3-27. — Seul, D/l donne : erectua. (Notre 73.) 



— 225 — 

qui est plus précis, plus imagé, puisque le prophète Élie 
fut enlevé au ciel sur un char. 

« Vel honum facit esse vel miserum (1) » est à convertir 
en : « vel beatum facit.... » Bon appelle méchant; mais 
malheureux répond à heureux. 

/, i4. Cum susceperis. — A la place de « Beatus Gregorius 
» apparuisse refertur (2) », on préférera : « Beatus Gregorius 
» [eosdem martyres] apparuisse refert. » Saint Grégoire le 
Grand, pape de 599 à 604, ne figure pas ici comme un Saint, 
qui apparaîtrait à des fidèles ; il est Thistorien moraliste qui, 
dans une homélie, raconte un miracle d'un âge antérieur, 
pour l'édification de son auditoire. 

/, i5. Ad memoriam. — « Nescis si (non) renata sit in 
» filio patemae nota perfidies (3), — vous ne savez si la 
» perfidie paternelle n'a pas revécu chez le fils. » Il n'y a 
pas de non dans les manuscrits ; il faut introduire ne pas 
dans la traduction, notre langue le veut, mais, dans le texte, 
à quoi le non sert-il? Le latin s'en passe en pareil cas. 
Ainsi, la tournure de Beaugendre est plus française ; mais 
celle du manuscrit parait plus latine, et, pour cette raison, 
quand il s'agit de parler latin, nous croyons devoir la 
préférer (4). 

« Tuis itaque timorem relinques. si te juveni et ofienso 
committis (5)» est assurément plus latin et plus dégagé 
que « timorem relinqueresy si te... committis. » 

(1) Col. 176-43. — L'infinitif esse avec facit est incorrect. A la fin de 
la lettre, l'expression se représente, sous sa forme latine : « illa enim 
beatum te faciunt, hsec miserum. » 

(2) Col. 180-47. — La faute est ici à Bourassé. L'édition de 1708 et 
celles des PP. sont correctes. (Notre 87.) 

(3) CoL 18249. (Notre 01.) 

(4) Nescis an, qui est la vraie expression latine, se traduit bien aussi 
par : peut-être. « Nescis an renata sit... — Peut-être la perfidie pater- 
nelle a-t-elle revécu... » 

(5) Les mss. donnent : relinques. — Bg : relinqueres. — I.,es PP. : 

15 



— 226 — 

/, iO. Doleo. — La lettre I, 16 nous donne occasion de 
relever quelques lapsus, innita7nur et mereamur (1) pour : 
innitantur^ mereatur ; de supprimer un néologisme inutile, 
cumulatoria (2) pour : ciimulata (3) (nihil ei cumulata pro- 
fiierunt obsequia), et enfin d'effacer un solécisme, « donec 
» ipse talem polliceris peccatorem », qui devient (4) : « donec 
» ipse talem polliceaHs peccatorem, — jusqu'à ce que vous 
» promettiez de devenir un pécheur de cette sorte » ; c'est-à- 
dire, si j'entends bien les membres de phrase qui précèdent, 
un pécheur à demi converti et non pas tout à fait incor- 
rigible. 

/, 19. Célèbre. — « Exspectamus autem Innocentium 
9 papam, in cujus audientia nos, et innocentiam tuam et 
» querimoniam nostram digesturi, de utraque finem'amicum 
» justitiae exspectemus (5). » Cet exspectemus ne peut se 
construire ; il faut lire : expetemits^ un futur avec deux 
accusatifs, formant jeu de mots, hélas ! avec exspectamus du 
début. 

i, 20. Ex quo. — Dominum Deum est un expression bien 
ordinaire, derrière laquelle on ne soupçonnerait guère 
d'autre leçon. Pourtant, les manuscrits sont unanimes pour 
donner ici : Deum deorum, le Dieu des dieux (6). 

Beaugendre craignait-il que cette expression n'eût un 
petit parium de polythéisme ? C'est ainsi que, dans la lettre 

relinquis. — « Vous laisserez les vôtres dans la crainte, si vous vous 
confiez à un jeune homme, et à un jeune homme offensé. » 
(i) Col. 184-51. (Notre 94.) 

(2) Col. 185-52. (Notre 94. ( 

(3) B/4, C/t, D/1 : cumulatoria. — B/1, B/2, BA B/5, B/6, E/2 : 
cumulatiora. — E/1, E/3 : cumulatura. — A/i, A/2, A/3 : cumulata. 

(4) Sauf dans B/3. — Ce sont les derniers mots de la lettre. 

(5) Col. 195^60. — B/1, B/2, C/1, D/i : exspectemus. — A, B/3 : eocpeU- 
mus. — « Nous attendons le pape Innocent, dans l'audience de qui, 
allant exposer votre innocence avec nos plaintes, nous réclamerons 
de cet ami de la justice une double solution. » (Notre 77.) 

(6) Mss. : Deum deorum, — Éditions des PP. : Dominum sanctorum. 
Notre 58.) 



— 227 — 

1,12(1), il substitua divinitus Moyses^ Moïse au nom de 
Dieu, à : divinus Moyses, le divin Moïse. 

/, 21. Consideranti. — « Magni quippe boni ruina 
» quaeritur, unde vitae nostrae chaims (et non rarus^ qui 
» n'a pas de sens) quoque successor invideat (2). — Nous 
» détruisons de gaîté de cœur un grand bien (la virginité) 
» pour nous donner, en la personne d'un fils chéri, un 
» héritier qui portera envie à notre existence. » 

/, 22. Usu, — On dit en latin : sitiehant, ils avaient soif, 
mais : satiabantur^ ils se rassasiaient, et non satiehantur, 
comme nous lisons à la colonne 197 (3). 

Au lieu de « nec Martha es quod simulas (4) », qui est 
fort peu grammatical, on substitue volontiers : « nec Martha 
> es quant simulas, — vous faites semblant d'être comme 
» Marthe, et vous ne Têtes point. » 

//, 8. Sicut frequens. — « Magnum novae tribulationis 
1 arbitrati remedium, si Romanus pontifex nobis et consilio 
» subvenerit (non subvenit) et auxilio (5). — Pensant 
» trouver un grand remède à ces tribulations extraordi- 
» naires, si le souverain Pontife nous aide par ses conseils 
» et nous prête secours. » 

//, iO. Non poiuit. — « /n pugna tirones animare (6) » 
est moins correct que : « in pugnam tirones animare, — 
exciter les recrues au combat. » 



\i) Cum bene. I, 12. — Col. 176-42. — Tous lesmss. portent: divinus. 

(2) Col. 194-62. (Notre 76.) 

(3) Col. 197-66. (Notre 44.) 

(4) Col. 200-69. (Notre 44.) 

(5) Col. 216-88. (Notre 17.) 

(6) Col. 218-91. (Notre 50.) 



— 228 — 

//, iS, Et dies Uetus. — Au lieu de « velut ex ahditis, 
divina prodeunt oracula (1) », Texpression antique, donnée 
par les manuscrits, est : « velut ex adytis, — les oracles de 
» la parole divine sont proférés comme du fond des anciens 
» sanctuaires (par leur interprète, saint Anselme). » 

//, i8, Credimus. — Bourassé est ici seul en cause, mais 
la mauvaiise leçon qui lui a échappé peut paraître plausible, 
et c'est pourquoi nous la signalons. € Multiplici custodia 
» circumspecium (2) », pour dire : « surveillé tout alentour 
» par des geôliers », est latin, mais assez illogique, si on y 
réfléchit. En effet, je tourne la phrase par Tactif : c custodes 
» circumspiciunt eum, — les geôliers le surveillent, en 
» regardant à Tentour (circum). » Mais, c'est le prisonnier 
qui regarde autour de lui, tandis que les geôliers, au 
contraire, font converger leurs regards. C'est pourquoi, 
l'auteur a écrit : « multiplici custodia circumseptum (3), — 
entouré comme d'une barrière par une garde nombreuse. » 

//, 20. Semper. — « Gitra profectum prsesul de sua 
» erubescet offensa, nisi ad offensam erubescat alienam (4). 
» — Le prélat rougira sans profit de l'offense qu'il fait à 
» Dieu, s'il ne rougit également du péché des autres. » Oh ! 
voilà qui est beaucoup exiger de la charité des évoques ! 
Mais les manuscrits, comme le faisait prévoir la leçon 
analogue de la lettre Conversions^ donnent : « citra perfectum 
» praesul, — le prélat qui ne rougit pas du péché des autres, 
» se repent imparfaitement auprès de Dieu. » Il reste en 
deçà de la perfection. — Soit, mais il s'améliore pourtant 
et profite dans une certaine mesure. 

(1) B/l, B/2, B/5, B/6 : abditis. -- B/4, Ç/1, E/3 : addUis. — A, B/3, 
D/1, E/1, EA G, K : aditis. (Notre 33.) 

(2) Col. 227-102. — Éd»»» de 1708 : circumseptum. (Notre 22.) 

(3) Dans une église, le transept, c'est primitivement ce qui est 
au-delà de la barrière ou clôture du sanctuaire : Irana septum, 

(4) Ck)l. 230-106. (Notre 10.) 



//, 29. Nunquam. ~ Au lieu de « his qu» rogabantur 
asseruit (1) a, Iiseïz: assensit. s II consentit à ce qu'on lui 
9 ilemandail. 

/i, ?3. /n regno. — « Et expertum me iiavitatis hujus 
ostendere (2) s serait à la l'ois, un non-sens au repard du 
raisonnement général de la lettre et un grossier solécisme. 
It faut lire : « et experlem me..,, — et me montrer exempt 
de cette hérésie. » 

//, 25. Est apttd. — Les t se confondent aisément dans 
les manuscrits avec les c. Ou ne sera donc pas étonné si, h. 
la leçon suivante, n est eis publica et inexpugnabilis cum 

s raulieribus familiaritas, quibus iltie dies iniqultatis 

> et noctes infamiEe vindicare comprobantur (3) », nous 
substituons: aveiiditare comprobantur. » Nous le regret- 
tons; car la morale serait un peu moins outragée si les 
moines en question (4) avaient dû se faire prier par ces 
femmes de mauvaise vie (quibus illa; vindicare... , elles leur 
réclament....); mais le verbe vindicare ne s'est jamais 
construit de la sorte (5), et d'ailleurs la logique, l'examen 
du texte sont d'accord avec la grammaire pour nous faire 
écrire: « quibus illae venditare,..., — elles leur vendent..-. » 

//, 88. Potealati. — « Quod eum constabit adeptum, ai 
provectui ejus persona quam ofTendit non ohstnt (G) » est 

(1) Col. 2(5-111. - Cr. I)/4 et D. (Notre U3.) 

(3} Col, 338-115, a. msB. (Notre 61.) 

Ci) Col. 243-120, B/I, B/2, D/1, E/2 : vmdieai-e. — A/1, A/S, Bfô. C/1, 
E/1, ES: vendUare. 

(4)C'eBt ta lettre sur l'abbaye d'Évron, qui était tombée ilans un 
état de relAchemenl complet. (Noire 45,) 

(5) Aticui aliquid vindicare n'est pas lalirt. 

(6) Col. 248-lïG. - B/2, E/3 : obêlal. — E/J ; obnttU. — B/l, B/3, B/*, 
By5, B/6, C/l, D/l : obititil. — ft, E/l : obtIileHI. (Notre 18.) 



- 230 — 

moins grammatical que: « si... non obstiterit{\). » M. Charles 
de Rémusat, dans son Saint Anselme (2), raconte que 
Lanfranc, un jour qu'il lisait au réfectoire, fit volontairement 
une faute de grammaire pour ne pas chagriner son abhé, 
qui s'était cru dans le vrai en le reprenant : à notre tour, si 
le manuscrit contredisait la grammaire, nous aurions des 
scrupules à lui faire violence, par un sentiment de piété 
à regard du vieux texte, mais puisque tous deux sont 
d'accord, pourquoi hésiter à faire la correction ? 

//, 20. Meliiis. — (( Ortus nec lege reparabilis (3) », écrit 
Beaugendre, et il interprète : « sa naissance n'a pas besoin 
d'être corrigée par une dispense », c'est-à-dire, il est fils 
légitime. Cette leçon est autorisée par quelques manuscrits, 
mais le plus grand nombre donnent : reprobahiliSy « sa 
naissance ne saurait être réprouvée par la Loi. » C'est le 
même sens, plus directement exprimé. 

« Quia consuetudinem ratio et veritas semper excluait (4) » 
n'est pas raisonnable. La raison et la vérité (c'est-à-dire 
l'enseignement évangélique) priment la coutume, mais ne 
l'excluent pas nécessairement. Aussi préférons - nous la 
leçon : prxcedit^ ce qui est confimé par le membre de 
phrase « consuetudo... veritati omnino est postponenda. » 

//, S7. Factum. — « Dubium est an magis attriverint 
famam suam malefactis an maledictis alienam (5) », qu'on 



(1) « Il sera certain d'avoir recouvré vos bonnes grâces, si la per- 
sonne qu'il a offensée ne met pas d'obstacle à son avancement. » 

(2) Charles de Rémusat. Saint Ansebne, p. 32. 

(3) Col. 2i9-127, — B/4, B/0, 1 : reparabilis. — A, B/i, R/2, B/3, B/5, 
C, 0, E : reprobabilis. (Notre 49.) 

(4) Col. 251-130. — A, B/l : prœcedU. — Autres mss. : excedtt (même 
sens). 

(5) Col. 260-141. — Cs. mss. -— « On se demande s'ils ont fait plus de 
tort à leur réputation par leurs méfaits, ou à celle d'autrui par leurs 
médisances. » (Notre 101.) 



— 231 — 

lit dans Beaugendre, n'est pas conforme aux habitudes 
d'Hildebert ou de ses copistes, qui écrivent généralement 
plus mal < dubiiim est si (i).... » Que pensera-t-on lorsque, 
au vu du manuscrit, on s'apercevra que, cette fois du 
moins, le Kcribe du XIII' siècle a laissé la vraie expression 
latine, encore plus pure que chez Beaugendre: « dubium 

«est magisne attriverint famam suam malefactis an 

» maledictis alienani? » 

Au lieu de « qui, cum apud eum dilalionis materiam non 
» inveniunt, ipsi fingunt », lisez: « qui dum apud eum 

> delationis materiam non inveniunt..., — ceux-ci, ne trou- 
• vont pas chez lui matière h délation, inventent des griefs. n 
C'est à un autre moment du procès qu'il est question de 
manœuvres dilatoires. 

II, 50. Confratef. — ( Nescire mweferi » n'est certes 
pas élégant ; mais c nescire mheri », pour miéerum, consti- 
tuerait un solécisme. Bounissé (2) a écourté l'expression, 
qui veut dire : « ignorer la pitié, n 

m, 4. Scimus, — <( Dubitatur enim an sit benellcium, 

> eujus dilatio crucial exspectantem » est préférable à 
t cum dilatio s (3). La tournure est plus latine, parce que 
la phrase est ainsi plus solidement nouée, par un pronom 
conjonctif. Je traduis en français : « On hésite à appeler 

> bienfait une bonne action qui se fait attendre au point de 
» nous tourmenter. « 

///, 7. Maximttm. — Au lieu de « a fundamento mooas- 
terio penitus everso (4) », qui est désagréable et peu 

(1) a. : neicio si {lellre Ad menwria,,,. 1, 15). 

(S) L'édition de 1708 porte : mUereri, comme les mss. (Notre m.) 

(3) U/i, B/G, D, E/1 : nim. - A, B/1, 11/2, ii/3. BA C/1 : mjui. 

(Notre 23.) 
(*)Col. ÎH8-I7i. (Noire 53.) 



— 232 ~ 

logique, on lira, d'après les manuscrits : ad fundamentum , 
« le monastère étant rasé jusqu'aux fondements (et non 
j> depuis les fondements). » 

///, 8. Ahsentia. — « [Non] magis animo quam corpore >, 
traduit littéralement, donnerait « pas plus d'esprit que de 
corps » ; mais cette locution, qui revient à dire en français 
« ni d'esprit ni de corps », n'est pas l'équivalent du latin, 
qui signifie : « par l'esprit autant que par le corps ». 
Ainsi traduite, la phrase est parfaitement justifiée par le 
contexte (1), et l'éditeur a eu tort de supprimer le non, 

Illy 13. Benedictus. — « Vestrae Majestaii interest (2) » 
est contraire à toutets les habitudes, reconnues par la gram- 
maire, des verbes refert, interest ; mais Hildebert avait 
sans doute écrit : « Vestrae Majestatis interest (3). » 

///, i4. Nota, — c( Sic uberius meum implet (et non 
» implent) desiderium, quae circa vos aguntur agnoscere 
» pagina vestra quam relatione aliéna. — Mon désir est 
» ainsi plus pleinement satisfait, d'apprendre ce qui vous 
» concerne de votre main que par le récit des autres. » 

///, 28. Pueris. — « Nihil in eo fuit quod beneficii 
minuerit majestatem » est moins latin que : minuerei (4). 

111, 30. In me. — A la place de « dummodo tnorigeror 
amico (5), — pourvu que je sois au goût de mon ami *, 
j'écris : morigerer, d'après les manuscrits. En efiet, dum- 
modo, pourvu que, gouverne le subjonctif. 

(1) Cité dans le chapitre précédent. (Notre 79.) 
(2)Col. 29l-17i). (Notre6.) 

(3) B/2, B/3, B/5, C/1, E[l, E/3 : Majeslati. — A, B/1, B/4, D, E/2 : 
Majestatis. 

(4) B/2, n/5 : minuerit. — B/I, B/3, B/6, C/1, D : minueret. (Notre 30.) 
C)) Col. 301-192. (Notre 40.) 



i t. 



— 233 — 



§11. 

Laissons les lois de la grammaire, les rapports des modes 
et des temps, des prépositions et des désinences, et voyons 
de quels éléments se composait cette langue, écrite par un 
auteur ecclésiastique au moyen âge. 

Le latin, sous Tinfluence de la philosophie chrétienne, 
devient plus abstrait. Suhstantia, Verhum (le Verbe), Esse 
(l'Être) ; Simpliciter^ Raiionahiliter ; Evacuare (rendre vain, 
anéantir, en quelque sorte : vider de sa substance) ; Pro- 
prietaSy Forma, tels sont les vocables dont l'emploi fréquent 
accuse les progrès de ce grand mouvement scolastique et 
théologique qui doit, à partir du milieu du XII® siècle, 
primer les belles-lettres. 

Vers IdOO, la science formelle n'a pas encore tout des- 
séché ; les vertus morales, dégagées du masque païen et 
non encore réduites à l'état d'entités logiques, sont traitées 
par l'écrivain comme des personnes et donnent de la vie à 
son style. Dans cette expression : « Virtus qux cum Delicto 
ad Judicem venit (1) », le Péché et la Vertu sont considé- 
rés comme deux témoins à charge et à décharge qui com- 
paraissent devant le Tout Puissant. La Raison, la Cruauté et 
la Clémence ont comme des sympathies et des haines, dans 
les phrases suivantes (2) : « Atqui Rationi nullum est penitus 
» cum Grudelitate consortium.... cujus Lares tam supeme 
» despicit.... Aliud habet illa contubernium atque aliis 
]» cohabitatoribus constipatur, inter quos Glementia non 
» ultimum possidet locum... Ea quasi pedisequa matrem 
» familias comitetur oportet. » 

(0 Lettre Gratulm^ Honori Tuo. Bourassé imprime à iori dilecto. 
(I, 7 - col. 155-18.) Les mss., la Bibliotheca Patruni et l'édition de 1708 
portent : delicto, (Notre R4.) 

(2) Abseniia mariti. « La raison n'est pas du tout camarade de la 
» cruauté. Elle fait ménage avec d'autres, parmi lesquels la clémence.. 
* Celle-ci doit l'accompagner, comme la servante suit la mère de 
» famiUe. » (I, 3 - col. 144-5.) (Notre 78.) 



— 234 — 

Pedisequa^ Lares : on croirait qu'Hildebert a copié le 
langage d'une comédie de Plante ou de Térence, quand il 
nous parle des « Lares de la Cruauté », car le démon familier 
du paganisme ne lui fait pas peur, et les habitants du ciel 
eux-mêmes, anges et archanges, héritent de Tappellation qui 
désignait les dieux de TOlympe par opposition aux divinités 
infernales : Superi (1). Signalerons-nous, en revanche, la 
présence dans le langage théologique d'un mot qui regarde 
l'avenir, puisque la Science moderne doit le reprendre à son 
compte? Protoplastus^ protoplasma (du grec tt^toç, premier; 
nl(x(T(T<ûy former). Il désignait alors le premier homme et 
rappelait le grand acte de la création ; la science naturelle, 
qui prétend remonter à la formation de la cellule primitive, 
lui applique ce terme; le protoplasma, c'est la parcelle 
embryonnaire de matière vivante qui est à la base de toute 
vie humaine ou animale et que la chimie s'essaye, sans 
succès jusqu'à présent, à reconstituer par la synthèse. 
Ainsi, les mots passent à travers le réseau, sans cesse 
dénoué et renoué, des idées; l'originalité de la pensée 
humaine, en un certain moment, réside dans l'usage parti- 
culier auquel elle plie ces vocables empruntés aux époques 
antérieures ou destinés à d'autres fins dans les âges 
suivants. 

C'est donc par les alliances de mots qui représentent des 
associations d'idées nouvelles et par le cachet nouveau 
imprimé à des mots anciens, qu'il faut étudier un auteur 
écrivant le latin au XIP siècle. 

Alliances de mots. — Je passe en revue quelques 
alhances de mots familières à Hildebert. 

Par exemple, Eocarare sera fréquemment rapproché par 
lui de son demi-frère : Exorare, Le premier, originaire- 

(1) Cf. « Descenderunt in lacum mortis i», pour désigner Fenfer. 
[Prœsentium. Il, 24.) (Notre 15.) 



ment une expression de labour, a fini par désigner toute 
espèce de travail, et même celui du style, de la composi- 
tion ; l'autre signifie : prier. Travailler et Prier, travailler 
pour produire une œuvre et prier pour demander à Dieu 
que l'cpuvre porte fruit, les deux actions ne vont pas l'une 
sans l'autre: t Ûum vobis hiec exaravimus, e:coravimtts 
scrutantem renés et corda (1). » 

C'est une pointe, nous n'y contredisons pas, mais les 
pointes, maniées avec modération, ne déparent pas le style 
épistolaîre, où il est important de frapper l'esprit par une 
expression concise et pittoresque. Ainsi ne l'entendait pas 
l'orateur Cicéron, qui transportait dans ses lettres l'ampleur 
et l'abondance du style de la tribune, mais aussi, par contre, 
les épithëthes redondantes et les périodes toutes taites. 
Sénèque et après lui Hildebert, ont évité ce Charybde pour 
tomber dans le Scylla des constructions disloquées, des 
antithèses (2) et des alitérations répétées à satiété. Intellige 
qua dico, Scietiti loquor, sont des coupes de phrase fré- 
quentes chez notre auteur comme dans les lettres à 
Lucilius. Œ Bene pergis, ai quo pergia pertingia (3) > est tout 
à (ait dans le goût de Sénèque. 

Je préfère à ce jeu de mots les recherches d'expressions 
qui répondent â des oppositions profondes dans les idées. 
Ainsi, la vie active s'opposant à la vie contemplative met en 
regard ProfuH, il a servi (son prochain) ei Profecit, il a 
profité (pour lui-même). « Citra perfecturg proficit quisquis 



(t) 1 Sane dum vobiB hase exaravimu; ei 
) et uorda ne paterelur hoc defectu vestrum pulsari spiritum. quo 

> praesumeretia ea poilus arroganti» quam chariuti Jeputare. ■ 
(SanctK.) ~ Cr. < Quaedum «Mrautmiu,.... acoraviinui ne pateretur 
■ vos in eam decUnare opinionem, ut aacriberetis Jactanliœ (]uch1 

> impensunieslcljaritati.i>(FormuleB de la Gii. — Sfetius tue.) I Nos 28 
et 19.» 

(2) < Son style est sobre d'épitbëtes, mais Don pas d'antithèses, d 
Tout noire chapitre n'est que le développement de celte parole de 
M. Hauréau {Histoire iiltéraiee du Maine). 

(3> Cunt nieceperia (I, 11 ■ col. 17941)}. iNolre 87.) 



- 236 — 

alteri, cum potest, non prodest (i). » Il y a ici, pour finir, 
une autre recherche de consonnances, et vraiment c'en est 
trop, mais la phrase veut dire : « La perfection n'est pas de 
» profiter pour soi, mais de faire profiter autrui quand on 
» peut. » 

« Non est consecrare sed exsecrare (2) » met tous les bons 
ensemble (cum) et les maudits dehors (ex), « dans les 
ténèbres extérieures. » 

« Amplexus Christi ex quo parity non périt virginitas (3) » 
oppose les enfantements précaires de ce monde à ren&nte- 
ment de l'esprit dans la Grâce. 

Ce sont là plus que des « jeux » de mots ; ce sont des 
« alliances » de mots, qui expriment par leur physionomie 
deux faces de l'idée morale. Hildebert abusa du procédé, 
comme Sénèque, comme saint Augustin (4). 

Acceptions nouvelles des termes anciens. — Ce qui 
n'est pas moins intéressant, c'est l'emploi des mots jadis es- 
sentiels à la vie latine, devenus partie intégrante du langage 
chrétien avec un sens tout différent. La Loi (Lcx), La Cité 



(1) Conversione (1, 1-col. 142-3). (Notre 55.) 

(2) « Exsecrationem potius quam conaecrationem, » (Lettre de Geoffroy 
de Vendôme sur la consécration de Rainaud.) 

(S) Consideranti mihi (I, 21 - col. 196^). (Notre 76.) 
(4) « Defensionis manum, quoties opportere attendiSy extendis. » Le 
!•' verbe exprime la réflexion qui précède l'acte ; le 2« verbe désigne 
Facte qui s'ensuit, l'effort réalisé (III, 9). — « Quod non accipit impro- 
mdu8, sed importunus extorquet » est une opposition acceptable (III, 
3). a Statim statut » (même lettre) est franchement mauvais. — 
Audita et sainte qua incolumis es et salutatione qua me dignata es » 
est une formule saillante qui convient assez au style épistolaire 
(III, 11). c Quoties meas aures aura afflaverit » (même lettre) est un 
calembour détestable. — Ailleurs (I, 15), Beaugendre a remplacé 
la consonnance de deux adverbes par un pléonasme. Au lieu de 
« quidquid impie volunt, inique agunt », il faut lire : «i quidquid impie 
» volunt, impunc agunt, — tout ce qu'ils veulent dans leur impiété, ils 
y» le font » non pas a iniquement », ce qui va de soi, mais « impuné- 
» ment » (col. 183-50). (Nos n»» 29, 41, 82, 65.) 



— -237 - 

(Civitas), U\ Liberté (Ubertas), Le Salut de t'Ëtat (S'ntiij). 
désignent h présent : la Loi sacrée, la Cité de Dieu, Le Librc- 
arbilre, le Salut de notre dme. 

L;i Réptiblique est taiilùt l'ensemble de la chrétienté 
{respuUica christiana) (1), tantôt l'homme intérieur (respu- 
bliea interioris hujus hominis noslri) (2), oii les vertus et les 
vices se disputent le champ comme des partis en fureur. 

A l'Exil on doit préférer comme autrefois la Patrie, 
(exsilio patriam prœtulisti) (3), mais l'exil, c'est !e monde, 
et la patrie se confond avec le Paradis. — Qui pouvait 
chasser le Romain de son foyer par la proscription? 
L'Ennemi politique, Inimicus. Et qui peut nous retrancher 
du nombre des Élus ? Toujours l'Ennemi, le Diable, Inimicua. 
— Pour forcer les suffrages du peuple, il fallait h Rome 
bien mériter de la patrie (bene inereri de pal}-ia); pour 
fléchir Dieu, il faut mériter de nous-méme, par nos actes, ce 
que Dieu nous a réservé. Or, ce qu'on fait de soi-même 
pour aller au-devant de la Grâce s'appelle : Meritum (4). — 
Mais, si la Gloire {Gloria) s'acquérait jadis par lu faveur 
populaire (Gratin popuH), maintenant elle nous est conférée 
par la Grâce divine. 

L'abbé qui réforme son monastère est le « censeur de 
l'ordre violé s (violati cenaor ordinU) (5). Tite Live retrou- 
verait ici les traités et les- pactes d'alliance dont il nous 
entretient, pactes conclus par des moines avec le déshon- 



(1) « Iiiter lot Bacrœ professionis injurias, etiam hoc praejiidjcio rei- 
pvblica preniitur. > C'eBl-à-dire : Ils ne Tunt pas Beuleniont lort A 
leur ordre, mais à la cbrètienté entière, par leur conduite (en «tonnant 
auic laïques le mépris des moines) (II, 35). (Notre 19.) 

(S) Cuni bene tnuUU (I. 13 -col. 176-13}, — a. ■ In menlevttut 

■ foremes fumuttua ienliunl, — ils ressentent dans leur esprit des 
. tumultes pareils à eeux du forum. • (l, 22-coI. i99-(i9.) (Nos n" SU 
et 44.) 

(3) Confldimui in Domina (I, 10-col, 163-27). — Cf. (mêmelettre) 

■ De etciilio reverteris in jmlriam (1D(>-31I). * (Noire 73.) 

(4) Exemple i « Quod te Dominam appeUo, nuveris esse merili lui. * 
(5) EU apud no» [11, 25). (Notre 40.) 



— 238 — 

neur, et les béliers qui battent les murs d'une citadelle où 
se défend la raison, avec la pitié et la foi (1). 

On sait quelle place ont tenue, dans l'histoire romaine, 
les luttes soulevées par ce qu'on appelait le Jus Latinum, 
Jus Italicum^ ensemble des droits politiques ou sociaux 
reconnus au Latin, à l'Italien. Je lis dans Hildebert une 
expression curieuse, calquée sur celles-là: Cœlicum Jus, 
droit d'admission au Ciel. Le droit de vote est remplacé par 
le droit d'élection, c'est-à-dire le droit de figurer parmi les 
Élus. 

Ailleurs, il y a comme un doublet ; le mot païen subsiste 
et voit surgir en face de lui un terme chrétien. A côté de 
Sacrificium se pose Holocausium et à Divinatio ou Divinator 
répondent Prophetia^ Propheta (2). Le mot courant est 
d'ailleurs, là socrt/ictMm, l'ancien mot, et ici propheta^ le 
nouveau ; mais, quand l'auteur précise son idée, il se plaît 
à opposer les devins mercenaires aux prophètes, et le 
sacrifice feint ou incomplet à l'entier renoncement. De 
même, Exspectare s'emploie plutôt au sens ordinaire de 
attendre, et Prxstolari au sens spirituel: prxstolantur 
mercedem (aetemam) (3). 

En résumé (4), le style d'Hildebert n'est le plus souvent 
incorrect que par la faute des copistes ; lors même qu'il 

(1) « Virtutum muros arietes hujusmodi concutiunt, arcem dejiciunt 
rationis. p (I, 10 - col. 162-26.) (Notre 73.) 

(2) « Contriti cordis... holocatuttum, sacrificium lacrymarum, — les 
larmes en sacrifice, mais le cœur en holocauste » (I, 22 - col. 199-69). 
— Cf. Conversione (I, 1), dont nous donnons le texte au chapitre 
suivant. — Pour propheta et divinator, voyez Sanctœ conversationis 
(I, 8-col. 157-21)). (Nos n»» 55 et 28.) 

(3) Prœsentium kUores (11, 23 -col. 241-118). (Notre 64.) — Est-ce la 
peine de faire observer qu'Hildebert n'emploie jamais attendere au 
sens d'attendre, mais dans son acception latine de : faire attention à, 
songera? 

(4) Hildebert ne paraît pas avoir observé systématiquement les règles 
du curBus. Nous avons relevé les finales de ses lettres, et nous avons 



— 239 — 

échappe aux lois de la latinité, il est intéressant d'y saisir 
la trace des constructions de ce qui sera plus tard le français. 
Quant à la langue, elle présente des rencontres de vocabu- 
laire originales, souvent affectées, mais curieuses ; ajoutons 
que ces ornements d'un goût incertain sont toujours des 
formes d'arguments, que derrière le cliquetis des mots il 
y a des idées qui s'opposent; aussi, en dépit de cette 
préciosité, les beaux passages sont nombreux ; l'art ne fait 
pas défaut, il est au contraire trop recherché, et toujours la 
pensée est forte ou gracieuse. C'est ce dont le lecteur se 
convaincra, nous l'espérons, en lisant notre quatrième et 
dernier chapitre. 



trouvé que la moitié seulement (56 sur 107) était rédigée selon les 
principes reçus à la chancellerie pontificale depuis la réforme de Jean 
Gaetani. 



— 240 — 



CHAPITRE IV 

PORTRAIT D'HILDEBERT D'APRÈS SES LETTRES 

Nous avons examiné les lettres d'Hildebert à un point de 
vue historique et chronologique, en tâchant d'établir l'iden- 
tité des correspondants à qui elles furent adressées ; nous 
les avons revues ensuite pour la pureté de leur texte, leur 
plus ou moins de conformité à la syntaxe latine et leur 
vocabulaire ; il reste à dégager quelques-unes des idées 
principales qu'elles renferment, à montrer comment ces 
idées procédaient les unes des autres et se présentaient à 
l'esprit de l'auteur dans le travail de la composition : ainsi, 
nous compléterons les notions acquises sur le caractère de 
notre évêque, le milieu où il vivait et pensait. Pour esquisser 
ce portrait, nous demanderons chemin faisant quelques 
renseignements à ses autres écrits ; cependant, ni les 
poésies licencieuses que l'élégant rimeur composa au temps 
de sa jeunesse (1), ni la cr Vie de saint Hugues (2) », œuvre 
distinguée mais de conception étroite et de ton morose, 
qu'il faut rapporter à la vieillesse d'Hildebert, ne le présen- 
tent sous un jour aussi vrai que sa correspondance. C'est 
ici qu'il faut le voir, causant et enseignant, tantôt luttant 
pour sa cause, tantôt jugeant la conduite des autres, et 
toujours mêlant l'expérience de sa vie à celle de ses lectures. 
C'était un esprit bien ordonné ; en le prenant lui-m^e à 
témoin de sa propre pensée, nous aurons un guide fidèle, un 
compagnon aimable et grave à la fois, car dit M. Hauréau, 
ce il n^y a rien de commun^ rien de trivial^ rien d^aban- 

(1) Voy. B. Hauréau, Mélangea poétiques dHildebert, 

(2) Voy. 1" partie, ch. !•', § II. 



- 241 — 

D donné dans son discours ; il pesé chaque mot, il nHnsiste 
i> jamais sur un détail indifférent ; il écrit une lettre, une 
» légende, un sermon avec la même méthode ; sans ^prétendre 
» jamais au sublime, il est toujours élevé (1). 3> 



§1. 



Prenons d'abord la lettre à Guillaume de Champeaux (2), 
par laquelle s'ouvre cette correspondance dans la grande 
majorité des manuscrits et dans l'édition même de Beau- 
gendre. C'est une des plus étudiées ; nous pourrons y saisir 
sur le vif les procédés de composition de l'écrivain. En 
même temps, comme il converse avec un maître de la 
jeunesse, avec celui qui reste pour nous l'un des prin- 
cipaux représentants du mouvement philosophique au XII<^ 
siècle, nous aurons dans cet entretien un point de départ 
logique pour nous renseigner sur l'état d'esprit d'Hildebert, 
professeur lui-même avant d'être évoque, sur sa conception 
de la vie intellectuelle et chrétienne. 

Irrité de l'admiration trop profane des uns comme de la 
sourde animosité des autres, parmi lesquels était le jeune 
Abélard, effrayé du bruit des applaudissements et non moins 
froissé par l'audace de cette poignée de disciples qui ne 
craignaient pas de le prendre à parti, Guillaume de Cham- 
peaux (3) venait de quitter subitement sa chaire de Notre- 
Dame, pour fonder l'abbaye de Saint-Victor, où il voulut en- 
trer comme simple moine. Certes, le dépit était pour beau- 
coup dans sa décision. Je crois, cependant, que nous aurions 
tort de faire un choix rigoureux entre les bonnes et les 



(1) B. Hauréau. HUt. litt. du Maine, art. Hildebert. 

(2) Conversioiie et conversatione ttia. Migne 1, 1. Notre 55. 

(3) Sur Guillaume de Champeaux, voy. Hiat. litt., t. X et l'ouvrage 
de E. Michaud, 1867. 

16 



— 242 — 

mauvaises pensées dans les mobiles qui le déterminèrent, 
Hjais que ces deux sentiments s'unirent, je veux dire 
l'orgueil blessé avec la nostalgie de la perfection religieuse, 
pour lui donner le dégoût du monde. De bonne foi, il se 
crut prêt à renoncer à tout. Mais, quand il se sentit de 
nouveau parmi les siens, il se réconcilia avec la vie, et on 
ne désespéra plus de le voir reprendre, à Tombre du cloître, 
le cours de ses leçons. C'est pour appuyer les sollicitations 
d'un petit nombre de fidèles qui regrettaient son enseigne- 
ment, que lui écrit Hildebert. 

Il commence par entrer dans les raisons qui ont éloigné 
le professeur de sa chaire. 

Conversione et conversatioiie tua (1) lietatur et exsultat anima luea, 
illiim prosequens actione gratiarum, cujus muneris est quod nunc 
tandem philosophari decreveris. Nondum quippe redolebas philoso- 
phum, cum ex acquisita philosophorum scientia niorum tibi minime 
depromeres venustatem ; nunc autex, sicut e favo mellis dulcedinem, 
sic ex ea bene agendi formulam expressisti. Hinc estquod^ ecclesias- 
ticis digiiitatibus omissis , elegisti a abjectu» esse in domo Dei tui^ 
magis qnam habitare in tabemaculis peccatorum (2). » Hinc est quod 
ambitiosam supellectilem inexorabili odio persequeris, quod instito- 
riam abdicas lectionem, quod a magnum quœslum judicas pietateni 
cum sufficientia (3). » Hinc denique est quod intra fines virtutis totum 
te colligis, quod de vita tua cum natura délibéras, minus attendons 
quid caro possit quam quid spiritus velit (4). 

Ici les éditeurs des Pères et dom Beaugendrc ajoutent, à 

(1) B/5 : Conversatione et conversione tua. — B/3 : De conversione 
et conversatione tua. 
(2)P«o/. LXXXUI,!!. 

(3) J« Tim. VI, 6 

(4) « Votre conversion et votre nouvelle manière d'être réjouissén 
» mon àme et la font tressaillir; j'en rends grâce à Dieu, car c'est do 
» sa bonté que vous est venue cette résolution d'être enfin philosophe. 
» Non, vous n'embaumiez pas encore la philosophie, lorsque, de toute 
» la science philosophique que vous aviez acquise, vous ne dégagiez 
» pas, pour les appliquer, les principes des belles mœurs ; maintenant 
B au contraire, comme le miel de son rayon, vous en avez tiré la plus 



- 243 — 

côté du mot natura^ un non qui n'existe dans aucun 
manuscrit, comme ils l'avouent eux-mêmes, mais qu'ils ont 
jugé nécessaire de suppléer, disent-ils, pour l'intelligence 
du texte. Étrange procédé ! On prête à notre auteur l'inten- 
tion d'opposer la voix de la nature aux conseils de la médi- 
tation et de l'esprit, quand, à l'inverse, il fait rentrer la 
vertu dans le domaine de la nature, à la façon des stoïciens, 
et estime que, la volonté de bien faire ne faisant pas moins 
que les impulsions mauvaises partie de la conscience 
humaine, et de la nature par conséquent, tout le rôle de 
Vesprit consiste à dégager de la nature étudiée par la 
conscience le véritable sens de la vie, et à mettre en relief 
par cette recherche ce qui est le propre de l'homme, la 
vertu, Beaugendre aurait pu le constater par d'autres lettres ; 
Hildebert n'accuse pas volontiers la nature, un tel réquisitoi- 
re ne fait pas partie de sa rhétorique, et il ne se serait jamais 
écrié comme Joseph de Maistre : « La Nature, qu'est-ce 
que cette femme*? » « Naturœ vivit, non gulœ », est-il dit du 
chrétien qu'Hildebert propose comme modèle aux mauvais 
moines (1), et, dans l'éloge de Bérenger (2), ce personnage 
très saint et très sage est loué de son application à suivre 
la nature : 

Cujus cura sequi naturam.... 



» suave des règles pour bien faire. C'est ainsi que, renonçant aux 
» dignités ecclésiastiques, vous avez mieux aimé être humble dans 
» la maison de votre Dieu qu'habiter les pavillons des pédieurs. 
» C'est ainsi que. ce luxe ambitieux, vous le poursuivez d'une haine 
» implacable, et vous renoncez à tenir boutique de science, estimant 
» comme une grande richesse la piété^ jointe à ce qui suffit. Enfin, 
» c'est ainsi que vous vous recueillez tout entier dans les limites de la 
1 vertu, et vous délibérez avec la nature sur la direction de votre vie, 
» en faisant moins attention à ce que peut la chair qu'à ce que veut 
» l'esprit. » 

(1) Apostolicis erudimur exemplis, Migne I, H. Notre 49. 

(2) Migne, Palrol. lat., col. 1396-1324. — B. Hauréau, Mélanges, 
p. 28. 



- 244 - 

D'ailleurs, le passage de notre lettre ne fût-il pas stricte- 
ment conforme à Tesprit chrétien, qu'importe puisque cette 
argumentation est, sinon contredite, du moins complétée 
ou tournée comme on verra , par la conclusion du 
discours? 

Donc, c'est en écoutant les conseils d'une certaine philoso- 
phie, que Guillaume de Ghampeaux a renoncé à l'enseigne- 
ment public : toute cette partie de la lettre est proprement 
philosophique et stoïcienne ; le nom de la grâce n'y est pas 
prononcé, ni môme sous-entendu. Découvrir la vertu dans 
la nature même et la pratiquer telle qu'elle s'y offre à nous 
par la méditation, 

Hoc vere philosophart est ; sic vivere, magnum jam cum superis est 
inire consortium : nulla hinc ad cœlos (1) via compendiosior. Eo facile 
pervenies, si tamen exoneratus incesseris. l'orro animus ipse sibi (2) 
sarcina est, donec et sperare desinat et timerc ; nondum enim béate 
vivit, quem vel voti torquet diiatio, vel a veto decidendi metus 
excruciat (3). 

Ge paradis qu'on nous propose est le paradis d'un phi- 
losophe. Hildebert, remarquons-le, ne recommande pas à 
Guillaume de Ghampeaux d'adopter dans sa retraite les 
mortifications ascétiques, telles que pénitences rigoureuses, 
cilice et flagellations ; il le félicite simplement d'avoir fui les 
succès mondains, de se recueillir et d'écouter la voix intime 
de sa conscience. Ainsi faisait Diogène, ajoutc-t-il, qui fut 
riche dans son tonneau, parce qu'il était détaché de tout : un 



(1) A/1 : ad cœlum. — B/*3 : ad superos. 

(2) fV2, B/3 : (sibi). 

(3) « C'est là la vraie philosophie ; vivre ainsi, c'est entrer par avance 
» en communion avec les habitants du ciel, c*est prendre le chemin 
» qui y mène le plus vite. Vous y parviendrez facilement, si toutefois 
» aucune charge ne ralentit votre marche. Or l'àme est à soi-même 
» son propre fardeau , tant qu'elle n'a pas cessé d'espérer et de 
» craindre ; et il ne connaît point la vie bienheureuse, celui que tour- 
» mente l'ajournement d'un vœu, l'angoisse d'une déception. » 



— 245 — 

chrétien ne voudrait pas se montrer moins capable de 
renoncement que Diogène. 

Diogenes, quia nuUius speravit favorem, nullius formidavit poten- 
tiam ; ille in dolio suo, tam spc vacuus quam timoris expcrs, locuplctem 
transegit paupertatem. Porro qu» sic infidelis Cynicus abhorrait, 
tanto amplius necesse est ut christianus doctor abhorreas, quanto 
fructuosior est professio, quse per fidem operatur. Moruin haec ofTendi- 
cula sunt, et ad virtutem gradientes remorantur. Eruditus scrmo et 
cultus abjectior et severius retractata verœ religionis instituta^ religio- 
sum non exhibent christianum (1). 

Beaugendre, qui plus haut a introduit une négation où 
elle n'était pas, ici supprime celle qu'on lit et, cette fois 
même, ne se donne pas la peine d'indiquer cette altération 
par une note ; on ne sera donc point étonné que l'auteur 
ait voulu dire tout le contraire de la pensée qae lui prêle 
son éditeur. Le raisonnement est celui-ci : Des connais- 
sances transcendantes, l'habit du moine et l'observance 
d'une règle ne font pas le vrai chrétien ; tout cela est encore, 
si j'ose dire, trop extérieur à l'âme ; il faut que le chrétien 
ait ceci de commun avec le philosophe, de ne rien espérer 
et de ne rien craindre. 

Nunc autem exhibebis (christianum), et perfeclum exprimes philoso- 
phum, si nec speres aliquid, nec extimescas (2); hoc et verum animi 
robur et integrum mundi contemptum denuntiat. 

(1) « Pourquoi Diogène n'a-l-il redouté la puissance de personne ? 
B Parce qu'il n'a espéré les faveurs de personne. Cet homme, dans son 
» tonneau, aussi libre d'espoir qu'affranchi de la crainte, fut riche 
B dans sa pauvreté. Et les choses que ce païen, ce cynique eut en 
» horreur, combien plus il est nécessaire que vous les méprisiez, vous, 
» un docteur chrétien, dont la vocation, enracinée dans la foi, fructifie 
» davantage ! Car ce sont là des pièges pour les mœurs, des retards 
> pour la vertu. Une parole savante, un extérieur humble et la médita- 
1 tion sévère d'une règle religieuse ne font pas le vrai chrétien. Mais 
» vous vous montrerez tel, et en même temps vous serez le modèle du 
» parfait philosophe, si vous cessez d'espérer et dtî craindre ; cVst à 
«quoi on reconnaît la véritable force dame et le complet mépris du 
» monde. » 

(2) A/1, B/3: cxpertiméscas. 



— 246 — 

Le philosophe et le chrétien posséderont tous deux Je 
renoncement intime, le seul vrai, mais vont-ils le comprendre 
et le pratiquer de même manière? Ici entrent en ligne, 
dans la seconde partie de la lettre et comme correctif à la 
philosophie naturelle, les conseils de l'Évangile, avec cita- 
tions de la parole du Christ et de ses docteurs ; ici apparaît 
la distinction entre le sacrifice et Vholocaustey distinction 
que nous avons déjà eu occasion de signaler à propos des 
subtilités de langue d'Hildebert (1). L'holocauste, c'est le 
sacrifice chrétien, le sacrifice effectif, moins complet quel- 
quefois en apparence, absolu en réalité. Or, Guillaume a 
promis à Dieu un abandon entier de soi-même ; ce serait de 
sa part frustrer le Seigneur en la personne du prochain, que 
de garder pour soi les richesses de son savoir. Renoncer 
aux succès d'une chaire publique, c'est déjà un sacrifice ; 
enseigner par devoir dans la retraite en s'interdisant de 
recueillir les murmures flatteurs du monde, cela serait la 
consommation de l'holocauste. 

Fert autem fama id a quibusdam tibi persuasum, ut ab omni iectione 
penitus abstineas. Super hoc attende quid sentiam. Citra perfectum (2) 
proficit quisquis alteri, cum potest, non prodesl; virlus est, etiam 
mule usuro, virtutis ministrare maleriam. Prseterea sub evangelico te 
coliibuisti consilto, quo juvenis a Christo audivit: « Vade, vende omnia 
quœ habeSy et da pauperibusy et veniy sequere me (3). » Holocaustum 
igitur habes ofTerre, non sacrificium. De eorum quippe differentia 
apud Gregorium super Ezechielem (4) sic legisti : « In sacrifido guident 
pars pecudiSj in holocauslo autein totmn pecus offerri consuevit, » 
Et post pauca : « Cum guis aliquid suum vovet et aliquid non vovet (5), 
tfocrificium est ; cum vero ornnc quod habety omne quod vivit, omne 
quod sapit omnipolenti Deo voverit^ holocaustum est. » OfTer ergo te 
totum Domino Deo, quoniam Domino Deo totum te devovisti ; alioquin 
eum promisso defraudas holocausto. Denique < sapientia abscondita 
et thésaurus absconditus, quœ utilitas in utrisque (6) f » Aurum melius 

(1) 1I« partie, ch. III, p. 238. 

(2) Deang. : profectum. Voy. p. 221. 
(;i) Marc, X, 21. 

(i) ,S. Gregorii in Ezechielem lib. II, hom. 9. 

(5) ri/3 : (et aliquid non vovet). 

(6) Eccli, XX, 32. 



mtilat dispersiira quam signatutn; nihil a viUbus tophis gemm» 
dilTenint, nisi in médium ^educAnlur. Scientia rjuoque dietribiita 
stiscipit incremeiilutn, et, uvarum dedlgnatii ptMsessorem, riisî ptibli- 
cetur, clabitur (1). Noli ergo clauilere rivos doclrinie tuie, sed, juxla 
Salomonem, ■ derivenlur [onies tui foras, et aijua» tmi in platei» 
divide ' (3). 

En d'aulres termes, la vertu chrétienne par excellence, 
c'est la charité, et celui-là seul peut se vanter de s'être 
converti, qui est sur la voie de ia charité. Or, priver son 



n (Ktasessiu est scicntiit, qum 
irum dedignntH possessurem, 



(1) Cf. (lettre Familiai-e) : • Notiilis 
distributa suscipit i 
nisi publicetur elabitiir. 

(2) Prou. V, Kl. 

< Mais poursuivons. La renominrà m'apprend qui?, sur le conaeil 
t de quelques personnes, voue l'enotjcericx ii tout enseigiieueni i 

• à ce propos, voici won opinion. On ne prolite pas parfuiiement, 

• si, quand on le peut, on ne Tait pas proll 1er autrui ; car c'e«l vertu que 
I de rournir la matière de In vertu, m^ine A qui doit en user mal. Au 
» surplus, ne vous étea-vous pas engagé à ol)BerPer te wiiiBeil évaiiyé- 

• lique qu'un jeune liomme reçut du Christ lui-ra^me? Va, vgtuli 

• tout ce 'lue la podiaèrfe», donne-le o'tr pauvres et vient à ma suite. 

• Vous ave* donc un iiolocansle à offrir, non un sacrifice. Entre les 

> deux, lifiex dans saint Urègoire, au chapitre sur Exéchîel, ladilTé- 
B Teiic«: Dam le sacrifice, une partie des bietu leulenient; inaU dana 

■ l'holocauste, tenu lei hieiu eoititituent l'offrande. Et un peu plus loin : 
) Si quelqu'un dévoue une partie de son bien et garde le rette, il fait 

■ un saeri/ire ; main quand il a voué à Dieu tout son bien, toute sa vie, 
t tout son savoir, c'est l'holoeausle. Offrex-vous donc tout entier au 
I Seigneur Dieu, puisque vous avex tout promis par votre vœu ; aulre- 
X ment, vous manqueriez â votre parole. Enlln, une lageiie cachée, 
K un trésor enfoui, dâ guette uti(il^«Dn(-if«f dit l'I^cclésiitEtique. L'or 

■ brille mieux en paillettes que fige en monnaie (' ) ; les pierres prO- 

• cieuses ne dîlTëi'ent en rien d'un mauvais tuf, si ou ne les tire pus 
« de leur gangue. De même, la science qu'on répand s'aceroit et, au 

• contraire, dédaignant le maître avare qui refuse de la miinifeater, 

■ elle se réduit à néant. Ne fermex donc pas les ruisseaux de vutiv 

> science, mais, suivant la parole de Salomon, que uos totircat s'éehayt- 
t pent au dehors et que le» place» publiques soient arrosées de vos 
% fontaine», n 



de Jeun Zimlecès. uunparïe t Ik nwnntjc il 



- Î248 — 

prochain des lumières de son enseignement, ce serait 
manquer à la charité. 

Ainsi, par un habile détour, Hildebert, après avoir paru 
entrer dans les raison qui déterminèrent le professeur à la 
retraite, finit par lui commander de remonter en chaire. — 
Vous avez cru faire mieux, mais le mieux est souvent une 
illusion, qui nous cache le véritable bien, a II meglio è il 
nemico del bene » (1), dit le proverbe italien. Les résolutions 
extrêmes ont toujours été relativement faciles, le philosophe 
cynique les pratiquait ; mais l'abdication est indigne du 
chrétien, qui a dans toutes les circonstances de la vie une 
loi pour se guider, TÉvangile. — On s'attendait peu, en 
vérité, à ce que le fameux « vade et omnia quas habes 
vende » fût le principe d'une résolution moyenne, d'un 
compromis entre l'appétit exagéré de perfection et les 
devoirs de charité : ce n'est pas une des moindres origina- 
lités d'Hildebert, de plier ainsi les préceptes de l'Écriture à 
l'esprit de la religion, telle qu'il la comprend et la recom- 
mande. 

Guillaume de Ghampeaux suivit le conseil ; il recommença 
à donner des leçons dans le monastère où il s'était 
retiré. Mais ses fidèles, comme ses détracteurs, l'y pour- 
suivirent ; il eut de nouveau des démêlés avec Abélard, 
qui opposait à son réalisme philosophique la thèse con- 
ceptualiste, et il finit par renoncer à l'enseignement, pour 
accepter un siège épiscopal qu'il avait longtemps refusé. 
Il devint évêque de Ghâlons-sur-Marne en 1113; en 1119, 
il assistait au concile de Reims, oji Hildebert put le ren- 
contrer ; il mourut en 1121, après avoir donné la bénédic- 
tion épiscopale à celui qui devait le venger du triomphe 
momentané de son rival , à l'abbé de Clairvaux , saint 
Bernard. 

Ni absorbé par les succès mondains, ni follement ascète, 

( l) " Le mieux est l'ennemi du bien. >» 



— 249 - 

il sut, après un premier moment d*impatience, contenir la 
fougue de son tempérament et suivit, en somme, les voies 
moyennes que lui traçait notre Hildebert, qui fut comme lui 
professeur, puis évéque, et toujours philosophe ou écri- 
vain (1), sur les frontières de la vie extérieure et de la 
méditation. 



§ II. 



Le parallèle entre ces deux genres d'existence, active et 
contemplative^ se lit dans la lettre à Guillaume, abbé de 
Saint-Vincent, qui avait été élu contre son gré (2). 

Homme de pensée et d'étude, il s'était plaint qu'on lui en- 
levât les loisirs qu'il consacrait si volontiers à la méditation, 
et qu'on lui imposât à la place les misérables soucis de la 
direction et de l'administration du couvent. Il tant dire que 
le prédécesseur de Guillaume, Ramnulfe, avait eu les dents 
longues et que, pour accroître le domaine de la communauté, 
il avait soutenu quantité de procès, dont la liquidation s'im- 
posait au nouvel abbé. Ainsi prospéraient les maisons 
religieuses : à un chef ami des procès succédait un saint 
homme, dont l'administration moins agressive, sinon moins 
ferme, légitimait les conquêtes entreprises, et, de la sorte, 
se combinaient pour les moines les fruits de la vie active et 
de la prière. 

Guillaume a-t-il le droit de se dérober à la tâche que lui 
imposent les circonstances? Hildebert ne le pense pas. Au 
reste, ces dessous que nous venons de signaler sont laissés 
dans Tombre: il n'en est pas plus question qu'il n'est fait 

(1) Le philosophe était plutôt Guillaume, et Técrivaiii Hildebert. Ce 
n'est pas à dire que celui-ci n'eût l'esprit philosophique, mais on a eu 
tort de lui attrihuor un rûle dans la querelle des Universaux ; en oiïot, 
le Tractât U8 théologiens, édité par Keaugendre, n'est pas de notre 
évoque. — Voy. pour référence 1" partie, chap. I, p. 3(). 

(2) U$u paritcr et iiecessitate. Migne I, 22. Notre 44. 



— 250 - 

allusion, dans la lettre à Guillaume de Champeaux, au petit 
mouvement de dépit qu'il avait pu ressentir. Ici, les intérêts 
de TAme du nouveau dignitaire sont seuls en cause. 

Le lettre que lui écrit Hildebert n'a pas la sobriété clas- 
sique, la concision élégante de Tépître à Guillaume de 
Champeaux ; les companiisons empruntées à l'Écriture sont 
trop nombreuses et se heurtent un peu confusément ; 
toutefois, les jolis traits abondent. L'ensemble de l'argu- 
mentation repose sur l'interprétation de deux légendes pré- 
sentées parallèlement et empruntées, l'une à l'Ancien, l'autre 
au Nouveau Testament. Passons rapidement sur la première. 
Si Rachel représente dans la pensée des canonistes la femme 
aimable, digne d'être souhaitée en rêve pour son charme et sa 
beauté, et Lia la femme laide et vulgaire, bonne ménagère et 
mère de famille féconde, mais difficile à vivre, nous savons 
à quels récits, de couleur patriarcale sans doute, mais plutôt 
grossiers à notre sens, ce mythe correspond dans la Bible. 
Dans l'Évangile, c'est Marthe et Marie de Béthanie, les 
sœurs de Lazare, qui incarnent, l'une la vie active, l'autre 
la vie contemplative. Un soir, Jésus était descendu chez 
elles, Marthe préparait le repas, et Marie, la laissant vaquer 
.seule à cette occupation, buvait les paroles du Sauveur. 
Marthe se plaignit qu'on la laissât tout faire, et Jésus dit 
alors : « Marthe, Marthe, une seule chose est nécessaire ; 
Marie a choisi la meilleure part, et elle ne lui sera pas 
enlevée. » 

Les paraboles ont besoin d'être interprétées, selon le 
caractère de celui qui y cherche un enseignement. La 
majorité des hommes n'a que trop de tendance à s'absor- 
ber dans les besognes journalières et à oublier la culture 
de son âme ; la vie contemplative est donc remise en 
honneur par Jésus. Mais il ne faut pas oublier non plus que 
Marthe fut canonisée, et Hildebert nous montre tout ce 
qu'un hoinuie supérieur, trop porté au mépris des occupar 
tions communes de l'existence, peut tirer de la parabole 



- 251 — 

pour son enseignement. Nous l'avons déjà remarqué : 
Hildebert, en savant homme, dédaigne l'application immé- 
diate du texte et lui fait rendre, sous ses doigts de di- 
lettante, les sons les plus imprévus. Il rappelle, à titre 
de comparaison , que Moïse se retirait parfois sur la 
montagne en face du Seigneur, mais le plus souvent vivait 
parmi le peuple ; que Jésus, de môme, fut généralement 
avec ses disciples et monta une fois seulement sur le mont 
de la Transfiguration ; que Pierre et }*aul remplirent une 
mission de combat et cependant eurent leurs visions à 
d'autres moments.. Ce qui nous empêche de converser avec 
Dieu, c'est le tumulte des passions, mais ce ne sont pas les 
occupations extérieures... 

La vie contemplative qui ne se nourrit de rien, est 
stérile ; l'homme , au contraire , qui a une occupation 
suivie , en tire , aux heures de relâche , des motifs de 
réfléchir, de méditer sur ce qu'il a fait et pourra faire 
encore. Au ciel seulement, la contemplation de Dieu suffira 
à noumr notre pensée ; mais, sur la terre, si vous savez 
mener de front l'activité et la méditation, quoi de plus 
accompli? S'abstraire de la vie pratique, sous prétexte de 
perfection, c'est s'interdire la moitié de l'existence, non 
point la plus belle sans doute, mais la plus méritante et 
aussi la seule capable de donner à l'autre tout son prix. 
Telle est la loi du travail , il faut semer pour récolter. 
Gardez vos ouailles avec zèle, et l'étoile brillera pour vous, 
comme elle apparut aux bergers dans la nuit de Bethléem : 
a ... inter pastoralis exctibias solliciiudinis , super nœ iibi 
claritas arrideat visionU. » 



§111. 

Si, pour goûter les joies de la philosophie et de la 
religion et pour faire son salut, il n'est pas nécessaire de 



- 252 - 

s'imposer des retraites sévères ni de répudier les œuvres 
de l'activité humaine, seront-ils plus profitables, ces longs 
pèlerinages pour lesquels l'enthousiasme entraînait alors 
tant de chrétiens ardents, tant d'hommes d'aventure, à 
parcourir les terres et les mers ? 

Quand le comte d'Anjou voulut aller à Saint-Jacques-de- 
Compostelle, en Espagne, Hildebert entreprit de l'en dis- 
suader (1). — Vous avez reçu de Dieu sur cette terre, lui 
dit-il, un poste à occuper, vous devez le conserver. Partir 
pour Saint-Jacques, ce serait abandonner ce poste conflé à 
votre garde ; ce serait trahir les petits, .qui ont mis leur 
espoir dans les bienfaits de votre règne : un prince se doit à 
ses sujets. — Cette idée n'était pas personnelle à l'archevêque 
de Tours ; Suger dira la même chose à Louis VII, plus d'un 
prélat tiendra ce langage à saint Louis. L'humble, le pauvre 
pèlerin peut s'en aller par les chemins, le bourdon à la 
main, mais, pour le comte d'Anjou, sa grandeur l'attache au 
rivage. 

« Quisquis administrationem suscepit^ alligatur ohedie^i- 
» tise, qtiam^ nisi ad majora vocetur et utiliora, si relinquit^ 
» delinquit. Unde, fili charissime, te culpa inexcusahilis 
» spectat^ qui necessariis non necessavia, dispensationi otium, 
» dehitis indehita pneponis... Tu quidem te alligâsti votOy sed 
» Deus officio ; tu vise , sed Deus ohedientise : viae , qua 
» Sanctorum memorias videres ; ohedientise^ qua Sanctorum 
» memoriis (2) provideres. — Vous vous êtes lié par votre 
T> serment, mais Dieu vous lie à votre devoir ; vous voulez 
» prendre votre course, mais Dieu réclame l'obéissance ; vo- 
» tre voyage vous ferait voir les tombeaux des Saints, mais 
3> il faut pourvoir à la sécurité et à la gloire de leurs sanc- 
» tuaires dans vos États. » 

On sait, en ofTot, que telle était la principale fonction des 

(1) Ad memoriam Beali Jacobi. Migne 1, 15. Notre 01. 

(2) 1V2, B/5 : meritis. 



— aai - 

princes de la terre aux yeux du clergé : veiller à la grandeur 
des églises et des monastères. Robert de Normandie (1) a et** 
ù la croisade ; personne ne lui en sut jamais aucun grê. Ou 
ne se rappela qu'uni' chos(>, c'est qu'il avait ^lé impuissant 
à maintenir l'ordre dans ses États, et que son règne avait été 
celui du pillage et de l'anarchie. Hildeberl, en sa qualité de 
prélat attaché à l'Église romaine, a je goût d'une administra- 
tion sage, éclain''p. Vn gouvernement pondéré et juste est 
selon lui une plus belle œuvre, pour un comte, que le dépôt 
d'une couronne sur le tombeau du Christ. . 

Mais voici qui est jilus grave. Dans l'ordre contemplatif 
môme, dans le domaine de la prière, et considéré unique- 
ment comme acte de dévotion, le pèlerinage aus Lieux-Saints 
n'est pas le genre de pratique religieuse le plus agréable h 
Dieu, s'il faut en croire Hildebert « Inler talmtta qitre servi» 
» suis paleffiimUias dUlnUitit , circuire vagum orbem 
a terramm nuttua doctor, nutla omnino scriptura comme- 
9 moral (2). Hieronijmi teilimonio Beatua Hilarion, cum 
B esset proximta dvilali Jérusalem, snmel eam vîdil, ne loca 
v Sanctorum contempsisae videretur (.3). — Entre les talents 
B (les trésors) que te père de famille distribue à ses servi- 
j> leurs, ie don de circuler dans le monde n'est mentionné 
■ ni par l'Écriture, ni par les docteurs. Au témoignage de 
» de saint Jérôme, saint Hilaire, passant près de Jérusalem, 
» la visita une fois pour ne pas avoir l'air de mépriser les 
> Lieux-Saints. > 

Ces paroles sont tirées de la lettre au comte d'Anjou ; 
mais le genre de considérations dont nous parlons, se 
trouve développé dans la lettre (4) fi une veuve qui va se 



(1) [tobert Coiirl«1iHLiBe, lils île Guiltaume le Coriiiuéi-ant. — Voy. 
1" partie, cb. II, pp. 6ô et B(î. 

(S)B/3. E/i: connumeral. 

(3) Remarquez cetlQ cliute de phrase cicéroiiienne; Ilililebert n'en 
i^lait pas cuiilumiec, 

(*) Kgredienli tihi ilu mailio. Mi^ni? I. ô. Notre 71 . 



— t>5i — 

retirer dans un monastère et qui, de toute façon, même si 
elle ne prend pas la route de Terre-Sainte, est perdue pour 
le monde. Les expressions d'Hildebert, quand il la félicite 
d'avoir préféré le couvent au pèlerinage, sont curieuses : 
« Chriatum sepultum quam Christi sepulcrum sequi mal- 
» uisti.... Vous avez mieux aimé obéir à la voix du Christ 
» enseveli dans votre cœur, que chercher la sépulture du 
» Christ. Ut enim efficiamur discipuli Cliristi , hajulare 
» monemur ipsius crucem, non quœrere sepulturam (1) Les 
» vrais disciples du Christ portent sa croix, ils ne se mettent 
» pas en quête de son tombeau. » Entreprendre de tels 
voyages, c'est satisfaire un certain esprit de curiosité ; c'est 
chercher à se signaler par une dévotion retentissante, enfin 
ce n'est point la marque du véritable renoncement. 

Et renoncer...... en apparence aux distractions, c'est 

encore, quand on est capable de l'apprécier et de la goûter, 
se réserver la meilleure part. Les esprits vulgaires n'y 
comprennent rien ; ils se ruent aux expéditions lointaines ; 
ils se jettent à corps perdu dans les aventures, quitte h 
polluer, par le brutal déploiement de leurs instincts, les 
choses saintes qu'ils s'imaginent vénérer. 

Mais la dévotion a des jouissances plus intimes ; l'Écriture 
ne livre ses secrets que dans un commerce incessant, par 
le travail du cabinet, et le commentaire de la parole divine 
se trouve dans tout ce qui nous entoure, sans qu'il soit 
nécessaire de passer la mer. Sans doute, il faut aller à Rome 
palper les débris de la vieille civilisation, du vieil empire 
disparus, car on ne saurait les voir que là ; il faut aller à 
Rome saluer le chef visible de l'Église et prendre son mot 
d'ordre : devoir de poète et devoir de prélat. Mais aller à 

(1) Geoffroy de Vendôme emploie la même expression dans un sens 
tout à fait prosaïque (Migue CLVII, lettre I, 13, au Pape), t Nunc utique 
M venissera, sed societatem invenire non potui securam, et mortiferos 
» Italie calores timebam. Bajulare quidem crucem Chrîstus jubet, 
» non quœrere sepulturam. >; 



'255 - 



' Jérusalem, ce serait du Icmps perdu, pour l'administrateur 
comme pour le croyant, et on !i mieux îi faire que de 
s'asservir uveuglément h une mode tombée dans le dorniiine 
public. Jésus est partout dans une rue où il y a des pauvres ; 
lu Nature, où qu'on soit, dît la grandeur de Dieu. L'accom- 
plissement raisonné de nos devoirs, la méditation des 
cérémonies du culte et l'observation éclaii-ée des choses 
joumaliÈres, sonl le meilleur stimulant pour l'amélioration 
de noire ;\me et le dévoloppemenl de notre espril. 



g IV. 



Pour Hddebert, le saint sacrifice de la Messe élait comme 
une fête de la science, qui se renouvelait chaque jour ; pas 
le plus petit détail qui ne rappeliU à l'officiant les passages 
des Écritures, qui n'incitât son intelligence à faire des 
comparaisons, expliquer des ligures, opposer des anti- 
thèses (1). Voyez, par exemple, la lettre où est si joliment 
expliqué le rôle de l'éventail ou flabel (2), 

Flabellum libi misi.. (!oiigruiirii sclUcei pmpulsundis muscis instm- 
nientum. Est etiam quod in muniiijciilo noslru mlerprelari le oporteal. 
Attende ergo quibiis muacis immolantes [loniino sacerdoIesgravliiBîn- 
festenlur,qiiibua fréquenter impeilïantursalnlariaaItaHs o(1)cia(3).MUle 
suni occursantium ptiantasmata cogitation uni, mille diatioli suggestia- 
nes, mille mortaliamtentalionesanimoruin; qiuedumsesacrillcantium 
mentibus inopino ingeruni illapsu, dum eas ad alla atque aliéna cogi- 
taiida attHtrahunt , dum hiereticam mciliuntur inducere pravitateiu, 



(1) Cf., d'HUdebert, Veriut de Myilerio mûaat. M igné, col. il77-ll3fi - 

et suiv. — Par exemple, les propliétes ont soupiré après le Christ, 

l'ont exalté et invoqué : ces trois états d'àme ojit leur expression dans 

I noe prière distincte an conimencement de la messe; — l'orOciant 

' monte A l'anlet le CAlice dans la laaia droite, parce que Notre 

, Seigneur fut Trappe de la lanue au côté droit ; etc.. 

(8) FUibelluin libi miii. Migne l, 2. Notre 'Si. — Voir la note, chap. II 
de celte ^ partie, p. 170, sur les éventails liturgiques. 
(3) Ce membre de phrase a été omis par Beaugeiidre. 



— 256 — 

qaid aliud faciunt quam, velut qusedam muscae, sacrificantes altaris 
minislros infestant et impediunt? Talium portentamuscarum patriarcha 
noster Abraham propulsanda prsesignavit^ cum a sacrificiis aves 
abegerit incursantes. Scriptum est enim : a Descenderunt volucres 
super cadaveraj et abujebat eas Abraham (1). » Dum igitur destinato 
tibl flabello descendentes super sacriflcia muscas abegeris, a sacrifi- 
cantis mente supervenientium incursus tentationum catholicse fidei 
ventilabro exturbari oportebit. Ita liet ut, quod susceptum est ad 
usum, tibi mysticum prsebëat intellectum. Et quontam praîfata^ 
volucres super sacriflcia tantum descendisse leguntur, non etiam (2) 
cœptum interrupisse officiura, sacerdotes Christi tentationes, quas 
perferunt, ita docentur abigere , ut a sacramentis altaris talis eos 
lapsus non cogat abslinere. Hic enim defeclus inArmitas est quœ 
virtutem perfîciat, non quœ virtutis opéra in irritum deducat (3). 

L'atmosphère des cathédrales, où se pressait tant de 
monde de toutes les classes, était souvent méphitique, et 

{\)Gen. XV, 11. 

(2) B/5 : tamen. 

(3) « Je vous ai envoyé un flabel , instrument propre , comme 
» chacun sait , à chasser les mouches. Mais notre petit présent 
» réclame de vous une autre interprétation. Remarquez queUes 
» sont les mouches qui tourmentent le plus gravement les prêtres 
» pendant la messe, au point d'empêcher fréquemment tout le bon 
» effet des offices ; ce sont les mille fantômes des pensées qui se prc- 
» sentent, les mille suggestions du diable, les mille tentations qui 
» obsèdent les mortels : autant d'objets extérieurs et contraires qui 
» envahissent l'esprit des officiants par une intrusion inopinée, les 
» entraînent et les mettent en danger d'hérésie. Ne dirait-on pas des 
» mouches qui tourmentent et arrêtent les ministres de l'autel ? Voilà 
» bien les bêtes dont notre patriarche Abraham a signifié qu'il fallait se 
» garder, en repoussant des sacrifices les oiseaux qui y faisaient 
» irruption. Il est écrit en effet : Les oiseaux descendirent sur les 
» cadavres des victiwesy et Abraham les cfiassait. En même temps 
» donc que ce flabel qui vous est destiné éloignera les mouches des- 
» cendant sur l'hostie, il faudra que les tentations promptes à survenir 
» soient repoussées de l'esprit de l'officiant par le van de la foi catho- 
»> lique. Ce que vous aurez reçu pour votre usage, vous offrira un 
» sens mystique ; et, comme les susdits oiseaux sont descendus seule- 
j> ment, d'après l'Écriture, sur les sacrifices, mais n'ont pas interrompu 
» l'office commencé, de même les prêtres du Christ sont instruits à 
» chasser les tentations qu'ils subissent, sans aller jusqu'à la chute 
» qui les éloignerait des sacrements de l'autel. Car ce besoin de secours 
« est une faiblesse grâce à laquelle la vertu est plus complète, non 
» une faute qui réduise à rien les œuvres de la vertu. » 



— !2f>7 — 

un délicat avait besoin de quelques raffinements pour y 
conserver la lucidité de sa méditation. Aussi, n'en doutez 
pas, le grand seigneur qu'était d'instinct Hildebert trouvait 
son compte à l'office du flabel, qui chassait, avec les odeurs, 
les pensées légères ou mauvaises de l'offîciant et faisait de 
lui un autre homme, le transfigurait. Il jouissait alors 
pleinement de Timportance de ses fonctions et entrait dans 
son rôle avec megesté. L'éventail chasse les mouches, 
comme taisait Abraham autour de l'holocauste, et notre 
évoque se sent l'héritier d'Abraham ; il officia, après lui, 
dans les conditions nouvelles où Dieu a voulu être servi. 
Le peuple a une conscience vague de la beauté de ce rôle et 
de ce ministère, mais il ne la saisit pas pleinement. En 
pensant cela, l'évêque laisse tomber les yeux sur ses 
sandales, autre présent d'un évêque, son collègue (1), et il 
se dit que ces sandales à demi ouvertes sont un symbole 
encore, le signe que le peuple restera toujours à moitié 
chemin de la vérité, et qu'il suffit de lui faire part d'une 
demi-science, pour qu'il reçoive toute la nourriture dont il 
a besoin, mais que le ministre de Dieu, seul, pressent le 
dernier mot de la science divine. Elle brille, cette science, 
comme les deux candélabres d'or , don de la reine 
Mathilde (2), qui illuminent l'autel ; et Hildebert jouit, 
tout en continuant à se laisser éventer, de la communion 
avec les Écritures, avec Dieu, les docteurs et les esprits de 
tous les temps.... 

C'était une jouissance intellectuelle; ce n'était pas un 
acte de mysticisme, qui eût consisté à se croire en commu- 
nication avec Dieu, mais par la voie de l'amour, de l'adora- 
tion et de la prostration. Alors, la créature s'absorbe dans 
le créateur ; elle s'extasie d'être, tour à tour ou ensemble, 
écrasée et reçue par le Très-Haut ; elle s'abandonne au 

(1) Etsi quantas debemus. Migne III, 31. Notre 35. 

(2) Difficile est discrète. Migne I, 9. Notre 85. 

17 



.*j 



— 258 - 

vertige du sentiment. Tel n'était point Tétat d'esprit de 
notre évêque, mais avant tout une vue logique de la création 
sous forme de figures, une manière d'envisager le monde 
par l'allégorie. Il ne croit pas que Dieu le visite d'une façon 
particulière , comme sainte Thérèse et saint François 
d'Assise, mais tout parle à son intelligence, parce qu'il 
possède dans les Livres Saints la clef qui ouvre tout. Il ne 
pratique pas le mysticisme, mais il se fait des choses une 
conception qu'on peut qualifier de 7nysticisme systématique. 
Car la Révélation est un moyen que Dieu a donné aux 
hommes d'interpréter ses actes, de déchiffrer ses intentions 
dans les événements les plus ordinaires et dans les êtres ou 
les objets qui nous entourent, en se référant aux images 
dont l'Écriture est pleine : la nature n'en donne que le reflet. 
« Omnia fera mysticos affermit intellecluSy et facile est ex 
» qualihet ve morum figurare venustatem. Nihil ita creatufïi 
» est pro se, nihil ita simplex, oui non sit aliquid unde 
» doceamur, vel cavei^e noxia , vel salutaria provider e. 
» — Toutes choses, ou à peu près, sont susceptibles d'une 
» interprétation mystique (1), et il est facile par ces indices 
» de dégager de belles règles de conduite. Rien n'a été créé 
-» pour soi-même, rien n'est tellement simple, qu'on n'y 
» puisse trouver un de ces enseignements, à l'aide desquels 
D on se garde des choses nuisibles et on pourvoit à son 
9 salut. ]» 

Par exemple, Hildebert était contemporain de ces recueils 
appelés bestiaires, où les phénomènes de la vie animale, 
plus ou moins fidèlement observés, représentaient pour le 
chrétien autant d'avertissements d'ordre moral; où l'on voyait 
que le pélican, déchirant ses entrailles pour nourrir ses 
petits, était l'image du Sauveur mourant pour nous rendre à 
la vie éternelle ; que Dieu avait voulu que les lionceaux ou- 
vrissent les yeux deux jours seulement après leur naissance, 

(1) C*est-à-ilire figurée. — Môme lettre. 



pour noua rappeler le passage du Christ dans le lom- 
beau ; que, si l'aigle, pour éprouver ses aiglons, Icsmel face 
au soleil, précipiUintdu haut dea airs ceux qui n'en peuvent 
supporter l'éclat, nous avons à subir une épreuve semblable 
Quand la grâce nous est oflerte, soit que nous nous y prê- 
tions vaillamnient, soit que nous la repoussions pour notre 
malheur, Ht autres phénomènes semblablement interprétés. 
Les fleuves tombent h la mer, sans jamais l'emplir, et renais- 
sent sans trêve à leur source sous forme d'une onde pure; 
c'est ainsi, dit notre théologien poète, que les corps humains 
vont 'à la terre, ce qui ne les empêchera pas de ressusciter 
dans tout leur éclat (1) ; que dirai- je encore? La vue d'un 
pécheur à la ligne rappelait cette parole du livre de Job (2) : 
i pourrais-tu pêcher Leviathan? s, qui était t'annonce du 
mystère de l'Eucharistie. Et on découvrait dans le désir 
ardent du pécheur attentif h sa proie, dans l'engin do- 
cile, dans l'appftt ingénieusement présenté, le symbole, 
bien inattendu, de la Divinité attirant à soi les fidèles qui, 
en recevant le Christ sous forme de chair, y découvrent 
l'instrument de leur élévation vers le ciel (3). 

Comme nous le voyons dans le Carmen de Operibua s&i- 
dierum (4), Dieu ne s'est complu à façonner le monde 
végétal et animal que comme l'indice d'un monde supérieur, 
dont l'aurore luit dans notre conscience ; l'Éternel songeait, 
en dessinant ces arbres, ces mers, ces continents, à l'homme 
qu'il avait l'intention d'y placer. Ainsi, dans sa Création, 
il présentait simultanément aux yeux, en les séparant, le 
ciel et la terre, la lumière et les ténèbres, deux ohjels natu- 
rels créés symboliquement par une opposition conMante et 
annonçant deux catégories d'hommes, l'un les bons, l'autre 
les mauvais ; entre les deux, est établi le firmament qui 

(1) Uigne, Pairol. laî.. col. 1273-1312. 

(2) Job XL. 20. 

Ci) Migne, PalroL lot., col. 1270-1W0 et iaT7-12-ai. 

(1) Migne, col. 1213-111X1. — Voy. B. Hauréau. Mélanges, p. IGl. 



- 260 — 

représente rÉcriturc, faisant la séparation, par laquelle on 
passe de l'ignorance ou de l'inertie à la science active. 

Elle ne consistait pas, comme aujourd'hui, à étudier pour 
lui-même le détail des choses de la nature et de la vie ; mais 
on cherchait des renseignements, et on croyait les trouver, 
sur le sens général de l'univers. En tout cas, cette connais- 
sance de l'au-delà qui nous embrasse, nous limite et nous 
définit, cette explication étayée par les textes, par les 
témoignages transmis à titre de documents, c'était, au point 
de vue de l'homme qui nous occupe, c'était la science. Vraie 
ou fausse, contradictoire ou non avec la nôtre, que nous 
importe ici, dès qu'elle impliquait chez Hildebert quelques- 
uns des plus curieux éléments de l'état d'esprit d'un savant? 
Et de fait, dans la lettre Totum te mihi (1), un petit modèle 
de critique, l'auteur, placé entre plusieurs autorités dont 
pas une n'est prépondérante, a, pour un fait particulier 
laissé dans le vague par les Évangiles, usé du procédé 
moderne qui est l'art de tenir l'esprit en suspens par le 
doute motivé. 

§V. 

La science d'Hildebert avait un effet pratique. L'observa- 
tion raisonnée (ratio), qui interprète les signes de la volonté 
divine, en se combinant avec les usages traditionnels (consue- 
tudo, coutume) et avec les enseignements des docteurs 
(auctoritas) et surtout de l'Évangile (veritas), avait fini par 
constituer un code capable de guider les chrétiens dans 
toutes les circonstances délicates de leur vie. Hildebert eut 
plusieurs fois des sentences à rendre comme interprète de 
ce droit qu'on appelle le droit canon, 

A quatre reprises, il se prononce sur des questions de 
maiiage. Dans la lettre Sicut Sanctitatis (2), il s'oppose à 

(1) Totum te mihi signifieasti. Migne III, 25. Notre 57. 

(2) Sicut Sanctitatis Veatrœ. Migne 11,14. Notre 26. — C'était le comte 
de Mortaiii qui épousait la fille de Gautier de Mayenne. 



- 261 - 

un mariage que le comte de Mortain et Gautier de Mayenne 
avaient résolu afin de cimenter leur réconciliation po- 
litique ; la raison de son opposition fut que les fiancés 
étaient parents à un degré prohibé par TÉglise (1). i es 
canonistes de l'époque étaient excessivement sévères sur 
ce point. Outre le désir de laisser au clergé la haute main 
sur toute alliance dans les familles (2), c'était aussi certaine- 
ment dans le but de favoriser la diffusion de l'esprit de 
charité et de combattre l'exclusivisme féodal, qu'ils prohi- 
baient avec cette rigueur les unions entre parents. 

Nam descendentes ab eadem stirpe ligantur 

Proximitate sua, charique sibi generantur. 

Nil araplexus eis ad honestum praestat amorem, 

Nam satis hune fratrem, satis est banc esse sororem ; 

Inter eos ideo connubia nuUa jugantur , 

Quos ^eneris pietas et gratia praecomitanlur. 

Vult Deus ut liant, qui non nascuntur, amicl ; 

Vult homines aliud quam cognatos sibi dici ; 

nias uxores, istos vult esse maritos, 

Ex alienigenis illas istosque petitos ; 

Conjugiale bonum, quos stirps sua séparât, unit : * 

Fœderat hoc populos, ligat urbes, inœnia munit (3).... 

La question se présentait sous une autre face que précé- 
demment dans les deux lettres Si fides et Iterare (4). Une 
jeune épousée avait perdu son mari, mais le mariage 
n'avait pas été consommé, et on se demandait si cette 
circonstance ne donnait pas au beau-père le droit de 
faire épouser à sa bru son autre fils. Hildebert se pro- 
nonça pour la négative. — Cependant, disait-on, il faut 
mettre la jeune veuve à la question ; si elle soutient dans 

(1) La prohibition s'étendit un moment, par une singulière exagéra- 
tion, jusqu au septième degré canonique. (Sur la manière de compter 
les degrés, voyez 1»^« partie, chap. IV, p. 97.) 

(2) Voy. l""* partie, chap. III, p. 85. — / noter encore le désir qu'on 
avait de réagir contre l'ancienne Loi, et enfin l'argument physiologique. 

(3) Poésie d'IIiidebert De Fine data ritibus Judaicia : Migne, col. 
1425-1350 ; B. Haurcau, p. 9i. La rime est jointe à la quantité. 

(4) Si fides et Iterare clamorem. Migne II, 1 et 2. Nos n®' 25 et 24. 



— 262 — 

les tourments que son mariage n'a pas été consommé , 
elle redeviendra libre. — Hildebert s*y refusait avec énergie ; 
cela ne sert de rien, répliquait-il, de mettre la veuve à 
la question, puisque, consommé ou non, le mariage n'en 
existe pas moins : a Conjugium fit consensu voluntatiSy non 
commercio permixtionis (Saint Ambroise). » Ainsi, elle a 
donné une première fois son consentement, elle a eu un 
mari, le frère de celui-ci est devenu son frère, le mariage 
est impossible entre eux. En un mot, notre prélat refuse 
d'entrer dans les détails répugnants où se complairont les 
casuistes du XVP siècle, par exemple le jésuite Sanchez (1), 
dont les théories étranges compromettront singulièrement 
la thèse des spiritualistes ;. Hildebert et Yves de Chartres se 
placent à un point de vue exclusivement moral, ils réprou- 
vent* toute enquête physiologique (2). 

Pas plus que la consommation du mariage, le caractère 
légal de l'institution ne les préoccupait fort. Le consente- 
ment est-il réel de part et d'autre? Voilà toute la question, 
elle se pose dans les consciences. On se rappelle le sujet de • 
la lettre De muliere (3). Une femme a déterminé son mari 
gravement malade à prendre l'habit de moine pour obtenir 
sa guérison, et, la santé lui étant revenue, elle ne veut plus 
le laisser entrer dans un monastère. Elle invoque, pour sa 
défense, que son mari lui a engagé sa foi devant un prêtre, 
et que les ministres de Dieu n'ont pas été présents à son 
second vœu. Cette argumentation aurait aujourd'hui pleine 



(1) De Malrimonio. 

(2) Yv. ep. 148. — Voyez aussi les lettres d'Yves de Chartres à Hilde- 
bert 167 et 2.S0, sur des questions de divorce. Nous n'avons pas celles 
de notre évêque qui durent y correspondre. Les Instincts de leur 
nature élevée et les nécessités de la pratique les ont amenés à conclure 
que la preuve de la fornication, péché pour lequel le Sauveur aurait 
admis le divorce selon saint MaUiieu, n'était pas à invoquer. En 
revanche, ils admettent le divorce pour les cas d'inceste même 
inconscient (union entre conjoints qui ne se savaient pas parents). 

(3) De muliere quœ decumbenti viro. Migne III, 36. Notre 5. 



'i(i:î - 



valeur ; mais, au temps d'Hildebert , la légalité n'avait 
pas encore lue une conception plus large, plus déli- 
cate, de la liberté et de la dignité humaines. Selon lui, 
la présence du prêtre donne aux actes importants de la 
vie plus de solennité, elle les complète, les sanctifie, 
mais ne les constitue pas; un vueu prononcé en toute 
liberté, par une personne que l'expérience a mûrie, peut 
annuler môme l'engagement pris devant les autels, bien 
que, si le pi-èlre fût intervenu de nouveau, cela serait plus 
régulier, « licet, »i per eos fieret, ordinatiut factum dice- 
retur. a 

Voyez maintenant la lettre JVe vel deetse (1), qui est la 
contrepartie de la précédente, puisque cette fois c'est le 
couvent qui est sacrifié aux vœux conjugaux ; mais, si la 
sentence diffère, l'esprit qui l'a dictée est le môme. Une 
jeune fille s'est sauvée du couvent avec Lisiard, et il s'agit 
de savoir si leur mariage est légitime ou si l'on est en pré- 
sence d'un cas d'enlèvement. Hikiebert se demande où fut 
le consentement. Existait-il quand la jeune fltle entra tout 
enfant dans cette communauté, sans même prononcer des 
vœux qu'on remit k plus lard en raison de son âge'.' 
N'est-il pas plutôt véritable dans son prétendu enlèvement, 
puisqu'elle affirme, par serment, avoir agi dans la plénitude 
de sa liberté ? Et puisque Lisiard et elle se sont donné leur 
parole, non seulement ils ont le droit de convoler en justes 
noces, mais ils sont d'ores et déjà mariés. En elîet, dans la 
thèse du XII» siècle, même sans la présence du prêtre, si 
aucun obstacle canonique d'Ordre ou de parenté ne s'y 
oppose , la parole donnée suffit pour nouer le lien 
conjugal (2). Qu'on ne s'étonne pas de ce fait. L'Ëglise, 
beaucoup plus puissante qu'aujourd'hui et assurée de la 

(t) Ne vel deeae JustilÎK. Migni: II, 36. Notre 8. 

(3) C'est ce que proclament, entre antres, Nicoins I" et plus laM 
saint Tliomas d'Aquiii (l>. Viollel, Hiit. du droit ciuil. p. 04). Elise 
passant rlu prêtre, un tait un péché, mois on est marié quand même. 



- 2(54 -> 

domination morale sur les âmes, ne tenait pas avec la même 
rigueur aux formalités légales. C'est le protestantisme qui, 
en sapant les bases de l'autorité ecclésiastique, la força de 
se replier sur elle-même et d'exiger Li preuve matérielle 
d'une participation dont elle ne se sentait plus aussi certaine. 
Alors seulement, après le concile de Trente, fut organisé le 
mariage religieux, tel que nous le connaissons (1). 

Hildebert et ses contemporains vivent dans un âge à demi 
patriarcal, alors que la société n'est pas encore chargée 
d'institutions, ni la morale abîmée dans les détours de la 
casuistique. Leur décision large et nette élude les surprises 
de la procédure et ne se prête en rien aux capitulations 
de conscience; ils s'en rapportent à Tesprit et méprisent 
la lettre : ce sont de vrais chrétiens. 

Le christianisme luttait à la même époque contre certaines 
institutions rétrogrades qui devaient, en s'imposant à la loi 
civile, dominer longtemps encore la société. Je veux parler 
de la Question et des épreuves de l'eau bouillante, du fer 
rouge et autres de même sorte. Hildebert les réprouvait, non 
pour raison de sentiment, mais par doctrine, au nom d'une 
intelligence supérieure (2). Ce qui le frappe dans la Question, 
ce n'est point qu'elle soit cruelle , mais plutôt combien elle 
est inutile, déraisonnable et impie. Les prélats distingués de 
son temps pensaient comme lui. L'établissement de la 
torture légale en matière religieuse fut le fait de l'Inquisition ; 
or celle-ci ne fut établie qu'au XIII® siècle, quand l'Église 
commença h rencontrer des difficultés sérieuses, et dans le 

(1) Ce concile exigea la présence du prôtre et de deux témoins ; mais, 
à certaines époques de troubles, comme la Fronde, on vit le prêtre 
forcé manu militari à assister à rechange des paroles de mariage, qui 
se trouvaient de la sorte validées par sa présence, même involontaire 
(mariages à la Gaumine). En Ecosse, les fiançailles sont encore consi- 
dérées comme ayant devant la loi religieuse, et même civile, la valeur 
du mariage. 

C2) Lettre Si fides déjà citée. — Beos tor mentis afficere. Migne II, 52. 
Notre 14. 



— 2(>5 - 

raidi seulement ; la procédure de ces tribunaux fut toujours 
regardée comme extraordinaire par les législateurs du droit 
canon. 

Quant à Yves, il appelle ces épreuves une invention 
de la plèbe et des ignorants : « Viilgarem denique legem ac 
» nulla canonica sanctione fultam, ferventi$ scilicet sive 
]> frigidœ aquœ ignitique ferri contactum^ aut cujus libet 
» popularis inventionis,.,, » Ces paroles, attribuées au pape 
AJexandre II, sont tirées de la lettre où Tévêque de Chartres 
répond à Hildebert, qui lui avait demandé s'il devait consentir 
à répreuve du fer rouge pour se laver de Taccusation 
de trahison, comme le voulait le roi d'Angleterre (1), 
« Spontanea confessione vel testium approhatione puhli- 
» ca delictay hahito prœ oculis Dei timoré, cominùsa su7it 
» regimini judicare ; occulta vero et incognita illius sunt 
» judicio relinquenda , qui solus novit corda filiorum 
» hominum. » 

Telle est la consultation d*Yves de Chartres : la con- 
fession volontaire et le serment des témoins (2) sont les 
seuls moyens dont dispose la justice humaine , sans 
empiéter sur le domaine de Dieu. Plus tard, avec les 
progrès de la législation, cette extrême indulgence de la 
juridiction canonique constituera un moyen abusif de se 
dérober pour les criminels, trop heureux d*être ainsi, pour 
leur punition, mis en présence de leur seule conscience ; 
mais au XII® siècle, le droit canon maintenait, en présence 
des procédés barbares de la féodalité, une tradition saine, 
juste et humaine. 

Remarquons, toutefois, qu*Hildebert n'a pas formellement 
condamné la Question. Non, mais par deux fois il en 
réprouve l'application dans des cas particuliers, et il ne la 

(1) Voy. notre 1" partie, cli. Il, p. 56. — La lettre d'Yves porte dans 
M igné le n" 74 ; nous n'avons plus la lettre «rilildebert. 

(2) Voy. l'alTaire du doyen Uaoul et du chanoine Nicolas. Migne II, 
36 à 39. Nos n'*» HX) à 103. 



- 266 — 

réclame nulle part. C'^ait peut-être plus que de condamner 
la Question en principe, chez un homme qui fut mis à même 
par sa situation de manier les choses et les hommes : les 
déclamations sentimentales sont si aisées à celui qui 
n'endosse aucune responsabilité ! 



§ VI. 



Mais Hildebert avait le sens de Vaction, Placé à la tête 
d'un diocèse troublé, entre deux dominations rivales, il fit 
preuve d'une réelle habileté politique. En diplomate avisé, 
il n'aimait pas les caractères tout d'une pièce. Ainsi, il est 
curieux de comparer la lettre qu'il écrit à Raoul, lors de 
l'élection de Rainaud (1), avec celles de Geoffroy de 
Vendôme (2). Celui-ci, esprit étroit, n'ayant d'autre hori- 
zon que le cloître de son monastère, ni d'autre règle 
que les petits intérêts de sa maison, se montre intraitable 
et voue l'archevêque, avec le nouvel élu, aux gémonies. 
Hildebert est plus humain dans son attitude, plus nuancé 
dans son langage ; il évite de traiter de misérables des 
hommes avec lesquels il sent bien qu'il sera obligé de vivre, 
et il leur ménage, si j'ose dire, une porte de derrière, c On 
vous a forcé la main, n'est-il pas vrai ? Vous avez cédé à 
l'entraînement ; vous pliez, mais pour un temps ; différez, 
réfléchissez, etc.... » 11 en fut de même à propos du Pape, 
dont Geoffroy condamnait sans réserve la faiblesse à l'égard 
de l'empereur (3), et pour lequel Hildebert avait réclamé le 
bénéfice d'une de ses maximes favorites : « Attendons la 
fin (4). » Pourtant, hâtons-nous de le rappeler, dans les deux 
cas la conclusion est ferme ; mais l'attitude générale est d'un 

(1) Petitio vestra qua vocatnur. Migne II, 4. Notre 1. 
l2) Goff.ep. HI, 11, 13 cl 14. 

(3) Golf. ep. I, 7. 

(4) Ntinquam felicius. Migne II, 2^2. Notre 1)3. 



- 267 - 



homme de goilt et ne rend pas impossible, pour l'avenir, dfis 
rapports de bonne compagnie avec ceux qu'on désapprouve 
présenlement, 

Hildeberl gagna à cet esprit politique de pouvoir jouer un 
rôle d'administrateur et de pasteur dans la société de son 
temps. A l'inverse des lettri^s de Geoffroy de Vendôme, les 
siennes renferment tout autre chose que de misérables 
réclamations de clocher ou un colportage de médisances 
insipides; on sent l'homme qui, faisant partie de l'Église, 
était sans cesse en rapport avec le siècle et maniait des 
questions complexes. 

Il avait toute une clientèle, et la recommandation, fort en 
usage dans re monde comme aujourd'hui, tient une certaine 
place dans sa correspondance. Son crédit auprès d'Henri !•' 
est attesté pur la lettre Benedictun (i), en faveur du frfre de 
l'évêque d'Angers : 

...Porrocandidiorisfortuiiieaortitiisest Brutiam, quisqiiis apiid liunc 
(regeiii) alicai subveiiire posse preadiculur ; quotl si ooti polcal, magna 
tamcii gloriiB matcria est, t\i»a lioc euin posse populus artûtratiir. 
Nequeeiiitn culliiKtconcessuin est rtnia iltius exlorquere favoreni, 
qui diem maJe penlitum judicat, in quo pro perditis moribus ugere 
lion contitigit. Mugni unimi est et de virtiiie glorianlis, ail votum suuin 
severue iiicljnare poleaUitee ; hoc autem posse me pliiriml somniaiil. 
hanc iii acuXiis vestria gratiam cniiseculuin fabulanlur.,.. 

On trouve encore des paroles flatteuses à l'adresse de 
Henri et de son ministre Roger dans la lettre Virtuti (2), 
paroles destinées h amener la recommandation que voici, eu 
faveur de Guiunjar : 

.... Talem te pro iioslro GuiJone roture dec rêve ram, sed vorilus 
sutii ne, ituoi) per te tucturus es, precibus extorluin putaretur ; gruliom 
BUDt benellcia, qua; non alieno interventu eM afTectu spontaneo pro- 



(1) Benediclus Dominitt. Mignf [II, 13. Noire <;, 

(2) Virtiiti g,-atiilor. M igné II, 12. Nulro;», — Cri-r/idi mepcccaliirufii, 
à i'tVL'que de Dtirliam, minisire de Gtiitluiime le Iloux, sernît une 
lettn! de recommandation Tort jolie, si les op|>ositions de pronoms n'y 
étaient un peu alTectèes. [Migne III, t. Notre 37.) 



— 268 — 

veniunt. Praefaium tamen fratrem filiumque nostrum eo non debui 
defraudare testimonio , quod non minus vita quam liiteratura (1) 
promeruit. Unus ex nostra Ecclesia excerptus est, cui et ad fructum 
scientia et ad exemplum mores exubérant; unus ille tibi pro multis 
erit, quoniam in illo uno multos magistros invenies. Porro diutumior 
ejus apud te conversatio pauca me super eo scripsisse conclamabit 

On le voit, il est question des qualités du protégé et 
nullement de la vanité du prolecteur; il n*en était pas 
toujours de même chez Gicéron. Celui-ci terminait ses 
lettres de recommandation par ce trait : « surtout faites 
en sorte qu*il sache bien que c'est à Moi qu'il doit vos 
bonnes grâces. » Hildebert finit sur une pensée telle que : 
«J'ai peut-être tort d'intervenir; j'aurais mieux fait de 
laisser Dieu vous dicter votre conduite ; en résumé, inspirez- 
vous de sa grâce et, en ayant recours à lui, n'oubliez pas 
de le prier pour moi, pauvre mortel. » Humilité de conven- 
tion, car les formules varient, et le cœur humain ne change 
guère. Mais, tandis que, chez les anciens, le personnage se 
découvrait sans vergogne dans son orgueil naïf, l'amour- 
propre de l'évêque se voile d'une formule modeste, et sur 
ce point l'épistolier du XIP siècle est le précurseur de la 
civilité moderne. 

§ VII. 

A Adèle, comtesse de Blois, Hildebert se recommandait 
lui-même pour une chasuble (2). Les temps étaient durs, 
l'église du Mans avait été dépouillée de toutes ses richesses, 
et pourtant qui oserait dire qu'il vivait dans un siècle de fer, 
l'homme qui adressait à la princesse ce galant et spirituel 
billet à la façon de Voltaire ? 

(1) Litteratura signifie, chez Hildebert, la connaissance des lettres et 
particulièrement des Écritures. <i Lilteraturam simulanti », est-il dit 
de riiérésiarque Henri {Vfmsentinm lalores), 

(2) Attritœ frontis. Migne III, 2. Notre 80. 



— 269 — 

AUrilae frontis est egestas ; nihil pudet« diimmodo juvet. Egestas 
et ad crimen urget et intercedit ad veniam; ignosces igitur si quid, ea 
urgente, supra raeritum postulabo. Doces me sperare majora meritis, 
quae rnerilis majora largiri non desistis. Si qua^ris quid aut qua fiducia 
postulem, planeta indigeo. Eam mihi promisisti. Sicut arbitror, non 
deseres promissum, quae etiam non promissa festinas erogare. 
Vale (i). 

On ne saurait déposer sa requête aux pieds d'une 
comtesse avec plus de dégagement et de bonne grâce. 

Telle est la courtoisie d'Hildebert à Tégard des femmes. 
Yves ne leur parle pas avec cette délicatesse ; Geoffroy de 
Vendôme est brutal pour le sexe (2) ; tout le moyen âge 
s'en méfie. Marbode a vanté la Femme forte dont parle 
l'Écriture (3), mais sa plume n*a pas la souplesse de celle 
de notre Hildebert. Et pourtant, à Rennes, dans cette 
Bretagne qui semblait le pays le plus barbare du monde à 
un homme fraîchement sorti des brillantes écoles d'Angers, 
la présence de la comtesse Hermengarde, la femme lettrée 
d'Alain Fergent, fut la principale consolation de l'évêque (4). 

C'est qu'il n'était pas rare de rencontrer, dans la noblesse 
féodale, des dames supérieures à leur mari ou à leur père 
par l'instruction. Pendant que les seigneurs guerroyaient 
les uns contre les autres, les châtelaines employaient leurs 
loisirs h cultiver les bonnes lettres. Mathiide, la fille du roi 
d'Ecosse, la femme d'Henri l*-»*, était fort lettrée, et il 

(1) « La pauvreté relève un front impudent ; rien ne la fait rougir, de 
» ce qui peut lui venir en aide. C'est la pauvreté qui me pousse à cette 
D démarche indiscrète, et c'est elle aussi qui fait mon excuse ; vous 
). me pardonnerez donc si, pressé par elle, je sollicite quelque chose 
» au-dessus de mon mérite. Vous nous enseignez à espérer davantage, 
» vous dont les largesses sont toujours plus grandes que nos services. 
» Vous cherchez ce que je demande avec tant d'assurance : j'ai besoin 
» d'une chasuble. Vous me l'avez promise. Vous ne manquerez pas, je 
» pense, à votre promesse, puisque, même sans avoir promis, vous 
» êtes si prompte à accorder. Adieu. » 

(2) Lettres sur la comtesse de Vendôme (Go/f. ep. 1, 3 ; III, 15, etc.) 

(3) Marbode. Liber decem capUulorum, IV, de Matrona. 

(4) Ernault. Marbode^ pp. 5 et 148. 



— 270 — 

se glisse dans la correspondance d'Hildebert une pièce de 
vers qui lui est adressée (4). Le rude Conquérant avait fait 
donner une instruction étendue à sa fille Adèle, qui s'était 
prise de passion pour la littérature, et c'était plaisir, dit 
Baudry de Bourgueil (2), de dédier des vers à cette prin- 
cesse ; Hildebert ne s'en fit pas faute (3). 

Voici, d'autre part, en quels termes il la louait de tenir di- 
gnement, à la tête du comté de Blois, la place de son mari: 

Absentia mariii laboriosior tibi cura consulatus incubuit. Eam 
tamen et femina sic administras et una. ut nec viro nec pre- 
cariis consiiiis necesse sit adjuvari. Âpud te est quidquid ad regni 
giibernacula postulatur ; sane tantus bonorum concentus (4) in femina 
gratiaî est, non naturas. Gratia Dei praedicandos tibi titulos cumulavit, 
quibus et sexui esses ad gloriam et potestatem temperares. Defers 
enim feminse, dum colis in pulchritudine castitatem ; comitissam 
reprimis, dum servas in potestate clementiam. lUa tibi virum conciliât, 
haec populum (5).... 

Plus tard, Adèle de Blois entra au monastère de Marcigny, 
et il s'agit de diriger dans la voie du salut cette âme 
féminine ; Hildebert y dépensa tous les trésors de son ima- 
gination et de son cœur. Quand il accompagne la mondaine 
repentante au giron de l'Église, alors il est vraiment grand 
seigneur et poète ; faisant table rase de toutes les dignités 
nobiliaires de ce monde, c'est comme une charte d'anoblis- 
sement spirituel qu'il remet ù cette femme, la main dans la 
main, en lui donnant pour marraines toutes les grandes 

(1) Voyez lettre Audita per prœsentium. Autres vers adressés par Hil- 
debert à Matliilde : Anglia terra (Migne, col. 14i3-i366 ; B. Hauréau. 
p. 133;; Auguslis patribus (Mignej col. 1408-1334; B. Hauréau, p. 59). 

(2) Poème de Baudry à .\dèle, dans les Mémoires des antiquaires de 
Normandie, 3« série, t. XXVIII (par M. L. Delisle). 

(3) Desipit et pcccat (B. Hauréau, p. 204) et Augu$ti soboles, ad A. 
comitissam (Migne, col. 1442-1365 ; B. Hauiéau, p. 130). — A citer enfin, 
parmi les vers adressés à des dames par Hildebert, le charmant mor- 
ceau Tempora prisca, ad virginem quamdam versu peritissimam. 
(Migne, 1445-1368 ; B. Hauréau, p. 135.) 

(4) Correction de Beaugendre pour : conventus. 

(5) Absentia mariti, Migne, I, 3. Notre 78. 



- 271 — 

pécheresse réconciliées ; ce sont ses noces qu'il célèbre en 
un épilhalaine : ce Virgines nascunter omneSy eut sorti 
debetur in cœlesti tlialamo prhicipatus. Femina feminam 
generans^ ante Dei socnis est quam liominis. Festivum, 
tam festivum cotijugium ! . . . . (i) » Dans la lettre à une 
recluse (2), la suite des paragraphes commençant par 
Virginitas a un beau mouvement. Sans doute, certaines 
comparaisons sont trop poussées et deviennent précieuses ; 
il y a excès de citations, cela tourne au mauvais goût ; mais 
on sent dans toute cette lettre une émotion communicative. 
Hildebert n'avait peut-être pas la puissance de prosélytisme 
de ce prédicateur, Foulques de Neuilly, je crois, qui conver- 
tit "en une fois par un sermon je ne sais combien de vierges 
folles ; il préfère les pénitentes de haut lignage, qui l'en 
blâmerait? Il sait si bien parler aux grandes de la terre, les 
féliciter, les raffermir ! t Nolo expavescas^ nolo desperes. » 
On a dit (3) que, s'il était galant avec les femmes dans les 
relations personnelles, il ne les épargnait guère à titre 
général dans ses déclamations (4). Pourtant, il nous semble 
qu'il a fait volontairement à la femmcî une belle part dans le 
Liber de Querimonia, ou dialogue du corps et de l'âme. Le 
corps, c'est lui-même, il se met en scène ; l'âme, c'est une 
muse, uniea mea, une femme qui lui adresse des reproches 
passionnés ou qui lui murmure en vers des plaintes harmo- 
nieuses. A la fin de l'ouvrage apparaissent d'autres expres- 
sions : earo, la chair corruptrice ; spiritus, l'esprit qu'EUe a 
tenté. Ce changement de front permet à Tauteiir de se 
rapprocher des expressions mômes de l'Écriture, mais la 
partie vraiment gracieuse et originale du morceau est 
terminée, la fin se traîne dans une dialectique subtile, 

(1) Quod te Dominam appello. M igné I, 6. Notre 7i. 

(2) Connideranti mild votxim tuum. Migtie I, 21. Notre 70. 

(3) M. n. llauréau {Mélanges poétiques (VHUdebcrt, p. 1()5) donne, en 
exceUents ternies, la mesure de l'opinion qu'il faut avoir à ce sujet. 

(4) Conquerar an sileani (\i. llauréau, p. IHI) ; IHurima cum soleant 
(Migiie, col. 1428-1353 ; B. Hauréau, p. iifJ)j etc. 



- 272 - 

ennuyeuse ; l'inlérêl du poëme est épuisé, dès Tinstant que 
l'ame a cessé d'être une muse et une femme. 



§ VIII. 

Nous avons étudié dans Hildebert le savant, le docteur, 
rhomme du monde; nous n'avons pas jusqu'à présent 
rencontré Vami. Certes, le départ est difficile à faire entre 
les expressions de convention du langage ecclésiastique, ou 
môme le parler mondain, et les mots qui viennent du cœur. 
La lettre à Etienne, retour de Rome (1), semble bien dictée 
par une affection sincère, elle est écrite dans le style pas- 
sionné de saint Bernard, et cependant pourquoi faut-il que 
des expressions non moins amicales marquent la correspon- 
dance avec Rainaud, l'ambitieux adversaire de l'évêque du 
Mans, l'ingrat élève de Marbode (2) ? Sans doute, la cour- 
toisie du prélat envers un égal bien né lui dictait ce langage, 
dont la cordialité dut être absente. Y en aura-t-il davantage 
dans ce billet à Marbode (ou à saint Anselme), où Hildebert, 
parlant des lettres qu'on échange entre amis, s'exprime 
avec un si agréable enjouement (3)? 

Commeantium raritas facit ut rariores inter nos epistolae discurrant; 
illa nobis et obsequium salutationis invidet , et arnica colloquia. 
Caeteruni epistolarum raritatem pagina potest supplere prolixior. 
Memineris igitur in\ngilare aliquid, quod et solatium tuse sit absentiac, 
et oculos nieos diutius remoretur : odi verba quae, cura delectare 
incipiunt, desinunt (4). Tuam vero prolixitatem sic amplector, ut 
opistolas longiores et occupatus suscipiann et invitus deponam; illœ 
quidem me ad legendum otiosum non inveniunt, sed faciunt. Vale, 



(1) Et vultum et diem. Migne III, 10. Notre 99. 

(2) Ad nos risque decurrit. Migne III, 5. Notre 7. 

(3) Commeantium raHtas. Migne III, 6. Notre 67. 

(4) Ce membre de phrase est dans B/2, mais non dans la plupart 
des manuscrits. 



— 273 — 

atque id potius âge, ut aiiquando (1) obliviscaris me, quam ut 
aliquando cogites de me (2). 

Cela est bien tourné, trop bien tourné et trop subtil pour 
un document irréfutable d*amitié vraie. Je la reconnaîtrai 
plutôt dans une lettre où elle ne se révèle pas clairement au 
premier abord : Andegavensem pro te convenimus (3). Cette 
lettre s'adresse à Marbode. Remarquez d'abord qu'Hildebert 
a fait pour lui une démarche auprès d'un personnage qu'il 
n'aimait pas, et est allé au-devant d'un refus humiliant. Il dit 
à son ami en manière de conclusion : « Soyez souple, flattez 
les puissants pour en obtenir quelque chose » ; bref, il lui 
parle à cœur ouvert et décharge sa mauvaise humeur, sans 
craindre que ses paroles soient prises pour des maximes. Il 
nous semble que l'homme du monde ne laisserait pas percer 
aussi manifestement son mécompte et que le docteur mesu- 
rerait mieux son langage : or que voyons-nous ? Un homme 
touché au cœur, qui connaît la méchanceté de ses semblables 
et les déboires de la vie, mais qui, le jour où ces misères 
font tort à une personne chère, ne peut s'empêcher de sortir 
de sa philosophie et de s'irriter pour son ami de ce qui lui 
arrive, en le malmenant un peu par excès de zèle 

(1) Beaugendre, à tort : [non]. 

(2) « Les messagers sont rares, et les lettres ne s'échangent pas 

* assez souvent entre nous : nous y perdons Tavantage de nous saluer 
» et de nous entretenir amicalement. Mais à la rareté des lettres 
» on peut suppléer par Fabondance du message. Souvenez-vous donc 
» de me préparer quelque chose qui soit une consolation de votre 
» absence et qui retienne plus longuement mes yeux. J'ai horreur des 
» paroles qui dès Tinstant où elles commencent à nous charmer, s'ar- 
» rétcnt tout d'un coup. Votre conversation me touche tellement qu'au 

* reçu de vos lettres, si longues soient-elles, je les lis toute aflaire 
» cessante et ne les quitte qu'à regret : je n'avais pas de loisir, et il se 

* trouve que je m'en suis créé. Adieu, et, au lieu de penser quelquefois 
» à moi, oubliez-moi seulement de temps à autre. » 

(3) Andegavensem pro te convenimus. Migne II, 3. Notre 4. 



18 



— 262 — 

les tourments que son mariage n'a pas été consommé , 
elle redeviendra libre. — Hildebert s'y refusait avec énergie ; 
cela ne sert de rien, répliquait-il, de mettre la veuve à 
la question, puisque, consommé ou non, le mariage n'en 
existe pas moins : a Conjugium fit consensu voluntatiSj non 
commercio permixtionis (Saint Ambroise). » Ainsi, elle a 
donné une première fois son consentement, elle a eu un 
mari, le frère de celui-ci est devenu son frère, le mariage 
est impossible entre eux. En un mot, notre prélat refuse 
d'entrer dans les détails répugnants où se complairont les 
casuistes du XVP siècle, par exemple le jésuite Sanchez (1), 
dont les théories étranges compromettront singulièrement 
la thèse des spiritualistes ;. Hildebert et Yves de Chartres se 
placent à un point de vue exclusivement moral, ils réprou- 
vent* toute enquête physiologique (2). 

Pas plus que la consommation du mariage, le caractère 
légal de l'institution ne les préoccupait fort. Le consente- 
ment est-il réel de part et d'autre? Voilà toute la question, 
elle se pose dans les consciences. On se rappelle le sujet de 
la lettre De muliere (3). Une femme a déterminé son mari 
gravement malade à prendre l'habit de moine pour obtenir 
sa guérison, et, la santé lui étant revenue, elle ne veut plus 
le laisser entrer dans un monastère. Elle invoque, pour sa 
défense, que son mari lui a engagé sa foi devant un prêtre, 
et que les ministres de Dieu n'ont pas été présents à son 
second vœu. Cette argumentation aurait aujourd'hui pleine 



(1) De Matrimonio. 

(2) Yv. ep. 148. — Voyez aussi les lettres d'Yves de Chartres à Hilde- 
bert 167 et 230, sur des questions de divorce. Nous n'avons pas celles 
de notre évêque qui durent y correspondre. Les instincts de leur 
nature élevée et les nécessités de la pratique les ont amenés à conclure 
que la preuve de la fornication, péché pour lequel le Sauveur aurait 
admis le divorce selon saint Mathieu, n'était pas à invoquer. En 
revanche, ils admettent le divorce pour les cas d'inceste même 
inconscient (union entre conjoints qui ne se savaient pas parents). 

(3) De muliere quœ decumbenti vivo, Migne III, 96. Notre 5. 






— 263 — 

valeur ; mais, au temps d'Hildebert , la légalité n'avait 
pas encore tué une conception plus large, plus déli- 
cate, de la liberté et de la dignité humaines. Selon lui, 
la présence du prêtre donne aux actes importants de la 
vie plus de solennité, elle les complète, les sanctifie, 
mais ne les constitue pas ; un voeu prononcé en toute 
liberté, par une personne que l'expérience a mûrie, peut 
annuler même l'engagement pris devant les autels, bien 
que, si le prêtre fût intervenu de nouveau, cela serait plus 
régulier, « licety si per eos fieret, ordinatius factum dice- 
retur, » 

Voyez maintenant la lettre Ne vel déesse (1), qui est la 
contrepartie de la précédente, puisque cette fois c'est le 
couvent qui est sacrifié aux vœux conjugaux ; mais, si la 
sentence diffère, Tesprit qui Ta dictée est le même. Une 
jeune fille s'est sauvée du couvent avec Lisiard, et il s'agit 
de savoir si leur mariage est légitime ou si l'on est en pré- 
sence d'un cas d'enlèvement. Hildebert se demande où fut 
le consentement. Existait-il quand la jeune fille entra tout 
enfant dans cette communauté, sans même prononcer des 
vœux qu'on remit à plus tard en raison de son âge? 
N'est-il pas plutôt véritable dans son prétendu enlèvement, 
puisqu'elle affirme, par serment, avoir agi dans la plénitude 
de sa liberté ? Et puisque Lisiard et elle se sont donné leur 
parole, non seulement ils ont le droit de convoler en justes 
noces, mais ils sont d'ores et déjà mariés. En effet, dans la 
thèse du XIP siècle, même sans la présence du prêtre, si 
aucun obstacle canonique d'Ordre ou de parenté ne s'y 
oppose , la parole donnée suffit pour nouer le lien 
conjugal (2). Qu'on ne s'étonne pas de ce fait. L'Église, 
beaucoup plus puissante qu'aujourd'hui et assurée de la 

(1) Ne vel déesse justitise. Migne II, 26. Notre 8. 

(2) C'est ce que proclament, entre autres, Nicolas I«^ et plus tard 
saint Thomas d'Aquin (P. Viollet, Hist. du droit civil, p. 424). En se 
passant du prêtre, on fait un péché, mais on est marié quand même. 






— 276 — 



les nations. Or ce sont, n'esl-il pas vrai ? Ce sont les boutons 
obtenus par sélection qui se greffent sur les tiges vivaces, 
et l'image de suint Paul est à l'inverse des eoodilions 
normales. Cependant, pour l'application qu'en fait Hildeberl, 
qu'on mette d'un côté les caractères patiemment fouillés et 
reconstitués, selon les lois naturellt^s sans doute, mais h 
force d'Iiabileté et d'esprit de suite, par le génie ; qu'on les 
suppose entés sur le tronc vivace des légendes populaires, 
qui, elles, ne veulent pas ôlre serrées de trop près par la 
culture, et on aura une allégorie accomplie. Boileau l'eût 
désavouée, parce qu'il se serait fait scrupule d'aller chercher 
ses exemples dans les Livres Saints, et parce qu'il considérait 
le merveilleux comme plante de serre chaude ; mais la 
comparaison en est-elle moins curieuse ? 



Dans les lettres d'Hildebert, les figures poétiques sont 
empruntées les unes à l'Ancien ou au Nouveau Testament, 
les autres à l'antiquité. Celte richesse d'inspiration est 
louable, mais la Fusion entre les deux poésies, païenne et 
toujours, dans l'imagination de 
I règles du bon goût. Voyez la lettre 
[1 dit à son correspondant : < Vous 
Bdu Lévite pour monter à l'autel 
, au but de vos désirs. ■ 
Ifz ainsi au ternie de volro 
B prix de la course comme 
iiQUt i bout, se nuisent : 
Lnbant jusqu'aux talons 
^exercices athlétiques J 
Clique, le charmaut 
Lpar Abraham (i), et 
a est qiiii- ducît ad 



(1) Sancla aonvei'gationii veitrte. Mil 
l3) ApostoUài eitulimur excmpU», 



— 2(55 - 

midi seulement ; la procédure de ces tribunaux fut toujours 
regardée comme extraordinaire par les législateurs du droit 
canon. 

Quant à Yves, il appelle ces épreuves une invention 
de la plèbe et des ignorants : « Vulgarem denique legem ac 
> nulla canonica sanctione fultam, ferventis scilicet sive 
» frigidx aqiiœ igniiique ferri contactum^ aut cujus lihet 
» popularis inventionis,.,. )> Ces paroles, attribuées au pape 
AJexandre II, sont tirées de la lettre où l'évêque de Chartres 
répond à Hildebert, qui lui avait demandé s'il devait consentir 
à répreuve du fer rouge pour se laver de Taccusation 
de trahison, comme le voulait le roi d'Angleterre (1). 
« Spontanea confessions vel testium approbations puhli- 
» ca delictaj hahito prœ oculis Dei timoré, commi^sa sunt 
» regimini judicare ; occulta vero et incognita illius sunt 
» judicio relinquenda , qui solus novit corda filiorum 
» tiominum. » 

Telle est la consultation d'Yves de Chartres : la con- 
fession volontaire et le serment des témoins (2) sont les 
seuls moyens dont dispose la justice humaine, sans 
empiéter sur le domaine de Dieu. Plus tard, avec les 
progrès de la législation, cette extrême indulgence de la 
juridiction canonique constituera un moyen abusif de se 
dérober pour les criminels, trop heureux d'être ainsi, pour 
leur punition, mis en présence de leur seule conscience ; 
mais au XII® siècle, le droit canon maintenait, en présence 
des procédés barbares de la féodalité, une tradition saine, 
juste et humaine. 

Remarquons, toutefois, qu'Hildebert n'a pas formellement 
condamné la Question. Non, mais par deux fois il en 
réprouve l'application dans des cas particuliers, et il ne la 

(i) Voy. notre l" partie, i;li. II, p. 56. — I^i lettre d'Yves porte dans 
M igné le n" 74 ; nous n'avons plus la It'ttnî d'Iïildebert. 

(2) Voy. rafîaire du doyen Haoul et du chanoine Nicolas. Mignc II, 
36 à aO. Nos n"« KK) à 103. 



— 278 - 

qui figurent les quatre vertus fondamentales d*après saint 
Augustin, ou des sept fils de Job qui représentent les sept 
dons du Saint Esprit, exposés à être anéantis sous l'édifice 
par la fureur du vent des passions (1). Le tyran s'appelle 
Néron, Tarquin, Polymnestor ou Denys (2), à moins qu'il 
ne se nomme Hérode ; l'astucieux Ulysse (3), Démocrite et 
Heraclite (4), philosophes de la joie et de la tristesse, sont 
nommés pour leur sagesse conjointement avec les prophètes, 
et le poète par excellence, c'est Orphée s'accompagnant de 
la lyre de David (5). 



§X 



Parmi les poètes anciens^ Virgile n'était pas le plus 
familier à Hildebert, qui subissait sans le bien comprendre 
le prestige de sa belle simplicité, et qui, le regardant avec 
respect, l'appelait doctissimus poetarum (6). 

Les expressions mélancoliques, les tours négatife qui 
plaisent aux âmes tendres, sont fréquents chez Virgile (7) ; 
or ce sont les mêmes qui s'approprient le mieux à la descrip- 
tion des êtres immatériels et des joies célestes, exprimables 

(1) Confidimus in Domino. M igné 1, 10. Notre 73. 

(2) Doleo frater. Migne I, 16. Notre 94. Cf. {Sanctœ) : « Siculoruni 
immanitus tyrannorum. » (Cette tyrannie est comparée à celle de 
l'avarice.) 

(8) Andegavensem pro te. Migne II, 3. Notre 4. « Ulyssis argutiam 
experti. » 

(4) Cum hene muUis. Migne I, 12. Notre 80. « Apud hujusmodi 
(homines) Democritus materiam risus invenit, Demosthenes (c'est-à- 
dire Heraclitus) lacrymarum. » 

(5) In laci^ymis effluant. Migne II, 21. Notre 92. « Nostrorum Orpheiis 
seculorum.... posce secretum, coge Piérides... Tu esto David et me de 
numéro facito succentorum. ii» 

(0) Cum hene. Cf. (Justum est ut) : « In armis te Csesarem, in carminé 
Virgiiiuiri obstupesco. » 

(7) Chateaubriand a fait cette remarque dans son Génie du christia- 
ni87ne. 



— 267 — 

homme de goût et ne rend pas impossible, pour Tavenir, des 
rapports de bonne compagnie avec ceux qu'on désapprouve 
présentement. 

Hildebert gagna à cet esprit politique de pouvoir jouer un 
rôle d'administrateur et de pasteur dans la société de son 
temps. A rinverse des lettres de Geoffroy de Vendôme, les 
siennes renferment tout autre chose que de misérables 
réclamations de clocher ou un colportage de médisances 
insipides ; on sent l'homme qui, faisant partie de l'Église, 
était sans cesse en rapport avec le siècle et maniait des 
questions complexes. 

Il avait toute une clientèle, et la recommandation, fort en 
usage dans ce monde comme aujourd'hui, tient une certaine 
place dans sa correspondance. Son crédit auprès d'Henri P' 
est attesté par la lettre Benedictus (1), en faveur du frère de 
l'évoque d'Angers : 

...Porro candidiorisfortunse sortitus est gratiam, quisquis apud hune 
(regeni) alicui subvenire posse praedicatur ; quod si non potest, magna 
taraen gloriœ materia est, quia hoc eum posse populus arbitratur. 
Neque enim cuihbet concessum est régis illius extorquere favorem, 
qui diem maie perditum judicat, in quo pro perditis moribus agere 
non contingit. Magni animi est et de virtute gloriantis^ ad votum suum 
severas inclinare potestates ; hoc autem posse me plurimi somniant, 
hanc in oculis vestris gratiam consecutum fabulantur.... 

On trouve encore des paroles flatteuses à l'adresse de 
Henri et de son ministre Roger dans la lettre Virtuti (2), 
paroles destinées à amener la recommandation que voici, en 
faveur de Guiumar : 

.... Talem te pro nostro Guidone rogare decreveram, sed veritus 
suni ne, quod per te facturus es, precibus extortum putaretur ; gratiora 
sunt bénéficia, quie non aliène interventu sed affectu spontanée pro- 

(1) Betiediclus Dominiis. Migne III, 13. Notre 6. 

(2) Virtuti gratiilor. Migne II, 12. Notre 38. — Credidi mepcccaturnm, 
à l'évèque de Durham, ministre de Guillaume le Roux, serait une 
lettre de recommandation fort jolie, si les oppositions de pronoms n'y 
étaient un peu alTectées. (Migne III, 1. Notre 37.) 



— 280 — 

» des corps terrestres qu'elle anime et des membres mor- 
» tels. De là les passions, la crainte, les désirs, la douleur 
» et la joie, parce que les âmes, enfermées dans les ténèbres 
» et dans l'obscure prison des corps, ne voient pas la pure 
» lumière. » 

En ce passage tout spiritualiste du sixième livre de 
l'Enéide, la doctrine des stoïciens était presque chrétienne, 
ïlildebert, qui le cita dans Cum bene multùy n'avait pas, 
beaucoup à faire pour présenter cette agitation intérieure 
de l'âme comme la conséquence du péché originel et la 
préface d'une destinée immortelle (4). 

Nous passons à Ovide, qui fut pour Hildebert le principal 
modèle; inspirateur des poésies légères, il plaisait aux 
littérateurs du XIP siècle par son tour fin et ingénieux, par 
son affectation et par son élégance. Gomme il avait chanté 
sa disgrâce et son dévouen^ent immuable à César son per- 
sécuteur, tel Hildebert a fait une pièce dans le même 
rythme sur sa ruine, son exil et son attachement invincible 
à Dieu (2). 

Illa^ inilii quondam risu blandita sereno^ 
Mutavit vultus^ 7iubila facta, suos. 

On sent, dans ces deux vers sur la fortune, l'influence du 
fameux distique : 

Donec eris felix^ multos numerabis amiços ; 
Tempora si fuerint nubila, salua cris, 

distique qui est encore rappelé et paraphrasé dans une 

(i) Autre citation de Virgile, d'un caractère moins transcendant : 
« Metuunt Danaos, et dona fererites {Andcgavenfiem), » (Cf. Aen. l. II, 
V. 41>.) 

(2) De Exsilio suo liber. M igné, col. 1418-i3i4. B. Hauréau, p. 80. 



- ^281 - 

lettre (1), avec Taddition du mot chrétien proximum, le 
prochain : « Porro amicum me, dnm serenvs esset aer^ 
9 elegisii ; dum nubilus erit, iïivenies. Infamis quœstus est 
» proximum colère dum succedii, dum maie est ignorare. 
» — Vous m'avez choisi pour ami alors que votre ciel était 
» serein ; serez-vous battu de Torage, vous me trouverez. 
» C'est un honteux calcul de courtiser le prochain tant qu'il 
» est heureux, pour l'ignorer dans le malheur. » On le voit, 
l'image poétique d'une douloureuse vérité est ici accom- 
pagnée du jugement moral et du précepte, comme il 
convient chez un ministre de l'Évangile. Ailleurs (2), c'est 
un passage du <( Remède contre l'amour » qui est cité, à 
titre d'observation humoristique précédant et préparant la 
réprimande : 

Principio clivi vester anhelut equus (3). 

« Dès le bas de la pente, votre cheval est cssouflé » ; c'est- 
à-dire • Vous êtes à bout de forces sur le chemin du salut ; 
ou, suivant la citation bibli(jue : Vous mettez la main à la 
charrue et vous regardez derrière vous ! (4). 

Les poètes moralistes ne pouvaient être passés sous 
silence. Horace est cité une fois (5) ; llildeberl, ayant à se 
justifier auprès du Pape d'une liberté qu'il a prise un peu 
hardiment , fait présenter ses excuses par l'auteur de 
l'épître aux Pisons. « Nous avons écrit ces choses à Votre 

(1) Jusfum est ut adversa. Migne III, 22. Notre 13. — Cf. également 
{De Nummo. Migne, col. 1402-1320) : « Ciim fueris felix, multo stiparis 
amico ; Prospéra muteiitur, respice, solus eris. » 

(2) Apogtolicin erudimur, Migne I, il, Notre 49. 

(3) Ovide, Rem. am.j v. 3î)4. 

(4) Lucain n'est pas cité dans les lettres. C'était pourtant un des 
poètes favoris d'IIildebcrl, à ce point qu'on a pu se demander si 
répisodc, d'Orphée, inséré dans le De Nummo do notre évécpio, n'était 
jKis le poème, aujourd'hui perdu, de l'autour latin (U. Hauréau, p. 42). 

(5) Sanctte cofuersatioiiis. Migne I, H. Notre 28. 



- 282 - 

Sainteté, comme un malade qui donnerait un antidote à de 
bien portants, mais le poète a dit : 

.... Fungar vice cotis, acutum 
Reddere quœ ferrum valet, exsors ipsa secandi (1). 

« Je ferai Toffice de la pierre, qui peut aiguiser le fer, 
incapable elle-même de couper. » 

Mais c'est surtout Térence qui a les faveurs d'Hildebert. 
Pour le spirituel prélat, le poète comique jouait le rôle 
dévolu chez nous au fabuliste ; ses personnages, Ménédème 
(le père de famille trop indulgent), Thrason (le soldat fanfa- 
ron), adoucissaient par la gaieté de leur profil Tadmonestation 
sévère, la Philippique : « Invectionem fortassis eocspectas et 
» Pkilippicam pallidus auapicaris... Talis 7iimirum ingre- 
y> dior ad te qualis medicus ad segnim, qualis Menedemus ad 
» filUim scortatorem », est-il dit dans Doleo (2), et plus loin : 
« In dubium venit ynagisne populus in te Thrasonis gloriam 
» fastidiai an crudelitatam Dyonisii detestetur (3). » 

Le grand philosophe de l'antiquité, pour Hildebert et les 
hommes du moyen âge, c'était Sénèque ; il loue son talent 
de vulgarisateur (4), et le cite jusqu'à trois fois pour donner 
des conseils sur le gouvernement à la comtesse Adèle (5). 

(4) Horace/ildPw., 304. 

(2) Doleo f rater mi. Migne I, 1(5. Notre 94. 

(3) Autres citations de Térence : 

a Dans Ad nos usque. n Plenus sum rimarum (Ennuch,^ À. I, s. 11, 
V. 25), — je suis plein de fentes (c'est-à-dire, je suis Tindiscrétion en 
personne), m Hildebert ajoute une nuance affectueuse : « Je suis plein 
d'indiscrétion pour mes amis. » 

h Dans Fcliâtei'. Voy. notre 1" partie, chap. III, p. 73. 

c Dans Sempev fuit. « Scio..., juxta comicum, lonitatem meam maie 
muita te docuisse {Adelp., A. 111, s. IV, v. 2C). » 

(4) V Ideo hrevitatem dilexit non obscuram, ut magnis occupâtes 
légère non tiederet. » (Hommey propose une correction inacceptable.) 

(5) Absentia mariti. Migne I, 3. Notre 78. 



- 283 — 

Même, dans la lettre à Thurstin, archevêque d'York (1), il 
entre en matière sur une maxime de ce moraliste : « Et 
omni et nulli credere vitium est (2). » Il aime de Sénèquela 
phrase courte, un peu saccadée, le goût des pointes et 
surtout réloge constant de la Raison. « Philosophus ait », 
c'est la Raison qui parle, cette raison qui, aux yeux de 
notre évêque, était le plus ferme appui de la foi, et qui 
avait aussi à côté de la religion ses vertus propres. C'était 
elle, par exemple, qui dictait aux princes la clémence, vertu 
des grands et toute païenne, puisqu'elle ne se confond ni 
avec la charité recommandée par l'Évangile aux moindres 
des créatures, ni avec la miséricorde qui est le propre du 
Roi des rois. Et de qui s'inspirer pour conseiller aux 
prmces la clémence, sinon de l'illustre auteur du traité De 
Clementia'> (3). 

Celle de ses lettres où Hildebert s'est le plus pénétré de 
la philosophie antique, est, avec Abaentia mainh', la consola- 
tion au roi d'Angleterre sur la mort des siens dans le 
naufrage de la Blanche-Nef (4). Sénèque, Boèce avaient 
rédigé des « Consolations ». Notre Hildebert loue Henri I®»" 
d'avoir réalisé dans son malheur l'idéal du philosophe ; il 
s'adresse à son amour-propre, et, en feignant de croire 
qu'il a triomphé de la douleur en stoïcien, espère obtenir 
qu'il la surmonte effectivement et n'en fasse pas payer cher 
les conséquences à son entourage : « Cum bene mullis 
» imper es, nulli melius imper as quam iibi. — Vous avez 
» beau commander à beaucoup de monde, vous ne com- 
» mandez à personne mieux qu'à vous-même, etc.. » 



(1) Sicut Seneca testatur. Migne III, 35. Notre 36. 

(2) « Neutrum faciendum est : utrumque enim vitium est, et omnibus 
credere, et nulli ; sed alterum honestius dixerim vitium, alterum 
tiitius [Ep. III, De elifjendis amiàs). » 

(3) Outre Sénèque, Hildel)ert a cité Épictète (Cum bene) et Symmaque 
{ Absent ia). 

(4) Cwn bene mullis imperes. Migne I, 12. Notre 86. 



— 284 — 

Puis, à cette louange le théologien apporte une restriction. 
— Sans doute, dit-il, Thomme était destiné à être sage, et la 
Nature devrait toujours retrouver son équilibre malgré les 
ébranlements de la Fortune, mais cette sagesse, même chez 
les plus forts, n'est pas solide, parce que le péché originel 
est survenu, et que la Nature en a été infirmée. « Sapientis 
» enim est, nec in prosperin efflluere^ nec in adversis 
» mœrore sepeliri. Statum quemdam homini naturaparavity 
» quo semper eumdem ad utimmque se prœstaret eventum ; 
» illum deponere et pro hahitu variari fortunarum, non 
» naUira aed naturœ defectus est. » La théologie se met 
donc à la traverse de la glorification du nouveau Sage, et ce 
qui était présenté comme le portrait même du roi costumé 
en philosophe, devient un idéal conditionnel, imparfaitement 
réalisable. Cette réserve une fois posée suffit, et plus loin 
une citation de Virgile ramène, avec Téloge de la Raison, 
celui de Thomme qui puise en soi-même toute sa force de 
résistance. 

Sapiens enim adversus eam quam dicitis fortunam nunquam impa- 
ratus, nunquam inermis invenitur... Extra se nuUum pugnsd quaerit 
apparatum ; in omni casu seipso tutus est. Pectus ejus pharetra fertilis 
et armamentarium copiosum ; semper sagittis exuberat , semper 
abundat munimentis. Hauriri non potest, cum tela promere non 
désistât. Quibus ille munitus, universa fortunée missilia contemnit, 
obsequente pariter et persequente superior. Dum ea blanditur, ingratus 
est ; dum intonat, aspernatur ; nullis rerum movetur eventibus, in- 
sultans universis. Quippe nihil est unde non triumphet animi trium- 
phator. 

Hildebert parle presque en mêmes termes du Saint ou du 
philosophe ; mais il s'incline devant le premier comme 
devant l'ouvrage présent de Dieu, et se plaît à esquisser le 
second comme un entant de son imagination et de ses 
lectures (1). 

(1) Les Bollaiidistes soutiennent qu'Hikiebert a dû avoir une plus 
grande connaissance de la langue grecque qu'on ne l'avait générale- 
ment au XII» siècle. Ils conjecturent qu'il a consulté, pour son poème 



- 285 — 



Ainsi, grâce à sa largeur d'esprit, cet homme d'action 
d'un caractère doux et généralement ferme, ce galant homme 
qui donna par sa présence un lustre de bon ton et d'urbanité 
à la société féodale de son temps, ce savant docteur, poète à 
ses heures, allie à une foi hors de tout soupçon un goût très 
prononcé de la raison ; pétri des enseignements de saint 
Augustin, il conserve une main dans la main des auteurs 
anciens, qu'il connaissait et jugeait si précieux pour leur 
esprit pratique, pour leurs réflexions morales et leurs conso- 
lations. 

Le XIII® siècle sera moins favorable que le XII® aux 
moralistes et aux poètes de l'antiquité ; la science se fera 
plus scolastique et exclusive. Ce revirement va être surtout 
l'œuvre d'un très grand personnage, de saint Bernard, âme 
riche d'amour s'il en fut, mais qui autour de lui , chez 
ceux dont le fonds n'était pas assez riche pour supporter 
sans dommage une aussi violente concentration de sen- 
timent, a failli n'engendrer que la sécheresse. Saint 
Bernard s'était nourri des enseignements de l'antiquité, 
et il lui arrivait aux heures les plus graves d'imiter 
Ovide ; mais il se refusait à avouer de telles réminiscences, 
ou était arrivé si bien à se les assimiler en les déna- 
turant, qu'il ne les distinguait plus de ses propres pen- 
sées. Il ne voulait pour les jeunes gens d'autre maître que 
rÉvangile ; c'était leur ofl'rir, par son exemple, le prestige 
de l'instruction la plus soUde jointe à une force de volonté 

de la « Vie de sainte Marie l'Égyptienne », le texte original. Sinon, il 
se serait servi d'une traduction latine plus fidèle que celle de Paul 
Diacre, et on n'en connaît pas. N'a-t-il point, par exemple, assigné à la 
mort de la Sainte la date du !•' avril comme Tauteur grec, et non celle 
du 9 à l'imitation de Paul Diacre ? — Mais ce dernier argument n'est 
pas concluant, car Hildebert a pu connaître la vraie date par des mar- 
tyrologes que nous ne possédons plus. En tout cas, on ne trouve dans 
la correspondance aucun indice d'une connaissance particulière de la 
langue et de la littérature grecques. 



— 286 - 

incomparable, sans leur donner, par une éducation suffi- 
samment large, les moyens d*y parvenir. 

Il n'avait qu'une idée : ramener le monde à la simplicité 
primitive, en forçant les cœurs pour les tourner à l'amour 
exclusif de Dieu (1). L'Évangile, il le croyait du moins, 
suffisait à nourrir son immense tendresse, et, dans son 
mépris de la vie et des conditions normales de l'activité 
humaine, il fit la guerre à ceux qui, comme Pierre le 
Vénérable, cultivaient les lettres, la poésie antique, afin 
d'enrichir la finesse de leurs observations et de se ménager 
des consolations ou des encouragements dans les tracas de 
l'existence. Saint Bernard, abstraction faite des écarts d'unè^ 
d'une polémique passionnée, vivait et voulait qu'on vécût 
toujours sur les sommets ; il croyait, à la lettre, que la fin du 
monde approchait, et agissait en conséquence ; beaucoup le 
suivirent sur cette pente, sans posséder son originalité de 
parole et sa puissance d'amour. Puis, comme la fin du 
monde n'arrivait pas, l'homme recommença à s'intéresser 
aux souvenirs de sa race, à étendre sa curiosité, et la 
réaction poétique et littéraire éclata, d'autant plus violente, 
au grand péril de la foi, qu'elle avait été plus contenue. Les 
gens de la Renaissance s'imaginèrent alors qu'ils devaient 
tout à eux mêmes, et notre Hildebert fut parfaitement oublié 
d'eux. 

Pourtant, en face de ce glorieux saint Bernard, leur 
ennemi, de cet homme de génie qui exagéra une tendance, 
précipita un mouvement, entraîna son époque dans une 
direction exclusive, où il était nécessaire sans doute que le 

(1) Voyez la lettre à Hugues, comte de Champagne, qui partait pour 
la Terre-Sainte afin de se faire templier {Bern. ep. 31). Une seule idée 
est exprimée : « Si c'est par amour de Dieu que vous avez agi, vous avez 
bien fait; mais nous, qui vous aimons aussi, nous serons privés. » 
Notre lettre Ad mefnoriam est bien plus fine, bien plus nuancée. En 
revanche, la comparaison du chrétien malade avec l'arbre atteint par 
la cognée {Bern. ep. 450) a sur les images analogues d' Hildebert {Non 
potuit) la supériorité de Tcnergie. 



— 287 — 

siècle s'engageât pour donner toute la mesure de ses facultés 
religieuses et idéalistes, en face de saint Bernard et avant 
lui, avait vécu un homme dont les oeuvres firent moins 
de bruit, eurent moins do retentissement et ne provoquèrent 
pas de polémique. Il n'avait pas prétendu révolutionner le 
monde, et il n'eut qu'une influence médiocre sur la marche 
des idées au moyen âge, il ne donna pas à la religion un 
essor nouveau, mais il réalisa à un certain moment, dans sa 
personne et dans celle de ses amis, l'union de certaines 
idées et de certains sentiments venus de différents points 
de l'histoire ; avec cette science considérable de l'Écriture 
et des Pères, tempérée de sympathie pour les vieux poètes 
et d'un véritable esprit pratique, Hildebert revit pour nous 
dans cotte époque troublée comme une harmonieuse figure, 
empreinte de vérité et de poésie. 



— '288 — 



CONCORDANCE 



Des numéros des lettres dmis Védition Migne et dans le présent ouvrage. 



If 1. Conversione, 55. 


II, 16. Zdum, 31. 


ni, 3. 


Timeo, 41. 


I, 2. Flabellum, 34. 


II, 17. FeliHter, Irt. 


III, 4. 


ScimuSy 23. 


I, 3. Abaenlia, 78. 


II, 18. Crcdimufi, 22. 


III, 5. 


Ad nos, 7. 


I, 4. Quo/itfj?, 72. 


II, 19, Sacej^dos, 9. 


IIÏ, 6. 


Commeantium, 67. 


1, 5. Egredienti, 71. 


II, 20. Setnper, 10. 


III, 7. 


Maximum, 53. 


I, 0. Quod te, 74. 


II, 21 . In Um^ymis, 92. 


III, 8. 


Absentia, 79. 


I, 7. Gralulor, 84. 


II, 22. Nunquam, 93. 


III, 9. 


Ad wtorum, 29. 


1, 8. Sanclœ, 28. 


11.23. In regftu), 64. 


III, 10. 


Et vuHum, 99. 


I, 9. Difficile, 85. 


II, 24. Pr£e«6nttm»i, 15. 


111,11. 


Audita, 82. 


I, 10. Confidimus, 73. 


II, 25. Est apitd, 45. 


III, 12. 


Locorum, 83. 


I, 11. AjwittoUcis, 49. 


II, 26. Ae vel, 8. 


III, 13. 


Benedictus, 6. 


1, 12. Cum bene, 86. 


II, 27. Plei^mque fit, 39. 


m, 14. 


Nota, 89. 


1, 13. Gaudium, 75. 


II, 28. Potestati, 18. 


III, 15. 


Malchum, 59. 


1, 14. Cum suscep., 87. 


II, 29. Meîius, 19. 


III, 16. 


Pro Willelmo. 27. 


1, 15. Ad memoriam, 9t. 


II, 30. Beatitndini, 106. 


III, 17. 


Fuere qui, 12. 


1, 16. Doleo, 94. 


II, 31. (du pape Honorius). 


III, 18. 


Balsamwn, 56. 


1, 17. (de l'abbé Eudes). 


II, 32. Non paticis, 47. 


III, 10. 


(de saint Bernard). 


1, 18. TransfretarCy 88. 


II, 33. In adverais^ 95. 


III, 20. 


Quantum, 52. 


1, 19. Célèbre, Tl, 


Il, 34. Ad vestrum, 96. 


III, 21 . 


Piœ et, 4(). 


I, 20. Ex quo, 58. 


Il, 35. Justum est cos, 107. 


lïï. 22. 


Justum est vt, 13. 


1, 21. Consideranti, 76. 


II, 36. Non dubitamuSy 100. 


IIÏ, 23. 


Prseter, 66. 


1,22. Usa, 44. 


11,37. Factum est, 101. 


ÏII, 24. 


Successihse, 42. 


I, 23. Si vem, iXi. 


11,38. Quantis, 97. 


m, 25. 


Totum, 57. 


I, 24. Eos qui, 09. 


11,39. L«M, 102. 


lïl, 26. 


Si bene, 68. 


II, 1. Si fides, 25. 


II, 40. Littcra», 98. 


III, 27. 


Jucuiuiitas, 13. 


II, 2. Iterare, 24. 


II, 41. Philosophas, 104. 


III, 28. 


Pueris, 30. 


11^ 3. Andegavensem, 4. 


II, 42. jF/ relatione, 51. 


m, 29. 


Plenimquc h uni., 7 


Il, 4. Petitioj 1. 


II, 43. S?CM/ ;>ar^;i^, 20. 


III, 30. 


7w me, 40. 


II, 5. Paum, 2. 


II.. 4i. (de saint Bernard). 


ÏII, 31. 


E^j^i, 35. 


II, 6. Fama, 3. 


II, 45. (de saint Jérôme). 


III, 32. 


(de l'abbé Eudes). 


II, 7. i4i«/iv/twufi, 21. 


II, 46. Exspectans, 90 


III, 33. 


(de Tabbé Endos). 


Il, 8. Sicul frcq., 17. 


II, 47. Sicut de, 11X5. 


III, 34. 


(d'inconnu). 


II, 9. Familiare, 32. 


Il, 48. Fratrem, il. 


IIÏ, 35. 


Sicut Seneca, 36. 


II, 10. iVon potuit, 50. 


11,49. Pascha,()\. 


m, 36. 


De fnuliere, 5. 


II, 11. (de suint Anselme). 


II, 50. Confrater, 62. 


III, 37. 


Senleutiam, TA. 


11,12. VirtiUi, 38. 


II, 51. SïVu/ repHm., 60. 


IIÏ, :i8. 


Noverit, HKi. 


II, 13. Et dies, 'X^. 


II, 52. if(W.s, 14. 


m, 39. 


Eos qui, 69. 


II, 14. SiciU sanct., 20. 


m, 1. Credidi,?n. 






II, 1."). Protnissamy 65. 


III, 2. i4«n/œ, 80. 







— 289 — 



ADDENDA ET EMENDANDA 



P. \. .... Solesines. — Enfin le cartalaire de l'abbaye (lÉvron (Mayenne) 

existe en manuscrit aux archives de ce département, et Hildebert y 
tient sa place. 
P. 8-14. Chartes à ajouter : 

2i bis. — De S. Martin de Tours. — il 10. Hildebert souscrit à un 
accord intervenu entre Odon doyen et le comte Ilélie. (V. Galliay 
t. XIV, p. 175.) Citée à notre page 187. 

35 bis. — Du Mans. — Oct. 1124. Souscrit à la charte de donation 
par laquelle Gérard de Sillé fondait l'abbaye de Beaulteu. (V. Gallia, 
t. XIV, p. 512.) Citée à notre p. 138. 

36. - Évron. (Ms. Cart. d'Évron, p. 41K).) 

P. 18 (?t 85. La seconde partie du sermon commence, non comme dans Beau- 
gendre, mais comme suit : Qnod autem Christum et Kcclesiam sport- 
taneus et communis cotiscnsus astrixerit. 
P. 25. Edit. L. Delisle, 1872 (au lieu de 1848). 

P. 37. Au lieu de Du Chesne (n. 3), lisez : Manier. 

P. 02. (3) et du transept. Cf. p. 79, note 2. 

P. 112. Au lieu de : son beau-père, lisez : le beau-père ite sa fille. 

P. 148, 17(). Héféreiiees aux éditions des lettres (supplément) : 

2l^2, 21 i. 17. Sicut frequens Mansi. 

32. Familiare esl Ba^onius. 

53. Maximum duco Jkironius. 

71. Enredienti tibi \ ,, . ,,, . „ ,.«,^. , , 

^, /' / Gratins (Orth.) Fasc. rer. expet. 161K)), éd. 

91. Ad memonam \ ^ ,, , .. 

AiML nu'i I -4. \ Browu, II, p. 1-3. 
104. Phtlosophus ait J 

P. 181. Nous avons eu tort peut-être de nous décider pour le prieur de 

Chartres contre celui de Charroux, et nous croyons devoir exposer les 

raisons très sérieuses qui militent en faveur de l'opinion contraire . 

l*' La Gallia n'est pas aussi affirmative pour attribuer une réforme 
au prieur Guillaume que nous l'avons cru ; 

2« c Le prieur de Charroux » est une expression correcte, mais a le 
prieur de Chartres» ne doit pas se dire ; il faudrait: « le prieur de 
S. Pére-de-Chartres » ; 

3» « Priori Carrofeiisi » a bien pu se corrompre, sous le stylet des 

19 



«" 



— 290 — 

copistes, en * priori Canwlensi », mais l'inverse est moins probal)le, 
Chartres étant beaucoup plus connu que Charroux (De même en 
Angleterre, c'est Carrofensi plutôt que Carnolensi qui parait avoir été 
remplacé par Rofensiy et Charroux plutôt que Chartres par Rochesler) ; 
4<» On pourrait dès lors rapporter au prieur de Charroux la lettre 
Conimeanlium^ qui porte dans E/2 « priori Carnotenni », et on s'expli- 
querait ainsi qu'llildebert ait pu dire que les messagers entre le Mans 
et la demeure de son correspondant étaient rares. (Cette raison moins 
sérieuse que la précédente, parce que E/2 est seul à donner pareille 
adresse pour Commeajitium^ et que la rubrique de la lettre suivante, 
qui est justement Non potuit^ a pu s'égarer sur celle-ci.) 

P. 21i, 216, Dans le tableau, la lettre In lacrymis doit être supprimée ; les 
217. n*»» 93-107 deviennent : 92-106. Enfm, pour Nunquam fdiciws (à un clerc 
ou prélat italien, 1112), ajoutez parmi les auteurs qui Tout publiée : 
Sackur, Mon. Genn. hisl., IJbelli de lite imp. et pont. 11, p. 668. 

P. 236. Au lieu de Nos 65, lisez : Nos 91. 

P. 237. Au lieu de Notre 40y lisez : Notre 45. 

P. 238. Au lieu de : Piœsentium lalores, lisez : In regno quidetn. 



i 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



Le nombre qui, à chaque lettre d'Hildebert, est en italiques, désigne 
la paj^e ou on trouvera le n<* d'ordre dans Migne et dans le présent 
ouvrage. — Pour les noms de lieux, Voyez abbayes. Conciles, 
Localités, etc. 



A., sous-doyen du Mans. 148, 157. Anaclet, anti-pape (Pierre de Léon)- 

Abbayes etcollég. 2-6, 8-14; 176- 18, 85, 106-8. 

7. V. de plus quelques noms de Andegavenaem pro te, 110, 148, 

monastères et ceux des abbés. 152, 273, 278, 230. 

Absentia mariti (i). i\S, i^, 202- S.Anselme, ar. de Canlorb. lii, 

5, 233, 270, 282-3. 149, 163, 169-71, 197, 274. 

Ahsentla mariti (2). 118, 20S4y, 232. Aposloliciserudimur. 119, 157, 176 

Actum fortasse. V. Confidimus. 124. 181, 2i3, 276-7, 281. 

Adam. 74. Archembert, oncle d'Hild. 36. 

Adélaïde, 2« femme de H. !•'. 202, Arnauld, év. du Mans, XI» s. 21, 

210. 52, 57. 

Adélaïde, femme de L. VI. 136-7. Arnoul, év. de Lisieux, XH» s. 115- 

Adèle, c»«"* de Blois. 177, 198, 205, 17, 125. 

268, 270, 282. Athalise, religieuse. 202. 

Ad illixis Blare, V. AudUa, Attritas frontis, 118, ^5,2(», 268-9, 

Admemoriam. 119,134, 20!?, 212, Auditaper prœsentium. 118, 209. 

225, 236, 252sJ, 277, 286, 289. 208, 236, 270. 

Ad nos itsque, 118, 148, 155, 272, Audivimun et valde, 119, 149, 162- 

282. S. Augustin. 200, 2:16. 

Ad vesttnim in Franciam. 17, 87, BaUtamum ex adore. 120, 176, 188. 

î>2, 95 ; 120, 214. Baudry, ab. de Bourgueil, ar. de 

Ad votorum. 110, 140, 168, 236. Dol. 18, 31, 39, 102-3 ; 270. 

Agnès, 2» femme d'Hélie. 198-200. Beatitxtdini Veatrœ. 18, 96-8 ; 123, 

Aimery, év. de Clermont. 149, 161. 130, 134, 214. 

Albert, ab. de Marmoutier. 35. Beaulieu (abb. de). 137-8, 289. 

Algar, pr'. de S. C. de Durham. Benedictus Dominua (1). 118, 148, 

189. 154, 163, 232, 267. 








Bencdictus Dominus { 2). V. Ex Conversione et conversalione lua- 

quo, i2i. 118, 141, 170, 188, 220, 222, 236, 

Benoît, card. 10^?. 15; 149, 100. 238, 241-50, 275. 

Benoît, év. de Nantes. 10. Credidi me. 16 ; 123, 127, 13i, UO, 
Bérenger, hérés., XI« s. 28, 37-9, 172. 

46 ; 243. Credimus ignorare. 15, 72 ; 119, i49, 
S. Bernanl. 18, 32, 75, 77, 107 ; 124, 163, 228. 

176,188, 222,248, 272, 2&5.7. Cum bene tmdlis. 119, 12i, 202, 
Bernard, év. de S. David. 149, 173. 209 ; 237, 278, 283-4. 

Bible citée. 72 ; 135, 106, 208, 22:M, Cum viderit. 57 ; 129, 134, 135, 202, 

242, 246-8, 250, 250, 259, 275. 206. 

Byzantins (obj. d'art). 61, 81-2. Cum susceperis hanc. 119, 202, 
Calixte II, p. 77-8, 84-7 ; 164-5. 210, 225, 235. 

Célèbre solatium. 119, HT, 202, Cunsus. 238. 

226. Cyprien, dise, de l'hérés. Henri. 
Chapithe du Mans. 8, 42-3, 62-4, 159. 

83. Daniel le Chauve, ab. d'Evron. 178. 

Chapitre de Tours. V. Raoul, De conversione ou conversalione. 

doyen. V. Conversione. 

Charroux (abb. de). 181, 289-90. De Exsilio suo, poème. 18, 51, 53, 
Chartes (avec le nom d'H.) 2-14, 56 ; 280. 

33-6,40-1,45,67,84,88,98,109- De muliere quœ. 139, 148, 15i, 

10, 113; 138, 15i, 178, 187, 289. 262-3. 

Cicéron. 219, 235, 253, 268. De Operibus sex dierum , poème. 
Clarembaud, chan. d'Exliam. 149, 259. 

174, 274. De Querimonia, poème. 59, 67 ; 
Clementiai est, V. Ahsentia. 124. 116-7, 126. 271, 279. 

CommeanUum raritas. 118, 177, i)e /îoma, poème. 18, 60 ; 121. 

196, 272-3, 290. Difficile est. 118, 202, 209, 257-8. 

Conan 111, d. de Bretagne. 18, ÎK}- Dimissoire (lettre). 1(>0. 

99. Doleo frater. 118, 142, 214, 217, 
Conciles (où parait II.). 8, 10, 12, 226, 278, 282. 

15, 18, 23, 27, 67, 78, 84-5, 96-8, Drogon, frère d'Ilild. 36. 

102, 107, 112 ; 130, 160, 164, 204. Droit d'asile, 162; d'épave, 97. 

Confidimusin Dom. 118, 124, 177, Egredienti tibi. 119, 177, m), 200, 

200, 224, 237-8, 278. 221, 253-4, 277, 289. 

Confraler et filius. 118, i77, IM, Kngelbaud, chan. du Mans. 11. 

231. Eos qui obsequiorum. 120, 177, 197. 

Conon, év. de Prèneste. 149, 169. Epictète. 283. 

Consideranlimihi. 119, 177, 202, Estapudnos. 119, 170, 178, 229, 

227,236,271. 237. 

Consideranli dilig. V. Cum bene. Et dieslsetus.WS, i49, 170, 228,27». 



- 293 - 

Etienne, doy. d'Angers. 150. Galon, év. de Paris. 151, 167. 

Etienne, év. de Paris. 14. Gandin, s. de Malicorne. 10, 11. 

Etienne de Garlande, min. de L.Vl. Gaudium tnihi. 119, i77, 201. 

136, 142, 214, 218. Gautier, archid. de Sêez. 119, 165. 

Etienne de Montsoreau. 132, 214, Gautier, c. de Rouen. 53. 

218, 272. Gautier, s. de Mayenne. 166, 260-1. 

Et relalione. 119, i76, 182. Gautier de Clinchamps. 165, 261-2. 

Etsi qitantas. 123, 134, 14i, 149, Geoffroy, ab. de Vendôme. 15-6, 

170, 257. 32, 39, 61-5, 90, 112 ; 143, 151, 154, 

Et vultum. 118, 2i4, 217, 272. 156, 164, 177, 181-5, 191, 254, 266- 

Eudes, ab de Marmoutier. 26. 7, 269. 

Eudes, ab. (Aux. ou Paris). 135-6. Geoffroy, chev«f de Pouille. 81. 

Eudes de Frète val. 3. Geoffroy, c. de Vendôme. 64, 110. 

Euphrosine, c'»»" de Vendôme. 16, Geoffroy, doy. du Mans, ar. de 

6i-5 ; 269. Rouen. 41-2, 70, 78 ; 149, 166. 

Eustache, ab. de S. P. de Ciiartres Geoffroy, ermite à Fonlaine-les-Bl. 

181, 289. 108, 109. 

Ex quo vestram. 118, 121, 170, Geoffroy, év. de Chartres. 13-4, 70 ; 

189, 226. 149, 163, 167. 

Exspectans exspectavi. 17, 105; Geoffroy, frère d'IIild. 35. 

120, 202, 211. Geoffroy, s. de Mayenne. 4, 13, 50. 

Factumcsl. 17, 104-5; 119, ?f4,230. Geoffroy de Loudun, év. du Mans, 

Fama est. 118, i48, 151-2. XUI» s. 20-1. 

Fami/iart? e«/. 118, 1 il, i4U, 169- Geoffroy de Mayenne, év. d'Angers. 

70, 247, 274, 289. 10, 113; 149, 150. 

Féliciter sunt. 15, 70, 72 ; 119, 148, Geoffroy Grisegon., c. de Vend. 

159. 1()3, 282. 65, 110. 

Flabellum tibi, 118, 144, 149, 170- Geoffroy le Rarbu, fr deF. leR.52. 

1,210-7. Geoffroy le Bel, c. d'Anjou et du 

Foucard, chantre de l'ég. du Mans. MAine. 81, 106 ; 202, 211-3, 252-3. 

73. Geoffroy Martel, c. d'Anjou. 9, 10, fô. 

Foulques, fr. du doy. Raoul. lOi. Geoffroy Martel, fils aîné de F. le 

Foulques le Jfeune, c. d'Anjou. 12, R. 50, 53, 69. 

23, 26, 68-70, 81, 84-7, 91, 106; Gervais, fils ounev. d'Hild. 45, 46. 

176, 182. Gibouin, archid. de Troyes. 189. 

Foulques le Réchin, c. d'Anjou, 50- Girard, év. d'Angoul., lég. 17, 32» 

3, 68, 91, 112; 212-3. 85, 95, 98, 103, 104, 107; 149, 156, 

Fratrem illum. 118, 148. 156. 160, 176, 178. 

Frotger. 36. Girard, év. de Séez, XII» s. 125. 

Fuere qui. 119, l'tS, 157. Gislebert. 36 

G. archid. liS, 156. Gislebert, or. de Tours. 5, 33, 78^ 

Gaimard, s. de Lavardin. 3. 8(>, 88, 90. 



- *2ÎW — 

Gislebert, c. de Laigle. Xi Henri ^^ r. d'Ang. i, 13, 17, 23-4, 

Gosbert, fr. d'IIélie. 110. 58-9, 06, 69-70, 73, 84-5, 95, 

Gratulor HonoriA[S,W2,mi,%^. 1(^-8,112-3; 148, 154,163, 171, 

S. Grégoire le Grand. 225, 246-7. 182, 202, 208-13, 218, 267, 283-4. 

Guarnier. 36. Henri V, emp. d'Ail. 78, 85 ; 164, 

Guégon de Blain. 14, 109. 1(59, 214-7. 

Guillaume I et II, abbés de S. Vin- Henri de Lausanne, hérés. 23, 74- 

cent. 11, 15, 40, 67 ; 144, 176,249- 7, 81 ; 177, 193-0, 268. 

51. Herbert, chan. de Tours. 104. 

Guillaume, archid. d'Angers. 139, Iléremburge, fille d'Hélie. 50, 69, 

140, 148, 154. 81. 

Guillaume, chan. et verrier. 62. Hersent, mère d'Hild. 36. 

Guillaume, év. de Winciiester. 14t), Hervée, ab. de Hedon. 98-9. 

174, 274. Hildebert, chan. d'Angers. 39. 

Guillaume, pr^ de Cliartres. 181-2, Hildebert, père. 35. 

197. S. Hildevert, év. de Meaux. 48. 

Guillaume Adeling, fils de H. I". Hildrin. 36. 

84; 209. Hoël, év. du Mans. 4, 8, 21, 29, 40- 

Guillaurae Boitvin (W. qui non 2, 57, 62, 78-80, 82. 

bibit aquam), chan. du Mans. 76. Honorius II, p. 17-8, 8(î, 88, 90, 96, 

Guillaume Ciiton. 23, 84. 98, 105-6; 121-2, 133-4, 156, 176, 

Guillaume de Blazon, moine de 180, 182, 214. 

Vend. 191. Horace. 281-2. 

Guillaume deChampeaux.116, 141, Hubert, év. d'Angers, XII» s. 127. 

143, 176, 187, 241-50. Hubert Chevreul, min. du c. du 

Guillaume de Lonlay. 160-1. Perche. 15, 71-3; KiO. 

Guillaume de Montfort, év. de Pa- S. Hugues, ab. de Cluny. 10, 18, 

ris. 151. 37-8, 60; 133, 176, 186. 

Guillaume de Passavant, év. du Hugues, doy. du Mans. 70, 73. 

Mans, XIl« s. 20-1, 81. Hugues, lils de Robert. 3. 

Guillaume la Mouche, chan. du Hugues I", ar. de Tours, XI» s. 

Mans. 76. 127. 

Guillaume le Roux, r. d'Angl. 15, Hugues II, ar. de Tours. 5. 

2:«, 40-1, 48-58, 63, 70, 95 ; 134, Hugues III, ar. de Rouen, XII» s. 

171, 21)2, 206-8. 125. 

Guy ou Guiumar, ecol. de Salisb., Hugues de S. Calais, év. du Mans, 

év. du Mans. 2, 4, 20-1, 45, .^7, X1I« s. 20, 21,57,83; 138. 

78, 81, 83, 87, 98, 106 ; 149, 173, Hugues d'Oisseau, chan. du Mans. 

170, 267. 76. 

Ileldebert, moine à Cluny. 38. In adversis. 17, 1»2, 94 ; 120, 157, 

Hélie, c. du Maine. 23, :i5, 40-2, 48- SU. 

55, 58-9, 6:5, 60, œ, 110-3 ; 143, Jn lacrymis. N'est pas d'Hild. 123, 

187, 289. • 134, 215-8, 278, 290. 



p. iaa, 133, MO, i7t, ae, 



37*. 
Innocent II, |i, ((irôgoire ile S. Aii- 

ge).5, 18, Hâ, 10(i-8; U2. 226. 
Inregno. U'J, i77, 191-6, Î-2B-2:». 
Inter amoi-etn.N'esl pas une lettre. 
Intel- Camolentem. ISO. laa, lîi, 

(76. 179. 
In\-estituhbs. (Hild. et L. VI), 16, 

m. (I,ePapeetremp.) 314-8, 3fi6. 
tterare clatiiorcnt. 118, HO, 1iS5. 

261. 
Jean, Ciinl. lég. IS; lit), 16U. 
Jean de Ci^me. card. lé^. 17. 86, 

95; W*. 
Jean le Maçon, moine de Vendô- 
me. 16. 6t, 7!>-81 ; 191. 
S. Jérôme. U», 253. 
Jwunditatinihi. 110, 149, I7(i. 
S.Julien, 1"êv. du MnnB. «I, (H, 

78,81. 
Jiwtiim SrIl'ox. 18. IIU, liri; I'2l1, 

133,156, SJ4,218, 
JuitumwMK. IIK. i/i8. i:<8. 118. 

281. 
LËniNS(at>b. de), (il. 112: W,. 
Lieiord. 13B, ÏIB. 

itlfeiw arfnoa. 17, toi ; 1», SZ-î. 
LoG\UTËs Di' DIOCÈSE (I.e Mans, 

Touraetlea mon. noncomprisi. 

8-1*. M-i, 6*4, B7, I». 76: 151. 
Loearum vtl lemporia. i 19, M?,309. 
Louis VI, r. de Krancc. 16, 17, 33, 

31, 68, 69, 73, 8t^, 88, 90.5, 101- 

6; \hl, «i, 
Metchum luum. 123. 126. 13iJ, VM. 

no. 189. 274-5. 
Manubchits tdea lettrée). 115-36, 

139.1t9,lM. 183.193, 196-7. 
Marbode, liv. denennes.31.39,7»; 

131, I3!l. 1H1, 148, l5iM. 18:1-:ï. 

l'NÎ, 215, 26U, iTl-3. 



Malliieu, pr' de S.-M.-des-Cti. (â 

Clunï) 177, 195-6. 
Matliitde, remme de II. I". *i; 17;i. 

197, «H, aOR-9, 257, 269.70, 
.Mutliilde, lllle de P. le J., leninie 

de(i. Ad. 84: 198, 201,909. 
Miithilde, nile de 11. 1", Temme de 

G. lo 11.1116:303.211-2. 
Maarimum duco, 15, 38, 00, 61, 11)1. 

I13;1I8,150, i70,18e.231, 2J«. 
Meliia me. 119. 149, 330, 335. 
Monnaie byzantine 247. 
Ne lel deeim. 119, iiS. 155,363. 
Nicolas, clian. de TotirB. 17, 104 : 

314, 318, 3aV 
Nogent-le-Rolrou, V. Holrou. 
Non diibitamuê. 17, 104 ; 120, 914. 
Non paucia. 118, 142, 170, 179. 
Nonpotuil. 118. «U, 18I.Ï37. 38(i, 

Normand ItilKiiilc. 8. 
Nota loqtwr. 1111, W9. 211, 232. 
Notum te milif. V. r«(llM. 
Noverit DiUctw. 130, 132, TO, SU. 

318. 
Nunguam felicitii. 121), 134, H4^, 

3-29, aw. 
Oilon, ab. de la Couture- 138, 
Oduii de Sav., ab. de Foiitaine-les- 

Bl. 108. 
Œuvre* fiittsi\ altrili. ù H.'Ji); 124- 

5, 174, 249. 
Olivier, s. di; Ponichateuu. 13, <JH. 

99. 
Ovide. 67; 280-1. 
Pascal. 161-2. 
Pascal 11, p. 10. liO, 67, 77, 113; 

142, 14.1. 169, 176, 179, 3ir>«, 366. 
Paicha DoMini. 119, (77, Ift), 277. 
Pavca bons. 118, 142, liS, 151-2. 
ru)'en Audry, oban. du Mans. 76. 
IMitw iicilra. 118, (•!«, 150. 366. 



- 296 - 

Pétronille, abbessedeFontevr.ifô. Haoul, s. de Beaumont. II, 50. 

Philippe, fils de Louis VI. 17, 104. Raoul, vie. du Lude. il. 

Philosophnsail.i», 105; 120,121, RaoulI«'.ar.deTours,Xl«s.91,102. 

2i4, 289. Raoul II, ar. de Tours. 48, UO-U ; 

Piœ et sanctm. 15, 40, 88; 13S, 144, 148, 150, 153, 156, 266. 

176, 178. Reos tormentis. 118, i48, 159, 264. 

Pierre le Vén., ah. de Cluny. 47; Rivallon, archid. de Nantes. 148, 

195. V. Mathieu. 158. 

Plerumque fit, 119, i49, 173. Robert. 172. Autre ? 208. 

Plerumqiie humania. 123, 134, i77, Robert, év. de Lincoln. 149, 175-6. 

198. Robert, év. de Nantes, XIl« s. 158. 

Poésies dHild. 18, 43, 65-8 ; 116-7, Roger, év. de Salisb. 45 ; 149, 172, 

240, 24;3, 255, 259, 261, 270-1 , 281 . 267. 

V. aussi titres spéciaux. Robert, s. de Rellesme. 48-50, 54, 

Ponce, ab. de Cluny. 195. 66, 73 ; 164. 

Porro paucis. V. ConfidimuSj 124. Robert Couiteheuse, d. de Norm. 

Potestali cedit, IP, i49, 160-1, 229. 23-4, 40, 49, 65, 66, 69 ; 253. 

Prœsentinm Intores» 119, 148, 159, Robert d'Arbrissel. 183-5. 

234, 268. Robert Pavon, de l'ég. du Mans. 13. 

Prteter officium. 118, i77, 196. Roger I et II, c. de Sicile ; Roger 

Promisnam Deatitudini. 119, i77, Bursa. 61, 111-3. 

194. Rome (Rapports avec la cour de). 

Pro Willelmo. 118, i49, 167. 18, 28, iœ, 105-8 ; 120-3, 132-3, 

Pueris nostris. 123, 134, i49, 1()8, 214-18. 

232. Home (Voyages à). 22-3, 59, 60, 74, 

Quantis tribulationum. 17, 9b, 104; 76, 111-13 ; 164, 186, 254. 

119, ^Î4, 265. Roscelin. 134-5, 176, 187, 192-3. 

Quanto desiderio. N'est pas d'Hil- Rolrou, c. du Perche. 70-3; 159, 163. 

debert. 136. Rotrou, év. de Lisieux, XIP s. 125. 

Quantum liberalilatiA'20, il6, 182. Rotrou, s. de Montfort. 50. 

Quod te Dominam. 119, i77, 199, .Soocrrfo» praweu/ m m. 119, i4^, 155, 

201, 22<, 237, 270-1, 277, 279. S. Georges-du-Bois (abb. de). 3. 

Quoties 7M«.120, i77,200,221, 277. 178. 

Rainaud. ÎJ6. S. Martin (abb. de;. iK-2; 142-3, 

Rainaud de Martigné, év. d'Angers, 179. 

11, 16, 3:}, 78, 81, 88, 112 ; 148, S. Vincent (abb. de). V.Guill. et8- 

150-5, 266-7, 272-3. 11, 110-11 ; 137-8. 

Rainoud, m. anglais. 176, 189, 274. Salomon, frère d'Hild. ;I6. 

Ralph Flambard, év. tie Dur- Salomon, parent de Marb. 7, 11; 

ham. 149, 172, 2(i7. 153. 

Raoul, doy. de l'ég. de Tours. 17, Salomon, s. de Lavardin. 35, 36-7. 

18, ir)4 ; 132, 214, 218, 265. Salutare est, V. Eos qui. 197. 



— 297 — 



Sumson, év. de \Vorcester.l49, 171, 
Sanclœ œnversationis. 110, 119. 

i/êO, 167, 22i. 235, 2:i8, 276-7,281. 
Savigny (al)b. de), i, 25, 86. 
ScmiMS qf uidtfm. 23, 8i ; 119, 133, 

i49, 15<M64, 231. 
Semper fuit. 120, 14S, 228, 282. 
Sénéque le philosophe. 219, 23543, 

282-3. 
Sententiam fjuam, 12i), 13i, i76y 

187. 
Serlon, êv. de Séez. 72 ; 149, 162^. 
Sermons d'IHld. 18, 30, 37, 85, 86 ; 

116, 119. 124-125, 2S9. 
Sihenetibi. 120, i77, 197. 
Sibylle, iille de F. le .1. 84. 
Sicut de charisaimo. 18, 120, 2i4. 
Sicut frequens. 15, 51-57, 112 ; 118, 

U9, 160, 227, 289. 
sicut parvUatem. 119, i49, 161. 
Sicut reprUïiendœ. 116, 119, i77, 

190. 
Sicut Samtitatis. 119, i49,1()6, 200. 
Sicut Seneca. 140, i40, 171, 283. 
Sidoine Apol., év. de Clerm. V« s. 

122-3. 
Si fides. 1 18, i49, 165, 261, 264. 
Simon. 175. 

Simon Machaud, chev". 14. 
Si vero 6M»iM20, i77, 191. 
Succesaisse confitehor.i\% i49,175. 
Snger (l'abbé). 175, SS2. 



Symmaque. 283. 
Térence. 201,234,282. 
Thibaut, c. de Blois. 180. 
ïhurstin, ar. d'York. 140, 149, 171. 
Timeo charinsime. 119, 149^ 174, 

2^19-20, 236, 274. 
Tombeaux. 57, 64, 68. 
Totum temihi. 120, 135, 176, 189, 

260. 
Transfretare tibi. 12:3, 134, SOj^, 211 . 
Ulger, év. d'Angers. 95 ; 127, 148, 

154-6. 
Vniversis fidelibus. N'est pas d'IIil- 

debert, 137. 
Urbain II, p. 48, 92, 102 ; 138. 
Urbain HI, p., XIII* s. 138. 
Usti pariter (1). 119, 176, 177, 227, 

237-8, 249-51. 
Usu pariter (2). 120, IJfâ, 133, 2i4. 
Virgile. 22, 74, 89; 158, 278-80, 284. 
Virtuti r/ratulor. 45; 118, i49, 172, 

207-8. 
Vita B. M. jEgyptiacse, 67 ; 190, 

285. 
Vita S. Hwjonis. 18, 37, 3S ; 240. 
Vitraux. 62, 78-80. 
Vous ET Tu. 162, 170. 
S. Yves, év. de Chartres. 15, 16, 

31, 42-8, 56, 70, 72, 87, 93-4 ; 126, 

129, 134, 140-3, 151-2, 162-3, 171, 

174, 204, 202, 2(Î5, 269. 
Zelum Legia. 1 19, i49, 109. 



TABLE DES MATIÈRES 



AVANT-PHOPOS. 



PREMIÈRE PARTIE 



VIE d'hildebert 



CHAPITRE PREMIER (Introduction) 

SOURCES DE l'histoire ET BIBLIOGRAPHIE 

I. — Sources diplomatiques. Chartes originales, cartulaires, recueils de 
copies. Tableau des actes datés où figure le nom d*Hildebert. 1 

II. — Sources narratives. Œuvres d'Hildebert et de ses correspondants. 
Lettres, sermons, poésies, etc 14 

III. — Sources narratives. Chroniqueurs. Les Gesta, Orderic Vital, 
chroniques anglaises, normandes, françaises 10 

IV. — Bibliographie moderne. Baronius, Bayle, Le Corvaisier, Bon- 
don net, Maan, Piolin. \j Histoire liltéraire. Hauréau, H.-Duperron, 
P. de Déservillers 28 



CHAPITRE II 

HILDEBERT JUSQU'A LA MORT DU COMTE HÉLIE 

I. — Naissance d'Hildebert. Ses maîtres. Il est écolàtre et archidiacre 
au Mans (Km- 1096) 33 

IL — Il est élu évêque (.\oël'l(l96) contre la volonté du comte du Maine, 
de son suzerain Guillaume le Roux et d'un groupe important de cha- 
noines qui essayèrent d'intéresser à leur cause Yves de Chartres. 
Hildebert passe outre et se réconcilie avec le comte Hélie. . 41 

III. — Hélie est fait prisonnier (10U8) ; expédition de Guillaume le 
Houx dans le Maine. Le Mans occupé par les Angevins. Négociations 
d'Hildebert. Hélie remis en liberté, à condition d'abandonner sa ville 



— 300 — 

à une garnison normande. II tente un coup de main qui échoue (101)9). 
Hildebert, compronns et refusant de démolir la tour de la cathédrale 
qui avait servi de bastion, est emmené par Guillaume en Angleterre. 
Son retour. Mort de Guillaume (2 août 1100). Rentrée d'Hélie au 

Mans 48 

IV. — Voyage d'Hildehert en Italie. A son retour, il reconstruit la 
maison capitulaire, fait rentrer les églises sous son autorité. Ses 
démêlés avec GeofTroy de Vendôme. Bataille de Tinchebray. Ses 
loisirs studieux et ses voyages 59 



CHAPITRE III 

FIN DE L'ÉPISCOPAT D'HILDEBERT 

I. — Mort du comte Hélie ; avènement de Foulques V le Jeune, au 
comté du Maine (1110). Rotrou, comte du Perche, captif de Foulques 
au Mans, fait emprisonner Hildebert par son ministre Hubert (H12). 
Liberation des prisonniers 68 

II. — Hildebert, parti pour Rome, est rappelé pour confondre l'héré- 
siarque Henri. 11 assiste â Télection de Calixte II à Reims (1119). Il 
dédie la nouvelle cathédrale du Mans. Le monument, œuvre du 
moine Jean. Fondation d'une foire en l'honneur de saint Julien. 73 

m. — Hildebert édicté des règlements pour le trésor et pour le 
Chapitre. Rupture des arrangements pris par Henri I*»" et Foulques V 
pour l'avenir du Maine, et concile de Chartres, auquel assiste 
Hildebert. 11 est élu archevêque Tours (1125) 82 

CHAPITRE IV 

HILDEBERT ARCHEVÊQUE DE TOURS 

I. — Description de la Touraine. Droits du comte d'Anjou et du roi de 
France 89 

II. — Louis VI ayant désigné dos titulaires pour les charges de doyen 
et d'archidiacre, Hildebert refuse de les recevoir (112(>-1128). H va 
trouver le roi à Paris ; la régale confisquée 1>2 

IH. — Concile de Nantes (oct. 1127), présidé par Hildebert ; réformes 
adoptées pour la Bretagne. Hildebert à Redon ; réconciliation de 
Téglise ' 96 

IV. — A la mort de Baudry, archevêque de Dol (1130), Hildebert 
demande au Pape qu'il refuse le pallium à son successeur. Histori- 
que de la querelle entre les églises de Tours et de Dol. . . 100 

V. — Hildebert se réconcilie avec la cour de France. Foulques, frère 
du doyen Raoul, se saisit de la personne du chanoine Nicolas. Le 
procès, intenté à Raoul, est évoqué à Rome ; assassinat de Raoul. 



■ ■ ■ • t ^ ■ '■ ■ ^ .. ■ . ■ -- , -- 



— \m — 

llildebert proteste contre Tabus des appels en cour de Rome. Ses 

voyages au Mans 404 

VI. — Mort d'Honorius (1130). Sur les instances de saint Bernard, 
llildebert se décide en faveur d'Innocent II. Il érige Termitage de 
Fontaine-les-Blanches en abbaye. Sa mort 106 

SUPPLÉMENT A LA PREMIÈRE PARTIE 

Note 1. Sur l'époque du sacre d'Hildebert 110 

Note 2. Sur Tépoque du voyage d'Hildebert à Rome. . . . 111 
Note 3. Tableau généalogique 114 



DEUXIÈME PARTIE 

LETTRES D'hILDB:BERT 



CHAPITRE PREMIER (Introduction) 

MANUSCRITS ET ÉDITIONS 

I. — Énumération des manuscrits. Liste des lettres qu'on y rencontre. 
Le petit morceau De Romanis est-il d'Hildebert ?. . . . 115 

II. — - Chronologie des éditions. Beaugendre (1708). . . . 129 

III. -— De l'authenticité des lettres : recensement définitif. Ajouter 
d'après les manuscrits : Inter Carnotensemy Noverit Dileclio ; Cum 
viderit. Supprimer dans Beaugendre : Qtianto desiderio, Universis. 
Accepter d'après lui : Pim et sanctœy De mnlieref Sicut Serieca, 131 

IV. — Classification des lettres. Ordre suivi dans les manuscrits, dans 
les éditions et dans le présent travail 140 

CHAPITRE II 

EXAMEN HISTORIQUE DES LETTRES. LES DATES, 

LES CORRESPONDANTS 

I. — Première série. — Lettres concernant les rapports d'Hildebert avec 
le clergé séculier (tableau). Attributions nouvelles ou peu connues, 
à : Marbode, évêque de Rennes ; Ulger, évoque d'Angers ; Rivallon, 



— 302 — 

archidiacre de Nantes; Geoffroy, évoque de Chartres; Bernai d, 
évèque de S. David ; Robert, évoque de Lincoln ; Guy, écolàtre de 
SaUsbury 148 

II. — Deuxième série. — Lettres concernant les rapports d'Hildebert 
avec le clergé régulier (tableau). Attributions nouvelles ou peu 
connues, à : Pascal II ; l'abbé de Bonneval ; Foulques le Jeune ; 
Roscelin ; saint Bernard. Diverses, à : Geoffroy de Vendôme ; 
l'hérésiarque Henri, le moine prieur Mathieu. Lettres de direction à 
Adèle de Blois et diverses 176 

III. — Troisième série. — Lettres concernant les rapports d'Hildebert 
avec les maisons de Blois, d'Anjou et d'Angleterre (tableau). Attri- 
butions nouvelles ou peu connues, à : Guillaume le Roux ; Geoffroy 
le Bel 202 

IV. — Quatrième série. — Lettres concernant l'histoire du Saint- 
Empire et les rapports d'Hildebert avec la Papauté, la France, la 
Bretagne (tableau). Attributions nouvelles ou peu connues, à: un 
clerc ou prélat italien ; Etienne de Garlande ; Etienne de Montsoreau; 
un prélat romain 214 



CHAPITRE III 

LES LETTRES AU POINT DE VUE DE LA GRAMMAIRE 

ET DE LA LANGUE 

I. — Le texte de Beaugendre. Fautes à effacer et petites rectifications 
de détail d'après les manuscrits. Leçons plus conformes à la gram- 
maire et à la raison 219 

IL — La langue. Elle tend à devenir plus analytique et plus philoso- 
phique. Alliances de mots latins qui représentent des associations 
d'idées nouvelles , et caractère nouveau imprimé à des mots 
anciens 233 



CHAPITRE IV 

PORTRAIT D'HILDEBERT D* A PRÈS SES LETTRES 

I. — La lettre à Guillaume de Champeaux, point de départ pour expli- 
quer les idées d'Hildebert. Après avoir félicité ce maître de ce qu'il 
avait renoncé à l'enseignement par humilité, il lui conseille au nom 
d'une charité supérieure de remonter en chaire. . . . , 241 

IL — S'abstraire de la vie extérieure par un souci exagéré de la perfec- 
tion est une faute. Lettre à l'abbé de S. Vincent, qui se plaignait de 
la peine que lui donnait son administration. Il faut mener de front la 
vie contemplative et la vie active. . 249 



— 303 — 

III. — Éviter, ainsi que les retraites et mortifications inutiles, les actes 
d*une dévotion retentissante. Le pèlerinage n'est pas toujours de 
circonstance; un comte d'Anjou a d'autres devoirs, et, pour qui 
veut se consacrer à Dieu, sa piété s'exercera mieux à la méditation 
des Livres Saints 251 

IV. — Chrétien raisonnable et peu porté au sentiment mystique, 
llildebert tire pourtant de l'Écriture une conception mystique du 
monde. Il jouit, à la façon d'un grand seigneur dilettante, de la 
supériorité que lui donnent sur le vulgaire ses hautes fonctions et Sa 
position de savant 255 

V. — Effets pratiques de cette science. Le Droit Canon. Opinions d'Hil- 
debert sur le mariage, sur la Question. 260 

VI. — - Hildebert homme d'action. Esprit avisé du politique. Sa clientèle; 
les lettres de recommandation 266 

VII. — Il se recommande lui-même à Adèle de Blois pour une chasuble. 
Sa courtoisie à l'égard des femmes. La femme dans le De Qiieri" 
monia 268 

VIII. — L'ami. Lettres à Rainaud et Commeantium^ à récuser comme 
témoignages d'amitié vraie. Lettres à Etienne et à Marbode. 272 

IX. — Après les amis, les confrères en littérature. Congratulations réci- 
proques. Critique littéraire d'après saint Paul. Figures poétiques 
empruntées à la Bible et à l'antiquités 274 

X. — Hildebert et les poètes anciens. Le philosophe Sénèque. Adapta- 
tion au De Clementia. Consolation à Henri l^** d'après Sénèque. 278 

Conclusion. — Hildebert opposé à l'exclusivisme de saint Ber- 
nard 285 

Concordance des numéros des lettres 28R 

Addenda et emendaada. 289 

Index alphabétique. 291 



Extrait de la Revue historique et archéologique du Maine 



Maïiicrs. — Typ. G. Flcury et A. Dangiii. -- 1898. 



nLlbroJrii' A , l*lfiAUf>KT PII,S, rai-if,«S, nii; Bonaparte, 



I 



L* G*cta«ii:e |P.)| ttiiuioii rlvvu do I'ËcdI* dm Uinrle*. F.^m tiiatorii}!» sur l'IiMvI- 
t»«a <tu Cunlauow. lluli'ltai giSfiAial «t Iw AugiHtliics titwplUlibrw, dupul» roi-ltjlan 
lUHiu'i II l)i'*«luli>in, HVcc c-arl>ilHliv gi'nfiral. I" imrtiw : l'IiMet-Dini, ttfKl'ITaA. 
IKKi. I ■•ol, Et. in-f, liitic).* 7 rr ai 

Hanuel de paléographie latin* et trnavalaa du V • bu XTIU' «lèele 
ïuivi il'im (ti.'lioiinaiiRdL-aalirûviationJi. p^r Mïurirt Pntu, UiLlialhccairc ^ U Bîlilii» 
lli^itua NatÙMink, duor fJl fac-tJ'Kjfri mi pho(u'y('i«. Parit. ISIS, S* éJilioo, 1 irut. 
In-B .arr*. hr.. i(l.iuch«. ..._.. . . . , 14 fc 

Hoavean Bsenall de tacaUnllte d'Aoritarsa do XII' aa ZVU* alAda 
iH»iiMci-il& bUof Ht ihinçuis) nccampagrii^s Ui; iroii««ri|ilii)n* par Umirio» fnm, 
l>lt>tlotliA<-Jilr« A \» Bil>liaUiAiiu« NuIIhimIo. farls, iHOH, SS pludlos pb4lilt;piiiii«l 
« li>xli» «Il iiii c*rton m4*, . . ■ 

ManneUda bibliographlv bintorlque. Us Aii:tiiiesilertiiMaw«diiEl 
Cli.-V. U"slfn II H. Sli'iii, 1 ïol. In-B. lyli* w Lrili-, n. i»gn*,àc xiX-IÇlOOfl 

là» France et la grand schiame d'OcoIdsat, pkr Kûi't Vttol*, 
S toi, mJ**, x^x-*ll7-61llp.■lBe» , . 

Haniiel prBtlqoa du BU)l)otM«elre- — Bilillnllijque» (>uUlques, Dibtlâ 
univanillBii-cs, BiUiolhAijoositrid'iM. MiUiH'D'un texi^iM iIm tennii* d 
â* D«s t<ab. Di-nrets. cU;. cuucainant los BitjtlotliAqua«jinlv#mlait«9. da 1£ 
fv Albert Usité, anduii ^liivi' ile t'ËuulD deii H^utca-Ëtutlfs, auua^ibliM 
Sorhonoc. I rai. ûi-B carrû, SIM p., l l'Inn, tii llg. et uimiIjrcuKlaUea 
(oik, non rogné, ._,....,, , 

LaohBlre, prnfMiiuiir iVlitatoIre du mnyvn flse A la rauultil ilei teUrw ^ 
nktolro (lu InsliliilloiM raonaii'^Iquw du lu Fnince «ou* lus (iniuiieit Cl 
(im-naO). »■ 61iU«ii revim Cl «uitmeiiWe, 'i vol. m*, Xiv-a38 ul 378 pi 

- Uiiihiin! <les iHehUillun* maiHiri:hi<[iie9 de la Fniiua «uut les prmien C 
liiifmdru oUuuiinieiiU). éludes Kur l«« acW» d« Louia VU. »& )' isl, 

avci: plancha lie Bvnnui he-ainill^, 

Ouvrugo nuquul l'Ai^siléiVklv <lâs erHeiiOcs muraIeH «1 puliliqaMad 
>riliit(iir« géniale. 

~ Luulx VI lu Gru«, annulM de au vin i>t d« soh r^U |ICI6I-1I,{;|, ntco t 
lion hUtOf'Qtie lUvoloiilM^ii. Ptrlt, ISIXI, f vol. Ih^ (eu ul 3fô peB<s,) 

Raurieii' UiftoirK liliiraire ilii Maine, iiuuvcllo éiUUan. Taris, ISW-tft 
in-ia ....,..,,. 

— !.#< mdUngRc (iMiiques d'Ilililebitrl de Ltvjrdiu. Parla. 1883, 1 ««L ll^S.I 

— Le* nuivr«* du Iluguei du Saint- Victor, tsaù crili'riie. PnrU, IM80, 1 wl, UhBlI 



TviHiBTujihie de G. Klel'iiv ol A. Dangin. — Ifll